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06 juin 2013

L'éducation en Grèce ancienne : quelques repères

Introduction

La société grecque vit une crise de la culture :
            Faire face à l’avenir sans pouvoir s’appuyer sur des fondements assurés.
Conséquence pour l’éducation :
            Des interrogations ….
                        Qu’est-ce qui est digne d’être enseigné ?
                        Dans quel monde voulons-nous vivre ?
                        Que souhaitons-nous pour nos enfants ?
                        Quelle culture doit être enseignée à l’école ?
Ces questions sont au cœur même de la fondation de notre civilisation.
            C’est-à-dire que la civilisation occidentale naît d’une crise des valeurs et de la culture.
Environ 400 ans avant notre ère, les Grecs anciens vont justement connaître une crise profonde de leur culture.
Cette crise va s’incarner dans une remise en question de la religion, du pouvoir et de la tradition qui forment les 3 sources des modèles de vie, de penser, d’agir en occident.
Les premiers penseurs de l’époque vont largement contribué à dissoudre les certitudes sur lesquelles s’appuyait jusque là la culture grecque.
La crise de la culture grecque, tout comme celle que nous vivons, sera une crise des modèles sur lesquels nous pouvons nous appuyer.

La société des Grecs 

L’apogée de cette civilisation se situe aux alentours des années 500-338 av. J.-C. 
Il s’agit d’une société méditerranéenne.
Une société essentiellement agricole.
Une société esclavagiste :
«Il y a les outils inanimés ; les outils animés : les animaux ; et les outils qui parlent : les esclaves» (Aristote). 
Cités-États :
            Les 2 plus connues sont Athènes et Sparte. Les cités-états grecques sont indépendantes les unes des autres et souvent en guerre.
Une société démocratique :
            Une démocratie réservée à une minorité : les hommes grecs.
Une société faite pour les hommes libres :
            Les grecs s’adonnent à la politique, à la guerre, aux arts, aux sciences et aux sports. 
La société grecque : la 1ère société ouverte
Une société fermée est une société traditionnelle, religieuse et autoritaire.
Une société ouverte est une société qui fait l’expérience profonde du pluralisme et du relativisme.
Tradition :
            Dans la société fermée, l’être humain s’oriente en fonction de modèles de comportements et de pensée prédéfinis.
            Dans la société ouverte, l’être humain s’oriente en fonction de ses propres choix et des ses valeurs personnelles.
Religion :
            Dans la société fermée, l’être humain se réfère à un modèle surhumain.
            Dans la société ouverte, l’être humain est la mesure de toute chose.
Autorité :
            Dans la société fermée, l’être humain peut se référer à des modèles vivants ou morts qui font autorité et consensus pour l’ensemble de la population.
            Dans la société, l’être humain ne se reconnaît souvent pas de modèles qui font autorité pour lui et, lorsqu’il le fait, ces modèles ne font pas consensus dans la population.
La démocratie :
            Le pouvoir n’appartient pas à un roi ou un groupe de gens mais aux citoyens.
            Ceux-ci négocient en assemblée publique (agora) les décisions à prendre pour la cité.
            Par conséquent, la parole devient l’instrument suprême du pouvoir.
La parole :
            Au centre de la vie politique athénienne.
            Discourir sur la place publique nécessite cohérence et capacité à argumenter.
            Le citoyen grec est donc amené à développer des compétences particulières.
            Celles-ci sont : la logique, la rhétorique, la dialectique, la rationalité, etc.
            Elles donnent naissance à la philosophie et à la science.
La démocratie sert donc de base à toute une transformation de la culture.
L’organisation sociale détermine en bonne partie ainsi les contenus à enseigner.
Une société fondatrice
3 valeurs centrales :
            Les société grecque valorise 3 éléments au fondement même notre civilisation occidentale :
-         la pensée rationnelle ;
-         la parole ;
-         l’être humain.
Un nouveau modèle de la culture :
            La valorisation des 3 éléments ci-haut mentionnés conduit au développement d’un nouveau modèle culturel.
            Celui-ci repose sur le rationalisme et l’humanisme.
-         Pour le rationalisme le monde est ordonné par des règles accessibles à la raison (cela signifie que la vérité est accessible à celui qui se donne la peine de la chercher) ;
-         Selon l’humanisme l’être humain est capable de se gouverner lui-même. 
Ce qui émerge alors en Grèce c’est l’idée d’un individu libre, responsable, autonome, rationnel.
Ces valeurs seront au cœur de l’éducation grecque.
Elles sont toujours au cœur de la nôtre ; c’est dire la modernité de cette civilisation vieille de 2500 ans.
Les Grecs ne cherchent pas à éduquer un type d’homme particulier mais à faire émerger l’être humain dans son essence même.

L’ÉDUCATION GRECQUE

Distinction entre éduquer et enseigner
Tous les peuples éduquent…
            L’éducation est nécessaire à l’être humain parce que, contrairement aux animaux, celui-ci ne dispose pas à la naissance d’un instinct développé. L’être humain, plus que tous les autres êtres vivants, doit apprendre pour survivre. Plus encore, ce qu’il doit apprendre, c’est lui-même qui le détermine car les savoirs et compétences nécessaires varis en fonction de la société qu’il se créer. L’animal évolue dans un environnement, l’homme habite un monde. L’homme se créer une culture et doit la faire apprendre à ses enfants : l’être humain est donc socialisé à travers l’éducation qu’il reçoit.
L’éducation est donc l’action que des adultes exercent sur et avec des enfants afin de les intégrer à la communauté et leur faire intérioriser la culture. 
L’enjeu de l’éducation est donc énorme : il s’agit rien de moins que la perpétuation de la société et son devenir.
…Mais tous n’ont pas enseigné.
Dans les sociétés traditionnelles (fermées), l’éducation se fait dans la famille (culture commune ou première) ou auprès d’un spécialiste d’un métier (artisan) ou d’une activité (guerrier).
La transmission ici ne passe pas obligatoirement par le langage (imitation). Par conséquent, le savoir n’est généralement pas théorisé.
Les Grecs vont connaître à la fois l’éducation traditionnelle et une nouvelle éducation : en fait l’enseignement. 
Le terme «pédagogue» tire son origine de la société grecque. Il désignait tout d’abord l’esclave chargé de conduire le jeune étudiant chez ses maîtres. 
À cette époque on ne peut pas encore parler d’écoles. Les étudiants ne suivent pas leurs cours au même endroit. Ils vont plutôt à divers endroits rencontrer individuellement un maître, expert dans une discipline. 
Les Athéniens auront à choisir entre 3 formes de paidéia (éducation générale) :
-         celle des Sophistes ;
-         celle des mathématiciens ;
-         celle de Socrate et des philosophes à sa suite.
Mais seule la 3e portera sur les fins de l’éducation.

LES SOPHISTES

Les premiers enseignants 
Les philosophes, plus spécifiquement les Sophistes.
Ils ne sont pas des spécialistes d’un métier.
Ils enseignent pour de l’argent.
Ils ne sont spécialistes que de l’enseignement.
Qui sont les Sophistes ?
Des savants, des philosophes, des critiques de la société, leur arme est le langage. Celui-ci est vu avant tout comme un instrument de pouvoir.
Ce sont des relativistes qui enseignent qu’il n’existe pas de vérités absolues, que tout est relatif, question d’opinion,
Qu’enseignent-ils ?
À bien parler en public !
La grammaire, la rhétorique, la dialectique, lesquelles s’opposent à l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique (acoustique).
Se dessine donc déjà l’opposition entre 2 formes d’éducation générale (paidéia) : l’une convenant à l’ingénieur l’autre au politicien.
À qui enseigne-t-on ?
            Aux adolescents (garçons)
            Les enfants sont confiés aux femmes. 
En quoi leur enseignement est-il représentatif du contexte social et culturel :
-         une société démocratique où savoir parler est un outil de pouvoir ;
-         une culture qui a perdu ses repères et dont les enseignants professent que toute connaissance est relative (la connaissance n’est plus révélation des dieux mais invention des hommes). 
Qu’est-ce qui différencie l’éducation sophistique ?
Par rapport à l’éducation familiale, elle se fait en dehors de la famille et moyennant un paiement.
Par rapport à l’éducation artisanale, elle est non spécialisée, elle dispense une culture générale.

SOCRATE

Socrate : un grand professeur 
Qui est-il ?
            Né Athènes en 470/69 av. J.-C.
Un fils d’un sculpteur (Sophronisme) et d’une sage-femme (Phénarète).
Il s’est marié et a eu 3 enfants
Quel savoir prétend-il posséder ?
            Aucun. 
À qui enseigne-t-il ?
            À tous ceux qui veulent s’entretenir avec lui.
Pourquoi se comporte-t-il ainsi ?
            Il cherche à connaître, il cherche l’essence des choses.
Il s’oppose à la fois aux Sophistes qui prétendent tout savoir et aux ignorants béats qui ignorent leur ignorance.
Socrate est un homme en quête de savoir.
Comment enseigne-t-il ?
            Par la maïeutique !
Elle est «l’art du questionnement par lequel le maître fait accoucher le disciple de la vérité qu’il portait en lui mais qu’il avait oubliée» (Jean Brun, Socrate, Paris, PUF, p. 55). 
Le but de l’apprentissage :
            Connaître non pas pour maîtriser le monde matériel ou pour réussir dans la vie mais pour s’améliorer sur le plan moral. Socrate n’a pas une vision utilitariste du savoir.
La connaissance:
            Elle est pour Socrate garante d’une perfectibilité de l’être humain. Plus on sait, mieux on est. Toutefois, la connaissance encyclopédique n’est pas un but en soi. En effet, le «connais-toi toi-même» de l’oracle de Delphes est moins une invitation à tout connaître qu’à approfondir la condition humaine.
La 1ère tâche de l’enseignant :
            Faire prendre conscience à autrui de son ignorance pour l’amener à s’interroger. 
Socrate comme exemple de l’homme nouveau :
            Il ne peut plus se satisfaire des croyances traditionnelles, ni des fausses certitudes des supposés savants. Socrate est l’homme du doute, il cherche les fondements de son actions et de ses croyances, mais aussi l’homme de la certitude, celle que la vérité existe et que l’homme peut l’atteindre.
Éducation socratique :
            Elle est une éducation basée sur la conviction que tout être adulte est rationnel, capable d’apprendre. Elle définit aussi l’acte d’apprendre comme un processus où l’apprenant est actif et non passif. Le dialogue est au cœur de ce processus.
Socrate sera condamné à mort pour avoir apparemment corrompu la jeunesse athénienne avec ses pratiques et ses idées. 
Comme le dira Jean Brun : «le procès de Socrate c’est le procès fait à la pensée qui recherche, en dehors de la médiocrité quotidienne, les problèmes véritables» (Socrate, Paris, PUF, 1992, p. 38).

PLATON

Qui était-il ?
            Un disciple de Socrate !
            Né en 427 et mort en 347 av. J.-C.
            Il a donc environ 28 ans quand Socrate meurt.
Platon veut aller plus loin que Socrate car sa mort est selon lui l’échec non pas de sa pensée mais de son éducation : le dialogue ne suffit pas. 
Platon va lier étroitement politique et éducation : son ouvrage La République.
Réformer la société, sortir de la crise de la culture, nécessite la création d’un être nouveau. Or, cet être neuf ne peut émerger que par l’éducation.
Mieux on éduque, moins on a besoin de coercition.
Son système philosophique : (la dualité du monde)
            Il existe 2 mondes : le nôtre et celui des Idées ou essences.
            La connaissance véritable porte non pas sur le contingent mais sur l’absolu.
            Ensuite, l’absolu c’est ce qui ne change pas.
            Ce qui ne change pas ce sont les Idées pures (le Beau, le Bien, etc.).
            Le seul savoir qui compte vraiment c’est celui qui porte sur les essences.
            La connaissance véritable est donc purement contemplative.
Donc, qu’est-ce que connaître ?
            C’est répondre à un appel vers l’élévation, c’est un acte passionnel.
La nature de l’éducation :
Un processus de libération qui va des connaissances purement sensorielles vers les Idées pures. 
But de l’éducation :
            Vaincre les passions du corps pour laisser éclore la pensée rationnelle.
Méthode éducative :
            Un long processus d’apprentissage qui comporte différents paliers où l’individu en formation voit graduellement ses croyances remises en question, où il vit des expériences de rupture (mythe de la caverne).
Programme complet :
            Platon est le 1er penseur occidental à concevoir un programme éducatif allant de l’enfance à l’âge adulte.
Méritocratie :
Tous seront éduquer (garçons et filles, riches et pauvres). Le mérite seul déterminera les statuts et vocations. 
Le savoir de l’enseignant :
            Il ne sera plus seulement celui du savoir parler des Sophistes ou du savoir argumenter de Socrate mais plutôt un savoir objectif basé sur la contemplation des essences.
Changement dans l’activité éducative :
Elle cesse graduellement de n’être qu’un modèle de communication pour devenir un véritable programme cognitif. L’accent ne porte plus sur la relation entre 2 individus mais sur un triangle : l’enseignant, l’étudiant, le savoir.


CONCLUSION

Une éducation morale : 
En s’interrogeant sur les finalités de la connaissance et de l’éducation, Socrate et Platon ont cherché non pas seulement à connaître les objets mais aussi à connaître ce qui est et ce qu'est le Bien. Ainsi, leur enseignement vise en quelque sorte à identifier les savoirs qui doivent diriger notre conduite.
Or, pour eux, connaître le Bien c’est obligatoirement le vouloir car la connaissance du bien n’est pas seulement représentation d’un objet mais aussi conscience d’une valeur.
En effet, nul ne peut vouloir ce qu’il juge contraire à ses intérêts, ce qu’il croit sincèrement comme mal. 
Ainsi, pour Socrate et Platon, la volonté est déterminée par la connaissance : celui qui connaît le vrai Bien voudra le vrai bien. Connaissance et vertu sont donc liées.

Quelques références

1- Brun, J. (1992), Socrate, Paris : PUF. 2- Châtelet, F. (1965). Platon. Paris : Gallimard. 3- Delattre, M. (1998). Platon. Paris : Quintette. 4De Romilly, J. (2010). La grandeur de l’Homme au siècle de Périclès. Paris : de Fallois. 5- De Romilly, J. (2005). L’élan démocratique dans l’Athènes ancienne. Paris : de Fallois. 6Dufresne, J. (1994). La démocratie athénienne. Miroir de la nôtre. Ayer’s Cliff : La bibliothèque de l’Agora. 7- Gomperz, T. (2008). Les sophistes. Houilles : Éditions Manucius. Texte reproduit de l’édition française parue en 1908 sous la traduction de l’allemand par Auguste Raymond. 8- Gonthier, T. (1996). Les grandes œuvres de la philosophie ancienne. Paris : Seuil. 9- Graf, A. (1996). Les grands courants de la philosophie ancienne. Paris : Seuil. 10- Hadot, P. (2004). Éloge de Socrate. Paris : Éditions Allia. 11- Hadot, P. (2001). La philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold J. Davidson. Paris : Albin Michel. 12- Jolibert, B. (1987). Raison et éducation. L’idée de raison dans l’histoire de la pensée éducative. Paris : Klincksieck. 13- Larochelle, C. (1999). Socrate. Sage et guerrier. Montréal : Les Intouchables. 14- Marrou, H.-I. (1981). Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Tome 1 Le monde Grec. Paris : Seuil. 1ère édition parue en 1947. 15-  Platon (1966). La République. Paris : Gonthier. 16Vergely, B. (1996). Platon. Toulouse : Milan. 17- Vergely, B. (1997). Les philosophes anciens. Toulouse : Milan.

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