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28 juillet 2011

Une liberté fondamentale en périle

Au Canada, depuis que le parti conservateur est au pouvoir, les entraves à la liberté d'expression et les cas de censure se multiplient. Ce gouvernement étant majoritaire depuis le printemps 2011 - ce qui veut dire qu'il peut «régner» pendant au moins quatre ans - on ne peut s'attendre à voir la situation s'améliorer, bien au contraire. Le Canada vit un moment sombre de son histoire sur le plan des libertés fondamentales.

27 juillet 2011

Un projet fragile

En cette fin du mois juillet 2011, le carnage dont a été le théâtre ce pays paisible qu'est normalement la Norvège est un autre exemple du danger de l'extrêmisme (cette fois de droite). Il nous rappelle douloureusement que le respect des différences n'est pas un état dans lequel les sociétés occidentales se sont installées à demeure mais un projet plus ou moins fragile dont il faut s'occuper sans relâche. En fait, tout ce qu'il y a de plus beau et de plus noble dans la démocratie exige de nous un solide engagement afin de laisser le moins de terrain possible aux semeurs de haine et de morts.

22 juillet 2011

La pensée de gauche

À ceux qui croient qu'il n'y a plus moyen de penser le monde autrement qu'à travers les lunettes du néolibéralisme. À ceux qui pensent que la gauche n'a plus rien à dire, je recommande la lecture de l'ouvrage de Razmig Keucheyan «Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques» (2010, Montréal, LUX).

19 juillet 2011

La compréhension selon Hans-Georg Gadamer (1900-2002)

Je tiens à remercier mon collègue et ami le professeur Denis Simard - de la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval (ville de Québec) - pour m'avoir fait connaître l'oeuvre immense de Gadamer. Je reprends ici les caractéristiques de la compréhension chez ce philosophe allemand, caractéristiques que Denis Simard a exposé en 2004 dans son ouvrage Éducation et herméneutique. Contribution à une pédagogie de la culture (Québec, Les Presses de l’Université Laval).

La compréhension a une structure herméneutique circulaire

Toute compréhension comporte une pré-compréhension, une structure d'anticipation qui est à son tour pré-figurée par la tradition dans laquelle vit l'interprète et qui modèle ses préjugés. Cette compréhension préalable peut à son tour se déployer pour elle-même, se comprendre d'une manière explicite. Cette explicitation d'une compréhension préalable, telle est la tâche de l'interprétation. L'idée d'une compréhension comme articulation d'une compréhension préalable correspond à la structure de ce qu’on appelle le cercle herméneutique.

La compréhension s'enracine d'abord dans le passé

La tradition n'est pas une chose que nous pouvons mettre de côté. En vertu du principe du «travail de l'histoire», nous appartenons d'abord à une tradition historique et c'est à partir d'elle que nous abordons les choses. Par exemple, notre connaissance de l'histoire, de l'art, de la science ou des lois morales, notre compréhension de concepts tels que le bien, la vérité, l'objectivité, bref la manière suivant laquelle nous comprenons et nous questionnons le monde, tout cela relève d'abord d'une tradition historique et culturelle. Par conséquent, nos interprétations ne sont jamais neutres mais toujours conditionnées par la tradition dans laquelle nous vivons et qui forme la substance de nos préjugés. La tradition est à la fois ce qui limite notre compréhension et ce qui la rend possible, à la fois ce qui la contraint et ce qui l'ouvre.

La compréhension est toujours linguistique

Si la compréhension est toujours conditionnée par une tradition historique, celle-ci vient à nous à travers le langage. Le langage n'est donc pas un outil neutre, extérieur à l'interprète, mais le véhicule même des traditions interprétatives. La langue parle en nous et nous constitue comme patrimoine de textes et de formes historiquement finies, comme ensemble de règles et comme dialogue interpersonnel. Nous appartenons au langage comme nous appartenons à l'histoire : ni devant, ni derrière, ni au-dessus, mais compris dans l'histoire, et donc compris dans une tradition interprétative et langagière. En ce sens, le «travail de l'histoire» à travers le langage n'est pas entièrement transparent; il dépasse notre subjectivité, la limite et la rend possible. Si l'interprétation est le ressort constitutif de toute activité cognitive et pratique, le langage est le mode d'être privilégié de cette activité interprétante.

La compréhension est toujours productive

La compréhension comporte une dimension productive qui se situe entre la création ex nihilo et la pure reproduction. Si la compréhension s'enracine d'abord dans une tradition interprétative qui la limite et la rend possible, en revanche elle n'est pas que la simple reprise et reproduction de la tradition. La compréhension s'enracine aussi dans le présent, dans les intérêts, les questions et les préoccupations de l'interprète. En ce sens, la compréhension ne loge ni du côté du sujet, ni du côté de l'objet ou de la tradition, mais dans cet entre-deux où le dialogue se noue. Toute compréhension comporte donc une production, à la fois une transformation de soi et de la tradition.

La compréhension comporte une application

Si la compréhension s'enracine aussi dans le présent, dans les questions, les intérêts, les préoccupations et les attentes de sens de l'interprète, en d'autres termes si l'interprète est constitutif de la vérité herméneutique dans son rapport au travail c'est que la compréhension comporte un aspect d'application à soi, une compréhension de soi. Comprendre c'est en quelque sorte traduire dans ses propres termes, appliquer à sa situation présente, trouver un éclairage pour sa vie. Comprendre veut dire avoir réussi à appliquer un sens à notre situation, avoir trouvé réponse à nos questions. Cette application n'a rien d'une application instrumentale; elle relève plutôt d'une recherche de sens à partir de sa situation concrète, recherche de sens qui implique une ouverture à l'autre, et donc la possibilité d'un dialogue véritable.

La compréhension possède la structure logique du questionnement

L'être humain ne dispose pas d’une compréhension achevée et définitive sur le monde; sa rationalité est toujours limitée. De sorte que sa compréhension préalable est aussi un projet, une esquisse, un guide ouvert à des modifications et à des développements. Cette ouverture de la compréhension a la structure logique de la question. On pourrait le dire autrement. Si la compréhension comporte une application à soi, une compréhension de soi, et que l'application consiste dans la recherche d'un sens à notre situation actuelle, alors l'application obéit à la dialectique de la question et de la réponse. Par le questionnement, on s’ouvre à des nouveaux sens, à de nouvelles pratiques.

Un nouveau monde

Un nouveau monde est en train de naître sous nos yeux. Il est complexe, difficile à cerner et, surtout, nous disposons de peu d'outils pour le comprendre car nos outils actuels sont plutôt adaptés à l'analyse d'un ancien monde. Depuis quelques décennies, des penseurs tentent justement de mettre en place de tels outils. Il faut les fréquenter assidûment car la pire posture à adopter devant ce nouveau monde qui naît est celle de ne rien faire, de ne rien penser, celle d'être le jouet de ce monde plutôt qu'un acteur.

15 juillet 2011

L'avenir des sciences humaines et sociales

Les sciences humaines et sociales sont un beau projet, filles des Lumières. Nous pouvons nous réjouir de vivre dans des sociétés qui se donnent encore le «luxe» de se penser de manière critique à travers le regard de ces sciences. Mais, ce projet va-t-il disparaître ? De nos jours, malgré une effervescence indéniable, les sciences humaines et sociales ont perdu énormément de leur pouvoir auprès des décideurs sociaux, culturels, politiques et économiques. Dans un contexte centré principalement sur l'économie et orienté par l'utilitarisme, les sciences humaines et sociales sont vues de plus en plus comme inutiles, voire dangereuses (ne sont-elles pas des sciences «critiques»?). Elles souffrent donc ou bien du peu d'attention et de crédit qu'on leur accorde, ou encore d'une tentative de les réduire à une simple fonction de soutien à la gestion du social ou, pire, elles sont l'objet d'une campagne plus ou moins discrète de mise à mort (par exemple, par la diminution des fonds de recherche ou le faible renouvellement du corps professoral universitaire). Bref, s'il semble exagéré de prétendre que la fin des sciences humaines et sociales est imminente, il apparaît toutefois certain que leur avenir est compromis car elles se trouvent de plus en plus marginalisées.

11 juillet 2011

Une pensée sacrifiée

Ce qui est sacrifié dans la pensée technicienne et utilitariste qui règne actuellement c'est la pensée théorique et spéculative. Notre monde laisse en effet peu de place à une pensée qui ne peut servir à court terme les intérêts économiques ou politiques.

09 juillet 2011

La survie des démocraties

Pendant que l'on voit nombre de peuples des pays arabes tenter de changer leur gouvernement et accéder ainsi à la démocratie, celle-ci, en Occident, est de plus en plus mal en point car atteinte de plusieurs maux : indifférence ou fatalisme d'une part importante de la population, démagogie des politiciens, pouvoir excessif des milieux financiers, etc. Les démocraties sont des modes de gouvernement fragiles et exigeants qui ne peuvent «fonctionner» sans qu'on s'en occupe. Laissées à elle-mêmes, abandonnées par les citoyens, les démocraties meurent au plus grand profit des puissants.

08 juillet 2011

La grandeur des arts

Il y a dans les oeuvres d'art quelque chose qui dépasse ceux qui les font.

Le temps file

Le temps file à vive allure...pas moyen de le retenir...seule consolation, accroître sa sagesse, c'est-à-dire apprendre à n'être plus rien, apprendre à mourir, laisser derrière ses vanités...toujours apprendre jusqu'au bout.

07 juillet 2011

Recherche, enseignement, formation

Dans ce court texte, nous parlerons de la formation des enseignants et des enseignantes à l'université. Un tel sujet vaste et complexe ne peut bien sûr être traité dans son entier à l'intérieur d'un court texte; cela commanderait un développement beaucoup plus long. C'est pourquoi nous n'aborderons ici qu'un des aspects du problème : la question de la recherche en éducation, plus particulièrement la recherche en enseignement. Nous plaiderons pour la nécessité de la recherche au moment même où plusieurs nous invitent à glorifier la seule pratique.

Depuis plus d'une décennie déjà la formation des enseignants est l'objet de remises en question, on la soupçonne même parfois d'être, si ce n'est inefficace, à tout le moins mal adaptée aux réalités de la pratique. Dans le but de réagir à ce courant, certaines universités québécoises ont remodelé leurs programmes de formation des maîtres afin de mieux répondre aux demandes et besoins des étudiants et des milieux d'enseignement : par exemple, on fait désormais plus de place à la formation pratique par le biais d'un plus grand nombre d'heures de stage en classe. Ces changements, du moins on le présume, ont tous pour objectif général de former des enseignants toujours plus compétents. Il ont comme caractéristique commune d'accroître la place de la formation pratique à l'intérieur du curriculum. Ce virage était nécessaire. Mais nous percevons ici un danger : ce virage vers la pratique pourrait-il se faire aux dépens de la recherche ?

Dans ce débat sur la qualité de la formation universitaire des enseignants et des enseignantes, il semble bien que la recherche en éducation ait été perçue par plusieurs non pas comme un élément positif mais plutôt comme un frein. Pourtant, si une bonne formation professionnelle requiert à n'en pas douter une confrontation avec la "réalité du terrain" (par exemple à travers les stages), elle est loin de s'y réduire. Toute formation universitaire doit s'appuyer sur un corpus de connaissances formalisées ou modélisées.

Ainsi, le danger inhérent à la situation actuelle - caractérisée, rappelons-le, par un manque recurrent d'argent - est de reléguer la recherche en enseignement au dernier rang des priorités. Déjà l'enfant pauvre de la recherche universitaire, la recherche en éducation ne souffre pas d'un excès de popularité auprès des milieux de la pratique. On connaît les doléances : recherches trop "pointues" ou inapplicables en classe, problématique sans intérêt pour les enseignants, peu d'implication des praticiens dans le processus même de la production de connaissances, etc. Or, si certains de ces reproches sont fondés, il n'en découle pas selon nous qu'il faille rejeter la recherche pour autant.

À notre avis l'un des défis majeurs de la formation des maîtres dans les prochaines années sera de faire mentir ces allégations et de concilier recherche et formation, recherche et pratique. Un défi énorme qui nous renvoie à la pertinence de maintenir la formation des maîtres dans les facultés d'éducation. En fait, nous sommes ici au coeur même d'un vieux dilemme irrésolu de la formation des maîtres à l'université où deux logiques se côtoient sinon s'opposent : production de connaissances ou formation de praticiens compétents ?

On le sait donc pour l'avoir entendu ad nauseam la recherche a trop longtemps assez peu profité aux étudiants et praticiens. Il s'en est suivi une situation où le secteur de la recherche et celui de la pratique fonctionnent comme deux solitudes. Il s'en est suivi aussi une situation où un bon nombre d'enseignants et d'enseignantes soutiennent que leur formation universitaire ne leur a été d'aucune utilité dans l'apprentissage de l'enseignement. Cette absence de coopération et de coordination ne profite à personne et, finalement, nuit à tous. Les enseignants se voient coupés d'une partie de la connaissance produite en éducation et les formateurs et chercheurs universitaires perdent l'appui précieux des milieux de pratique. Chacun, en quelque sorte, produit "sa connaissance" en vase clos, loin du regard de l'autre; peu de dialogue, peu de rencontre. Pourtant, tel n'était pas le souhait de la commission Parent.

En effet, la formation des enseignants à l'université n'a qu'à peine 35 ans. Au fondement même de ce changement majeur que fut le transfert de la formation des maîtres des écoles normales aux universités se trouvait l'idée d'une formation mieux adaptée aux exigences d'une société moderne, pluraliste, tournée vers les sciences et la technologie, une formation qui donnerait aux écoles québécoises des enseignants plus compétents, plus efficaces, connaissant mieux la pédagogie. Dans les années soixante, au moment de la rédaction du Rapport Parent, la recherche apparaissait comme un point d'ancrage nécessaire à toute formation de professionnels de qualité.

Qu'en est-il aujourd'hui de cette idée ? On ne peut que constater sa difficulté à s'imposer. Nombreux sont encore ceux qui croient que l'enseignement s'apprend uniquement par la pratique et que tout autre élément n'est que pure perte de temps. En effet, la recherche en éducation dans les facultés d'éducation n'a pas su faire la preuve indubitable de sa valeur et de sa nécessité. Peut-être parce que, trop occupée à analyser les comportements des apprenants ou encore à critiquer le système d'éducation comme agent de reproduction des inégalités sociales, elle a oublié la pédagogie et, partant, le travail même de l'enseignant et de l'enseignante en classe.

Or, depuis quelques années il semble y avoir un vent favorable au rapprochement et à la collaboration entre le monde scolaire et le monde universitaire : on pense par exemple aux recherches collaboratives et aux écoles associées. Chacun reconnaît de plus en plus qu'il ne gagne rien à rester sur son "quant à soi". Par conséquent, l'idée d'une collaboration étroite et soutenue fait son chemin. Mais, il faut le dire, cette tendance est encore assez timide et peu de recherches intègrent vraiment les enseignants dans la production de connaissances. Les modes de conduite des recherches universitaires sont encore mal adaptés à la collaboration avec les milieux de pratique. Pour leur part, les enseignants et les enseignantes ne sont pas toujours gagnés à l'idée de devenir eux-mêmes "chercheurs" et n'ouvrent souvent qu'avec réticence les portes de leur classe. Bien des embuches se dresseent : méfiance des acteurs les uns envers les autres, inertie des structures, ou, plus simplement, manque de temps dans un horaire déjà trop chargé. À cela s'ajoute un contexte de compressions budgétaires qui n'encourage en rien les initiatives audacieuses. Pourtant, il apparaît que recherche et pratique, recherche et formation sont de plus en plus inextricablement liées.

En effet, les pressions sur le système d'enseignement s'accroissent chaque jour d'avantage. "Il faut rendre notre système d'enseignement plus efficace et augmenter la réussite scolaire". Qui n'a jamais entendu cette exhortation ? Or, depuis une dizaine d'années dans le monde de l'éducation, on considère de plus en plus que l'un des moyens (c'est loin d'être le seul) par lequel cette efficacité peut être atteinte passe par une formation des maîtres de haute qualité. Sur cela tous s'entendent. Là où le bât blesse et où tout devient plus complexe, et par conséquent moins consensuel, c'est lorsqu'il faut identifier les moyens à prendre pour améliorer la formation universitaire des futurs enseignants.

Nous pensons pour notre part qu'une partie de la réponse se trouve dans la poursuite de la recherche en enseignement. Qu'entendons-nous par là ? La recherche en enseignement est une recherche davantage orientée vers le service à la formation professionnelle que vers la production de la connaissances désintéressées. La recherche en enseignement vise à outiller le futur enseignant afin de l'habiliter à faire face aux réalités de la classe. Mais, à n'en pas douter il y a à ce chapitre beaucoup de travail à faire. Par conséquent, pour nous, une formation de qualité ne passe certainement pas par l'abandon de la recherche, bien au contraire. Dans toute discipline, les savoirs issus de la recherche constituent la base sur laquelle s'appuie la formation professionnelle.

Écartons tout de suite un malentendu possible. Nous ne disons pas qu'il faut cesser de faire de la recherche fondamentale en éducation et que les chercheurs doivent s'inféoder aux exigences et besoins des milieux de la pratique. Non. Seulement, une partie de la recherche en éducation - celle qui porte plus spéficiquement sur l'enseignement - doit être stimulée afin qu'accroître la connaissance de cette profession, afin d'augmenter la maîtrise de cette pratique. Nous connaissons toujours si peu cette activité tellement complexe qu'est l'enseignement.

Certains nous réponderont peut-être : "Mais la recherche occupe justement trop de place dans le milieu universitaire au détriment de l'enseignement". C'est un fait que la croyance qui associe recherche et mauvais enseignement à l'université est très tenace parmi les étudiants, surtout ceux au premier cycle. Mais, lorsqu'on y regarde de plus près, aucune raison ne justifie cette croyance. Pour l'étayer il faudrait prouver de manière évidente que les professeurs qui sont actifs en recherche sont ceux qui reçoivent les moins bonnes évaluations par les étudiants. Rien n'est moins sûr.

Selon nous, il faut au contraire accroître la recherche en éducation. Mais, nous dira-t-on avec raison, les fonds sont justement de moins en moins importants et de plus en plus difficiles à obtenir. Certes, il s'agit là d'un problème récurrent depuis quelques années. Et, il ne semble pas qu'il doive disparaître sous peu. Que faire ? Nous n'avons pas de solution. Constatons seulement que, de plus en plus, milieux de formation et milieux de pratique prennent conscience de la nécessité de créer et d'entretenir des liens. Mais créer des liens c'est dialoguer avec non pas se soumettre à l'autre. C'est pourquoi, si les milieux de pratique doivent prendre leur place comme producteurs de savoirs pédagogiques, les milieux universitaires n'ont pas à s'engouffrer aveuglément dans la prestation de services trop étroitement liés au besoins immédiats du monde scolaire. Il y a ici une recherche d'équilibre nécessaire.

Plaider pour la recherche en enseignement aujourd'hui c'est donc plaider pour une formation de meilleure qualité. Mais, plaider pour la recherche en enseignement c'est aussi plaider pour un changement à la fois dans les relations entre milieux de pratique et milieux universitaires et dans le contenu et la manière de conduire certaines recherches. Qu'après trois décennies de formation des maîtres à l'université nous en soyons encore a tenter de prouver la pertinence de la recherche pour la pratique montre à quel point il y a urgence d'agir. Il faut en finir avec ce climat de méfiance ou d'ignorance entre enseignants et formateurs de maîtres.

En éducation une partie - une partie seulement car la recherche dite fondamentale ne doit pas disparaître - des recherches doit se tourner vers l'étude de la profession enseignante dans une optique pratique. Ce regard sur l'activité enseignante, bien que visant un objectif de connaissance, doit surtout viser l'efficacité de la pratique, la compétence du professionnel. Il s'agit en fait de concilier deux logiques différentes : celle de la recherche et celle de la pratique. Ces deux logiques trop longtemps opposées auraient avantage désormais à concourir au même but : la compréhension du métier dans une visée de formation de praticiens compétents. Il y a là un énorme défi auquel nous sommes tous conviés afin de faire de l'enseignement une profession mieux connue et davantage reconnue.

06 juillet 2011

Petite enquête sur les débuts en enseignement

Introduction
Les débuts dans la profession sont toujours l’occasion d’un choc pour le nouvel enseignant. Ce choc du «terrain» s’accompagne généralement de la sensation d’être vulnérable. C’est pourquoi on qualifie l’entrée dans la carrière de «période de survie». Durant leurs premières années, de nombreux enseignants éprouvent ainsi de multiples difficultés dans leur quête d’accomplissement professionnel. Ce court texte rend compte des résultats préliminaires de deux recherches subventionnées par le Fonds Institutionnel de Recherche (FIR) : Le sentiment d’incompétence pédagogique chez les enseignants du secondaire en situation d’insertion professionnelle : une étude exploratoire (1999-2000) et Les mesures de soutien à l’insertion professionnelle pour les nouveaux enseignants des écoles secondaires de la grande région de Trois-Rivières (2000-2001). Dans la première, l’objectif général était de mettre au jour la nature et les caractéristiques du sentiment d’incompétence tel que vécu par les enseignants nouvellement en exercice dans les écoles secondaires québécoises. Plus spécifiquement, il s’agissait : 1) d’analyser l’interprétation des nouveaux enseignants quant à l’incompétence ressentie dans leur pratique professionnelle ; 2) d’identifier les champs d’action où ces enseignants vivent un sentiment d’incompétence ; 3) de déterminer les effets du sentiment d’incompétence pédagogique sur la pratique en classe ; 4) de mettre au jour les stratégies mobilisées par les enseignants afin de palier ou d’éviter les situations d’enseignement où le sentiment d’incompétence peut apparaître. Dans la deuxième, nous avons tenté de répondre à la question suivante : Quelles sont les mesures de soutien apportées par les administrations scolaires et comment fonctionnent-elles ? Plus spécifiquement, nous poursuivions trois objectifs : 1) décrire et analyser les conceptions de la compétence et du défaut de performance pédagogique (incompétence) telles que formulées par les directions d’établissements scolaires; 2) décrire et analyser les processus de soutien des nouveaux enseignants; 3) à partir des données recueillies, et en relation avec la littérature pertinente, formuler une problématique des exigences de compétence pédagogique et du soutien à l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants de l’ordre d’enseignement secondaire.
1. Problématique
1.1 SUR L’INSERTION PROFESSIONNELLE
L’enseignant débutant dans la carrière se trouve devant un double défi. D’abord, il doit réaliser son insertion sur le plan institutionnel. Ensuite, il doit ajuster ou développer rapidement plusieurs savoirs et plusieurs compétences à la situation concrète d’intervention où il se trouve. Ainsi, tout en apprenant à connaître son lieu de travail et ses collègues, il continue d’apprendre son métier. Ce double défi peut facilement conduire le débutant à adopter un comportement traditionnel et peu novateur, en d’autres termes l’amener à se soumettre à la pression à la conformité venant du milieu de travail.
Les recherches portant sur la socialisation professionnelle des enseignants montrent à l’évidence que l’entrée dans la carrière est une étape déterminante (Zeichner et Gore, 1990). Le débutant doit se construire une représentation adéquate et fonctionnelle de son environnement de travail et ce, non plus à partir du point de vue d’un élève (qu’il a été) mais à partir de celui d’un enseignant (qu’il est maintenant). En ce sens, l’insertion professionnelle est un véritable processus de transformation identitaire (Martineau et Corriveau, 2000). Dans ce processus, il n’est pas rare que le nouvel enseignant se sente bousculé dans ses croyances construites depuis son entrée à la maternelle jusqu’à sa sortie de l’université (Wideen, Mayer-Smith, Moon, 1998). Persuadé de pouvoir s’adapter rapidement à son nouvel emploi, il déchante souvent très rapidement.
Les premières années dans la profession exercent ainsi une influence considérable sur la suite de la carrière. Dans les cas les plus dramatiques, des débuts difficiles peuvent conduire le nouvel enseignant à abandonner complètement l’enseignement. À l’inverse, s’insérer dans un contexte de travail agréable et stimulant accroît très souvent le désir d’engagement professionnel. «Les débuts dans l’enseignement jettent les bases de la dynamique motivationnelle qui animera l’enseignant» (Raymond, 2001, p. 23). Par ailleurs, les premières expériences de travail en milieu scolaire fournissent une large part des matériaux qui constituent la base de connaissances pédagogiques personnelles. En ce sens, la période d’insertion au travail n’est pas sans exercer une influence sur le développement professionnel ultérieur du praticien (Huberman, 1989). Ajoutons à cela que cette période de la carrière se fait la plupart du temps sous le sceau d’une précarité d’emploi qui peut parfois se prolonger durant plusieurs années (Mukamurera, 1999). Cette situation n’est pas sans entraîner toute sorte de désagréments : plusieurs préparations de cours différentes; prise en charge de classes dans différents niveaux; contrat signé à la dernière minute laissant peu de temps pour se préparer; multiple changements de lieu de travail, etc. Dans ces conditions la constitution de la base de connaissances pédagogiques personnelles devient plus ardue. Par exemple, chaque nouveau contrat peut être l’occasion d’un recommencement «à neuf» où le débutant vit plus profondément que l’enseignant régulier la remise en cause de ses connaissances et de ses compétences. Pas étonnant que, dans ces conditions, de trop nombreux enseignants à l’aube de leur carrière se sentent littéralement dépassés par la tâche à accomplir.
1.2 SUR LE SENTIMENT D’INCOMPÉTENCE PÉDAGOGIQUE
Le débat actuel sur la professionnalisation de l’enseignement pose, entre autres, que l’enseignant possède une certaine autonomie professionnelle et dispose de compétences pédagogiques (Gauthier et al., 1997). Cette autonomie et ces compétences doivent dans la pratique être mobilisées afin de produire un effet sur les apprentissages et la socialisation des élèves : l’effet enseignant (Felouzis, 1997). Par conséquent, il semble légitime de poser la question de la responsabilité de l’enseignant en regard de l’apprentissage et de la socialisation des élèves. Si l’école, en tant qu’institution, ne peut éviter de poser cette question, il va sans dire que, tôt ou tard, cette interrogation, les enseignants se la posent eux-mêmes.
L’enseignement est un métier de l’impossible, une pratique exercée dans l’incertitude, où cohabitent diverses dimensions des rapports humains (Perrenoud, 1996). Il ne peut en effet se résumer à une tâche purement cognitive car les variables affectives, relationnelles, stratégiques, éthiques, etc., le traversent (Tardif, 1993). Or, l’enseignement, ces dernières années, s’est considérablement complexifié notamment en raison de l’alourdissement des tâches des enseignants et de la diversification des clientèles scolaires (Robert et Tondreau, 1997). Cette situation place l’enseignant devant des circonstances inédites auxquelles sa formation universitaire ne l’avait souvent pas préparé. Et, comme l’a démontré Schütz (1987), notre capacité à faire face aux événements est fortement liée au «stock de connaissances» que nous possédons, lequel s’appuie sur nos expériences antérieures. Dans ce contexte, l’interrogation sur l’effet enseignant acquiert une nouvelle pertinence et la question de la responsabilité du praticien quant aux apprentissages et à la socialisation des élèves se pose d’une manière inédite. Cette conjoncture est propice à l’émergence chez les enseignants du sentiment d’être débordé, de n’être pas en mesure de suffire à la tâche, de ne plus pouvoir produire l’effet escompté, bref, de ressentir un sentiment d’incompétence pédagogique.
On a traditionnellement traité l’incompétence professionnelle sous l’angle de la gestion scolaire (Bridges, 1993; Seyfarth, 1996). Selon cette vision, ce sont les fautes professionnelles graves – conduisant potentiellement au renvoi – telles l’incapacité à maintenir un contrôle sur la classe ou à traiter les élèves de manière appropriée, l’incapacité à transmettre efficacement la matière, le refus de suivre le programme scolaire, l’abus envers les élèves ou le manque excessif de ponctualité, qui sont analysées. Ces recherches tentent ainsi de dégager un portrait des cas d’incompétence professionnelle afin de déterminer les meilleures mesures à prendre envers les enseignants impliqués. Or, outre le fait que ces recherches n’abordent pas la question du sentiment vécu par ces enseignants, les problèmes soulevés, selon Bridges (1993, p. 2), ne concerneraient que 5 % du corps professoral. C’est dire que les autres (les 95 %) peuvent être jugés compétents. Cela n’implique toutefois pas que, dans la trame des micro-événements de la classe et de l’école, ceux-ci se sentent toujours à la hauteur de ce qu’on attend d’eux et surtout, de ce qu’ils attendent d’eux-mêmes.
Pourtant, le sentiment de compétence apparaît comme un élément capital dans l’efficacité de l’enseignant. La psychologie cognitive a en effet montré que la perception de la contrôlabilité de la tâche est une dimension essentielle de la motivation (Tardif, 1992) et cette dernière s’avère une variable incontournable dans la réalisation adéquate d’un travail. On peut donc a contrario postuler que le sentiment d’incompétence sera associé au sentiment de n’être pas en contrôle sur la tâche à accomplir et nuira à la motivation au travail. Les premières années du métier étant celles de l’insertion professionnelle et du nécessaire ajustement qu’elles impliquent, les enseignants en début de carrière seront de toute évidence les plus susceptibles de ressentir un tel sentiment d’incompétence. Par exemple, Grossman et Gudmundsdottir (1987) ont montré que l’acquisition de l’expérience en enseignement permet de raffiner et de rendre plus explicites les modèles de l’enseignement d’une matière. Ainsi, les enseignants expérimentés sont plus à même de résoudre les problèmes en classe notamment en raison de leur plus grande capacité à cerner les préconceptions et les stratégies des élèves.
Mais, comment circonscrire le concept d’incompétence pédagogique ? Si la définition du concept de compétence pose problème en enseignement (Rey, 1996), il en va bien sûr de même pour son inverse : l’incompétence. Toutefois, afin de baliser le terrain il est possible ici de se donner quelques repères. D’abord, on définira l’incompétence pédagogique non pas comme une incapacité physique ou mentale, une faute criminelle (abus, alcoolisme, etc.) ou une faute déontologique au sens de la Loi de l’Instruction publique (L.R.Q. chapitre 1-13.3) mais en fonction d’une absence ou d’une faiblesse dans le contrôle de la tâche à accomplir. Ensuite, cette absence ou cette faiblesse à contrôler une tâche pédagogique sera déterminée non pas a priori en fonction d’une représentation normative de la pratique enseignante mais à partir de l’interprétation que s’en font les enseignants eux-mêmes. L’incompétence pédagogique est ici définie comme étant une absence ou une faiblesse dans le contrôle ou l’exécution de la tâche professionnelle, tel que perçue par le jeune enseignant lui-même. Par le fait même, le concept de sentiment d’incompétence pédagogique renvoie donc au vécu cognitif et émotionnel lié à l’évaluation de la contrôlabilité de la tâche tel que mis en discours par les enseignants interviewés.
2. Sujets rencontrés et méthodologie
Dans les deux recherches présentées ici, nous avons eu recours à une approche qualitative reposant sur des entrevues de type semi-directif. Dans un premier temps, à l’automne 1999, treize enseignants (5 hommes et 8 femmes dont la moyenne d’âge est de 29 ans), ayant cinq années ou moins d’expérience et occupant un poste à temps plein dans une école secondaire de la grande région de Trois-Rivières, ont été interviewés. Les rencontres ont duré généralement 1h10. Les propos des sujets ont été comme de coutume retranscrits sous forme de verbatims.
Dans un deuxième temps, en janvier et février 2001, nous avons interviewé six membres de directions d’écoles : quatre directions d’écoles secondaires générales, deux directions d’écoles techniques professionnelles. Nos sujets se répartissaient à part égale entre les deux sexes (3 hommes, 3 femmes). Les rencontres, plus brèves qu’avec les enseignants novices, ont duré en moyenne 30 minutes. Les propos des sujets ont également été retranscrits sous forme de verbatims. Dans les deux sections qui suivent nous présentons les résultats de l’analyse préliminaire de ces 19 entrevues.
3. Quelques pistes en regard des entrevues avec les enseignants
Nous n’en sommes qu’au tout début de l’analyse du matériel recueilli. Un survol rapide du contenu des entrevues indique néanmoins quelques éléments intéressants. Premièrement, le sentiment d’incompétence pédagogique peut se ressentir tout autant dans les tâches liées au travail en classe avec les élèves que dans celles s’effectuant en dehors de cette enceinte protégée (sortie avec son groupe, travail avec les collègues, etc.). Mais, les dimensions relevant de la pratique en classe en présence du groupe d’élèves sont nettement dominantes. Deuxièmement, lorsqu’il survient en classe, le sentiment d’incompétence peut être associé à la gestion de la matière ou à la gestion du groupe d’élèves (selon un découpage de la tâche enseignante devenu classique). On note cependant – et cela va dans le sens des recherches sur l’insertion professionnelle – une prépondérance certaine des questions liées à la gestion de classe sauf dans le cas où le sentiment d’incompétence pédagogique prend son origine dans le fait d’enseigner une matière qu’on ne maîtrise pas (par exemple, être formé en mathématiques et biologie et enseigner l’écologie). Troisièmement, et de la même manière, ce sont tout autant des activités pré-actives, interactives ou post-actives (Gauthier, Desbiens, Martineau, 1999) qui peuvent être la source de ce type de sentiment : difficultés à construire des outils pédagogiques ou des activités d’apprentissage, sentiment ou impression que l’on «ennuie» le groupe, dilemmes portant sur les modalités d’évaluation, etc. Quatrièmement, l’incompétence pédagogique, on l’attribue parfois à soi – manque d’expérience par exemple – ou à une cause extérieure – une formation initiale qui ne prépare pas adéquatement, l’impossibilité de «gérer» la situation adéquatement compte-tenu des ressources (matérielles ou humaines) disponibles, des élèves trop «problématiques», etc. Cinquièmement, le sentiment d’incompétence pédagogique ne donne pas toujours lieu à des stratégies pour le surmonter. L’attitude semble souvent être teintée d’un certain fatalisme : «ça va passer avec le temps»; «je ne peux rien y faire». Toutefois, dans plusieurs situations les enseignants enclenchent des actions concrètes pour résoudre la difficulté : consulter un collègue plus expérimenté; mettre les bouchées doubles pour acquérir des connaissances sur une matière avec laquelle on est «moins à l’aise», etc. Il faut cependant constater – et cela ne surprendra personne – que la recherche (à tout le moins ses résultats publiés sous forme d’ouvrages ou d’articles) n’est ressortie à aucun moment comme source de référence pour développer des stratégies de résolution de problèmes liés au travail. Sixièmement, en tant que représentation et évaluation de soi (comme pédagogue) et de l’efficacité de son action face à une situation donnée, le sentiment d’incompétence pédagogique apparaît étroitement lié à une représentation normative du bon enseignant construite par les nouveaux enseignants. En ce sens, le sentiment d’incompétence pédagogique est également associé à la pression à la conformité qui vient du milieu de travail. En somme, la socialisation au travail apparaît bel et bien comme étant tout à la fois une «initiation» (au sens anthropologique du terme) à la culture professionnelle et une «conversion» (au sens religieux) du sujet à une nouvelle représentation du monde et de soi. Les sujets interviewés ont vécu durant leurs premières années un processus complexe de transformation en profondeur de leur identité professionnelle.
À travers l’expression de leur sentiment d’incompétence pédagogique, les enseignants rencontrés expriment aussi leurs besoins en matière de soutien à l’insertion professionnelle. Ces besoins concernent avant tout les savoirs pédagogiques. Ainsi, ils souhaitent obtenir des conseils sur les meilleures stratégies pour maintenir la discipline en classe ou encore qu’on leur prodigue de «bons trucs» pour susciter la motivation à apprendre chez les élèves. De plus, ils souhaiteraient recevoir une formation pour mieux maîtriser l’évaluation formative et sommative des travaux des élèves. En ce qui concerne leur identité professionnelle, on peut affirmer que, même si l’abandon de la probation depuis 1998 a contribué à clarifier le statut des débutants (Lévesque et Gervais, 2000), les nouveaux enseignants désirent être reconnus par les enseignants chevronnés comme des collègues à part entière. Ils répugnent ainsi à être traités de manière condescendante mais reconnaissent qu’ils ont des «croûtes à manger».
4. Quelques pistes en regard des entrevues avec les directions d’écoles
4.1 ATTENTES ENVERS LES ENSEIGNANTS NOVICES
Dans l’ensemble, les propos des directions d’écoles interviewés touchent presque tous les thèmes auxquels on s’attendait notamment, les connaissances professionnelles, les compétences professionnelles, l’éthique par rapport aux élèves mais aussi aux autres intervenants de l’école; ils touchent aussi la question de l’insertion dans la communauté scolaire et la formation continue.
Les éléments qui suivent font état des points de convergence au niveau des attentes envers les enseignants novices exprimées par les directions d’écoles. Les directions d’écoles attendent des nouveaux enseignants :
- qu’ils soient capables d’aimer et d’établir de bons contacts avec les élèves ainsi qu’avec leurs pairs;
- qu’ils soient capables de préparer, de planifier et de transmettre adéquatement des cours à donner aux élèves;
- qu’ils possèdent une capacité à transmettre les connaissances;
- qu’ils fassent preuve qu’une très bonne maîtrise des contenus à enseigner;
- qu’ils aient, dès leur embauche, des compétences pédagogiques actualisées, c’est-à-dire adaptées aux nouvelles réalités éducatives (réforme, nouveau curriculum, régime pédagogique, etc.);
- qu’ils possèdent des habiletés au niveau des nouvelles technologies informatiques pour pouvoir les utiliser et y entraîner les élèves;
- qu’ils se distinguent des élèves par leurs comportements, c’est-à-dire, qu’ils soient des modèles pour les élèves (une bonne tenue en classe, habillement correct, bonne diction, respect des règlements de l’école); afin de ne pas être confondus avec des élèves;
- qu’ils développent un style personnel, qu’ils soient sûrs d’eux-mêmes (confiance en soi), de ce qu’ils font tant dans la gestion de la matière qu’en gestion de classe;
- qu’ils maîtrisent les compétences par rapport à la gestion de classe afin d’intervenir adéquatement en matière de la discipline;
- qu’ils possèdent une bonne connaissance des outils pédagogiques et des techniques d’enseignement intégrées comme l’apprentissage coopératif;
- qu’ils soient capables de s’impliquer, de partager et de participer à la vie de l’école;
- qu’ils soient des gens disciplinés, par rapport à leur profession et surtout par rapport au code de vie de l’école;
- qu’ils soient capables de travailler en équipe.
4.2 ACCUEIL DES NOVICES
En général, le processus d’accueil des nouveaux enseignants n’est pas formel ni planifié comme tel. Les propos recueillis de toutes les directions d’écoles convergent sur les éléments suivants :
- les novices ont droit à une période d’accueil et de rencontres avec la direction de l’école ou par un membre du personnel de la direction (connaissance mutuelle, échange sur le vécu de l’école, sur les activités, la culture organisationnelle de l’école);
- ensuite, les nouveaux sont présentés à l’équipe enseignante de l’école;
- s’ajoute régulièrement à cela une visite de l’école;
- par ailleurs, on explique : les règlements à respecter, le programme d’études, le fonctionnement de l’école, le projet éducatif;
- enfin, dans certain cas il y a parrainage ou jumelage des nouveaux avec des «anciens» selon le domaine et le niveau d’enseignement. Le parrain a pour tâches d’initier le nouveau à la préparation des cours, au suivi des élèves, au travail à faire pendant et après l’enseignement.
4.3 PROBLÈMES RENCONTRÉS PAR LES NOVICES
Il semble que les nouveaux enseignants éprouvent souvent certains problèmes. Les propos des directions convergent sur les thèmes suivants :
- l’incapacité d’assurer la discipline en classe, c’est-à-dire, la difficulté à maîtriser un groupe d’élèves (parce qu’ils se font «chum» avec les élèves et parce qu’ils ne sont pas souvent disciplinés eux-mêmes);
- plusieurs réticences à demander de l’aide quand ils sont confrontés à des problèmes d’ordre professionnel, réticences qui peuvent s’expliquer par la crainte d’être jugés incompétents ou incapables;
- difficultés à rencontrer les tâches de planification et de préparation des cours;
- manque de culture générale de base;
- connaissances pédagogiques souvent mal adaptées au nouveau curriculum scolaire ou au nouveau régime pédagogique.
En ce qui concerne le secteur professionnel, on apprend que les enseignants en début de carrière ne semblent pas éprouver des problème de gestion de la discipline en classe, non pas parce qu’ils possèdent des compétences que leurs confrères du secteur général n’ont pas mais simplement parce qu’ils ont affaire à des étudiants adultes. Par contre, leurs grandes difficultés se situent plutôt au niveau de la pédagogie. Ils possèdent peu de connaissances pédagogiques (voire dans certains cas, pas du tout). Ainsi, ils ne savent pas comment planifier ou organiser leurs cours, ni comment évaluer et préparer les examens. En outre, il semble qu’ils se soucient peu de transmettre des valeurs.
4.4 MESURES DE SOUTIEN À L’INSERTION PROFESSIONNELLE
Dans l’ensemble, les directions d’écoles négligent la question de la mise en place de mesures de soutien formel. Dans les écoles secondaires comme dans les professionnelles :
- En plus de l’accueil, les jeunes enseignants sont d’abord supervisés et encadrés par l’un ou l’autre membre de la direction désigné; jusqu’à ce qu’ils s’intègrent complètement les réalités professionnelles du monde scolaire;
- pour la plupart des directions d’écoles, les jeunes enseignants sont parrainés ou jumelés avec des anciens qui enseignent la même matière et au même niveau scolaire (la durée du parrainage est de 6 à 12 mois);
- deux directions d’écoles rencontrées invitent formellement les nouveaux à prendre l’initiative et se confier à elles dans le cas où ils rencontrent des problèmes dans l’exercice de leur profession.
Conclusion
Bien que nous n’en soyons qu’à la toute première étape dans l’analyse de notre matériel d’entrevue, on peut d’ores et déjà avancer que le sentiment d’incompétence pédagogique des nouveaux enseignants du secondaire est étroitement lié à un double contexte : celui du travail enseignant en général – contexte marqué par des contraintes multiples, des tensions inévitables et une complexité croissante – et celui de l’insertion professionnelle en particulier – insertion où se jouent à la fois des phénomènes de système (par exemple, présence ou absence de support reçu de la part de l’établissement scolaire) et des logiques d’acteurs (par exemple, les stratégies de résolution des problèmes qui se posent au jour le jour). Par exemple, le croisement de nos données d’entrevues auprès des enseignants débutants et auprès des membres de directions d’écoles laissent entrevoir qu’une partie du sentiment d’incompétence pédagogique peut s’expliquer par le manque de support à l’insertion professionnelle. En ce sens, nos données semblent confirmer les recherches récentes tant sur le travail enseignant (Tardif et Lessard, 1999) que sur l’insertion professionnelle (Hétu, Lavoie, Baillauquès, 1999; Mukamurera, 1998).
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L'âme d'un peuple

L'âme d'un peuple ne réside pas dans ses industries mais dans ses artistes et ses penseurs. Un peuple qui n'en a que pour ses industries est en quelque sorte un peuple sans âme.

05 juillet 2011

Logiques marchande et technicienne

Une société qui s'en remet uniquement aux logiques marchande et technicienne se construit un avenir bien sombre.

04 juillet 2011

On nous propose la soumission

Il est de bon ton de critiquer l'humanisme. Il est de bon ton de ridiculiser tout utopie. Mais, ceux qui critiquent l'humanisme et les utopies, qu'ont-ils à nous proposer ? Ces supposés pragmatiques, réalistes, lucides, tiennent un discours navrant de platitudes, de lieux communs, de résignations devant les puissances actuelles. Ils nous proposent de nous adapter toujours plus, d'avaliser toujours d'avantage les diktats des forces du marché. Bref, ils nous proposent la soumission.

01 juillet 2011

L'inculture triomphante

Relativisme, populisme, narcissisme, nihilisme, sens commun, autant de manières de penser et d'être qui colonisent notre monde. Or, ces « manières » ouvrent la voie à une inculture nourrit par la mise en marché de niaiseries formatées. Tout se vaut donc rien n'est nul. Tout intellectualisme ou tout amour pour la grande culture est vu comme du mépris pour « les gens ordinaires » (le vrai monde !!!). Tout projet politique généreux, axé sur le partage des richesses, est décrié comme ringard. Quel monde désolant que le nôtre ! Raison de plus pour ne pas céder au fatalisme et continuer à tenter de l'améliorer.