Référence :
Alvarado Prada, L., E. (2001).The School as a
Whole in the Continuing Education of Teachers. In Raymond, D. (dir.) Nouveaux espaces de développement
professionnel et organisationnel. (p. 85-99). Sherbrooke : CRP.
Définition du concept de développement
professionnel :
L’éducation continue est ici
perçue comme un processus qui contribue à améliorer la vie des individus, à
clarifier leurs pensées et leur réflexion personnelle sur ce qu’ils font et à
agir en tant que citoyens engagés dans un processus de transformation sociale.
Dans le cadre de cette recherche, le contenu de l’éducation continue se base
principalement sur les expériences vécues par les acteurs en éducation et cette
éducation doit prendre place au sein de l’école où les enseignants travaillent.
Concepts associés au développement
professionnel :
Le développement professionnel
est associé au savoir professionnel des enseignants :
Alvarado Prada souligne que le
savoir des enseignants est multiple. Dans le cadre de cette recherche, il en
relève trois types : le savoir des formateurs d’enseignants (ceux qui donnent
des cours), le savoir des enseignants
étudiants (ceux qui reçoivent des cours) et le savoir construit par les membres
des deux groupes lorsqu’ils entrent en interaction lors des cours. Il ajoute
que chaque individu construit son savoir à travers les expériences vécues et
que les enseignants construisent donc leur savoir professionnel par le biais de
leur pratique quotidienne et des différentes expériences auxquelles ils sont
soumis.
Cadre théorique du développement
professionnel :
La formation continue offerte en
milieu universitaire est souvent trop morcelée et cette formation ne prend pas
assez en compte la complexité sociale. «In the statistics of a globalized
world, qualification is often understood (quantitatively) as efficacy, or
efficiency of the educational worker, thus disregarding the professional
teacher as a human being who is situated in a local school culture.
Consequently, the programs and activities which materialise from the policies
(such as continuing education) end up being vertical actions (discontinuous),
with little consideration of the real interests and needs of teachers.” (p.
98).
Les critiques émises par les
enseignants concernant la formation continue reçue jusqu’à maintenant
indiquaient notamment que :
-
Les cours reçus étaient trop courts et sans continuité
entre eux (activités isolées);
-
Les cours s’avéraient parfois trop théoriques et
avaient peu de liens avec la pratique quotidienne;
-
Les cours ne prenaient pas en compte les besoins et les
intérêts des enseignants (thèmes choisis par les chercheurs ou le personnel
universitaire);
-
Les cours ne prenaient pas en considération le contexte
culturel et politique en cours;
-
Les cours ne permettaient pas de se forger une opinion
critique (idées imposées);
-
Les cours étaient parfois offerts dans des endroits
situés loin de l’école où les enseignants travaillent (difficulté de s’y
rendre, implique d’avoir beaucoup de temps et de dépenser de l’argent).
-
Les cours ne prenaient pas en compte la réalité de
l’école et les différents contextes particuliers qu’on peut y rencontrer;
-
La relation entre les universités et les enseignants
est fragile (critique envers les universités qui ne préparent pas suffisamment
les enseignants pour la réalité de l’école et critique envers les écoles qui ne
préparent pas suffisamment les élèves pour les études supérieures…).
-
Certaines pratiques administratives misent sur la
quantité plutôt que sur la qualité en ce qui concerne la formation continue. En
effet, au cours des dernières années, l’offre de formation continue s’est
multipliée au sein de différentes institutions telles que les universités et
les associations professionnelles, mais ce n’est pas toujours un gage de
qualité.
Description de la recherche :
Alvarado Prada présente un projet de recherche-action
portant sur la formation continue, le In-Service Continuing education of
Teachers (ISCET). Ce projet, d’une durée
de deux ans, fait partie du Programme d’Éducation Continue lancé par le
secrétariat de l’éducation à Sao Paulo, au Brésil et commandité par le PNUD en
1997-1998. Il a été mené auprès d’enseignants du primaire et du secondaire de
six écoles de Sao Paulo. Au total, le projet a impliqué 234 enseignants,
directeurs, coordonateurs, membres de l’équipe pédagogique ou autres membres du
personnel, ainsi qu’une centaine d’élèves.
Le projet visait à répondre à un
besoin des enseignants, puisque la formation continue offerte en milieu
universitaire est souvent fragmentaire et que cette formation ne prend pas
suffisamment en considération la complexité sociale. Alvarado Prada visait donc
à instaurer une approche plus contextualisée de la formation continue,
permettant de prendre en considération le savoir professionnel construit par
les enseignants au fil de leurs expériences. Cette formation diffère de celle
offerte habituellement au sein des universités puisqu’elle prend place
directement à l’école où les enseignants travaillent et qu’elle implique tout le
personnel travaillant à l’école. Ainsi, puisque l’école est perçu comme un
tout, le projet ISCET s’adresse à la fois aux enseignants et aux directions,
mais également aux autres membres du personnel scolaire : concierges,
cuisiniers, superviseurs, élèves, secrétaires, membres de l’association de
parents, etc.
En outre, dans le cadre de cette
recherche participative, les enseignants agissent à titre de sujets et en ce
sens, ils partent de leurs propres expériences
et ils ont un pouvoir décisif quant au choix des thèmes, au déroulement
de la recherche et aux approches méthodologiques employées.
L’école est ici perçue dans son
ensemble, comme une institution, un tout, une totalité, avec son identité
propre et où se déroulent des relations complexes. Afin de mieux comprendre ces
relations et ainsi de se développer professionnellement, les enseignants doivent
étudier les événements et problèmes quotidiens rencontrés dans la pratique et
dans le milieu scolaire. Ainsi, les enseignants parviennent à construire leurs
méthodes en tant que professionnels de l’éducation et à développer leurs
pratiques à la fois en tant qu’individus et que membres d’un groupe au sein de
l’école et de la société.
Le projet ICSET possède deux
dimensions (ou phases) : la transformation du contexte institutionnel ou
environnement de travail et la transformation à la fois des conceptions et de
la pratique de l’enseignement.
Éléments méthodologiques :
Les principaux outils qui ont été
employés dans cette recherche sont : l’élaboration et le partage de récits
de vie ainsi que l’étude de textes scientifiques. Ainsi, les enseignants
étaient appelés à partager leur savoir personnel, à s’approprier le savoir
universel (savoir systématisé et publiés dans des livres ou articles
scientifiques), à participer collectivement à la construction et à la
reconstruction de nouveaux savoirs, à identifier différentes alternatives afin
de solutionner les problèmes collectifs et individuels et à faire appel à leur
conscience critique. Les enseignants ont également conçu différents documents,
notamment des textes sur différents sujets et des outils de cueillette
d’informations.
Pour débuter le projet ICSET, les
enseignants devaient répondre à la question « Qui suis-je? ». Puis,
ils ont discuté quant aux problèmes principaux rencontrés au sein de l’école et
ont établi des priorités collectives quant aux thèmes à étudier.
Tout au long du projet, les
participants décidaient eux-mêmes des dates des rencontres (rencontres de
quatre heures prévues chaque deux semaines). Les objectifs de ces rencontres
étaient :
-
stimuler l’autonomie individuelle tout en travaillant
collectivement;
-
améliorer l’estime de soi des participants;
-
améliorer les relations entre les enseignants;
-
améliorer la relation entre les enseignants et le
savoir requis pour enseigner;
-
créer un espace pour étudier, dialoguer et échanger sur
les expériences vécues;
-
analyser les politiques éducationnelles en général et
celles concernant la qualification des enseignants en particulier;
-
améliorer la conscience critique en relation au savoir
universel ainsi qu’au savoir que les enseignants construisent eux-mêmes au
cours de la pratique quotidienne;
-
offrir un espace pour la réflexion et pour l’expression
du savoir des enseignants;
-
orienter les enseignants sans leur offrir de recettes
toutes faites;
- stimuler les enseignants à mettre en place des
alternatives aux situations de formation continue rencontrées jusqu’à
maintenant.
Plusieurs sujets ont été abordés
dans le cadre des rencontres : l’évaluation, les contenus
d’apprentissages, la compréhension de différentes activités d’enseignement,
l’autonomie, la motivation des élèves et de l’enseignant, la satisfaction des
élèves, la qualification des enseignants, la communauté et les parents, le
savoir, les méthodes de recherche et d’enseignement, le travail collectif, etc.
Dans certaines écoles, les élèves
et/ou les parents ont également été consultés (comment ils perçoivent l’école,
les enseignants, l’enseignement en général, etc.). Des textes ont été ensuite produits
pour décrire les informations recueillies.
Résultats :
Ce projet a eu des répercussions
à la fois au niveau pédagogique, politique, administratif, académique et
affectif. Au niveau pédagogique, ce
projet a notamment permis aux participants de vivre une expérience quant aux
méthodologies du travail d’équipe et d’apporter des applications didactiques
quant à certaines disciplines, à l’évaluation, à la relations entre
l’enseignant, l’élève et le savoirs, etc. Au niveau politique, il a permis
d’effectuer une évaluation et une réflexion critique quant au contexte
politique local, national et international en place. Au niveau administratif,
il a entre autres permis des débats quant à l’organisation scolaire. Au niveau
académique, il a permis un échange des expériences, la production des
différents rapports écrits suite aux différentes rencontres et la
systématisation des données récoltées au cours de la recherche. Enfin, au
niveau affectif, le projet a permis la construction de relations «supportantes»,
l’amélioration de l’estime de soi, le partage et la reconnaissance des
expériences professionnelles et l’amélioration des différentes formes de
communication au sein de l’école.
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