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30 septembre 2015

Débat et dialogue

Le débat est une compétition, le dialogue une collaboration. Dans le premier c'est le plus fort qui triomphe, dans le second c'est la vérité.

Pour entendre parler de politique autrement

Discussion entre deux philosophes :

Badiou, Alain, Kakogianni, Maria (2015). Entretien platonicien. Paris : Lignes. 70 pages.

Des absolus

Au-delà du relativisme, il nous faut renouer avec des absolus.

Lutter encore

Rester vivant c'est lutter contre l'ordre établi même lorsque l'on vieillit.

Démocratie moderne

Il faut tout un peuple dans la rue pour que le gouvernement écoute. Il faut un seul coup de téléphone d'un banquier pour qu'il obtempère.

29 septembre 2015

Supercherie

Faire croire aux individus que les fers qu'ils portent aux pieds sont la conséquence des règles de la nature et non pas de l'arbitraire des puissants.

Fantasme néolibéral

Le fantasme de tout néolibéral est de vivre dans un monde où il n'y aura plus de société, ne subsistera que des individus en compétition les uns avec les autres.

Une éducation qui n'en est plus une

Un peu partout dans le monde, depuis les années 1980 (moment où le néolibéralisme débute son ascension), une conception purement utilitaire, fonctionnelle, opérationnelle et pragmatique de l'éducation est mise de l'avant. Cette éducation n'en est plus une en fait. Elle est devenue quelque chose comme un entraînement à la fonction de travailleur. 

Attaques contre les sciences humaines et sociales

L'omniprésence de la pensée gestionnaire et l'effritement des démocraties au profit de pouvoirs de plus en plus autoritaires se traduisent par des attaques de plus en plus ouvertes contre les sciences humaines et sociales, sciences qui ont toujours eu une fonction critique. Les États tentent ainsi d'affaiblir - sinon de faire carrément disparaître - ces sciences afin de diminuer la capacité des sociétés à se penser autrement.

28 septembre 2015

Le fanatisme politique

Le fanatisme politique tente toujours de détruire la raison et la science, c'est une constante de l'histoire.

Les radicaux

Les radicaux ne sont pas dans la rue ou dans l'opposition au Canada et au Québec, ils sont au pouvoir.

25 septembre 2015

Un fléau

Le néolibéralisme est à la peste du monde moderne, un fléau qui détruit tout sur son passage.

Population cultivée

Notre société n'a jamais compté autant de diplômés universitaires. Plus scolarisée notre population ? Assurément ! Plus cultivés les québécois ? Là c'est moins sûr !

23 septembre 2015

Menace

Partout dans les supposées démocraties, la liberté d'expression est menacée.

Farce et pantins

Nos démocraties sont une farce et nos gouvernements des pantins.

22 septembre 2015

La mission culturelle de l'école

Ce qui suit est une note de lecture du texte :


Résumé du texte

Ce texte aborde la question de la mission culturelle de l’école. L’auteur y présente d’abord une théorie de la culture développée par le sociologue et philosophe Fernand Dumont dans le cadre de différents ouvrages. Puis, en s’appuyant sur cette théorie, Simard discute quant au rôle de formation culturelle de l’école et enfin, il présente quelques conditions nécessaires afin que l’école puisse remplir sa fonction de transmission culturelle.

Problématique

Plusieurs enseignants se questionnent quant au rôle que l’école doit jouer dans la société actuelle, en particulier en ce qui concerne l’éducation culturelle et la prise en compte de la diversité culturelle chez les élèves. Dans ce chapitre, l’auteur tente de répondre à la question-titre, soit : comment penser aujourd’hui la nature et le rôle de l’école à l’égard de la formation culturelle des élèves ? ».

Cadre de référence

L’auteur tente de définir le concept de culture, en se basant sur les travaux du sociologue et philosophe québécois Fernand Dumont, et plus particulièrement sur son ouvrage Le lieu de l’homme, datant de 1968.

Fernand Dumont présente la culture comme étant à la fois distance et mémoire. En tant que mémoire, la culture constitue une « reprise vivante du passé » qui permet à l’homme de s’ancrer historiquement et de mieux comprendre le monde qui l’entoure : « Tout être humain est le produit de sa culture, d’un long processus historique où le langage joue un rôle décisif ». (p. 52) En tant que distance, la culture amène l’homme à se mettre à l’écart de soi-même : « C’est dans ce sursaut où la conscience se met à distance d’elle-même que la culture se constitue comme horizon » (p. 52).  Ainsi, la culture agit comme une médiation de la conscience qui permet à l’individu de mieux se connaître lui-même.

Dumont établit un dédoublement entre la culture première et la culture seconde. La culture première correspond au milieu culturel d’origine, c’est-à-dire aux conduites sociales, règles, langages, interprétations du réel et modèles de comportement acquis en bas âge. Pour sa part, la culture seconde correspond à l’art, la littérature, la science, l’histoire et la philosophie. « La culture seconde doit être envisagée comme mouvement de dépassement, de distanciation, d’arrachement à la culture première. C’est dans cette distance que la conscience se développe. » (p. 53). Enfin, Dumont traite du concept de réflexivité qui permet cette prise de distance à l’égard de la culture première et cette élaboration de la culture seconde.

Énoncés fondamentaux

Simard propose trois énoncés quant à la nature de l’école en lien avec la culture :

1) L’école est un cercle de culture seconde : « Avec ses cheminements obligés et ses rites de passage, ses programmes, ses contenus et ses procédés d’apprentissage, l’école est un « cercle de culture seconde », c’est-à-dire une institution foncièrement culturelle vouée à la compréhension du monde. » (p. 55) Ainsi, l’école permet d’initier les élèves à un patrimoine de culture seconde en les mettant en contact avec un ensemble de savoirs, de valeurs et d’œuvres culturelles. Elle permet de maintenir et de transmettre un héritage humain et culturel afin que celui-ci soit conservé, connu et appris. Par contre, l’école se doit de sélectionner quels éléments culturels elle souhaite intégrer à son programme, et cette sélection, qui diffère selon les époques, les pays et les traditions, viendra influencer la vision de l’homme et du monde qu’elle proposera aux élèves. Par ailleurs, en initiant les élèves à la culture seconde, l’école leur permet de se distancier de leur culture première : « L’école, répétons-le, est le lieu privilégié de la formation culturelle des élèves, le lieu d’une prise de distance à l’égard des significations spontanées de la vie quotidienne et d’élaboration d’une culture seconde qui permet de la comprendre et de lui donner un sens » (p. 58)

2) L’école n’est pas la vie, mais une reprise consciente de la vie : L’école permet de reprendre consciemment certains éléments donnés faisant partie de la culture première (langage, phénomènes naturels, musique, etc.) afin d’en faire l’étude consciente. Il s’agit d’une « reprise du donné pour en faire une culture ».

3) L’école est un foyer de discussion, d’examen critique et d’intégration de la culture : En tant que foyer de discussion, l’école permet le partage de la parole favorisant ainsi la connaissance du monde et la compréhension de soi et des autres.  En tant que foyer d’examen critique, elle incite à remettre en question  les significations, institutions et représentations établies et elle amène les élèves à porter un regard critique  sur le monde afin de distinguer l’essentiel de l’accessoire. Enfin, en tant que foyer d’intégration de la culture, elle permet de faire des liens afin de réintégrer la culture actuelle, qui se présente souvent sous une forme fragmentée ou morcelée.

Selon Simard, dans le contexte actuel de discontinuité et de fragmentation de la culture, le rôle que doit jouer l’école quant à la formation culturelle  nécessite de restaurer quatre continuités :

1) La continuité entre les savoirs et la vie : L’école doit permettre de restaurer la pertinence des savoirs, c’est-à-dire de donner une signification aux apprentissages réalisés. Pour ce faire, elle doit établir des liens entre les savoirs et des questions, problèmes, besoins ou intérêts qui rejoignent l’élève, c’est-à-dire qui sont en lien avec sa vie quotidienne ou encore avec des préoccupations universelles telles que l’origine du monde, des hommes et de la vie. Ainsi, l’élève peut prendre conscience que les savoirs constituent des productions humaines qui peuvent nous aider à mieux comprendre le monde qui nous entoure et à mieux nous comprendre nous-mêmes en tant qu’êtres humains.

2) La continuité entre les savoirs : Dans la société actuelle, où on assiste à une multiplication exponentielle de l’information, le savoir devient de plus en plus morcelé, spécialisé et fragmenté et il devient de plus en plus difficile d’en constituer un tout cohérent permettant une vision globale et intégrée. Afin de transmettre une véritable culture, l’école se doit donc de veiller à l’intégration des savoirs, c’est-à-dire à la création de  liens entre les différentes sphères de la connaissance.

3) La continuité entre les hommes : L’école a pour rôle de préparer les élèves à vivre dans une société complexe et pluraliste. En ce sens, elle doit contribuer à développer chez les élèves des valeurs liées au vivre-ensemble telles que l’ouverture à la pluralité et à la différence, la compréhension, le respect d’autrui et l’écoute. Pour ce faire, l’école doit mettre en place une pédagogie du dialogue permettant de créer un espace public de discussion et d’interprétation du monde où chacun est libre de s’exprimer tout en respectant, en écoutant et en cherchant à comprendre les autres.

4) La continuité entre le passé et le présent : « Restaurer la continuité entre le passé et le présent, c’est faire prendre conscience aux élèves qu’ils sont les héritiers d’une histoire locale, nationale, d’une civilisation; c’est leur permettre de se situer dans l’histoire et dans leur identité personnelle mais c’est surtout leur donner les moyens de comprendre l’histoire, de la poursuivre en y jouant une part active. » (p. 66) Afin de restaurer cette continuité, il faut bien sûr enseigner l’histoire, mais également intégrer une perspective historique dans l’enseignement de toutes les disciplines. Ainsi, la formation culturelle offerte à l’école doit comprendre une composante historique importante, permettant à l’élève de prendre davantage conscience des ancrages historiques des différents savoirs proposés.

Interprétation

L’auteur propose quatre conditions essentielles pour faire de l’école un véritable lieu de culture :

1) Une conscience claire de la nature culturelle de l’école et de l’activité enseignante : L’enseignement ne peut exister sans la culture. L’école a un double rôle de médiation : médiation à la culture du passé (transmettre l’héritage culturel du passé) et médiation à la culture du présent (intégrer les élèves à la culture actuelle et les préparer à l’exercice de la citoyenneté).

2) Une conception explicite et articulée de la culture : En ayant une conception explicite et articulée de la culture, il serait plus facile de déterminer les critères de sélection des contenus scolaires ainsi que d’orienter les pratiques pédagogiques enseignantes.

3) Un équilibre entre les grands domaines d’apprentissage : Il faut établir un équilibre dans les programmes scolaires entre les disciplines liées à la rationalité (le sensé, le cognitif) et les disciplines liées à la sensibilité (le sensible, le senti) puisque la culture s’élabore à la fois dans le sensé et dans le senti.

4) Un rapport vivant à la culture : Les enseignants se doivent d’être cultivés, non pas tant en termes d’érudition mais plutôt en termes de passion, de curiosité et d’ouverture pour différents aspects de la culture. L’enseignant agit alors à titre de médiateur, de passeur culturel : « Il faut le redire : la culture n’est pas d’abord dans des programmes, elle est dans des enseignants qui l’incarnent et la partagent, qui la rendent vivante en montrant qu’elle peut répondre à nos questions, à notre besoin de comprendre et nos attentes de sens (Simard, 2001) »

Conclusion

En conclusion, l’auteur réitère l’espoir de faire de l’école un véritable lieu de culture : « un lieu  d’appropriation du monde en donnant à chacun le meilleur de l’expérience humaine considérée comme culture. » (p. 71)

21 septembre 2015

Regardez

Regardez ces légions de démunis que l'on produit sans relâche.
Regardez ces valeurs absurdes qu'on nous propose.
Regardez ce monde brutal qu'on nous fait.

Démocraties ?

Dans nos sociétés capitalistes, les élus représentent désormais les intérêts des pouvoirs financiers contre les peuples. Leur rôle principal est ainsi d'imposer les diktats des puissances de l'argent au détriment des intérêts des populations qui les ont portés au pouvoir .... et on ose encore nommer ces sociétés des démocraties!

Je vois...

Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus anti-démocratique.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inégalitaire.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inhumain.

Le «vivre-ensemble»

Selon Duhamel et Estivalezes (2013), l’expression vivre-ensemble peut revêtir cinq sens différents:
(1) désigner une réalité sociale empirique;
(2) faire référence à un cadre normatif, qui vise à favoriser la cohésion sociale dans une société marquée par la diversité religieuse, et au modèle original d’interculturalisme;
(3) référer à un cadre éthique qui se traduit dans le paradigme de la reconnaissance de l’autre lié à une exigence de réciprocité;
(4) renvoyer à un projet politique qui se déploie à la fois dans une quête de valeurs communes ainsi que dans une quête commune de valeurs;
(5) souligner une pratique dialogique aux vertus éducatives.

Référence :
Duhamel, A. et Estivalezes, M. (2013). Vivre-ensemble et dialogue: du programme québécois d’éthique et culture religieuse à la délibération démocratique, Revue des sciences de l'éducation de McGill, vol. 48, n° 1, p. 79-98. Sur le site Érudit : http://id.erudit.org/iderudit/1018402ar

20 septembre 2015

Qu'est-ce que le scientisme?

Le scientisme est une idéologie qui glorifie la science. En gros, le scientisme soutient que :
Tout problème peut trouver une solution par la science.
Toute solution scientifique à un problème est préférable à une autre qui ne le serait pas.
Seule la science peut tenir un discours de vérité.
La science est donc le mode de connaissance suprême.

L'homme fragmenté

Ce qui suit est une fiche de lecture du texte :

Gohier, Christiane (2002). L'homme fragmenté: à la recherche du sens perdu - Éduquer à la compréhension et la relation. Association canadienne d'éducation de langue française2002, 30 (1), 7-25.

Problématique

-          La complexité du monde actuel rend nécessaire un examen multi facettes qui permet d’éclairer la compréhension de notre réalité.
-          La conjugaison des points de vue économique, politique et géopolitique, sociologique et anthropologique aussi bien que technologique et épistémologique sont mis à contribution pour mettre au jour les zones d’ombre et de lumière du «nouveau monde».

Cadre de référence

1er thème abordé : Dans quel monde vivons-nous?
-          Point de vue économique : mondialisation et globalisation des marchés
-          Point de vue politique : désengagement de l’État dans la sphère publique, privatisation
-          Point de vue socio-anthropologique : question identitaire, vague migratoire, écart riches-pauvres
« Indépendamment de la posture adoptée, la question de la citoyenneté, des droits et de l’identité qu’elle confère, se greffe à celle de la mixité. Peut-on être à la fois citoyen du monde, si tant est que cette appellation ait un sens, et citoyen de sa cité? » (Gohier, 2002b, p. 11)
-          Point de vue technologique et technoscientifique : moyens de transport rapides, communication virtuelle, accessibilité à l’information via Internet, réseautage informatique, insémination artificielle, mères porteuses, chirurgies, clonage (frontière artificiel-naturel s’estompe)
-          Point de vue épistémologique : relativité des savoirs, accès aux savoirs
« Par ailleurs, le commun des mortels a accès à une somme d’informations faramineuse, comme on l’a mentionné, et l’école n’est plus la seule dispensatrice de savoirs diffusés également par les médias d’information et de communication. Par ces mêmes voies, les savoirs, s’ils sont fragmentés, sont également davantage partagés par une plus grande partie de la population et virtuellement discutés, par la voie de l’Internet, par celle-ci. » (Gohier, 2002b, p. 13)

2e thème abordé : L’autre versant du nouveau monde
-          Par la voie de groupes de discussion, les gens peuvent partager leur savoir, construire ou co-construire ce savoir et produire une œuvre commune : ex. Linux (programmation informatique)

« Ainsi, s’ils peuvent être les instruments d’une domination économico-culturelle, les Tic peuvent également, en contrepartie, être les outils d’une certaine démocratisation, également économico-épistémoculturelle. » (Gohier, 2002b, p. 13)

-          La société civile oppose une résistance à la mondialisation économique : il est à croire que le bien-être social collectif prévaut, par opposition au bien-être individuel. Il en est de même pour la solidarité.

-          La part de ressemblance entre les Hommes s’élargit, ou entre une plus grande partie des Hommes, ce que l’on pourrait appeler la « commune humanité ». ex.

« Les problèmes environnementaux créés par des phénomènes comme la pollution, entre autres exemples, ne sont pas confinés dans des lieux circonscrits et touchent, directement, ou par effet de rebondissement (l’effet « papillon ») toute la planète et la solution à ces problèmes ne peut venir que d’une responsabilité partagée. » (Gohier, 2002b, p. 15)

3e thème abordé : Qui former?
Gohier aborde également deux sous-questions… Pourquoi former? Quoi former? D’entrée jeu, il serait incomplet de considérer ces questions selon des raisons pragmatiques seulement. Ce serait de considérer seulement la formation d’un individu selon un contexte de globalisation économique : un être entrepreneur et compétitif.

« La raison pragmatique ne saurait toutefois à elle seule apporter réponse à la question des finalités éducatives à privilégier, qui reposent, en dernière instance, sur un choix axiologique qui peut différer ou déborder du cadre limité de la valeur pratique et du souci d’efficacité qui lui est corollaire. » (Gohier, 2002b, p. 16)

À l’inverse, selon une perspective axiologique, on pourrait être tenté de former un être ouvert à la revendication et à l’égalité économique et sociale pour tous.

Dans un monde idéal…former une personne possédant à la fois des habiletés en entreprenariat, une conscience sociale et un sens des responsabilités.

« C’est à ce titre seulement qu’il peut échapper au rôle d’objet, instrument de la consommation, que veut lui faire jouer l’économie de marché, ou à celui d’Homme fragmenté, sans lieu unificateur aucun, auquel l’accule la relativité et la compartimentation du savoir ainsi que la perte du sens de l’identité et du sentiment d’appartenance qui lui est concomitant. C’est en tant que sujet, c’est-à-dire auteur et acteur de sa propre vie en lien avec les autres sujets composant ses diverses communautés d’appartenance (ethnique, religieuse, politique, à l’échelle locale ou planétaire...), que l’individu peut recréer un sens qui devient le vecteur unificateur de son existence. » (Gohier, 2002b, p. 16)

4e thème abordé : Le sujet : entre rationalité et imaginaire, sens et sensibilité
Dans cette section, Gohier souhaite répondre à la question Comment former ? À ses dires, le langage de la rationalité et le langage de l’imaginaire arrivent à solliciter deux volets chez le formé qui tente de comprendre le réel.

« La rationalité, essentiellement conceptuelle et argumentative, fait-elle appel à tous les mécanismes mis au jour par la psychologie cognitive, de la pensée formelle à la métacognition, qui permettent de comprendre le monde et soi-même à l’aide de structures logico-mathématiques, dans le cadre d’une pensée de type analytique. » (Gohier, 2002b, p. 21)

« Le monde de l’imaginaire, comme on l’a vu, se caractérise plutôt par l’image et l’analogie. Il fait appel à d’autres catégories de la pensée, à la capacité à symboliser qui peut se développer notamment par l’usage de la métaphore, l’utilisation libre de l’association, la construction de sens «figurés», le développement de la capacité onirique. » (Gohier, 2002b, p. 21)

Conclusion

En guise de conclusion, la chercheure soutient qu’il importe d’éduquer à la compréhension et à la relation. Sous-jacent à cela, c’est la sensibilité qui devrait avoir la priorité lorsqu’il est question de finalités visées par le qui former. Lorsqu’on pense aux finalités, quelques objectifs sont à considérer :

-          Faire en sorte que le formé arrive à donner du sens au monde de la fragmentation, de la globalisation, de la complexité et de l’hybridité (dans le projet éducatif).
-          Articuler les finalités en fonction d’un triple rapport au monde 1. rationnel, 2. symbolique, 3. affectif.
-          Travailler la double capacité : compréhension et relation au monde.
-          Partir du sensé (prend forme dans deux registres du penser : celui de l’univers conceptuel du discours rationnellement acceptable et celui du monde imagé de l’univers symboliquement signifiant.)
-          Partir du senti (la sensation, générée par le contact sensuel avec le monde, par la voie d’un rapport direct avec les êtres, la nature et les choses, aussi bien que par celle d’un rapport médiat par l’imagerie mentale; au sentiment, participant de la sphère de l’affectivité, de contiguïté avec l’autre (proche ou lointain)

« Pour faire face au nouveau monde, dans son versant émancipateur tout autant que dominateur, l’éducation doit donc viser la formation d’un sujet, auteur et acteur de sa propre vie, liée à celle des autres personnes en tant que sujets. Réflexivité critique, éthique et autonomie ont alors pour compléments le sens de la responsabilité, de la solidarité et de la participation qui contribueront à tisser ce lien qui, ultimement ressortit à la signification conférée au monde. C’est par la construction du sensé et du senti, par la jonction des sphères cognitive et affective, de l’ordre du penser et de la sensibilité, que compréhension et relation peuvent se développer. » (Gohier, 2002b, p. 22)

19 septembre 2015

Pour mieux comprendre l'horreur économique

Je recommande chaudement la lecture de deux ouvrages de l'économiste François Morin :

Morin, F. (2015). L’hydre mondiale. L’oligopole bancaire. Montréal : Lux. Collection Lettres libres.


Morin, F. (2013). La grande saignée. Contre le cataclysme financier à venir. Montréal : Lux. Collection Lettres libres.

17 septembre 2015

Pour ceux qui aiment les chats

Uddenberg, Nils (2014). Le chat et moi. Paris : Presses de la cité. Paru originellement en suédois en 2012.

Une belle rencontre entre l'auteur, un universitaire de renom, et une chatte (Minette) qui a trouvé refuge chez lui.

Pédagogie et culture


Problématique

En éducation, une question qui revient constamment est : comment rendre l’école plus efficace ?  Chez les chercheurs et les enseignants, on peut distinguer deux visions intellectuelles distinctes quant à la prise en compte des aspects culturels afin d’améliorer l’efficacité scolaire.

1. Une première approche (« policy mechanics ») est véhiculée par certains enseignants et chercheurs qui  préconisent l’utilisation du même matériel pédagogique et des mêmes pratiques peu importe la provenance culturelle des élèves. Ils tentent de cerner des pratiques et des outils d’enseignement uniformes, pouvant améliorer l’efficacité scolaire. “The policy mechanics attempt to identify particular school inputs, including discrete teaching practices, that raise student achievement. They seek universal remedies that can be manipulated by central agencies and assume that the same instructional materials and pedagogical practices hold constant meaning in the eyes of teachers and children across diverse cultural settings.” (p. 119).

2. Une deuxième vision est préconisée par les « culturalistes » qui mettent l’accent sur la socialisation normative qui survient au sein de la classe. Ainsi ces derniers étudient surtout  les modèles implicites véhiculés au sein de la classe ainsi que  la manière dont les élèves sont socialisés afin d’accepter certaines règles, normes, conceptions et orientations.

Cadre de référence

La réussite scolaire est définie brièvement comme étant : « the acquisition of basic literacy and cognitive skills. » (p.121)

Dans cet article, les auteurs tentent d’expliquer pourquoi la première approche (policy mechanics) demeure très influente dans les pays en développement. Ainsi, ils soulignent que quatre forces viennent soutenir l’influence de l’approche politique (policy mechanics) dans les pays en voie de développement :

1) Après 20 ans de recherche empirique, l’on sait désormais que sous certaines conditions, les effets de l’école sur la réussite scolaire sont plus importants que l’influence du milieu familial en ce qui concerne les milieux défavorisés.

2) Les nombreuses études réalisées dans les pays en développement permettent de discerner les éléments qui sont plus susceptibles d’améliorer la réussite scolaire de ceux qui n’ont pas d’effet. Puisque les ressources dans les pays en voie de développement sont peu nombreuses, les décideurs politiques sont plus enclins à prendre en compte les résultats de ces études afin d’orienter l’allocation des ressources.

3) Certaines recherches (production-function research) démontrent qu’il est utile de centraliser les politiques afin de réduire les inégalités quant à la réussite scolaire.

4)  Aux yeux des décideurs politiques, l’approche culturaliste semble moins efficace. « No body of literature from the classroom culturalism framework rivals the production-function literature in Third World settings” (p. 123)

Par ailleurs, les auteurs ajoutent que cette tendance à rechercher des pratiques universelles pouvant améliorer l’efficacité scolaire provient également du désir des gouvernements de trouver des investissements simples (textes, manuels, etc.) qui pourraient améliorer la réussite scolaire et la qualité de l’éducation, indépendamment des conditions locales.

Dans l’approche politique (policy mechanics) et la littérature scientifique de type « production-function », la mission d’instruction de l’école est  mise de l’avant : « Finally, the original production-function metaphor assumes that the preeminent mission of schools and teachers is to raise cognitive achievement.” (p. 124). Par contre, on accorde également une large place à la mission de socialisation en ce sens que, dans les pays en voie de développement, les élèves sont socialisés afin d’accepter certaines normes relatives à l’autorité et à la participation sociale. Les politiques de certains pays (Europe de l’Est, certaines régions d’Asie et Afrique du Sud) tentent également de mettre l’accent sur la manière d’utiliser l’école en tant qu’outil pour socialiser les élèves à la démocratie.  « Emerging debates in Japan and China over how to socialize pupils to become more individualistic in their achievement orientation offer additional examples of how school effectiveness often has broader connotations than simply boosting cognitive forms of learning.” (p. 124)

Méthodologie

Les auteurs ont étudié la littérature scientifique portant sur l’efficacité scolaire, provenant de pays en voie de développement. Plus précisément, ils ont analysé les données de plus d’une centaine de recherches empiriques, publiées à partir de 1987 et traitant des effets de certains facteurs sur la réussite scolaire, tout en contrôlant l’influence du milieu familial. Cette littérature diffère de celle proposée aux États-Unis ou en Europe de l’Ouest en ce sens que la conception de l’efficacité scolaire véhiculée dans les pays en voie de développement est généralement de type « production-function » et se base majoritairement sur la première approche présentée (policy mechanics).

Résultats

Les auteurs identifient trois domaines principaux qui peuvent avoir une influence positive sur l’efficacité scolaire :

1) La disponibilité de manuels et de matériel de lecture supplémentaire : Plusieurs recherches  provenant de divers pays en voie de développement (Philippine, Nicaragua, Brésil, Inde, Iran, Indonésie, Venezuela, etc.) viennent démontrer que ce facteur influence positivement la réussite scolaire des élèves. La disponibilité de manuels d’exercices, d’une bibliothèque scolaire ou de matériel d’écriture semble également avoir un impact positif. Par contre, dans une des études, réalisée en Indonésie (Ross & Postlethwaite, 1989), les chercheurs n’ont pas noté d’effets significatifs relatifs à l’utilisation de matériel de lecture, une fois pris en compte le milieu familial des élèves, les connaissances de l’enseignant quant au sujet enseigné et d’autres facteurs scolaires. En outre, les recherches provenant des écoles secondaires, en comparaison avec celles des écoles primaires, relèvent moins d’effets significatifs quant à la disponibilité de manuels scolaires.

2) Les qualités d’enseignement : Aux États-Unis et en Europe de l’Ouest, la formation initiale et  le milieu d’origine des enseignants ne permet généralement pas d’expliquer les différences quant à la réussite scolaire des élèves, alors que dans les pays en développement, ces deux variables semblent avoir une influence quant à l’efficacité scolaire. Ainsi, la connaissance de sa matière par l’enseignant a un impact positif sur la réussite scolaire des élèves. De même, la formation reçue peut avoir une influence mais ce n’est pas le cas dans toutes les recherches recensées. Lorsque cette formation apporte une influence positive, on note généralement que c’est la qualité de l’enseignement qui s’améliore : l’enseignant offre davantage de rétroactions aux élèves, il emploie davantage de questions ouvertes et il  utilise des méthodes d’enseignement plus actives. Néanmoins, il demeure difficile d’identifier quel type de formation initiale apporte une influence significative quant à l’efficacité scolaire.

3) Le temps d’enseignement et la quantité de travail demandée aux élèves : Les recherches effectuées dans plusieurs pays en voie de développement révèlent que le temps d’enseignement a une influence importante sur la réussite scolaire des élèves. Ainsi, la durée de la journée et de l’année scolaire a un impact quant à la réussite en ce sens que plus l’élève a de temps de présence à l’école, plus il est susceptible de réussir. Cet effet est moins marqué aux États-Unis que dans les pays en voie de développement. « Anderson et al. (1989) argue that time in school may be more efficiently used in some developing countries than within industrialized societies, because student misbehaviour and time off academic tasks occur less frequently, at least based on their classroom studies in Negeria, South Korea and Thailand”. (p. 131).

D’autres facteurs relevant des politiques scolaires semblent avoir peu ou pas d’impact (ou encore un impact variable d’une étude à l’autre) quant à la réussite scolaire des élèves : le nombre d’élèves par classe, le salaire des enseignants, la pédagogie active et les pratiques d’enseignement.

L’analyse des facteurs ayant un impact ou non sur la réussite scolaire des élèves dans les pays en voie de développement permet de déterminer quelles stratégies doivent être privilégiées afin d’augmenter l’efficacité scolaire. Toutefois, il faut aussi prendre en compte la rentabilité de ces mesures, c’est-à-dire le coût économique qu’elles demandent comparativement à ce qu’elles rapportent en termes d’améliorations quant à la réussite des élèves.

Ainsi, l’achat de manuels scolaires ou de matériel d’écriture paraît un investissement rentable car il ne demande pas un coût trop élevé et il apporte d’importants bénéfices quant à la réussite scolaire. Par contre, lorsque la quantité de matériel est déjà suffisante, l’achat de nouveaux manuels n’apporte pas une différence significative quant à la réussite des élèves. Par ailleurs, investir dans la formation continue des enseignants semble également une mesure rentable. Toutefois, la diminution du ratio scolaire s’avère une mesure peu judicieuse car très coûteuse et apportant peu d’impact sur la réussite scolaire des élèves.

Interprétation 

La disponibilité du matériel scolaire, le temps d’enseignement et la formation des enseignants sont des facteurs ayant un impact très élevé quant à la réussite scolaire des élèves dans les pays en voie de développement. Par contre, cet impact semble diminuer lorsque la qualité générale de l’enseignement et du système d’éducation augmente.

Quatre conditions culturelles locales peuvent influencer l’efficacité des différents facteurs de réussite scolaire :

a) Les exigences des familles en lien avec l’éducation (liée à la perception de l’utilité et de la légitimité de l’école) : Lorsque les études prennent en compte certains facteurs relatifs à la classe sociale ou à l’ethnicité des élèves quant à la réussite scolaire, la proportion attribuée aux facteurs scolaires, en tant qu’éléments influençant la réussite, diminue.

Ainsi, la façon dont les parents perçoivent la légitimité et l’importance de l’école ainsi que les pratiques parentales mises en place à la maison viennent influencer les facteurs de réussite scolaire énoncés précédemment en ce sens que la disponibilité du matériel scolaire, l’achat de nouveau manuels, et le temps d’éducation peuvent être liés aux demandes des communautés locales.  Par ailleurs, les demandes des familles quant à l’éducation varient selon plusieurs facteurs : le sexe et l’âge de l’enfant, la religion, l’ethnicité, etc.

b) La capacité de l’organisation scolaire de répondre aux demandes des familles tout en offrant certaines formes de savoir qui sont éloignées du savoir traditionnel de la communauté :  « Indeed, when the school positions its curricula apart from the family, the school’s effect can operate more independently of parental influences. This relative positioning of school and family represents the second major institutional condition under which school effects are more likely to occur» (p. 138)

c) Les préférences et habiletés de l’enseignant quant à la mobilisation de différents outils d’enseignement et de normes sociales : Dans une majorité de pays en voie de développement, les recherches qualitatives démontrent que l’autorité de l’enseignant est très importante et les discussions latérales entre les élèves sont peu fréquentes. Lorsque l’enseignant décide d’adopter une pédagogie plus participative cela n’apporte pas nécessairement un gain quant à la réussite scolaire des élèves. Par exemple, aux Philippines, la réussite scolaire est moindre dans les classes où l’enseignant emploie une pédagogie plus active et participative (Lockheed et Zhao, 1993). Pourtant, d’autres recherches effectuées dans d’autres pays rapportent des effets positifs à une telle pédagogie.

d) Le degré de concordance entre  le comportement pédagogique de l’enseignant et les normes locales en ce qui concerne l’autorité, l’instruction et la participation sociale au sein de l’école : Le type de pédagogie à employer pour favoriser la réussite scolaire peut différer d’une culture à une autre selon les normes sociales véhiculées concernant : l’autorité de l’enseignant, la participation scolaire des élèves (interactions avec l’enseignant et avec les autres élèves), les différents types de travaux scolaires et l’organisation du travail (travail individuel ou en équipe, outils pédagogiques, etc.).

Ainsi, en ce qui concerne l’autorité de l’enseignant, on peut constater que dans plusieurs sociétés traditionnelles, l’enseignant exerce son rôle en exhibant son savoir et en présentant des connaissances factuelles. L’accent est souvent mis sur l’apprentissage par cœur, plutôt que sur la compréhension de différents concepts par les élèves.

Les auteurs soutiennent que l’impact de certains matériels scolaires ou méthodes d’enseignement peut varier considérablement selon la culture du milieu dans lequel ses facteurs sont mis en place.

 Conclusion

L’approche politique (policy mechanics) a grandement contribué à une meilleure connaissance des différents facteurs pouvant améliorer l’efficacité scolaire au sein des institutions d’éducation. De même, les chercheurs notent également à quel point les pratiques d’enseignement diffèrent selon les sociétés et les communautés locales et tentent, de plus en plus, de tenir compte de ces différences dans le cadre de leurs recherches. Pour l’avenir, il faudra donc cerner comment les nouveaux outils et les nouvelles pratiques sont intégrés culturellement et comment ils sont compris par les enseignants et par les élèves afin de s’assurer qu’ils permettent de mettre en place des formes d’apprentissage et de socialisation qui conviennent aux décideurs en éducation ainsi qu’aux communautés locales.

Instruction, éducation et transmission entre générations

Ce qui suit est une fiche de lecture du texte :


Résumé général du texte

Le propos est de resituer le rôle de l’école dans le cadre des relations entre générations, ce qui conduit l'auteur à distinguer entre éducation et instruction, et à souligner le fait que l’éducation, la socialisation constituent une base nécessaire pour l’acquisition de connaissances. Ses réflexions s’appuient sur mes recherches en anthropologie. Une part importante des connaissances dispensées par l’école se justifient par leur utilité (réelle ou supposée) ; cette fonction est légitime : les élèves sont en droit d’espérer que les années passées à l’école les aideront à trouver un emploi et à faire leur place dans la société. Cependant, dans la mesure où cette acquisition de connaissances implique elle-même la relation entre deux générations et l’ensemble de la transmission éducative qui s’opère de l’une à l’autre, les processus relationnels et sociaux qui sont en cause sont au plus loin des relations marchandes et ne sauraient être convenablement appréhendés dans un cadre de pensée utilitariste. En effet, la position de donateurs que les membres d’une génération assument ainsi au bénéfice de la suivante ne les intègre pas à un cycle d’échanges dont ils bénéficieraient en retour, mais fait d’eux les maillons de la transmission culturelle irréversible qui va de pair avec la reproduction biologique et la mort.

Problématique développée

Afin de préciser sa position, Flahault mentionne que l’éducation et la socialisation constituent une base nécessaire pour l’acquisition de connaissances. Ajoutons qu’une part importante des connaissances dispensées par l’école se justifie par leur utilité (réelle ou supposée).

Le chercheur soulève le problème suivant : 
L’acquisition de connaissances implique la relation entre deux générations. La transmission éducative qui s’opère de l’une à l’autre, les processus relationnels et sociaux qui sont en cause sont très éloignées des relations dites marchandes… C’est pourquoi le cadre de pensée utilitariste ne s’avère pas approprié.

« En effet, la position de donateurs que les membres d’une génération assument ainsi au bénéfice de la suivante ne les intègre pas à un cycle d’échanges dont ils bénéficieraient en retour, mais fait d’eux les maillons de la transmission culturelle irréversible qui va de pair avec la reproduction biologique et la mort. » (Flahaut, 2006, p. 295)

Cadre de référence

1er thème abordé : L’être humain
L’humain se façonne grâce à deux types de transmission :
-         Génétique
-         Culturelle
La transmission de connaissances a lieu par le biais du milieu de vie (au quotidien) et de l’enseignement. L’enfant assimile de diverses façons :
-         Transmission de connaissances
-         Mimétisme des manières d’être, des pratiques relationnelles et des savoir-faire

« Cette transmission qui s’opère dans l’expérience quotidienne du rapport avec les adultes constitue la base de l’existence de l’enfant et de sa socialisation. Si ces acquisitions fondatrices se mettent en place convenablement, elles favorisent ensuite l’acquisition des connaissances. D’où la nécessité de distinguer entre instruction et éducation. » (Flahault, 2006, p. 295)

2e thème abordé : L’instruction
Flahaut commence cette section en donnant une définition de l’instruction et une définition de l’éducation:
« L’instruction, c’est l’acquisition de connaissances grâce à l’enseignement. » (Flahault, 2006, p. 296)

Le chercheur précise qu’il est possible d’être éduqué et socialisé sans être instruit. Toutefois, il est impossible d’être réceptif à l’instruction s’il y a absence de socialisation. Il souligne que cette déclaration va littéralement à l’encontre d’une conviction ancrée depuis longtemps (à l’époque des Grecs) dans la culture occidentale. Cette conviction enracinée se résume ainsi : l’éducation se ferait par l’instruction. C’est une erreur de croire que l’instruction est la base de l’éducation.

« On peut être convenablement éduqué et socialisé sans pour autant être très instruit. Mais on ne peut pas s’instruire, on ne désire pas apprendre si, d’abord, on ne bénéficie pas d’une certaine socialisation. » (Flahault, 2006, p. 296)

« Un professeur est, par définition, quelqu’un qui a misé sur l’acquisition de connaissances et qui doit à cet investissement la place qu’il occupe dans la société ; il n’est donc pas étonnant qu’il partage la conviction que la formation de l’être humain et du citoyen résulte essentiellement de la transmission du savoir. » (Flahault, 2006, p. 296)

3e thème abordé : L’éducation
Flahault donne une définition de l’éducation :
« L’éducation, c’est le développement de la capacité à être soi tout en étant avec les autres, à ménager ses relations avec eux, à participer à la vie sociale, à intérioriser la culture commune. » (Flahault, 2006, p. 296)
Le chercheur affirme que le processus d’éducation est fortement lié aux apprentissages. Cependant, il souligne que ces apprentissages ne passent qu’en partie par l’enseignement. De prime abord, l’éducation commence par le développement de la communication et du langage (socle commun). De plus, l’éducation s’orchestre par le biais des relations avec les personnes de l’entourage. Flahaut décrit le phénomène comme une immersion dans un environnement social et culturel.

4e thème abordé : Le lien social et la famille
Par rapport au lien social, l’éducation implique un rapport entre la génération des adultes et la génération des enfants. L’évolution de l’humanité s’est faite grâce au contact prolongé entre les générations. Des incontournables :
-         La bienveillance, encouragement (désir de reconnaissance de la part de l’enfant)
-         La solidité du cadre

Il est à noter que plus la relation est satisfaisante pour l’enfant, plus ce dernier aura les habiletés requises pour nouer des relations avec ses pairs. Si, au contraire, la socialisation se fait mal, le terrain n’est pas propice à l’acquisition de connaissances.

« Le vivre-ensemble est d’abord le vivre-ensemble de l’enfant avec les adultes qui s’occupent de lui. Ce rapport ne se limite pas à une transmission de connaissances ; c’est un lien personnel par lequel un enfant se trouve encadré, reçoit la possibilité d’exister. » (Flahault, 2006, p. 297)

Différences garçons-filles
« Les filles sont plus sensibles aux liens entre générations dans la mesure où elles portent en elles la possibilité de donner naissance. Il n’en va pas de même pour les garçons. Chez eux, l’aspiration à être un homme, liée à des images de virilité, n’a souvent aucun rapport avec des images de paternité. C’est pourquoi l’adolescence est souvent plus problématique chez les garçons et peut les enfermer dans une culture mimétique, une culture d’opposition à celles des adultes, renforçant chez eux le goût de la transgression qui est inhérent à l’être humain. » (Flahault, 2006, p. 299)

5e thème abordé : L’école, le rôle éducatif et le savoir
Les enseignants répondent aux exigences du ministère de l’Éducation. Ils ont sans contredit une importante responsabilité éducative. Même si les parents sont fortement impliqués dans le processus de socialisation, l’école y joue également un rôle. Il ne s’agit pas uniquement d’un lieu de transmission du savoir.

« Réduire l’école à sa fonction de transmission du savoir, c’est placer au premier plan la fonction informationnelle du langage en oubliant que celle-ci est enchâssée dans sa fonction relationnelle-existentielle, ou, pour le dire en termes linguistiques, en oubliant le fait que tout énoncé est lui-même enchâssé dans un acte d’énonciation. » (Flahault, 2006, p. 301)

À l’école comme au sein de la vie familiale, la relation entre les représentants de l’autorité et les enfants ne devrait pas être fondée sur un contrat.

« Il est pour le moins curieux de voir introduite à l’école la norme du contrat par ceux-là mêmes qui, souvent, s’inquiètent de l’emprise du libéralisme économique dans le domaine de l’éducation. » (Flahault, 2006, p. 301)

Par rapport au savoir, le chercheur affirme qu’en donnant du savoir aux élèves, les enseignants ne sont pas toujours conscients qu’ils briment le sentiment d’exister des enfants. Ces derniers réagissent négativement et l’enseignant impute la réaction à la mauvaise volonté, à l’ignorance ou encore aux difficultés d’apprentissage. Il suffit d’écouter les élèves pour comprendre que, pour eux, la relation entre le savoir et la réalité est essentielle (lien entre apprentissages à l’école et environnement de vie).

« La propension à faire du savoir une fin en soi témoigne de la pente naturelle de l’école qui, comme toutes les grandes institutions, tend à fonctionner sur un mode autoréférentiel. Or cette propension autoréférentielle crée d’emblée un malentendu entre professeurs et élèves. » (Flahault, 2006, p. 302)

Interprétation

6e thème abordé : L’éducation à la citoyenneté

Flahault insiste enfin sur le fait que l’instruction et la transmission de connaissances doivent être reliées dans un processus de socialisation. Historiquement, selon lui, l’école se serait construite contre la société.

L’auteur reconnaît l’importance de l’éducation à la citoyenneté. Il ajoute qu’un enfant sera en mesure de répondre à ses obligations et ses devoirs de citoyen s’il ressent un bien-être dans ses relations avec les personnes qu’il côtoie.

« Le bien-être relationnel a des vertus éducatives, réduire le taux de souffrance des enseignants et des élèves n’est pas un objectif accessoire. » (Flahault, 2006, p. 303)

Conclusion

En somme, l’auteur rappelle que la vie scolaire doit être une vie sociale connectée au monde extérieur, à la société dont l’école fait partie. Des préalables…

-        relations de travail et de concertation des enseignants entre eux (au lieu que chacun se trouve toujours seul face à ses élèves comme s’il exerçait une profession libérale);
-         relation des profs avec l’administration;
-         relation de l’intérieur de l’école avec l’environnement social.


16 septembre 2015

La socialisation au travail comme indicateur de développement professionnel: analyse des approches basées sur la mesure

Référence de la version originale de ce texte :
Martineau, S., Portelance, L., Presseau, A. (2009). La socialisation au travail comme indicateur de développement professionnel : analyse des approches basées sur la mesure. Revue française Questions vives, thème : Le développement professionnel : quels indicateurs ? Coordination Jean-François Marcel, Les sciences de l’éducation en question, Université de Provence – Aix-Marseille Université, département des sciences de l’éducation, vol. 5, no. 11, p. 243-258.

Introduction
Notre texte se veut pour l’essentiel une analyse de quelques aspects méthodologiques et épistémologiques des recherches sur la socialisation professionnelle (ou organisationnelle), recherches liées au champ du développement professionnel. Plus précisément, nous y conduisons une réflexion critique sur les différents outils de mesure les plus utilisés en recherche dans ce domaine. D’abord, nous esquissons une problématique de la recherche en socialisation professionnelle et nous apportons quelques précisions conceptuelles nécessaires en situant la question de la socialisation par rapport au développement professionnel. Ensuite, nous spécifions nos critères d’analyse de la littérature spécialisée. Suit alors une analyse critique des aspects méthodologiques des recherches sur la socialisation professionnelle. Les principales insuffisances des recherches sont identifiées - notamment au regard des indicateurs - et des pistes de perfectionnement des outils sont esquissées. Enfin, nous menons une brève discussion sur la pertinence épistémologique des approches de la mesure dans l’analyse de la socialisation professionnelle.

1. Mise en contexte
Dans le domaine de la socialisation professionnelle (parfois nommée aussi socialisation organisationnelle) les recherches ont connu un développement que l’on peut qualifier de paradoxal. Ainsi, depuis trois décennies environ les chercheurs ont clairement démontré que la socialisation professionnelle est un enjeu central pour la compétence des acteurs en milieu de travail. Plus spécifiquement, on sait qu’en enseignement, les milieux scolaires qui mettent sur pied des dispositifs d’insertion professionnelle favorisent une meilleure entrée dans la carrière enseignante et réduisent les risques de décrochage de la profession (Martineau, Presseau & Portelance, 2009 ; Martineau & Vallerand, 2007). Toutefois, et c’est là le paradoxe que nous signalions au début de ce texte, la grande richesse dans l’analyse des indicateurs et des implications de la socialisation professionnelle s’accompagne aussi de lacunes importantes tant sur le plan de la définition du concept que sur celui de sa mesure dans la tradition des recherches reposant sur la mesure.
La définition de la socialisation professionnelle ne fait pas consensus. Pour certains, elle permet de maîtriser un rôle en milieu de travail (Van Maanen & Schein, 1979). Pour d’autres la socialisation professionnelle permet une compréhension de la culture d’une organisation (Louis, 1980). Enfin, pour d’autres encore, elle renvoie au phénomène d’appartenance à une organisation (Feldman, 1976). Si les définitions abondent (et ici nous ne pouvons citer tous les auteurs consultés), on en connaît beaucoup moins sur la nature du processus en tant que tel ; bien qu’à cet égard les travaux de Dubar (1996) et de Dubar et Tripier (2005) ont indiqué des pistes prometteuses. En fait, la socialisation professionnelle apparaît comme étant un processus défini essentiellement par ses résultats plutôt que par son fonctionnement (nous y reviendrons). Par ailleurs, les chercheurs sont loin de s’entendre au sujet de la nature de ces résultats, de sorte qu’un certain flou demeure.
a) Des défis pour la recherche
Revenons d’abord rapidement sur les sources des théories de la socialisation. Très tôt deux logiques se sont fait concurrence. D’un côté nous avons les thèses déterministes où la socialisation est intimement liée à la perpétuation des sociétés (Bolliet & Schmitt, 2002). Ici, le regard se porte d’abord sur la société et la socialisation est, pour l’essentiel, un processus de transmission de la culture (Durkheim, 1967 ; Linton, 1986 ; Rocher, 1992). D’un autre côté, on retrouve les thèses essentiellement individualistes (Weber, 1971). Pour elles, la socialisation est d’abord un processus de formation de la personne (Piaget, 1965). Distinguons les succinctement (le lecteur nous pardonnera ici une schématisation trop rapide).
Les approches holistes ou déterministes reposent en quelque sorte, plus ou moins explicitement, sur les idées suivantes :
- l’homme apprend de manière essentiellement passive par intériorisation;
- l’homme est façonné par la société ;
- il y a primauté de la société sur l’individu ;
- la société impose des valeurs, des normes, des rôles qui exercent une contrainte sur les
- individus ;
- l’action de l’individu est conditionnée (agents de socialisation : famille, école).
En conséquence, la recherche met surtout en évidence le conformisme aux rôles, aux valeurs, aux normes, aux attitudes.
Quant à elles, les approches plutôt individualistes (inspirées plus ou moins de la sociologie compréhensive de tradition wébérienne, de l’interactionnisme et de la psychologie sociale) mettent de l’avant les éléments suivants :
- l’homme apprend de manière essentiellement active par appropriation personnelle;
- la société est façonnée par l’homme ;
- il y a primauté de l’individu sur la société ;
- les normes, les valeurs et les rôles ne sont que des possibilités offertes à l’individu qui conserve une marge de liberté dans l’exercice de ces rôles.
Ici, l’individu est un acteur social. Il « agit sur » autant « qu’il est agi par » le monde social dans lequel il évolue.
Les tentatives pour dépasser l’enfermement dans l’une ou l’autre des deux logiques ont été nombreuses ; on pense notamment, pour le processus général de socialisation en société, aux travaux pionniers de Mead parus dans les années 1930 (1963). La théorie de la structuration de Giddens en est un exemple relativement récent (2005, première édition en français 1987). Toutefois, à l’heure actuelle, il n’existe pas encore de théorie générale de la socialisation qui puisse réconcilier les diverses positions (Lacaze, 2002). En cela, il s’agit, convenons-en, d’une situation normale pour les sciences humaines et sociales où la diversité d’approches, de théories et de paradigmes est de mise et notre texte n’a aucune prétention de jouer un quelconque rôle rassembleur. Notre propos est considérablement plus modeste.
Ce même clivage entre visions plutôt holistiques ou déterministes et visions principalement individualistes se vérifie dans les recherches plus spécifiques sur la socialisation professionnelle. Par exemple, si certains voient la socialisation professionnelle comme un processus cognitif d’attribution de sens (Louis, 1980), d’autres l’identifient davantage à une stratégie organisationnelle pour « enculturer » le travailleur (Van Maanen & Schein ; 1979). Pour leur part, Sainsaulieu (1977, 1984) et Dubar (1996) mettent l’accent sur les interactions au travail lesquelles seraient centrales dans la structuration de l’identité professionnelle. Ces deux sociologues, influencés par le courant interactionniste, insistent sur le fait que la culture organisationnelle que doit connaître le nouveau travailleur se modifie sans cesse. Par ailleurs, leurs travaux laissent bien voir qu’au sein d’une organisation, on retrouve différentes identités professionnelles qui renvoient à autant de catégories de « travailleurs » différents. Par exemple, dans une école, on n’a qu’à penser aux enseignants, aux professionnels non enseignants (psychologues scolaires, etc.), aux membres de la direction (Sainsaulieu, 1984 ; D’Iribarne, 1989, 1986).
Cette diversité d’approches n’est pas sans présenter un défi. L’absence de consensus au sujet de la socialisation rend en effet son opérationnalisation difficile. Dès 1986, Fisher fait remarquer qu’au moment où il écrit, non seulement les recherches sur la socialisation professionnelle ont donné lieu à un faible nombre d’études empiriques mais, surtout, que les mesures – lorsqu’elles existent – portent sur des indicateurs indirects. En fait, les recherches mesurent les conséquences attendues de la socialisation professionnelle. Ces premières recherches utilisent donc les indicateurs suivants : satisfaction, engagement, performance. Des recherches ultérieures ont essayé de dépasser le relatif simplisme des premières études en se centrant sur l’identification de conséquences plus directes de la socialisation professionnelle. Elles ont donc tenté d’identifier les éléments qui devraient être maîtrisés à l’issue du processus de socialisation au travail. Ces recherches ont eu le mérite d’étudier le contenu même de la socialisation et d’établir des indicateurs spécifiques au concept. D’autres recherches encore, en privilégiant une analyse du processus même de la socialisation professionnelle, ont défini différents stades que le travailleur traverse durant sa socialisation professionnelle. Nous y reviendrons plus loin.

b. Quelques définitions du concept
Bien des chercheurs se sont penchés sur cette question de la socialisation professionnelle en particulier dans divers corps d’emploi allant des enseignants aux entraîneurs sportifs en passant par les gardiens de prison. Ces chercheurs ont alors proposé différentes définitions de la socialisation professionnelle. À titre indicatif voyons-en brièvement quelques unes.
Selon Dixon (2005, 14): « Professionnal socialization is a continous process of adaptation to and personalization of one’s environment ». Quant à Helm (2004, 76), il soutient : « The process through which individuals gain the knowledge, skills, and value necessary for entry into a professional career an advanced level of specialized knowledge and skills ». Clark (1997, 442) va un peu dans le meme sens: « acquisition of the knowledge, skills, value, roles, and attitudes associated with the practice of a particular profession ». Pour ce qui est de Klossner (2004, 12), il propose ce qui suit: « process by which individuals learn the roles and responsibilities of their profession and become emerging members of the professional culture ». Pour leur part, Dunn, Linda and Seff (1994, 375) diront que la socialisation professionnelle est un processus : « by which individuals acquire the attitudes, beliefs, values and skills needed to participate effectively in organized social life ». Spécifiquement, en ce qui a trait aux enseignants, Lacey (1994, 6122) affirme que la socialisation professionnelle : « refers to the process of change by which individuals become members of the teaching profession and then take on progressively more mature roles, usually of higher status, within the profession ».
Au delà des différences de définitions plusieurs caractéristiques communes ressortent de ce bref tour d’horizon. D’abord, la socialisation professionnelle est un processus continu (Hébrard, 2004) dont la fin, ultimement, n’est envisageable qu’au moment où l’employé quitte l’organisation (par exemple, à la retraite). Ce processus est complexe et comprend des aspects tant cognitifs, affectifs qu’interactifs (Dubar, 2000 ; Gundry, 1993). Il prend forme dans l’interaction entre l’acteur et son environnement physique et social de travail (Adler & Adler, 2005 ; Shamatov, 2005). Il se traduit par l’acquisition d’une sorte de culture de l’institution (ou de l’organisation) vérifiable notamment à travers le rapport à certaines valeurs, la possession de certaines connaissances et la mobilisation de certaines compétences (Allen & Meyer, 1990 ; Ashford & Saks, 1996 ; Dixon, 2005). C’est dire que la socialisation professionnelle se vérifie notamment dans l’attitude et la pratique du travailleur (Høivik, 2005 ; Keith & Moore, 1995). Enfin, la socialisation professionnelle comporte des incidences certaines sur l’identité professionnelle de l’acteur (Klossner, 2004 ; Martineau, 2008). En cela, elle est un processus de changement identitaire où le sujet se définit par rapport à son groupe professionnel (Langlois, 2000 ; Osiek-parisod, 1995).

3. Le développement professionnel
Après ce bref rappel des questions entourant la problématique de la socialisation professionnelle, jetons un œil sur le développement professionnel. Il s’agit d’un concept qui a émergé d’abord dans les recherches de type managérial et dont la popularité a été croissante, ces dernières décennies, au fur et à mesure que le marché du travail s’engageait dans une restructuration majeure axée notamment sur la polyvalence de la main-d’œuvre et sa responsabilisation face à la qualité du travail fourni (Bryant, 2007). C’est dans cette même optique, par exemple, que le concept de compétence a pris le pas sur celui de qualification. Il en existe plusieurs définitions. Killion (2002, 11) soutient ainsi que le développement professionnel est « …the planned, coherent actions and support systems designed and implemented to develop knowledge, skills, attitudes, aspiration, and behaviors to improve student achievement ». Pour sa part, Guskey (2000, 16) précise que le développement professionnel inclut : « …those processes and activities designed to enhance the professional knowledge, skills, and attitudes of educators so that they might, in turn, improve the learning of students ». Ou encore, pour Nault (2005, 30) : « Le développement professionnel est la somme des apprentissages effectués de façon formelle ou informelle au cours de la carrière, de ses débuts jusqu’à la retraite ». Nous pourrions citer ici encore bien des auteurs. Disons pour le moment que s’il y a un relatif consensus pour faire du développement professionnel un processus dans lequel le travailleur s’engage afin d’en arriver à un niveau de maîtrise et de compréhension supérieur de sa pratique (Uwamariya & Mukamurera, 2005), on constate également des divergences quant à la manière de définir ce processus. Ces divergences vont porter sur l’ampleur du processus : transformation des seuls savoirs et compétences ou modification également des attitudes voire des aspirations professionnelles. Elles vont porter aussi sur la manière dont le développement est assuré : d’aucuns soutiennent que le développement professionnel ne saurait se faire de manière informelle pendant que d’autres vont jusqu’à inclure l’apprentissage informel comme modalité de développement (Nault, 2005 ; Day, 1999). Enfin, certains vont insister sur la dimension collaborative du processus (Speck & Knipe, 2001) pendant que d’autres mettront l’accent sur l’engagement personnel (Guillemette, 2006).

4. La socialisation professionnelle dans le développement professionnel
D’entrée de jeu, disons d’emblée qu’il va de soi que nous ne pourrons qu’esquisser ici les liens entre ces deux processus. D’abord, soulignons que, selon nous, la socialisation professionnelle est un processus qui semble plus global que celui de développement professionnel. En effet, tout acteur au travail s’inscrit dans un processus de socialisation où il est à la fois réceptacle des influences et agent de socialisation à son tour. On le sait, l’homme ne peut entrer en relation avec autrui, agir dans un contexte donné ou inscrire son activité professionnelle dans un cadre particulier, sans que de « la socialisation ne s’en suive ». En ce sens, la socialisation professionnelle est un processus qui englobe tout ce qui permet de maîtriser un rôle en milieu de travail, assure une certaine compréhension de la culture d’une organisation ou encore, définit un certain rapport identitaire à une organisation (Martineau & Presseau, 2007). Quant au développement professionnel, il renvoie essentiellement, comme on la vu plus haut, à un apprentissage formel ou informel visant la plus grande maîtrise de l’agir professionnel. On peut dire alors que son horizon est finalisé : accroître l’efficacité et l’efficience de l’acteur dans son milieu de travail. Ainsi, si le concept de socialisation professionnelle peut, à la limite, se conjuguer tout autant dans le sens de l’intégration que de la distance (voire l’hostilité) aux objectifs de l’organisation - car on peut imaginer une socialisation délinquante, des comportements d’évitement « appris », un « monde parallèle » des travailleurs à l’abris des supérieurs - on imagine mal un développement professionnel qui conduirait le travailleur à moins de bien-être au travail, à moins d’efficacité, à moins de professionnalisme.
On l’aura alors compris, les recherches, à majorité anglo-saxonnes, qui portent sur la socialisation professionnelle envisagent en général ce processus sous le seul angle de ce que nous pourrions considérer comme le développement professionnel. En effet, la grande majorité de ces recherches conçoivent la socialisation professionnelle dans une optique qu’il est possible de qualifier de normative au sens que la socialisation y est présentée sous l’angle de la meilleure intégration du travailleur à l’organisation. Cette orientation générale est directement liée aux origines managériales de ces recherches.
Avant de conclure cette section, il s’avère nécessaire de mieux spécifier en quoi la socialisation peut être un indicateur du développement professionnel. Au sens fort du terme, la socialisation est un processus de transformation du sujet qui s’approprie une culture donnée (en contexte de travail, la culture organisationnelle). La conséquence la plus saillante de la socialisation est de rendre relativement stables certaines dispositions (manière de sentir, de penser, d’agir). Or, la socialisation, bien qu’elle soit un processus individuel (chacun en fait une expérience personnelle et originale) conduit les sujets d’une communauté (de travail ou non) à un plus ou moins grand partage de valeurs, de règles, de normes, de représentations. En tant d’instrument de régulation sociale, la socialisation permet en outre l’économie de la surveillance et des sanctions externes au sens où les acteurs conforment leurs comportements aux attentes du groupe.
Ajoutons que dans le cadre d’une organisation de travail, lorsqu’elle s’oriente vers une certaine conformité à la culture organisationnelle, la socialisation professionnelle peut être vue comme un facteur de développement professionnel dans la mesure où le sujet acquiert une capacité à « lire les situations », à se mouvoir adéquatement dans l’organisation, à adopter les bons comportements aux bons moments (en cela, il devient donc en quelque sorte plus efficace et plus efficient). On comprendra alors que toute organisation de travail gagne à abriter en son sein des acteurs « bien socialisés ». Mentionnons toutefois que le lien entre socialisation professionnelle et développement professionnel est loin d’être simple et automatique. En effet, on peut imaginer qu’une trop grande conformité aux normes et aux règles de l’organisation puisse conduire à des comportements ritualisés peu efficaces et qui laissent peu de place à l’innovation. Au fond, la socialisation professionnelle participera du développement professionnel dans la mesure où elle n’enfermera pas le sujet dans des rôles et des statuts stéréotypés mais lui permettra de développer un rapport réflexif à son travail. Malheureusement, nous ne pouvons ici développer plus avant ces quelques considérations et nous sommes conscients d’en rester à un niveau de généralité très élevé.

5. Critères d’analyse d’un instrument de mesure en sciences humaines et sociales
Notre questionnement de fond, rappelons-le, porte ici sur les indicateurs de la socialisation professionnelle. Plus spécifiquement, à partir d’une analyse de la littérature francophone et anglo-saxonne, analyse qui, il va sans dire, ne saurait être exhaustive, nous souhaitons réfléchir sur les instruments de mesure de la socialisation professionnelle. En effet, parler d’indicateurs renvoie immédiatement à leur opérationnalisation. En somme, nous nous posons la question suivante : les instruments mesurent-ils bien le concept de socialisation professionnelle ?
On le sait, le social ne saurait se mesurer comme les objets physiques (Freitag, 2002). Les phénomènes sociaux sont complexes et les acteurs qui y participent en ont déjà une interprétation (Dumont, 1968). Giddens (2005) dirait qu’ils possèdent une conscience réflexive sur le monde qu’ils habitent. Par ailleurs, souvent les mesures ne peuvent être répétées dans le même contexte puisque les recherches ne se mènent pas en laboratoire. En fait, le problème central qui se pose aux chercheurs est d’identifier des indicateurs observables qui restituent le plus fidèlement possible les caractéristiques du concept (Cohen, Manion & Morrisson, 2000). Or, pour mesurer le degré auquel les indicateurs retenus dans la littérature représentent le concept de socialisation professionnelle, il semble nécessaire d’utiliser quatre principales notions :
- la fiabilité : l’indicateur est déterminé davantage par le concept que par le hasard ;
- la validité : l’indicateur mesure bel et bien ce qu’il est supposé mesurer ;
- la faisabilité : le nombre d’indicateurs ne doit pas être trop élevé et ceux-ci doivent être compréhensibles ;
- la sensibilité : l’indicateur est-il capable d’enregistrer des variations assez fines du concept.
Dans un premier temps, nous nous attarderons aux critères en usage pour déterminer le niveau de socialisation de l’acteur. Dans un deuxième temps, nous nous pencherons – trop rapidement nous en convenons déjà – sur la manière dont le temps est pris en compte dans la mesure de la socialisation professionnelle. Précisons que cette partie de notre exposé doit énormément au travail synthèse effectué par Catherine Fabre du Laboratoire Interdisciplinaire de recherche sur les Ressources Humaines et l'Emploi (LIRHE, Unité mixte de recherche CNRS/UT1 Université des Sciences Sociales, Toulouse). Nous empruntons donc sensiblement les mêmes chemins que ceux de cette chercheure.

6. Les indicateurs de la socialisation professionnelle
Tout d’abord, nous allons présenter les indicateurs qui représentent les conséquences attitudinales de la socialisation. Ensuite, nous nous attarderons aux indicateurs qui traduisent les conséquences de la socialisation en termes de maîtrise des domaines de socialisation. Enfin, nous analyserons les indicateurs donnant à voir l’aspect dynamique de la socialisation professionnelle.

6.1 Typologie et caractéristiques des mesures effectuées
La très grande majorité des mesures de la socialisation professionnelle porte sur les conséquences de la socialisation. En fait, on analyse directement l’effet de cet indicateur sur d’autres variables telles la satisfaction au travail, l’engagement professionnel, le projet de quitter son emploi, le rôle professionnel, etc. Ces dernières variables sont censées représenter fidèlement le niveau de socialisation professionnelle du travailleur.
À l’instar de Fabre (2005), on peut alors se poser deux questions : 1- Dans quelle mesure les conséquences sont-elles réellement corrélées à la socialisation professionnelle ? 2- Est-il suffisant de mesurer les conséquences de la socialisation professionnelle ? Expliquons brièvement. La première question renvoie au problème suivant : considérer implicitement que l’insertion professionnelle dépend uniquement de la socialisation professionnelle. Or, des recherches en ce domaine démontrent bien que ce n’est pas le cas (Martineau, Vallerand, & Bergevin, 2008 ; Portelance, Mukamurera, Martineau & Gervais, 2008 ; Vallerand & Martineau, 2006). Bien des indicateurs interviennent : formation antérieure, type de contrat d’embauche, type de poste occupé, etc. On serait en droit de s’attendre à ce qu’un instrument de mesure de la socialisation professionnelle puisse indiquer clairement ce qui relève du processus de socialisation et ce qui relève d’autres facteurs. La deuxième question, quant à elle, renvoie au fait que le processus de socialisation professionnelle est à toute fin pratique considéré comme une boîte noire. En effet, les recherches ne mesurent pas ce qui se passe à l’intérieur du processus mais seulement ses résultats : satisfaction au travail, engagement professionnel, maîtrise des savoirs et des compétences, etc. Comme le souligne pertinemment Fabre (2005, 7) à la suite de Chao, O'Leary-Kelly, Wolf, Klein et Gardner (1994) : « En effet, ces indicateurs sont en mesure d’établir des liens de corrélation entre un facteur et un degré de réussite de la socialisation professionnelle, mais ils sont incapables d’expliquer les causes de succès ou d’échec et d’identifier les problèmes à résoudre. Constater des corrélations sans les expliquer ne permet pas d’analyser une situation, d’établir un diagnostic et des prescriptions ».

6.2. La socialisation professionnelle mesurée par des variables de résultat
Dans la grande majorité des recherches menées à ce jour, les variables expliquées par la socialisation professionnelle sont en fait utilisées comme des indicateurs (par exemple, la satisfaction au travail, l’intention de demeure en poste, l’engagement), des variables manifestes de ce concept. La mobilisation de ces indicateurs relativement éloignés du concept de socialisation professionnelle permet, il faut bien le dire, la multiplication des mesures empiriques. C’est la raison de leur emploi fréquent. Le problème vient du fait que peu à peu la mesure se substitue au concept lui-même (Allen & Meyer, 1990, Ashford & Saks, 1996 ; Jones, 1986). Force est de constater que les variables de type « attitudes » (comme celles que nous venons de mentionner) ne sont reliées que de manière fort imparfaite à la socialisation professionnelle. Par ailleurs, pour chacune il faut également identifier des indicateurs précis. En combinant ces variables pour atteindre la socialisation professionnelle et en identifiant leurs indicateurs, on multiplie les approximations dans les mesures. On peut donc se demander si l’emploi de telles variables est une pratique vraiment pertinente. En somme, compte tenu de ce qui précède, on peut se demander si ce qui est mesuré ainsi est réellement en adéquation avec le concept. En l’absence de la certitude que les variations des variables expliquées (intention de changer d’emploi, satisfaction au travail, engagement professionnel, etc.) sont effectivement expliquées par la variation de la variable indépendante (ici, la socialisation professionnelle), il est impossible d’affirmer que ce qui devrait être mesuré l’est bel et bien. En termes de validité donc, on ne peut que constater la faiblesse des outils de mesure.

6.3. La socialisation professionnelle mesurée au moyen de domaines de socialisation
Afin d’éliminer ou de réduire les lacunes identifiées plus haut, Chao et al. (1994) ont élaboré une mesure spécifique du construit théorique de la socialisation professionnelle. En effet, leur échelle se compose de six dimensions partiellement indépendantes : la maîtrise des compétences, le développement de relations sociales, l’acceptation de la culture organisationnelle, la maîtrise du langage de la profession et du jargon organisationnel, la capacité à utiliser les structures de pouvoir formelles et informelles, la connaissance historique de l’organisation. À l’inverse de Fisher (1986), les travaux de Chao et al. (1994) laissent cependant de côté la construction d’une identité professionnelle (ce que nous déplorons). L’échelle ainsi créée (comprenant en tout 34 items) a été testée et améliorée et présenterait un bon niveau de fiabilité et de validité interne. Selon ce qu’en rapporte notamment Fabre (2005), la variance expliquée par les six dimensions extraites lors de l’analyse en composantes principales serait de 58%, et restituerait les dimensions construites théoriquement. Il semblerait que cette échelle de mesure soit capable de saisir plus finement le phénomène de la socialisation professionnelle que les variables de résultat. On peut toutefois souhaiter que cette échelle soit enrichie par une variable comme l’identité professionnelle qui est, selon bien des chercheurs, associée à la socialisation professionnelle (Bauer, Morrison & Callister, 1998). Par ailleurs, les instruments de mesure de la socialisation devraient notamment permettre de discriminer différents phénomènes. On pense ici, entre autres, au fait de comprendre son milieu de travail (par exemple, savoir qui fait quoi) et au fait d’adhérer aux valeurs du milieu (par exemple, partager le projet de son école). Signalons que d’autres chercheurs ont également élaboré des échelles du même type. On pense notamment aux travaux de Taormina (1994, 1997, 2004). Compte tenu de l’espace qui nous est imparti, il ne saurait être question ici de les présenter.
En somme, si certains travaux apportent plus de précisions dans la mesure des indicateurs de socialisation professionnelle, nous sommes encore loin de posséder des outils parfaits. On notera surtout que les items qui mesurent le degré de compréhension, ceux qui mesurent le degré d’adhésion et, enfin, ceux qui mesurent le processus comme tel, semblent insuffisamment discriminés.

6.4. La socialisation professionnelle mesurée par son processus
Les études que nous venons d’évoquer se centrent essentiellement sur les conséquences attendues de la socialisation professionnelle. À aucun moment le processus même de la socialisation professionnelle est réellement décrit. Toutefois, quelques chercheurs se sont penchés sur la question (Feldman, 1976 ; Louis, 1980 ; Schein, 1978). Bien que leurs travaux datent déjà de presque trois décennies, leur pertinence apparaît encore évidente (à tout le moins dans l’univers de la recherche de la mesure). Ces chercheurs ont tenté de décrire le plus précisément possible les étapes que traverse un acteur lors de sa socialisation au travail. Il y aurait ainsi trois grandes étapes de socialisation : la socialisation anticipée, la confrontation à la réalité, l’adaptation.
Ces travaux nous paraissent intéressants dans la mesure où ils se centrent sur ce que vit l’acteur et ont recours à différents concepts pour le faire : les attentes envers le milieu professionnel, une vision réaliste du milieu de travail, les conflits d’identité, le changement, l’adaptation à de nouvelles valeurs, la perception et l’interprétation de l’information. Par contre, ces travaux n’expliquent pas les mécanismes de passage entre les différentes étapes, ce qui est une lacune importante sur le plan de la compréhension du processus de socialisation professionnelle. Par ailleurs, les écrits de ces chercheurs demeurent fort peu explicites quant à la durée des étapes de socialisation (et donc sur les raisons expliquant cette durée).

7. Le temps dans la mesure de la socialisation professionnelle
Bien qu’il semble aller de soi que le temps joue un rôle significatif dans le processus de socialisation professionnelle, cet indicateur a été étonnamment négligé par les recherches. En effet, même si de nombreuses études longitudinales ont été menées depuis deux décennies sur la socialisation professionnelle (Bauer et al. 1998), elles ont généralement laissé le facteur temps dans une sorte d’arrière plan théorique (Shuval & Adler, 1977). Il semble pourtant nécessaire d’inclure l’effet du temps dans la mesure de la socialisation au travail (Fabre, 2005). Les recherches longitudinales soulèvent ainsi un certain nombre de questions : Doivent-elles se limiter à la seule première année d’embauche (Hill 1992) ? Et, dans ce cas, comment peuvent-elles prendre en compte le type de lien d’emploi (par exemple, les enseignants à temps partiel, ceux à contrat d’une durée limitée, les enseignants à la leçon, etc.). Sachant que la socialisation professionnelle est un processus irrégulier (Fabre, 2005; Pinder & Schroder, 1987), comment les dispositifs de recherche longitudinale peuvent-ils, sur le plan méthodologique, prendre en compte cette irrégularité ?
Force est de constater alors que notre compréhension du processus de socialisation professionnelle est encore à parfaire. Ainsi, si on sait que les attitudes et les perceptions prennent forme assez tôt dès l’entrée au travail et même avant (Portelance, Mukamurera, Martineau & Gervais, 2008), on en sait encore trop peu sur la façon réelle dont ces dernières se construisent et selon quelle temporalité. Comme nous le rappelle Fabre (2005, 15) : « Il semble également nécessaire d’étudier le processus de socialisation en profondeur, pour trouver un modèle explicatif de la dynamique temporelle de la socialisation et comprendre les déterminants du progrès, les évènements qui peuvent accélérer ou au contraire freiner la progression ». Les recherches menées à ce jour ont trop tendance à présenter le processus de socialisation professionnelle d’une manière linéaire (Langley, 1999). Pourtant, la construction théorique de Dubar (2000), laisse bien voir que le processus de socialisation ne saurait être conçu en tant que processus continu et linéaire. Au contraire, la socialisation professionnelle semble aussi faite de moments de discontinuité, de tensions, de contradictions voire même de ruptures (Mintzberg, Raisinghani & Théorêt, 1976 ; Perier, 2004  ; Schwenk, 1985 & Tremblay, 1998). Qu’on nous permette une fois de plus de citer un peu longuement le texte de Fabre (2005, 16) : « Actuellement, les données longitudinales sont prélevées alors que l’on ne maîtrise pas la dynamique du processus. Ainsi, dans l’hypothèse où les différents domaines de socialisation ne progressent pas au même rythme, et où l’on prélèverait des données à un moment où l’individu ressent un retour en arrière dans l’un des domaines, les résultats ne signifieraient absolument rien. Par conséquent, il serait intéressant d’intégrer, au sein d’un modèle unique, théories de la variance et théories du processus ».
Des recherches qualitatives semblent nécessaires ici afin de raffiner notre compréhension du processus de socialisation professionnelle. Ces recherches pourraient fournir des pistes intéressantes pour la construction d’indicateurs plus fins tant en ce qui concerne les résultats du processus qu’en ce qui a trait au processus lui-même. Par ailleurs, les recherches qualitatives pourraient également aider les chercheurs à élaborer des approches méthodologiques mieux ajustées à la complexité du processus analysé. On ne peut que déplorer qu’à ce jour (comme c’est souvent le cas dans nombre de domaines en sciences humaines et sociales), les recherches dites qualitatives (à tendance phénoménologique, interactionniste ou ethnométhodologique, pour ne nommer que ces approches) et les recherches disons plus quantitatives (faisant usage d’échelles standardisées) aient été menées dans une relative ignorance mutuelle.

8. Mais, en fin de compte, est-il pertinent de mesurer la socialisation professionnelle ?
On le sait, « l’épistémologie de la mesure »[1] (ou, si l’on préfère, le courant hypothético-déductif) possède une longue tradition et, malgré bien des faiblesses, a développé des outils méthodologiques souvent performants qui ne sont pas sans intérêt (comme on a pu le voir plus haut). Or, nos propos précédents ont porté sur les aspects essentiellement méthodologiques des outils de mesure de la socialisation professionnelle laissant volontairement de côté la question des fondements épistémologiques. C’est de cet aspect du problème dont il sera question dans cette section. On nous excusera de la brièveté de notre réflexion, l’espace qui nous est imparti étant relativement restreint.
Les tensions entre les approches positivistes et les approches interprétatives traversent toute l’histoire des sciences humaines et sociales et ce, par exemple, dès les productions pionnières en sociologie de Durkheim et de Weber (Delas & Milly, 2005 ; Simon, 1991). En la matière, Vérité et méthode de Gadamer (1996, paru originellement en 1960) a bien montré non seulement les limites mais aussi les risques d’une « importation » des approches des sciences naturelles dans les sciences humaines et sociales. Plus encore, le grand philosophe allemand nous a mis en garde contre une conception substantialiste des concepts car le langage ne donne pas à voir un monde ontologique préexistant mais fait plutôt apparaître dans l’unité du « vouloir dire » le monde qu’il constitue. En fait, plus spécifiquement, pour comprendre les phénomènes humains, il faut comprendre le sens que leur attribuent les sujets concernés. C’est dire qu’il faut tenir compte des fins poursuivies par les sujets (Schutz, 1987). Le sujet est alors considéré comme une unité psychique, un ensemble compré­hensible, qui possède une structure, une certaine permanence dans le temps et en qui on peut voir à l’œuvre des processus intelligibles (Watier, 2002). Ajoutons que l’approche interprétative accorde une grande importance à certains facteurs généralement ignorés par les conceptions hypothético-déductive au chapitre desquels on note : 1- un sujet qui interprète et qui est situé socialement, culturellement, historiquement ; 2- une pratique sociale de l’interprétation qui est historiquement ancrée ; 3- une action nécessairement située ; 4- non seulement l’interprété mais aussi l’interprétant sont marqués par la temporalité. Qu’en est-t-il dans les approches présentées plus haut ? Au regard d’une épistémologie interprétative, on l’aura deviné, les approches de la mesure de la socialisation professionnelle posent plusieurs problèmes.
Elles se sont globalement développées en dehors de toute réflexion sérieuse sur la place et le rôle du chercheur. Les recherches de la mesure de la socialisation professionnelle n’ont pas donné lieu à un questionnement sur leur ancrage historique (par exemple, en quoi participent-elles d’un courant néo-libéral de gestion de la main-d’œuvre et de la gouvernance des organisations ?). Elles semblent travailler à partir d’une définition a priori du concept, définition qui fige le concept qu’elles investiguent. Elles découpent en outre le processus en différents facteurs qu’elles analysent plus ou moins séparément sans prendre en compte le cadre herméneutique où évoluent les sujets ; nous sommes loin ici d’une approche holistique. De plus, comme nous l’avons indiqué dans une section précédente, elles ne tiennent pas (ou peu) compte du facteur temps. En effet, la socialisation est un processus qui se déroule dans un laps de temps relativement long que les approches de la mesure peuvent difficilement prendre en compte. Par ailleurs, elles font l’impasse sur les dimensions conflictuelles, les tensions, les rapports stratégiques entre les acteurs donnant plutôt à voir un phénomène essentiellement linéaire.
En fin de compte, quelle réponse donnée à l’intitulé de cette section ? Ici, nous sommes tentés d’adopter une position similaire à celle de Ricœur (1969 ; 1983, 1986) face à la controverse entre les tenants de l’explication et ceux de la compréhension en sciences humaines et sociales à savoir que devant les phénomènes humains, l’explication de processus (sur un mode hypothético-déductif) peut contribuer à améliorer la compréhension que nous en avons au sens où, par exemple, la connaissance que j’ai de certains processus cognitifs du cerveau peut m’aider à mieux comprendre la situation d’apprentissage de tel ou tel élève. Si les phénomènes humains, pour être intelligibles, nécessitent la prise en compte du sens construits par les acteurs (posture compréhensive), ils n’impliquent pas un rejet complet et systématique de toute visée explicative. Chacune des approches comporte des limites. En somme, les recherches sur la mesure ne sont pas sans intérêt pour l’explication de la socialisation professionnelle, elles permettent de mettre au jour différentes dimensions en jeu dans ce processus. Toutefois, au-delà de leurs lacunes méthodologiques (leur relative incapacité à mesurer réellement le processus), leur posture épistémologique leur interdit de prendre en compte les raisons d’agir, les motifs, les logiques des acteurs et, en cela, leur portée explicative s’en trouve limitée.

Conclusion
Ce tour d’horizon est bien entendu trop bref et ne saurait rendre toutes les subtilités du champ de recherche présenté. Mais, malgré ces limites indéniables, ce texte permet, nous le croyons, de faire ressortir certaines caractéristiques de la recherche sur la socialisation professionnelle conduite à partir d’outils de mesure.
Il ressort donc de notre présentation que les indicateurs mobilisés pour étudier la socialisation sont passablement imparfaits. En fait, certains ne sont même pas liés au concept, tandis que d’autres manquent singulièrement de rigueur. On peut donc s’interroger sur la portée des résultats obtenus à partir de tels outils imparfaits. Il apparaît alors nécessaire de développer des instruments appropriés pour comprendre non seulement la réussite ou l’échec de la socialisation, mais également pour juger, par exemple, de l’efficacité des programmes et des dispositifs d’insertion professionnelle en milieu scolaire (Martineau & Portelance, 2005). Pour ce faire, une étude approfondie du processus même de socialisation professionnelle dans un esprit interprétatif et par le biais de méthodologies qualitatives nous semble une avenue nécessaire. En somme, au-delà des faiblesses méthodologiques, c’est l’esprit même dans lequel sont menées les recherches de la mesure qui est questionnable. En effet, celles-ci adoptent une posture plutôt positiviste qui nous semble réductrice et peu compatible avec la complexité du phénomène.

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[1] Nous reprenons ici l’expression du professeur Pierre Paillé de l’Université de Sherbrooke.