Le dualisme émotion / raison est loin d’avoir été pensé partout de la même façon. En fait, il apparaît, dans une certaine mesure, comme un produit socio-historique de l’Occident. En effet, ce dualisme ne fait pas partie du mode de pensée d’autres cultures non occidentales (Rosaldo, 1980). Par exemple, chez les Ilongot des Philippines, il n’existe pas de différence conceptuelle entre passion et connaissance (Rosaldo, 1980). Par ailleurs, le neurologue Antonio Damasio a démontré le caractère relativement arbitraire de cette distinction. Il a entre autres mené une observation auprès d’un homme (Elliott) qui, suite à une opération au cerveau pour enlever une tumeur, a perdu la majeure partie de sa sensibilité émotionnelle. Or, le plus intéressant dans cet exemple c’est que le sujet - bien qu’il ait conservé toutes ses fonctions intellectuelles - n’était plus en mesure de prendre des décisions rationnelles; notamment en ce qui concerne sa vie sentimentale et professionnelle. De cette constatation, Damasio tire la conclusion que la capacité à ressentir et à exprimer des émotions fait directement partie des «rouages de la raison». Par conséquent, l’émotion semble bien indispensable à l’adoption d’un comportement rationnel. Il n'y aurait donc pas coupure radicale entre l'émotion et la raison mais plutôt interconnexion.
Deux références utiles pour poursuivre la réflexion :
M. Rosaldo (1980). Knowledge and Passion. Ilongot Notions of Self and Social Life. Cambridge. University Press.
A. Damasio (1995). L’Erreur de Descartes. Paris. Odile Jacob.
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