L’insertion professionnelle est un concept polysémique et
surtout, il renvoie à des univers et à des critères variés selon
que l’on adopte une perspective économique, sociologique,
psychologique, managériale ou autre. Or, à la suite de plusieurs
mutations du marché du travail et de transformations survenues dans
le monde des professions, l’étude de l’insertion requiert plus
que jamais une dynamique appuyée sur différentes approches. De plus, il semble y avoir un certain consensus à l’effet que l’insertion professionnelle n’est
pas un événement instantané ni une simple transition d’un rôle à un autre mais plutôt un processus graduel et, à bien des égards,
multidimensionnel, qui peut
s’étendre sur plus ou moins les sept premières années de service. Le caractère multidimensionnel de ce processus se comprend de
plusieurs façons. Ainsi, par exemple, on peut dire que le débutant doit
traverser trois frontières : la frontière inclusive qui concerne
l’acquisition de la culture professionnelle et l’appartenance au
groupe ; la frontière fonctionnelle qui vise l’acquisition de
l’efficacité dans le travail et enfin, la frontière hiérarchique
qui concerne la reconnaissance professionnelle et sociale. On peut dire aussi que l’insertion
professionnelle comporte cinq dimensions interdépendantes et
complémentaires. La première dimension correspond à l’intégration en emploi et
renvoie aux conditions d’accès et aux caractéristiques des
emplois occupés. C’est la dimension économique de l’insertion
et à cet égard, les aspects tels que le délai d’attente de
l’emploi, le statut, la durée et la stabilité d’emploi ainsi
que le salaire sont pris en compte. L’accès à l’emploi est en
quelque sorte le point de départ de toute insertion professionnelle. La deuxième dimension concerne l’affectation spécifique et les
conditions de la tâche, notamment en ce qui concerne la nature, les
composantes et l’organisation de la tâche, le lien entre la tâche
spécifique et le champ particulier de formation, la stabilité de
tâche et de milieu, la charge de travail, etc. En fait, il ne suffit
pas d’avoir un emploi, encore faut-il considérer les tâches
assignées et les conditions de travail dans lesquelles les recrues
exercent leur fonction. La troisième dimension réfère à la socialisation
organisationnelle. En effet, il ne suffit pas de
considérer la prise de fonction, il faut aussi s’interroger sur le
type d’organisation et de culture dans lesquels le nouvel
enseignant est appelé à travailler et à s’intégrer. L’enseignant novice n’est pas nouveau seulement dans la
profession, il est nouveau aussi dans une organisation scolaire en
particulier, qui a ses caractéristiques, sa culture, ses valeurs,
ses règles de fonctionnement, ses attentes, etc. Il doit donc s’intégrer à son
nouveau milieu de travail, s’adapter au système existant et
acquérir les connaissances sociales et procédurales essentielles
lui permettant de se faire accepter au sein de l’organisation, d’y
assumer un rôle et d’y participer en tant que membre. Bref, suivant la perspective de la socialisation
organisationnelle, l’adhésion de l’enseignant débutant à la
culture organisationnelle de son nouveau milieu d’accueil, la
familiarisation avec ce milieu, à la fois sur le plan physique et
organisationnel, sur le plan social, et sur le plan philosophique et
politique, constituent un enjeu majeur de l’insertion
professionnelle. Mais la transition est loin d'être simple car entrer dans la carrière est un processus éminemment
social qui implique des interactions multiples et complexes entre les
nouveaux enseignants et les autres membres de l’organisation
scolaire d’accueil. À ce propos, le milieu joue un rôle capital dans la transition et dans l’acquisition du
sentiment d’accomplissement et de compétence. Bref, l’adhésion de l’enseignant débutant à la
culture organisationnelle de son nouveau milieu d’accueil,
la familiarisation avec ce milieu, à la fois sur le plan physique et
organisationnel, sur le plan social, et sur le plan philosophique et
politique, constituent un enjeu majeur de l’insertion
professionnelle. La quatrième dimension renvoie à la «professionnalité», c’est-à-dire
à l’adaptation et la maîtrise du rôle professionnel, par le
développement des savoirs et compétences spécifiques au métier.
Il s’agit, dans le cas des enseignants, du savoir « faire
la classe », de devenir efficace et efficient dans les
diverses facettes du travail. On parle donc d'un processus d’apprentissage du métier, de développement
professionnel où le débutant devient peu à peu compétent. L’acquisition des
compétences pédagogiques et didactiques apparaissent donc au cœur du
processus d’insertion professionnelle. La cinquième dimension renvoie à
la dimension personnelle et psychologique. Il faut
reconnaître que l’insertion professionnelle n’implique pas
seulement un apprentissage au plan cognitif. C’est aussi une
expérience humaine et émotionnelle qui peut être plus ou moins
stressante ce qui veut dire que la manière dont la nouvelle recrue fait
face émotionnellement à sa nouvelle situation et interprète les
événements qu’il vit est déterminante. La
dimension personnelle et psychologique réfère donc aux aspects
émotionnels et affectifs de l’insertion. Plus concrètement, l’insertion
professionnelle comporte des enjeux de gestion émotionnelle (choc de
la réalité, craintes diverses, désillusion, stress),
d’accomplissement personnel, de développement de soi, notamment en
lien avec la confiance en soi, l’estime de soi, le sentiment
d’efficacité personnelle, ses représentations du métier et son
engagement professionnel (motivations, persévérance, implications).
Références :
Portelance,
L., Martineau,
S.,
Mukamurera, J. (Dir.) (2014). Développement
et persévérance professionnels dans l’enseignement. Oui, mais
comment ? Québec :
PUQ. 242 pages.
Lacourse,
F.,
Martineau, S., Nault,
T. (Dir.) (2011). Profession
enseignante. Démarches et soutien à l’insertion professionnelle.
Anjou : CEC. 191 pages.
Portelance,
L., Mukamurera, J.,
Martineau, S., Gervais,
C. (Dir.) (2008).
L’insertion
dans le milieu scolaire : une phase cruciale du développement
professionnel de l’enseignant.
Québec : PUL. 276 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire