Introduction
La société grecque vit une crise de la
culture :
Faire face à l’avenir sans pouvoir
s’appuyer sur des fondements assurés.
Conséquence pour
l’éducation :
Des interrogations ….
Qu’est-ce qui est digne
d’être enseigné ?
Dans quel monde
voulons-nous vivre ?
Que souhaitons-nous pour
nos enfants ?
Quelle culture doit être
enseignée à l’école ?
Ces questions sont
au cœur même de la fondation de notre civilisation.
C’est-à-dire que la civilisation
occidentale naît d’une crise des valeurs et de la culture.
Environ 400 ans
avant notre ère, les Grecs anciens vont justement connaître une crise profonde de
leur culture.
Cette crise va
s’incarner dans une remise en question de la religion, du pouvoir et de la
tradition qui forment les 3 sources des modèles de vie, de penser, d’agir en
occident.
Les premiers
penseurs de l’époque vont largement contribué à dissoudre les certitudes sur
lesquelles s’appuyait jusque là la culture grecque.
La crise de la culture
grecque, tout comme celle que nous vivons, sera une crise des modèles sur
lesquels nous pouvons nous appuyer.
La société des Grecs
L’apogée de cette civilisation se situe aux alentours des années
500-338 av. J.-C.
Il s’agit d’une
société méditerranéenne.
Une société
essentiellement agricole.
Une société
esclavagiste :
«Il y a les outils inanimés ; les
outils animés : les animaux ; et les outils qui parlent : les
esclaves» (Aristote).
Cités-États :
Les 2 plus connues
sont Athènes et Sparte. Les cités-états grecques sont indépendantes les unes
des autres et souvent en guerre.
Une société démocratique :
Une démocratie
réservée à une minorité : les hommes grecs.
Une société faite pour les hommes libres :
Les grecs s’adonnent à
la politique, à la guerre, aux arts, aux sciences et aux sports.
La société grecque : la 1ère société ouverte
Une société fermée est une société traditionnelle, religieuse et
autoritaire.
Une société ouverte est une société qui fait l’expérience profonde du
pluralisme et du relativisme.
Tradition :
Dans la société
fermée, l’être humain s’oriente en fonction de modèles de comportements et de
pensée prédéfinis.
Dans la société
ouverte, l’être humain s’oriente en fonction de ses propres choix et des ses
valeurs personnelles.
Religion :
Dans la société
fermée, l’être humain se réfère à un modèle surhumain.
Dans la société
ouverte, l’être humain est la mesure de toute chose.
Autorité :
Dans la société
fermée, l’être humain peut se référer à des modèles vivants ou morts qui font
autorité et consensus pour l’ensemble de la population.
Dans la société,
l’être humain ne se reconnaît souvent pas de modèles qui font autorité pour lui
et, lorsqu’il le fait, ces modèles ne font pas consensus dans la population.
La démocratie :
Le pouvoir
n’appartient pas à un roi ou un groupe de gens mais aux citoyens.
Ceux-ci négocient en
assemblée publique (agora) les décisions à prendre pour la cité.
Par conséquent, la
parole devient l’instrument suprême du pouvoir.
La parole :
Au centre de la vie
politique athénienne.
Discourir sur la place
publique nécessite cohérence et capacité à argumenter.
Le citoyen grec est
donc amené à développer des compétences particulières.
Celles-ci sont :
la logique, la rhétorique, la dialectique, la rationalité, etc.
Elles donnent
naissance à la philosophie et à la science.
La démocratie sert donc de base à toute une transformation de la
culture.
L’organisation sociale détermine en bonne partie ainsi les contenus à enseigner.
Une société fondatrice
3 valeurs centrales :
Les société grecque
valorise 3 éléments au fondement même notre civilisation occidentale :
-
la pensée rationnelle ;
-
la parole ;
-
l’être humain.
Un nouveau modèle de la culture :
La valorisation des 3
éléments ci-haut mentionnés conduit au développement d’un nouveau modèle
culturel.
Celui-ci repose sur le
rationalisme et l’humanisme.
-
Pour le rationalisme le monde est
ordonné par des règles accessibles à la raison (cela signifie que la vérité est
accessible à celui qui se donne la peine de la chercher) ;
-
Selon l’humanisme l’être humain
est capable de se gouverner lui-même.
Ce qui émerge alors en Grèce c’est l’idée d’un individu libre,
responsable, autonome, rationnel.
Ces valeurs seront au cœur de l’éducation grecque.
Elles sont toujours au cœur de la nôtre ; c’est dire la modernité
de cette civilisation vieille de 2500 ans.
Les Grecs ne cherchent pas à éduquer un type d’homme particulier mais à
faire émerger l’être humain dans son essence même.
L’ÉDUCATION GRECQUE
Distinction entre éduquer et enseigner
Tous les peuples éduquent…
L’éducation est
nécessaire à l’être humain parce que, contrairement aux animaux, celui-ci ne
dispose pas à la naissance d’un instinct développé. L’être humain, plus que
tous les autres êtres vivants, doit apprendre pour survivre. Plus encore, ce
qu’il doit apprendre, c’est lui-même qui le détermine car les savoirs et
compétences nécessaires varis en fonction de la société qu’il se créer.
L’animal évolue dans un environnement, l’homme habite un monde. L’homme se
créer une culture et doit la faire apprendre à ses enfants : l’être humain
est donc socialisé à travers l’éducation qu’il reçoit.
L’éducation est donc l’action que des adultes exercent sur et avec des
enfants afin de les intégrer à la communauté et leur faire intérioriser la
culture.
L’enjeu de l’éducation est donc énorme : il s’agit rien de moins
que la perpétuation de la société et son devenir.
…Mais tous n’ont pas enseigné.
Dans les sociétés traditionnelles (fermées), l’éducation se fait dans
la famille (culture commune ou première) ou auprès d’un spécialiste d’un métier
(artisan) ou d’une activité (guerrier).
La transmission ici ne passe pas obligatoirement par le langage
(imitation). Par conséquent, le savoir n’est généralement pas théorisé.
Les Grecs vont connaître à la fois l’éducation traditionnelle et une
nouvelle éducation : en fait l’enseignement.
Le terme «pédagogue» tire son origine de la société grecque. Il
désignait tout d’abord l’esclave chargé de conduire le jeune étudiant chez ses
maîtres.
À cette époque on ne peut pas encore parler d’écoles. Les étudiants ne
suivent pas leurs cours au même endroit. Ils vont plutôt à divers endroits
rencontrer individuellement un maître, expert dans une discipline.
Les Athéniens auront à choisir entre 3 formes de paidéia (éducation
générale) :
-
celle des Sophistes ;
-
celle des mathématiciens ;
-
celle de Socrate et des
philosophes à sa suite.
Mais seule la 3e portera sur les fins de l’éducation.
LES SOPHISTES
Les premiers enseignants
Les philosophes, plus spécifiquement les Sophistes.
Ils ne sont pas des spécialistes d’un métier.
Ils enseignent pour de l’argent.
Ils ne sont spécialistes que de l’enseignement.
Qui sont les Sophistes ?
Des savants, des philosophes, des critiques de la société, leur arme
est le langage. Celui-ci est vu avant tout comme un instrument de pouvoir.
Ce sont des relativistes qui enseignent qu’il n’existe pas de vérités
absolues, que tout est relatif, question d’opinion,
Qu’enseignent-ils ?
À bien parler en public !
La grammaire, la rhétorique, la dialectique, lesquelles s’opposent à
l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique (acoustique).
Se dessine donc déjà l’opposition entre 2 formes d’éducation générale
(paidéia) : l’une convenant à l’ingénieur l’autre au politicien.
À qui enseigne-t-on ?
Aux adolescents
(garçons)
Les enfants sont
confiés aux femmes.
En quoi leur enseignement est-il représentatif du contexte social et
culturel :
-
une société démocratique où savoir
parler est un outil de pouvoir ;
-
une culture qui a perdu ses
repères et dont les enseignants professent que toute connaissance est relative
(la connaissance n’est plus révélation des dieux mais invention des hommes).
Qu’est-ce qui différencie l’éducation sophistique ?
Par
rapport à l’éducation familiale, elle se fait en dehors de la famille et
moyennant un paiement.
Par
rapport à l’éducation artisanale, elle est non spécialisée, elle dispense une
culture générale.
SOCRATE
Socrate : un grand professeur
Qui est-il ?
Né Athènes en 470/69
av. J.-C.
Un fils d’un sculpteur (Sophronisme) et d’une sage-femme (Phénarète).
Il s’est marié et a eu 3 enfants
Quel
savoir prétend-il posséder ?
Aucun.
À
qui enseigne-t-il ?
À tous ceux qui veulent s’entretenir
avec lui.
Pourquoi
se comporte-t-il ainsi ?
Il cherche à connaître, il cherche
l’essence des choses.
Il
s’oppose à la fois aux Sophistes qui prétendent tout savoir et aux ignorants
béats qui ignorent leur ignorance.
Socrate
est un homme en quête de savoir.
Comment
enseigne-t-il ?
Par la maïeutique !
Elle est «l’art du
questionnement par lequel le maître fait accoucher le disciple de la vérité
qu’il portait en lui mais qu’il avait oubliée» (Jean Brun, Socrate, Paris, PUF,
p. 55).
Le
but de l’apprentissage :
Connaître non pas pour maîtriser le
monde matériel ou pour réussir dans la vie mais pour s’améliorer sur le plan
moral. Socrate n’a pas une vision utilitariste du savoir.
La
connaissance:
Elle est pour Socrate garante d’une
perfectibilité de l’être humain. Plus on sait, mieux on est. Toutefois, la
connaissance encyclopédique n’est pas un but en soi. En effet, le «connais-toi
toi-même» de l’oracle de Delphes est moins une invitation à tout connaître qu’à
approfondir la condition humaine.
La
1ère tâche de l’enseignant :
Faire prendre conscience à autrui de
son ignorance pour l’amener à s’interroger.
Socrate
comme exemple de l’homme nouveau :
Il ne peut plus se satisfaire des
croyances traditionnelles, ni des fausses certitudes des supposés savants.
Socrate est l’homme du doute, il cherche les fondements de son actions et de
ses croyances, mais aussi l’homme de la certitude, celle que la vérité existe
et que l’homme peut l’atteindre.
Éducation
socratique :
Elle est une éducation basée sur la
conviction que tout être adulte est rationnel, capable d’apprendre. Elle
définit aussi l’acte d’apprendre comme un processus où l’apprenant est actif et
non passif. Le dialogue est au cœur de ce processus.
Socrate
sera condamné à mort pour avoir apparemment corrompu la jeunesse athénienne
avec ses pratiques et ses idées.
Comme
le dira Jean Brun : «le procès de Socrate c’est le procès fait à la pensée
qui recherche, en dehors de la médiocrité quotidienne, les problèmes
véritables» (Socrate, Paris, PUF, 1992, p. 38).
PLATON
Qui
était-il ?
Un disciple de Socrate !
Né en 427 et mort en 347 av. J.-C.
Il a donc environ 28 ans quand
Socrate meurt.
Platon
veut aller plus loin que Socrate car sa mort est selon lui l’échec non pas de
sa pensée mais de son éducation : le dialogue ne suffit pas.
Platon
va lier étroitement politique et éducation : son ouvrage La République.
Réformer
la société, sortir de la crise de la culture, nécessite la création d’un être
nouveau. Or, cet être neuf ne peut émerger que par l’éducation.
Mieux
on éduque, moins on a besoin de coercition.
Son
système philosophique : (la dualité du monde)
Il existe 2 mondes : le nôtre
et celui des Idées ou essences.
La connaissance véritable porte non
pas sur le contingent mais sur l’absolu.
Ensuite, l’absolu c’est ce qui ne
change pas.
Ce qui ne change pas ce sont les
Idées pures (le Beau, le Bien, etc.).
Le seul savoir qui compte vraiment
c’est celui qui porte sur les essences.
La connaissance véritable est donc
purement contemplative.
Donc,
qu’est-ce que connaître ?
C’est répondre à un appel vers
l’élévation, c’est un acte passionnel.
La
nature de l’éducation :
Un processus de
libération qui va des connaissances purement sensorielles vers les Idées pures.
But
de l’éducation :
Vaincre les passions du corps pour
laisser éclore la pensée rationnelle.
Méthode
éducative :
Un long processus d’apprentissage
qui comporte différents paliers où l’individu en formation voit graduellement
ses croyances remises en question, où il vit des expériences de rupture (mythe
de la caverne).
Programme
complet :
Platon est le 1er penseur
occidental à concevoir un programme éducatif allant de l’enfance à l’âge
adulte.
Méritocratie :
Tous seront
éduquer (garçons et filles, riches et pauvres). Le mérite seul déterminera les
statuts et vocations.
Le
savoir de l’enseignant :
Il ne sera plus seulement celui du
savoir parler des Sophistes ou du savoir argumenter de Socrate mais plutôt un
savoir objectif basé sur la contemplation des essences.
Changement
dans l’activité éducative :
Elle cesse
graduellement de n’être qu’un modèle de communication pour devenir un véritable
programme cognitif. L’accent ne porte plus sur la relation entre 2 individus
mais sur un triangle : l’enseignant, l’étudiant, le savoir.
CONCLUSION
Une éducation morale :
En
s’interrogeant sur les finalités de la connaissance et de l’éducation, Socrate
et Platon ont cherché non pas seulement à connaître les objets mais aussi à
connaître ce qui est et ce qu'est le Bien. Ainsi, leur enseignement vise en quelque
sorte à identifier les savoirs qui doivent diriger notre conduite.
Or,
pour eux, connaître le Bien c’est obligatoirement le vouloir car la
connaissance du bien n’est pas seulement représentation d’un objet mais aussi
conscience d’une valeur.
En
effet, nul ne peut vouloir ce qu’il juge contraire à ses intérêts, ce qu’il
croit sincèrement comme mal.
Ainsi,
pour Socrate et Platon, la volonté est déterminée par la connaissance :
celui qui connaît le vrai Bien voudra le vrai bien. Connaissance
et vertu sont donc liées.
Quelques références
1- Brun, J. (1992), Socrate, Paris : PUF. 2- Châtelet,
F. (1965). Platon. Paris : Gallimard. 3- Delattre, M. (1998). Platon. Paris : Quintette. 4- De Romilly, J.
(2010). La grandeur de l’Homme au siècle de Périclès. Paris : de Fallois. 5- De Romilly, J.
(2005). L’élan démocratique dans l’Athènes ancienne. Paris : de Fallois. 6- Dufresne, J.
(1994). La démocratie athénienne. Miroir de la nôtre. Ayer’s Cliff : La bibliothèque de l’Agora. 7- Gomperz, T.
(2008). Les sophistes. Houilles : Éditions Manucius. Texte reproduit de
l’édition française parue en 1908 sous la traduction de l’allemand par Auguste
Raymond. 8- Gonthier, T. (1996). Les grandes œuvres de la philosophie ancienne. Paris : Seuil. 9- Graf, A. (1996). Les grands courants de la philosophie ancienne. Paris : Seuil. 10- Hadot, P. (2004).
Éloge de Socrate. Paris : Éditions Allia. 11- Hadot, P. (2001).
La philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et
Arnold J. Davidson. Paris : Albin Michel. 12- Jolibert, B.
(1987). Raison et éducation. L’idée de raison dans l’histoire de la pensée
éducative. Paris : Klincksieck. 13- Larochelle, C.
(1999). Socrate. Sage et guerrier. Montréal : Les Intouchables. 14- Marrou, H.-I.
(1981). Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Tome 1 Le monde Grec. Paris :
Seuil. 1ère édition parue en 1947. 15- Platon
(1966). La République. Paris : Gonthier. 16- Vergely, B. (1996). Platon. Toulouse : Milan. 17- Vergely, B. (1997). Les
philosophes anciens. Toulouse : Milan.
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