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06 mai 2013

Développement professionnel des enseignants dans un contexte de participation à une communauté virtuelle


Référence :
Daele, A. (2004). Développement professionnel des enseignants dans un contexte de participation à une communauté virtuelle : une étude exploratoire, Rapport de recherche DEA en Sciences de l’éducation: Université catholique de Louvain.
Définition du concept de développement professionnel :
Le développement professionnel constitue un processus alimenté à la fois par la formation initiale, la formation continue, l’interaction entre les pairs et la réflexivité personnelle de l’enseignant (Day, 1999; Lieberman et Miller, 2001). Selon Lieberman (1996), des situations de développement professionnel peuvent être engendrées à la fois lors de situations formelles (par exemple : formation continue) ou de situations informelles (par exemple : discussion avec les collègues, expériences vécues en classe, expériences en-dehors de l’école, etc.).
Concepts associés au développement professionnel :
Le développement professionnel est lié à l’interaction avec les pairs : En effet, c’est notamment par l’interaction avec ses pairs que l’enseignant parvient à apprendre son métier. En ce sens, sous certaines conditions, les communautés virtuelles d’enseignants peuvent favoriser ces interactions entre collègues et ainsi permettre à l’enseignant de se développer professionnellement.
Cadre théorique du développement professionnel :
Selon Donnay et Charlier (2006), le développement professionnel des enseignants est un processus qui possède différentes caractéristiques :
1) Orienté : vers un but, un projet, un progrès.
2) Situé : contextualisé dans un environnement particulier (lieux et moments d’échange dans et en-dehors de l’école).
3) Partiellement planifiable : puisque le développement professionnel comporte toujours une part d’imprévisible (apprentissage sous plusieurs formes et de plusieurs sources, à la fois formelles et informelles).
4) Dynamique et continu : Les apprentissages effectués sont ainsi réinvestis dans la pratique.
5) Soutenu par une éthique professionnelle : ayant pour finalité l’apprentissage des élèves.
6) À responsabilité partagée : D’abord par l’enseignant mais également par l’école, qui doit favoriser la réflexion et l’innovation afin de soutenir le développement professionnel des enseignants.
Donnay et Charlier (2006) définissent ensuite 4 dimensions du  développement professionnel des enseignants:
1) Les pratiques d’enseignement constituent souvent le point de départ et d’arrivée du développement professionnel. Ainsi, le développement professionnel permet d’améliorer la pratique.
2) Le développement professionnel est étroitement lié au développement personnel.
3) Le développement professionnel est enrichi par les relations avec les pairs : confrontations, débats, échanges, etc.
4) Le développement professionnel est lié à la construction et à la clarification de l’identité professionnelle.
Selon Kremer-Hayon, Vonk et Fessler (1993), il y a un intérêt grandissant pour le développement professionnel des enseignants à partir des années 1990, ce qu’ils expliquent par trois phénomènes conjoints :
1) la technicité croissante des sociétés occidentales
2) l’accroissement et la précision des connaissances quant aux processus d’enseignement et d’apprentissage et aux conditions qui les favorisent
3) la volonté sociale de viser la réussite pour tous les élèves
Jusqu’aux débuts des années 1990, les modèles de développement professionnel de l’enseignant sont centrés sur l’image de l’enseignant « loup solitaire » (Huberman, 1995). L’enseignant est alors perçu comme un praticien réflexif, capable d’analyser sa pratique et de la changer au besoin. Plus récemment, les modèles de développement professionnel ont évolué afin d’intégrer deux facettes du développement : collaborative et individuelle (Butler, Lauscher, Jarvis-Selinger et Beckingham, 2004). Ainsi, l’apprentissage de l’enseignement s’effectue à la fois de manière individuelle et réflexive (praticien réflexif) mais également au contact des pairs.
Le modèle de développement professionnel d’Engeström (1994) est basé sur la théorie de l’activité. Selon cette théorie, l’action de la personne est prise en compte dans son contexte, à la fois social et historique. Ainsi, selon ce modèle, le développement professionnel en enseignement fait intervenir un sujet, un objet (objectifs visés par l’enseignant), des instruments (réflexion, interaction, lecture, formations, etc.), des règles (règlements et programmes scolaires), des communautés (enseignants, directions, élèves, etc.) et une division du travail (répartition des tâches d’enseignement et relations hiérarchiques). Lorsque le système fonctionne bien, cela permet l’apprentissage professionnel chez l’enseignant : appropriation de nouvelles pratiques, changement de pratiques, etc.
Huberman (1995) présente un modèle de développement professionnel en réseau, nommé l’Open collective cycle. Ce modèle identifie différentes étapes par lesquelles passe un groupe d’enseignants lors du cycle de développement professionnel : développement de nouvelles méthodes, expérimentation, échanges avec les pairs, seconde expérimentation, application ou abandon de la méthode et partage d’expérience. L’ordre des étapes peut varier mais il s’agit d’un processus cyclique durant lequel différents éléments peuvent intervenir : apports conceptuels, pistes didactiques, observations, analyses pédagogiques, etc.  Ce modèle d’Huberman met l’accent sur l’importance du dialogue et de la collaboration entre pairs quant au développement professionnel des enseignants. 
Keiny (1996) suggère un modèle pour représenter le changement conceptuel chez les enseignants dans lequel l’enseignant se situe entre deux lieux interdépendants : le pôle social (groupe réflexif) et le pôle pratique et individuel (activité en classe, praxis). Ainsi, la pratique engendre la réflexion qui est rapportée au sein du groupe réflexif et le groupe réflexif propose des actions à expérimenter au sein de la pratique.
En s’inspirant des auteurs cités précédemment, Daele propose un modèle pour expliquer le développement professionnel des enseignants au sein d’une communauté virtuelle. Le modèle commence et termine avec la « pratique ». Cette pratique amène des réflexions ou des observations chez l’enseignant, ce qui peut l’amener à participer à une communauté virtuelle. Au sein de la communauté, 5 processus peuvent être mis en place :
1) Un échange : réponses suite à une intervention d’un enseignant, qui peut déboucher sur un dialogue : question d’explicitation, évocation de sa propre pratique, etc.
2) Un partage d’expériences : la personne présente son expérience personnelle
3) Une analyse : identification de la source du problème, recours à des références théoriques ou pratiques, recherche de pistes de solution.
4) Un débat : chacun argumente sur son point de vue, confrontations d’idées.
5) La création de nouvelles méthodes (ou de nouvelles idées pour la pratique).
Daele identifie également 6 types d’objets échangés au sein des communautés virtuelles : témoignages, apports méthodologiques et didactiques, règles, références, démonstrations et pistes ou outils didactiques.
Facteurs favorables ou nuisibles quant au développement professionnel :
Day (1999) mentionne différents facteurs pouvant avoir un impact quant au développement professionnel : l’histoire de vie, la culture de développement professionnel existant au sein de l’école, les influences extérieures (gouvernement, associations, médias), le soutien de la direction, des collègues et d’autres associations, les attitudes et représentations de l’enseignant quant à l’apprentissage, etc.
Charlier (1998) présente plusieurs conditions propices à l’instauration de changement dans la pratique professionnelle et favorables au développement professionnel des enseignants dans le cadre d’une formation continue. Ces conditions peuvent être individuelles (histoire de vie, étape de la carrière, caractéristiques individuelles de l’enseignant), situationnelles (en lien avec le contexte de formation ou de pratique) et relationnelles (interactions de l’enseignant avec ses conceptions de l’apprentissage, sa vision de soi, sa perception de l’efficacité de la formation, etc.). C’est l’interaction de ces trois conditions qui peut faire en sorte que l’enseignant en vienne à transformer ses pratiques.
Le développement professionnel est favorisé par l’instauration de communautés virtuelles d’enseignants. Ces communautés sont définies ainsi : « situation d’interaction sociale pouvant conduire à un apprentissage chez ses membres » (p. 34).  Par ailleurs, selon Bertrand (1993), le conflit sociocognitif est à la base de l’apprentissage et il est possible lorsqu’il existe une divergence ou un déséquilibre entre les membres d’un groupe, ce qui les pousse à mettre en œuvre un processus de réflexion et de prise de conscience du point de vue d’autrui. Le fait que le conflit soit social amène les individus à coordonner leurs efforts afin d’élaborer une nouvelle structure cognitive et ainsi rétablir l’équilibre. Dans le cadre d’une communauté virtuelle, Daele souligne que des conflits sociocognitifs peuvent avoir lieu lors des échanges, des débats et des confrontations, ce qui peut favoriser l’apprentissage des enseignants (hypothèse).
Bourgeois et Nizet (1997) traitent de l’apprentissage coopératif  et identifient différentes conditions pour que ce dernier soit efficace, notamment : tâches d’apprentissage complexes; apprentissage en groupe qui favorise la discussion, les échanges d’arguments et l’exploration des points de vue divergents; développement de compétences socio-affective telles que l’écoute, l’encouragement, la gestion de conflits; l’hétérogénéité du groupe quant aux compétences des participants, etc.
Éléments méthodologiques :
Il s’agit d’une recherche exploratoire afin de tester la validité d’un modèle pour expliquer le développement professionnel des enseignants au sein d’une communauté virtuelle et de mieux comprendre le mode de participation des enseignants au sein de ces communautés, en lien avec leur développement professionnel. L’auteur a analysé  les messages échangés sur un forum électronique (INSTIT) ainsi que  les réponses de certains enseignants participants à une entrevue semi-structurée (rencontre téléphonique ou en personne). Le modérateur de la communauté a également été interviewé. Pour les messages du forum, l’auteur à codé plus particulièrement deux fils de discussion portant sur une thématique précise : choix d’un livre de maths et de français et classe de neige. Les entrevues ont également été codées.
Résultats :
Les enseignants interviewés qui participent à la liste INSTIT prennent beaucoup de temps pour participer à la liste et y prennent plaisir (la disponibilité en terme de temps semble donc être un facteur pouvant favoriser la participation). Ce sont des enseignants qui se sentent à l’aise avec l’ordinateur et qui s’impliquent quant à leur développement professionnel.
Les conditions d’entrée dans la communauté virtuelle sont : connaissance de la technologie et acceptation de cette dernière, temps à consacrer à la participation, familiarisation préalable avec les listes de discussion, envie d’échanger et de partager son expérience. Par contre, l’étape de la carrière ne semble pas être une variable déterminante quant à l’entrée dans la communauté virtuelle puisque certains enseignants se sont inscrits lors de leurs débuts dans la profession et d’autres à différents moments de leur carrière. En outre, Daele suggère que la préparation au travail en groupe et à la réflexion de groupe (débat d’idées) constitue un atout quant à l’entrée dans une communauté de pratique virtuelle.
Pour que la communauté fonctionne bien, certaines conditions de participation sont essentielles : la confiance en soi et la crédibilité de l’enseignant, un bon animateur pour réguler les échanges, l’ « utilisabilité » de la technologie  et la  construction d’une ambiance favorable aux échanges (sociabilité des membres).
Daele identifie différentes conditions pour que la communauté virtuelle favorise l’apprentissage chez un enseignant :
1) Les représentations personnelles des enseignants : conception de l’apprentissage, représentation du groupe en tant que lieu d’apprentissage, attitude favorable à la nouveauté et au changement.
2) Les opportunité de réflexion quant au transfert dans la pratique : possibilité de transférer certaines idées et informations tirées des échanges au sein de sa pratique personnelle.
3) L’intensité des relations sociales : investissement des membres.
4) L’hétérogénéité du groupe : participants ayant des expériences différentes et travaillant dans des milieux et des réseaux différents. Cela favorise la richesse des échanges.
Références citées :
  • Bertrand, Y. (1993). Théories contemporaines de l’éducation. Lyon : Chronique Sociale.
  • Bourgeois, E. et Nizet, J. (1997). Apprentissage et formation des adultes. Paris : PUF. 
  • Butler, D. L., Lauscher, H.N., Jarvis-Selinger, S et Beckingham, B. (2004). Collaboration and self-regulation in teacher’s professionnal development. Teaching and teacher Education, 20, 435-455. 
  • Charlier, E. (1998). Apprendre et changer sa pratique d’enseignement. Expériences d’enseignants. Bruxelles : De Boeck Université.
  • Day, C. (1999). Developing teachers. The challenge of lifelong learning. Londres : Palmer Press.
  • Donnay, J., & Charlier, E. (2006). Apprendre par l’analyse de pratiques. Initiation au compagnonnage réflexif, Presses Universitaires de Namur : Éditions du CRP.
  • Engeström, Y. (1994). Teachers as Collaborative Thinkers: Activity-theoretical Study of an Innovative Teacher Team. In I. Carlgren, G. Handal et S. Vaage (Eds.). Teachers’ Minds and Actions: Research on teachers’ Thinking and Practice. Londres : The Falmer Press, pp. 43-61.
  • Huberman, M. (1995). Networks That Alter Teaching : conceptualizations, exchanges and experiments. Teachers and Teaching : theory and practice, 1(2), octobre 1995, 193-211.
  • Keiny, S. (1996). A community of learners : promoting teachers to become learners. Teachers and Teaching : Theory and Practice. 2(2), 243-272.
  • Kremer-Hayon, L., Vonk, H.C., et Fessler, R. (eds.). (1993). Teacher Professionnal Development : A Multiple Perspective Approach. Amsterdam : Swets & Zeitlinger.
  • Lieberman, A. et Miller, L. (1990). Teacher development in professionnal practice. Teachers College Record, 92(1), 105-121.


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