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30 octobre 2013

Le concept de « développement professionnel » en enseignement

Référence :
Uwamariya, A. & Mukamurera, J. (2005). Le concept de « développement professionnel » en enseignement : approches théoriques. Revue des sciences de l’éducation, 31(1), 133-155.
Définition du concept de développement professionnel :
Les auteures soulignent que le concept de développement professionnel en enseignement est souvent flou et polysémique, en ce sens qu’il peut prendre différents sens d’un auteur à un autre et d’une théorie à une autre et que plusieurs appellations différentes lui sont associées : formation continue, perfectionnement, développement pédagogique, développement de carrière, évolution professionnelle, apprentissage continu, croissance professionnelle, etc. Il existe une confusion entre le concept de développement professionnel en soi et les moyens par lesquels il se réalise (par exemple, la formation continue et le perfectionnement).
Néanmoins, on retrouve deux principales perspectives quant au développement professionnel : la perspective développementale et la perspective de professionnalisation. Ces deux approches s’avèrent complémentaires et toutes deux pertinentes afin d’expliquer le concept de développement professionnel.
1) Perspective développementale : L’enseignant passe par différents stades successifs et progressifs au cours de sa carrière. Le développement professionnel est ici perçu comme un cheminement, une évolution de l’enseignant. Cette perspective implique des changements chez l’enseignant, à la fois au niveau de ses comportements, de ses pensées, de ses jugements et de sa façon d’agir.
« Globalement, le développement professionnel des enseignants, sous l’angle développemental, implique une démarche axée sur la personne enseignante, qui subit des changements successifs selon des stades chronologiques (…) L’approche développementale inscrit donc le développement dans une logique de linéarité axée sur le parcours de stades successifs constitutifs du cycle de la carrière.. » (p. 139)
Super (1953) (cité dans Dolan et al., 1995) identifie cinq phases de développement professionnel (modèle général, pas nécessairement lié à l’enseignement) : la croissance (de 0 à 14 ans), l’exploration (de 15 à 25 ans, période de choix de carrière), l’établissement (de 26 à 45 ans, période de stabilisation et d’avancement, le maintien (de 46 à 65 ans) et le déclin (66 ans et +).
Dans ce modèle de Super, le développement professionnel est perçu comme étant chronologique et linéaire. Toutefois, actuellement, les auteures soulignent qu’on ne peut plus percevoir le développement professionnel de l’enseignant comme étant linéaire, puisque, l’individu puise à plusieurs expériences qui influencent son développement de carrière (tâches professionnelles et expériences de la vie courante) et que ce développement ne se caractérise plus par la stabilité d’emploi.
Nault (1999) identifie 5 phases liées au processus de socialisation professionnelle : la socialisation informelle (avant la formation initiale), la socialisation formelle (formation initiale et stages), l’insertion professionnelle (anticipation, choc de la réalité, consolidation des acquis), la socialisation personnalisée (formation continue, expériences, mises à jour) et la socialisation de rayonnement (autoformation, enseignant associé, conseiller pédagogique, chargé de cours, etc.).
Zeichner et Gore (1990) présentent plutôt 3 phases de socialisation : avant la formation initiale, pendant la formation initiale et après la formation initiale.
Vonk (1988) présente différentes phases de l’évolution professionnelle : la phase préprofessionnelle (étude et formation initiale), la phase seuil (première année d’enseignement), la phase d’acquisition (2 à 7 ans), la phase de réorientation personnelle et professionnelle (caractérisée par des crises professionnelles et un choix des méthodes de travail) et la phase d’arrêt progressif avant la retraite.
Huberman (1989) parle plutôt d’entrée dans la carrière (phase de survie, de découverte et de tâtonnement), de stabilisation (consolidation pédagogique et aisance), d’expérimentation, de remise en question,  de conservatisme et de désengagement.
Enfin, Barone et al. (1996) identifient différents niveaux de développement professionnel des enseignants : novice, débutant avancé (2e et 3e année), enseignant compétent et enseignant efficace.
Ainsi, certains auteurs débutent le développement professionnel avant la formation initiale, d’autres pendant la formation initiale et d’autres une fois la formation initiale terminée.
Une critique à l’approche développementale : On reproche à cette approche d’être uniquement centrée sur l’enseignant et de ne pas tenir assez compte du contexte professionnel et de l’apport du milieu. Ainsi, les stades de développement ne peuvent s’appliquer uniformément à tous les enseignants puisque chacun vit son développement dans un contexte, des conditions d’exercices et un milieu particuliers avec des besoins qui lui sont propres. 
2) Perspective de professionnalisation : L’enseignant maîtrise progressivement différents savoirs professionnels. Cette perspective peut se diviser en deux principales orientations :
1) Le développement professionnel vu comme un processus d’apprentissage : L’enseignant est alors perçu comme un apprenant qui construit progressivement ses savoirs à partir de ses expériences pratiques personnelles qui peuvent être à la fois naturelles, conscientes et planifiées (Day, 1999), collectives et individuelles. Day (1999), définit ainsi le développement professionnel : « processus par lequel l’enseignant et ses collègues revoient et renouvellent ensemble leur mission comme agent de changement, acquièrent et développent les connaissances, les habiletés et les savoirs essentiels pour un bon exercice professionnel » (Day, 1999, p. 4)
L’enseignant joue un rôle central quant à son propre développement professionnel et peut employer une diversité de moyens afin de parvenir à mieux maîtriser son métier et à parfaire ses connaissances : analyse de situation de pratique, participation à diverses activités, formation continue, discussions avec les collègues, etc. 
« De façon générale, le développement professionnel est vu comme un processus d’acquisition des savoirs qui provoque, par la suite, des changements chez l’enseignant ainsi que des nouveautés sur le plan de sa pratique. » (p. 142)
2) Le développement professionnel par  la recherche ou la réflexion :
Par la réflexion, l’enseignant parvient à théoriser ses actions et ses expériences. Schön (1994) parle de réflexion dans l’action (ajustement en cours de travail) et de réflexion sur l’action (portant sur les expériences vécues antérieurement). Cette analyse dans et sur l’action permet à l’enseignant d’orienter sa pratique future et ainsi de s’améliorer professionnellement. Le développement professionnel correspond alors à une recherche continue de l’enseignant sur sa pratique professionnelle (Lieberman et Miller, 1990).
Barone et al. (1996) identifient trois dimensions autour desquelles s’articule la réflexion critique de l’enseignant :
1) dimension articulative : réflexion sur le « quoi savoir » afin de pouvoir enseigner. Cette réflexion prend appui sur les situations et expériences vécues en classe, ainsi que sur les programmes à suivre.
2) dimension  opérationnelle : l’enseignant se demande « comment » communiquer les connaissances issues de sa réflexion dans le cadre de sa pratique
3) dimension politique : le « quoi » et le « comment » enseigné sont alors associés.
Concepts associés au développement professionnel :
Selon les auteurs, différents concepts sont associés à celui de développement professionnel :
Le développement professionnel peut être associé à la croissance et à l’évolution de l’enseignant ainsi qu’aux changements vécus par les enseignants :  Glatthorn (1995), Raymond, Butt et Townsend, 1992).
Le développement professionnel est souvent associé à la recherche et à la réflexion : Notamment chez Lieberman et Miller (1990) et Wells (1993). 
Le développement professionnel est souvent associé aux mécanismes pouvant favoriser celui-ci : Boucher et L’Hostie (1997), Clement et Vandenberghe (1999), Lafortune et al. (2001), Parent, Corriveau, Savoie-Zajc,  Dolbec, Cartier, Toussaint, Laurin et Bonneau, 1999).
Le concept de professionnalisation est associé au développement professionnel :
La professionnalisation implique que l’enseignant soit capable d’autonomie et de responsabilité, qu’il maîtrise son métier, qu’il soit capable de prendre des décisions et de résoudre des problèmes complexes par lui-même et donc qu’il soit apte à agir en tant que professionnel compétent.  La professionnalisation renvoie à deux principales logiques : la professionnalité (rationalisation des savoirs et construction des compétences) et le professionnisme (défense des intérêts, valeurs et statut d’une profession au sein de la société) (MEQ, 2001). Dans cet article, les auteures font davantage référence à l’aspect professionnalité.
Le développement professionnel est associé au savoir enseignant et à son actualisation :
Selon Raymond (1993), le savoir enseignant concerne les savoirs que l’enseignant construit, s’approprie et transforme dans et par sa pratique ou son expérience. Il faut toutefois noter que le savoir enseignant est décrit différemment d’un auteur à un autre et qu’il existe différentes typologies du savoir enseignant.
Shulman (1986) discerne sept types de savoirs : savoirs relatifs aux contenus scolaires (règles et valeurs scientifiques étudiés dans une discipline donnée), savoirs relatifs au curriculum (contenu des programmes d’enseignement), savoirs pédagogiques généraux (principes généraux et routines de la profession), savoirs pédagogiques de la matière d’enseignement (connaissances pédagogiques spécifiques à une matière donnée), savoirs relatifs à la connaissance des élèves (développement, comportement et apprentissage de l’élève), savoirs relatifs aux fondements de l’éducation (finalités, buts, valeurs, philosophie de l’éducation) et savoirs relatifs aux contextes institutionnels et aux cultures  de la communauté (culture de l’institution).
Tardif, Lessard et Lahaye (1991) font état de quatre différents savoirs : savoirs disciplinaires (sur la ou les disciplines enseignées), savoirs curriculaires (sur les programmes d’études officiels),  savoirs de formation professionnelle (recherches scientifiques et doctrines pédagogiques véhiculées par les instituts de formation) et savoirs d’expérience (savoirs construits par l’enseignant au fil de son expérience).
Cochran-Smith et Lytle (1999) en identifient plutôt trois : savoirs pour la pratique (théories éducatives et résultats de recherches en sciences de l’éducation), savoirs incorporés dans la pratique (savoirs subjectifs et personnels produits par et pour la pratique) et savoirs de la pratique (savoirs construits collectivement par l’ensemble des acteurs en éducation).
Les auteures soulignent qu’aucune typologie à elle seule ne peut parvenir à expliquer les savoirs enseignants et le développement professionnel de manière exhaustive et que les différentes typologies sont donc complémentaires. C’est par la mobilisation et le développement de tous les types de savoirs mentionnés que l’enseignant parvient à se développer professionnellement.
Facteurs favorables ou nuisibles quant au développement professionnel :
L’engagement de l’enseignant quant à son propre développement professionnel constitue un facteur favorable. En outre, le développement professionnel de l’enseignant est favorisé lorsqu’une culture de collaboration et de coopération est présente dans le milieu où il travaille (Hargreaves et Fullan, 1992). Enfin, la formation continue favorise le développement professionnel en offrant à l’enseignant l’occasion d’apprendre sur différentes thématiques mais également d’échanger avec ses collègues et de partager ses expériences (Parent et al., 1999).
L’institution a un rôle à jouer afin de favoriser le développement professionnel des enseignants. En effet, elle doit s’assurer de mettre en place les programmes d’intervention ou de soutien nécessaires et de favoriser la formation continue en misant sur le codéveloppement professionnel et sur la création d’une communauté d’apprentissage (Vieira Rocha, 2004) et d’une culture de développement professionnel au sein de l’école (Gouvernement du Québec, 1999).
Références citées :
Barone, T., Berliner, D.-C., Blanchard, J., Casanova, U. et McGowan, T. (1996). A future for teacher education. Developing a strong sense of professionalism. In. J. Sikula (dir.), Handbook of research on teacher education (p. 1108-1149). New York, NY : Simon and Schuster.

Boucher, L. P. et L’Hostie, M. (1997). Le développement professionnel continu en éducation. Nouvelles pratiques. Québec : Presses de l’Université du Québec.

Clement, M. et Vandenberghe, R. (1999). Teachers’ professional development : A solitary or collegial (ad)venture) ? Teaching and Teacher Education, 16, 81-101.

Cochran-Smith, M. et Lytle, S.-L. (1999). Relationships of knowledge and practice : teacher learning in communities. Review of Research  in Education, 24, 249-305.

Day, C. (1999). Developing teachers. The challenge of lifelong learning. Londres : Palmer Press.

Dolan, S.L., Lamoureux, G. et Gosselin, E. (1995). Psychologie du travail et des organisations. Montréal : Gaëtan Morin.

Glatthorn, A. (1995). Teacher development. In W. Anderson (dir.), International encyclopaedia of teaching and teacher education (p. 41-46). Cambridge : Cambridge University Press. 

Gouvernement du Québec (1999). Orientations pour la formation continue du personnel enseignant. Québec : Ministère de l’Éducation du Québec.

Hargreaves, A. et Fullan, M.G. (1992). Understanding teacher development. New York, NY : Teachers College Press.

Huberman, M. (1989). Les phases de la carrière enseignante : un essai de description et de prévision. Revue française de pédagogie, 80, 5-16.

Lafortune, L.,  Deaudelin, C., Doudin, P.-A. et Martin, D. (dir.) (2001). La formation continue. De la formation à la réflexion.  Québec : Presses de l’Université du Québec.

Lieberman, A. et Miller, L. (1990). Teacher development in professionnal practice. Teachers College Record, 92(1), 105-121.

Ministère de l’Éducation du Québec (2001). Formation à l’enseignement : les orientations, les compétences professionnelles. Québec : Gouvernement du Québec.

Nault, T. (1999). Les forces d’incubation pour un moi professionnel personnalisé en enseignement. In J.-C. Hétu, M. Lavoie, S. Baillauquès (dir.). Jeunes enseignants en insertion professionnelle (p. 139-159). Bruxelles : de Boeck.

Parent, G., Corriveau, L. , Savoie-Zacj, L., Dolbec, A., Cartier, P. T., Toussaint, P., Laurin, P. et Bonneau, G.A. (1999). Formation continue du personnel enseignant : vers une culture de développement professionnel. In. C. Gohier, N. Bednarz, L Gaudreau, R. Pallascio et G. Parent, L’enseignant : un professionnel (p. 139-143). Québec : Presses de l’Université du Québec.

Raymond, D. (1993). Éclatement des savoirs et savoirs en rupture : une réplique à Van der Maren. Revue des sciences de l’éducation, 19(1), 187-200.

Raymond, D. Butt, R. et Townsend, D. (1992). Contexts for teacher development: Insights from teachers’ stories. In A. Hargreaves Hargreaves, A. et M. G. Fullan, (dir.). Understanding teacher development (p. 143-161). New York, NY : Teachers College Press.

Schön, D. A. (1994). Le praticien réflexif : à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. (Trad. J. Heynemand  et D. Gagnon). Montréal : Éditions Logique.

Shulman, L. S. (1986). Those who understand : Knowledge growth in teaching, Educational Researcher, 15(2), 4-14.

Tardif, M., Lessard, C. et Lahaye, L. (1991). Les enseignants des ordres d’enseignement primaire et secondaire face aux savoirs. Esquisse d’une problématique du savoir enseignant. Sociologie et société, 23(1), 55-69.

Vieira Rocha, E. (2004). Construction d’une communauté apprenante dans le contexte de la réforme : le cas d’un récit de vie d’apprentissage d’une équipe-école au Brésil. Thèse de doctorat, Université de Sherbrooke, Sherbrooke.

Vonk, J. C. (1988). L’évolution professionnelle des enseignants débutants et saes répercussions sur la formation initiale et continue. Recherche et formation 3(3),  47-60.

Wells, G. (1993). Working with teachers in the zone of proximal development : Action research on the learning and teaching of science. Ontario Institute for Studies in Education. Document téléaccessible à l’URL : www.oise.utoronto.ca/gwells/teacherzpd.txt

Zeichner, K.M. et Gore, J. (1990). Teacher socialization. In R. W. Houston (dir.). Handbook of research on teacher education (p. 329-348). New York, NY: Macmillan.

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