Le
discours sur la notion de compétence s’impose aujourd’hui dans
de nombreuses sphères de l’activité humaine (Boutin, 2004).
D’abord employée par les psychologues pour repérer les
caractéristiques qui influencent la performance au travail, l’essor
de cette notion est attribuable aux mutations qui se sont produites
au sein des organisations. Celles-ci ont progressivement révisé la
référence faite aux qualifications des travailleurs pour se tourner
plutôt vers les capacités qu’ils doivent chercher à acquérir, à
diversifier, à approfondir et à démontrer en vue d’accroître
leur employabilité (Coulet, 2011) dans un marché du travail de
plus en plus complexe et qui exige simultanément performance et
flexibilité (Hirt, 2009).
Plusieurs définitions de la notion de compétence coexistent et elles sont souvent assez différentes les unes des
autres. Cela fait en sorte
que sa signification demeure relativement floue (Boutin, 2004; Brahimi, Farley et Joubert, 2011; Coulet, 2011; Hirt, 2009; Westera, 2001).
Des questions se posent alors :
Doit-on en parler au pluriel ou au singulier?
Faut-il en privilégier une acception
plutôt cognitive, sociale ou encore mixte?
Doit-on considérer la (les) compétence (s) comme une (des) disposition (s) naturelle (s) ou comme une (des) construction (s) résultant
d’un processus formation et de l’expérience?
Les compétences sont-elles individuelles ou distribuées?
Est-ce un produit observable, une
performance, ou y accède-t-on par le biais d’une série
d’inférences?
Les compétences sont-elles générales ou situées?
La
compétence ne se manifeste-t-elle qu’en situation inédite ou
l’action routière est-elle, elle aussi, une action compétente
mais fortement intériorisée, incorporée?
Autant de questions qui restent encore sans réponses vraiment satisfaisantes.
Au cours des 15 dernières années, le
développement de compétences est devenu, ou plutôt, redevenu après
la vague de la competency-based
education des
années 1960 à 1980 reposant sur le béhaviorisme, un enjeu central de l’enseignement et de
l’apprentissage à l’école (Tardif, 2004;
Tremblay, 2008; Westera, 2001).
Ce retour des compétences a de multiples origines: le monde de l’entreprise bien
entendu et celui de la formation professionnelle, la crise de
confiance face à la valeur des services éducatifs dispensés à
l’école (Desbiens, 2003; Hirt, 2008), une critique de
l’approche par objectifs (Brahimi, et al., 2011), mais aussi l’influence montante du
cognitivisme et de la conviction que l’accumulation d’un vaste
répertoire de connaissances n’est pas une garantie de
réinvestissement effectif dans une action compétente
contextualisée.
Choisissant de recentrer l’attention sur l’élève et son
apprentissage plutôt que sur l’enseignant et son enseignement,
opposant une certaine idée « traditionnelle » de la
pédagogie à une « nouvelle » pédagogie et confrontant
une approche où les savoirs demeureraient (supposément) inertes à une autre où ils seraient convoqués au travers de situations dites signifiantes, ce qu’il
convient d’appeler l’approche par compétence(s) (APC) a mis de
l’avant l’idée que l’acte d’apprendre « (…) est
plus une construction qu’une transmission, nécessite des
interactions humaines, est un acte social qui s’inscrit dans un
contexte, inspire la décision et l’action, est porté par un
projet qui donne du sens » Mérenne-Shoumaker (2006, p. 14).
Au
risque d’amener nombre d’enseignants à penser que ce qu’ils
faisaient depuis tant d’années n’était pas adéquat, l’APC a
provoqué et provoque encore d’intenses réflexions sur les
pratiques d’enseignement, la sélection des savoirs dits
essentiels, la définition de profils de sortie et les conditions à
mettre en place pour conduire les élèves et les étudiants au
succès.
Le débat continue et ne semble pas prêt de s’apaiser.
Quelques références
Boutin
G. (2004). L’approche par compétences en éducation : un
amalgame paradigmatique. Connexions,
81(1),
25-41.
Brahimi,
C., Farley, C. et Joubert, P. (2011). L’approche
par compétences. Un levier de changement des pratiques en santé
publique au Québec.
Québec : Institut national de santé public du Québec.
Coulet,
J-C. (2011). La notion de compétence : un modèle pour
décrire, évaluer et développer les compétences. Le
travail humain,
74(1),
1-30.
Desbiens,
J-F. (2003). Mutations des contextes socioéducatifs et
socioprofessionnels et développement des savoirs professionnels en
enseignement de l’éducation physique. In
C. Borges et J-F. Desbiens (dirs), Savoir,
former et intervenir dans une éducation physique en changement
(pp. 91-120). Sherbrooke : Éditions du CRP.
Hirt,
N. (2009). L’approche par compétences : une mystification
pédagogique. L’école
démocratique,
39,
septembre, 1-34.
Mérenne-Shoumaker
(2006). Développer une approche par compétences dans la formation
universitaire. Bilan de trois expériences en géographie urbaine et
économique. Bulletin
de la Société géographique de Liège,
48,
7-17.
Tremblay,
R.-R. (2008). Beyond the opposition between knowledge and
competencies. Reflections on the competency-based approach and
general education. Pédagogie
Collégiale,
22(1),
1-7.
Westera,
W.. (2001). Competences in education: a confusion of tongues.
Journal
of Curriculum Studies,
33(1),
75-88.
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