Référence :
Uwamariya, A. & Mukamurera, J.
(2005). Le concept de « développement professionnel » en
enseignement : approches théoriques. Revue
des sciences de l’éducation, 31(1), 133-155.
Définition du concept de développement
professionnel :
Les auteures soulignent que le
concept de développement professionnel en enseignement est souvent flou et
polysémique, en ce sens qu’il peut prendre différents sens d’un auteur à un
autre et d’une théorie à une autre et que plusieurs appellations différentes
lui sont associées : formation continue, perfectionnement, développement
pédagogique, développement de carrière, évolution professionnelle,
apprentissage continu, croissance professionnelle, etc. Il existe une confusion
entre le concept de développement professionnel en soi et les moyens par
lesquels il se réalise (par exemple, la formation continue et le
perfectionnement).
Néanmoins, on retrouve deux
principales perspectives quant au développement professionnel : la
perspective développementale et la perspective de professionnalisation. Ces
deux approches s’avèrent complémentaires et toutes deux pertinentes afin
d’expliquer le concept de développement professionnel.
1) Perspective développementale : L’enseignant passe par
différents stades successifs et progressifs au cours de sa carrière. Le
développement professionnel est ici perçu comme un cheminement, une évolution
de l’enseignant. Cette perspective implique des changements chez l’enseignant,
à la fois au niveau de ses comportements, de ses pensées, de ses jugements et
de sa façon d’agir.
« Globalement, le développement professionnel des enseignants,
sous l’angle développemental, implique une démarche axée sur la personne
enseignante, qui subit des changements successifs selon des stades
chronologiques (…) L’approche développementale inscrit donc le développement
dans une logique de linéarité axée sur le parcours de stades successifs
constitutifs du cycle de la carrière.. » (p. 139)
Super (1953) (cité dans Dolan et
al., 1995) identifie cinq phases de développement professionnel (modèle
général, pas nécessairement lié à l’enseignement) : la croissance (de 0 à
14 ans), l’exploration (de 15 à 25 ans, période de choix de carrière),
l’établissement (de 26 à 45 ans, période de stabilisation et d’avancement, le
maintien (de 46 à 65 ans) et le déclin (66 ans et +).
Dans ce modèle de Super, le
développement professionnel est perçu comme étant chronologique et linéaire.
Toutefois, actuellement, les auteures soulignent qu’on ne peut plus percevoir le
développement professionnel de l’enseignant comme étant linéaire, puisque,
l’individu puise à plusieurs expériences qui influencent son développement de
carrière (tâches professionnelles et expériences de la vie courante) et que ce
développement ne se caractérise plus par la stabilité d’emploi.
Nault (1999) identifie 5 phases liées
au processus de socialisation professionnelle : la socialisation
informelle (avant la formation initiale), la socialisation formelle (formation
initiale et stages), l’insertion professionnelle (anticipation, choc de la
réalité, consolidation des acquis), la socialisation personnalisée (formation
continue, expériences, mises à jour) et la socialisation de rayonnement
(autoformation, enseignant associé, conseiller pédagogique, chargé de cours,
etc.).
Zeichner et Gore (1990)
présentent plutôt 3 phases de socialisation : avant la formation initiale,
pendant la formation initiale et après la formation initiale.
Vonk (1988) présente différentes
phases de l’évolution professionnelle : la phase préprofessionnelle (étude
et formation initiale), la phase seuil (première année d’enseignement), la
phase d’acquisition (2 à 7 ans), la phase de réorientation personnelle et
professionnelle (caractérisée par des crises professionnelles et un choix des
méthodes de travail) et la phase d’arrêt progressif avant la retraite.
Huberman (1989) parle plutôt
d’entrée dans la carrière (phase de survie, de découverte et de tâtonnement),
de stabilisation (consolidation pédagogique et aisance), d’expérimentation, de
remise en question, de conservatisme et
de désengagement.
Enfin, Barone et al. (1996)
identifient différents niveaux de développement professionnel des
enseignants : novice, débutant avancé (2e et 3e
année), enseignant compétent et enseignant efficace.
Ainsi, certains auteurs débutent
le développement professionnel avant la formation initiale, d’autres pendant la
formation initiale et d’autres une fois la formation initiale terminée.
Une critique à l’approche
développementale : On reproche à cette approche d’être uniquement
centrée sur l’enseignant et de ne pas tenir assez compte du contexte
professionnel et de l’apport du milieu. Ainsi, les stades de développement ne
peuvent s’appliquer uniformément à tous les enseignants puisque chacun vit son
développement dans un contexte, des conditions d’exercices et un milieu
particuliers avec des besoins qui lui sont propres.
2) Perspective de professionnalisation : L’enseignant maîtrise
progressivement différents savoirs professionnels. Cette perspective peut se
diviser en deux principales orientations :
1) Le développement
professionnel vu comme un processus d’apprentissage : L’enseignant est
alors perçu comme un apprenant qui construit progressivement ses savoirs à
partir de ses expériences pratiques personnelles qui peuvent être à la fois
naturelles, conscientes et planifiées (Day, 1999), collectives et
individuelles. Day (1999), définit ainsi le développement professionnel : « processus par lequel l’enseignant et
ses collègues revoient et renouvellent ensemble leur mission comme agent de
changement, acquièrent et développent les connaissances, les habiletés et les
savoirs essentiels pour un bon exercice professionnel » (Day, 1999, p.
4)
L’enseignant joue un rôle central
quant à son propre développement professionnel et peut employer une diversité
de moyens afin de parvenir à mieux maîtriser son métier et à parfaire ses
connaissances : analyse de situation de pratique, participation à diverses
activités, formation continue, discussions avec les collègues, etc.
« De façon générale, le développement professionnel est vu comme
un processus d’acquisition des savoirs qui provoque, par la suite, des
changements chez l’enseignant ainsi que des nouveautés sur le plan de sa
pratique. » (p. 142)
2) Le développement
professionnel par la recherche ou la
réflexion :
Par la réflexion, l’enseignant
parvient à théoriser ses actions et ses expériences. Schön (1994) parle de
réflexion dans l’action (ajustement en cours de travail) et de réflexion sur
l’action (portant sur les expériences vécues antérieurement). Cette analyse
dans et sur l’action permet à l’enseignant d’orienter sa pratique future et
ainsi de s’améliorer professionnellement. Le développement professionnel
correspond alors à une recherche continue de l’enseignant sur sa pratique
professionnelle (Lieberman et Miller, 1990).
Barone et al. (1996) identifient
trois dimensions autour desquelles s’articule la réflexion critique de
l’enseignant :
1) dimension articulative :
réflexion sur le « quoi savoir » afin de pouvoir enseigner. Cette
réflexion prend appui sur les situations et expériences vécues en classe, ainsi
que sur les programmes à suivre.
2) dimension opérationnelle : l’enseignant se demande
« comment » communiquer les connaissances issues de sa réflexion dans
le cadre de sa pratique
3) dimension politique : le
« quoi » et le « comment » enseigné sont alors associés.
Concepts associés au développement
professionnel :
Selon les auteurs, différents
concepts sont associés à celui de développement professionnel :
Le développement professionnel
peut être associé à la croissance et à l’évolution de l’enseignant ainsi qu’aux
changements vécus par les enseignants : Glatthorn (1995), Raymond, Butt et Townsend,
1992).
Le développement professionnel
est souvent associé à la recherche et à la réflexion : Notamment chez
Lieberman et Miller (1990) et Wells (1993).
Le développement professionnel
est souvent associé aux mécanismes pouvant favoriser celui-ci :
Boucher et L’Hostie (1997), Clement et Vandenberghe (1999), Lafortune et al.
(2001), Parent, Corriveau, Savoie-Zajc,
Dolbec, Cartier, Toussaint, Laurin et Bonneau, 1999).
Le concept de
professionnalisation est associé au développement professionnel :
La professionnalisation implique
que l’enseignant soit capable d’autonomie et de responsabilité, qu’il maîtrise
son métier, qu’il soit capable de prendre des décisions et de résoudre des
problèmes complexes par lui-même et donc qu’il soit apte à agir en tant que
professionnel compétent. La professionnalisation
renvoie à deux principales logiques : la professionnalité (rationalisation
des savoirs et construction des compétences) et le professionnisme (défense des
intérêts, valeurs et statut d’une profession au sein de la société) (MEQ,
2001). Dans cet article, les auteures font davantage référence à l’aspect
professionnalité.
Le développement professionnel
est associé au savoir enseignant et à son actualisation :
Selon Raymond (1993), le savoir
enseignant concerne les savoirs que l’enseignant construit, s’approprie et
transforme dans et par sa pratique ou son expérience. Il faut toutefois noter
que le savoir enseignant est décrit différemment d’un auteur à un autre et
qu’il existe différentes typologies du savoir enseignant.
Shulman (1986) discerne sept
types de savoirs : savoirs relatifs aux contenus scolaires (règles et
valeurs scientifiques étudiés dans une discipline donnée), savoirs relatifs au
curriculum (contenu des programmes d’enseignement), savoirs pédagogiques
généraux (principes généraux et routines de la profession), savoirs
pédagogiques de la matière d’enseignement (connaissances pédagogiques
spécifiques à une matière donnée), savoirs relatifs à la connaissance des
élèves (développement, comportement et apprentissage de l’élève), savoirs
relatifs aux fondements de l’éducation (finalités, buts, valeurs, philosophie
de l’éducation) et savoirs relatifs aux contextes institutionnels et aux
cultures de la communauté (culture de
l’institution).
Tardif, Lessard et Lahaye (1991)
font état de quatre différents savoirs : savoirs disciplinaires (sur la ou
les disciplines enseignées), savoirs curriculaires (sur les programmes d’études
officiels), savoirs de formation
professionnelle (recherches scientifiques et doctrines pédagogiques véhiculées
par les instituts de formation) et savoirs d’expérience (savoirs construits par
l’enseignant au fil de son expérience).
Cochran-Smith et Lytle (1999) en
identifient plutôt trois : savoirs pour la pratique (théories éducatives
et résultats de recherches en sciences de l’éducation), savoirs incorporés dans
la pratique (savoirs subjectifs et personnels produits par et pour la pratique)
et savoirs de la pratique (savoirs construits collectivement par l’ensemble des
acteurs en éducation).
Les auteures soulignent qu’aucune
typologie à elle seule ne peut parvenir à expliquer les savoirs enseignants et
le développement professionnel de manière exhaustive et que les différentes
typologies sont donc complémentaires. C’est par la mobilisation et le
développement de tous les types de savoirs mentionnés que l’enseignant parvient
à se développer professionnellement.
Facteurs favorables ou nuisibles quant au
développement professionnel :
L’engagement de l’enseignant
quant à son propre développement professionnel constitue un facteur favorable.
En outre, le développement professionnel de l’enseignant est favorisé
lorsqu’une culture de collaboration et de coopération est présente dans le
milieu où il travaille (Hargreaves et Fullan, 1992). Enfin, la formation continue
favorise le développement professionnel en offrant à l’enseignant l’occasion
d’apprendre sur différentes thématiques mais également d’échanger avec ses
collègues et de partager ses expériences (Parent et al., 1999).
L’institution a un rôle à jouer
afin de favoriser le développement professionnel des enseignants. En effet,
elle doit s’assurer de mettre en place les programmes d’intervention ou de
soutien nécessaires et de favoriser la formation continue en misant sur le
codéveloppement professionnel et sur la création d’une communauté
d’apprentissage (Vieira Rocha, 2004) et d’une culture de développement
professionnel au sein de l’école (Gouvernement du Québec, 1999).
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