Référence :
Frost, J. A., Akmal, T. T., et Kingrey, J. U.
(2010). Planning teacher professional development: the struggles and successes
of an inter-organizational collaboration, Professional
Development in Education, 36(4). 581-595.
Concepts associés au développement professionnel :
Le développement professionnel
est associé au concept de collaboration :
La collaboration est souvent
perçue comme un moyen de favoriser le développement professionnel des
enseignants, notamment par le biais de communautés d’apprentissage afin d’aider
les enseignants à améliorer leur pratique (McLaughlin et Talbert, 2001; Cobb et
al., 2003, Nelson et Slavit, 2007).
La collaboration entre les
organisations (par exemple entre les écoles et les universités) est également
souvent encouragée, voir même exigée lors de l’octroi de certaines subventions
pour le développement professionnel.
« By working
together, partners with different connections and perspectives are seen as
having the potential to accomplish goals- such as broad educational reform-
that the individual people or institutions could not achieve alone.”(p. 582).Lorsque
les deux parties s’apportent des bénéfices mutuels, la psychologie
organisationnelle parle d’avantage collaboratif (collaborative advantage) (Kanter, 1994; Huxham, 1996; Huxham et Vangen,
2000). Par contre, lorsque ce n’est pas
le cas, la collaboration peut mener à l’inertie (collaborative inertia).
Cette inertie peut provenir de
plusieurs causes :
-
Enseignants résistants ou lents à participer à
l’apprentissage réflexif, puisqu’habitués à travailler de manière isolée.
-
Groupes qui contribuent volontairement ou non à faire
en sorte que les enseignants n’examinent pas leur pratique et n’apportent pas
de changements quant à leurs croyances
-
Difficulté à établir un objectif commun compatible avec
les buts de chacune des organisations impliquées
-
Difficulté à établir une confiance mutuelle entre les
organisations
Le développement professionnel
est associé au concept de changement :
Selon Fullan et Miles (1992), il
existe deux niveaux de changements : changements de premier ordre
(superficiels) et changement de second
ordre (culturel et systémique). Le second type implique une réflexion profonde
et peut engendrer des difficultés, comme cela a été le cas dans l’exemple
présenté dans ce texte.
Éléments méthodologiques :
Dans le cadre de cette étude
qualitative, les auteurs ont analysé l’expérience d’un groupe
inter-organisationnel de développement professionnel en mathématiques. La
psychologie organisationnelle a été utilisée afin d’analyser les défis
rencontrés et l’évolution du groupe à travers le temps. Le groupe collaboratif réunissait
8 membres, soit des enseignants du secondaire et du post-secondaire, de River
City, une ville du Nord-Ouest des États-Unis, ainsi que des représentants du
district scolaire et de deux universités. L’objectif du groupe était
d’apprendre comment mieux soutenir les élèves lors de la transition des cours
de mathématiques de l’école secondaire vers les cours du post-secondaire. Les trois auteurs sont à la fois
participants et chercheurs (observateurs) dans le cadre de ce groupe. Les
données analysées comprennent : journal rétrospectif des trois auteurs,
documents écrits reliés au projet et entrevue avec les autres membres du groupe
à la fin de l’année.
Résultats :
Le groupe collaboratif s’est
avéré une expérience positive mais il y a eu plusieurs difficultés rencontrées
en cours de route.
Attentes quant au rôle :
Les efforts
inter-organisationnels peuvent être affectés par l’ambigüité des rôles des
différents acteurs. Notamment, trois des membres à l’origine du groupe
croyaient qu’ils auraient un rôle de leaders à adopter et ont donc été surpris
quant certains autres membres ont pris en charge ce rôle. Une autre
participante souligne qu’elle aurait préféré agir seulement à titre
d’observatrice au sein du groupe mais que sa direction l’a incitée à participer
plus activement. Elle ne se sentait pas appuyée car elle manquait de temps pour
jouer ce rôle et certains membres du groupe critiquaient son travail.
La littérature scientifique souligne qu’une des premières
préoccupations lors de la formation d’un groupe collaboratif est le rôle que
chacun des membres doit jouer (Schein, 2004). « According to organizational researchers, these types of confusion about
roles can occur in situations in which members of a group hold overlapping or conflicting
goals (Rizzo et al., 1970;
Reese & Sontag, 2001), little group socialization has occurred (Reese &
Sontag, 2001; Jaskyte, 2005) and members do not feel their strengths are valued
(Jaskyte, 2005). »
Dans le présent groupe, les membres ont eu peu de temps
avant la première session de travail pour discuter au préalable de leurs
objectifs et de leurs rôles et développer une vision commune. Une telle
ambigüité quant au rôle à jouer par les membres peut engendrer insatisfaction,
manque de soutien et manque d’investissement au sein du groupe (Ilgen &
Hollenbeck,1991; Yun et al., 2007), voire même la décision de quitter le
groupe (Ilgen & Hollenbeck, 1991; Jehn, 1997). En outre, si les rôles sont
ambigus, l’efficacité du groupe est compromise et des tensions se créent entre
les membres. Les recherches sur l’investissement quant à l’emploi
soulignent que l’individu est davantage porté à s’investir s’il a une certaine
autonomie, qu’il comprend son rôle et qu’il est satisfait de son travail. Dans
le cas du groupe collaboratif, certains membres ont été portés à se
désinvestir. Par exemple, un des membres a arrêté d’assister aux sessions de
travail), parce qu’il n’avait pas l’impression d’être utile pour le groupe.
Attentes quant au processus :
Au départ, les différents membres
du groupe n’avaient pas la même vision quant au travail à réaliser. Par
exemple, Kate (une des membres) voyaient le groupe comme un forum pour les
enseignants afin de construire des relations d’apprentissage collaboratives et
de miser sur le développement professionnel, alors que John (un autre membre),
voulait que le groupe prenne de l’expansion et devienne un modèle de
collaboration entre partenaires du secondaire, du collégial et de l’université. Ainsi, dans ce groupe
collaboratif, les membres ont eu de la difficulté à établir un objectif commun,
notamment en raison des différences entres les cultures organisationnelles, ce
qui peut amener, selon la littérature scientifique, à une inertie collaborative
(Huxham
& Vangen, 2000; Reese & Sontag, 2001). Afin de surmonter cette
difficulté, il est essentiel que les membres fassent un effort conjoint afin de
comprendre, de reconnaître et de respecter les perspectives et la culture
organisationnelle d’autrui, et d’intégrer ces différentes perceptions au sein
d’une nouvelle perspective collaborative. Il s’agit de faire en sorte de
développer un langage commun et une vision commune du travail à réaliser.
« If the group
finds a way to value the varying skills and perspectives of the members,
particularly through discussions that explore the different viewpoints, the
diversity of the group can lead to more productive and original outcomes than
that of groups with more homogeneity (Arnason & Schweiger, 1997). »
Résultats du groupe :
Au fil du temps, le groupe est parvenu à une meilleure
cohésion. Même si des différences subsistent quant aux perceptions des membres
rattachés au secondaire ou au collégial, on note une augmentation de la
confiance mutuelle, une meilleure compréhension de la perspective d’autrui et
une plus grande satisfaction des membres.
Néanmoins, John (un des participants), a une vision moins positive des
résultats du groupe en indiquant que, même si c’est une première étape
intéressante quant au développement de la collaboration
inter-organisationnelle, il aurait souhaité que le groupe prenne de l’expansion
et s’agrandisse, ce qui n’a pas été le cas.
Les chercheurs concluent en indiquant que les difficultés
vécues par le groupe auraient pu être évitées si le groupe avait pris le temps
au préalable d’explorer les différentes perspectives, de reconnaître les forces
et de clarifier les rôles de chacun (Rizzo
et al., 1970; Jaskyte, 2005). Néanmoins, selon les recherches portant
sur les difficultés d’effectuer des changements systémiques (Fullan et Miles,
1992) et sur l’importance de l’inertie collaborative (Huxham, 1996; Huxham
& Vangen, 2000; Vangen & Huxham, 2003),
le processus aurait tout de même été difficile pour les enseignants. Il
est donc important d’informer dès le départ les membres d’un groupe
inter-organisationnel quant aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer et de
leur offrir suffisamment de temps pour qu’ils puissent régler ces difficultés
au fur et à mesure qu’elles apparaissent. En effet, la confiance et la vision
commune sont des éléments qui se développent au fil du temps.
Ainsi, cette étude révèle l’importance de « planifier
la planification », c’est-à-dire de prendre du temps, au début du
processus, afin d’articuler les perspectives de chacun des membres et de
développer une vision commune quant au travail à réaliser.
Références citées :
- Arnason, A. C. & Schweiger, D. M. (1997) The effects of conflict on strategic decision making, effectiveness, and organizational performance, in: C. K. W. De Dreu & E. Van de Vliert (Eds) Using conflict in organizations (Thousand Oaks, CA, Sage), 101–115.
- Cobb, P., McClain, K., Lamberg, T. dS. & Dean, C. (2003) Situating teachers’ instructional practices in the institutional setting of the school and district, Educational Researcher, 32(6), 13–24.
- Fullan, M. & Miles, M. B. (1992) Getting reform right: What works and what doesn’t, Phi Delta Kappan, 73(10), 744–752.
- Huxham, C. (1996) Advantage or inertia? Making collaboration work, in: R. Paton, G. Clark, G. Jones, J. Lewis & P. Quintas (Eds) The new management reader (New York, Routledge), 238–254.
- Huxham, C. & Vangen, S. (2000) Ambiguity, complexity, and dynamics in the membership of collaboration, Human Relations, 53(6), 771–806.
- Ilgen, D. & Hollenbeck, J. (1991) The structure of work: job designs and roles, in M. Dunnette & L. Hough (Eds) Handbook of industrial and organizational psychology (2nd edn) (Palo Alto, CA, Consulting Psychologists Press), 165–208.
- Jaskyte, K. (2005) The impact of organizational socialization tactics on role ambiguity and role conflict of newly hired social workers, Administration in Social Work, 29(4), 69–87.
- Jehn, K. A. (1997) Affective and cognitive conflict in work groups: increasing performance through value-based intragroup conflict, in: C. K. W. De Dreu & E. Van de Vliert (Eds) Using conflict in organizations (Thousand Oaks, CA, Sage), 87–100.
- Kanter, R. M. (1994) Collaborative advantage, Harvard Business Review, 72(4), 96–108.
- McLaughlin, M. W. & Talbert, J. E. (2001) Professional communities and the work of high school teaching (Chicago, The University of Chicago Press).
- Nelson, T. & Slavit, D. (2007) Collaborative inquiry among science and mathematics teachers in the USA: professional learning experiences through cross-grade, cross-discipline dialogue, Professional Development in Education, 33(1), 23–39.
- Reese, D. J. & Sontag, M-A. (2001) Successful interprofessional collaboration on the hospice team, Health & Social Work, 26(3), 167–175.
- Rizzo, J. R., House, R. J. & Lirtzman, S. I. (1970) Role conflict and ambiguity in complex organizations, Administrative Science Quarterly, 15, 150–163.
- Schein, E. H. (2004) Organizational culture and leadership (3rd edn) (San Francisco, Jossey-Bass).
- Vangen, S. & Huxham, C. (2003) Nurturing collaborative relations: building trust in interorganizational collaboration, Journal of Applied Behavioral Science, 39(5), 5–31.
- Yun, S., Takeuchi, R. & Liu, W. (2007) Employee self-enhancement motives and job performance behaviors: investigating the moderating effects of employee role ambiguity and managerial perceptions of employee commitment, Journal of Applied Psychology, 92(3), 745–756.
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