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26 juin 2018
Une indestructible propension
L'être humain possède une indestructible propension à troquer sa liberté pour le confort.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
25 juin 2018
Deux exigences différentes
La démocratie exige des citoyens éduqués, le capitalisme, lui, n'a besoin que de travailleurs bien formés.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Agonie
Un peuple qui ne connaît pas son histoire est un peuple déjà mort.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
24 juin 2018
Le colonisé
Le colonisé c'est celui qui se laisse définir par les autres.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
21 juin 2018
Nécessité des sciences humaines et sociales
Notre époque se caractérise par une fragmentation et une diversification des structures sociales et économiques, par des changements constants, rapides et parfois drastiques, par une diversification et une prolifération de l'information et par une mondialisation déstabilisante. Dans ce contexte, les sciences humaines et sociales sont plus nécessaires que jamais pour comprendre ce monde complexe dans lequel nous évoluons.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
19 juin 2018
Difficultés d'apprentissage
L'humain apprend si peu de ses erreurs qu'il se fera disparaître avant d'avoir corrigé ses pires vices.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
18 juin 2018
Quelques productions à paraître en 2018 et en 2019
Trudel, S., Martineau,
S., Buysse, A. : Jean-Charles
Falardeau : penser la société pour penser l’éducation. Dans Simard,
D., Cardin, J.-F. et O. Lemieux (dir.). La pensée éducative chez les
intellectuels du Québec. La génération 1900-1915. Québec : Presses de
l’Université Laval. Collection Éducation et culture.
Martineau, S., Buysse, A., Jeanson, C., Trudel, S. : Jacques Grand’Maison : Penser l’éducation comme projet émancipatoire. Dans Simard,
D., Cardin, J.-F. et O. Lemieux (dir.). La pensée éducative chez les
intellectuels du Québec. La génération 1915-1930. Québec : Presses de
l’Université Laval. Collection Éducation et culture.
Trudel, S., Martineau, S., Buysse, A : Mémoire et histoire : des choses aux mots. Dans M.-A. Éthier
(dir.) Histoire, mémoire et médias.
Québec : PUQ.
Mukamurera, J.,
Desbiens, J.-F., Martineau, S.,
Grenon, V. : Expérience et sentiment de compétence durant les
premières années d’enseignement. Dans Malo, A., Desbiens, J.-F., Coulombe, S. et
Zourhlal, A. (dir.). Le travail
enseignant à travers le prisme de l’expérience : identité, connaissance,
apprentissage. Québec : Presses de l’Université Laval.
Bouvier, F. et Martineau, S. : La pensée critique et l'histoire nationale du Québec-Canada
chez les futurs enseignants du secondaire. Dans C.A. Stan et Boublil-Ekimova
(dir.) Les fondements disciplinaires et le
développement de la pensée critique chez les élèves et les étudiants.
Québec: Presses
de l’Université Laval.
Boyer, P., Martineau, S. : Rédiger une problématique de recherche. Dans T. Karsenti
et L. Savoie-Zajc (dir.) Introduction à
la recherche en éducation. Montréal : ERPI.
Jeanson, C., Desbiens, J.-F., Martineau, S. : Promoting the development of youth
and children’s social competence in schools: A CRITICAL ANALYSIS OF THE FIELD. McGill Journal of Education.
Desbiens, J.-F., Habak, A., Martineau, S. : Examiner le stage
en enseignement au travers du prisme des difficultés et des échecs : des
pistes pour améliorer la formation initiale. Revue Recherches en éducation.
Goyette, N., Martineau, S.
: Les défis de la formation initiale des enseignants et le
développement d’une identité professionnelle favorisant le bien-être. Revue Phronesis
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Contre la propriété privée
Jean-Jacques Rousseau :
« Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargné au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : “Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne !” »
Minois, Georges. Les origines du mal : Une histoire du péché originel (Nouvelles Etudes Historiques) (French Edition) (Emplacements du Kindle 5228-5232). Fayard. Édition du Kindle.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
15 juin 2018
Le mal dont souffrent les universités
Entre le 2 et le 16 mai 2018, la direction de l'UQTR a mis ses 445 professeurs en lockout en raison de négociations houleuses avec le syndicat au sujet du renouvellement de la convention collective. Une fois le lockout levé à la suite des pressions exercées par le corps professoral, les négociations ont continué dans un climat acrimonieux, nécessitant une intervention du gouvernement québécois le 15 juin. Cette saga des négociations entre la direction et les professeurs de l’UQTR - toujours en cours au moment où je rédige ce billet -, si elle est bien entendu liée aux
acteurs impliqués, prend avant tout racine dans un mal bien plus sournois et bien
plus profond. Je m'explique. Depuis des décennies les idées dominantes en économie veulent
que les principes régissant le marché doivent s’appliquer à toutes les sphères
de la société et à toutes les institutions. Nos gouvernements, l’un après
l’autre, ont adhéré à cette idéologie et ont ainsi exigé des institutions
publiques qu’elles se comportent de plus en plus comme des entreprises privées. Tel est le cas des universités où le mode de financement
force celles-ci à mener l’une contre l’autre une course à la « clientèle ». Une
université aujourd’hui est une organisation en compétition sur un marché. Plus
encore, les tendances néolibérales de nos politiques publiques ont permis que
les CA de nos universités soient, pour l’essentiel, aux mains d’acteurs
extérieurs à l’institution, des agents socio-économiques comme on les nomme. Les effets pervers sont nombreux et touchent tous les niveaux de
l’institution. La recherche constante de clientèle pousse les universités à abaisser
toujours davantage les exigences à l’admission; à tout le moins dans certains
programmes. La recherche toujours plus grande de financement conduit à l’acceptation
d’étudiants peu préparés et peu motivés et incite ces mêmes universités à
mettre en place des dispositifs parfois onéreux de soutien afin que ces
étudiants puissent cheminer et ne décrochent pas. Cette situation se traduit
par le fait que nombre de professeurs sentent une pression à « faire passer
tout le monde » car « on ne doit pas perdre de clientèle ». Entreprises en
quête de marchés, les universités ont vu leurs effectifs de personnel affecté à
des tâches autres que l’enseignement et la recherche croître à une vitesse
grand V. La surcharge de travail pour les professeurs qui, par le fait même,
nourrit l’augmentation du personnel administratif à l’université, diminue la
liberté et le pouvoir du professeur. Se pensant comme une entreprise privée,
l’université – à tout le moins sa direction – développe les mêmes réflexes que
celle-ci, par exemple en adoptant des pratiques de « gouvernance » non
collaboratrices avec ses employés. Ainsi, il est évident que les directions
cherchent par tous les moyens à réduire les professeurs au simple rang
d’exécutants. Autre effet pervers - et paradoxe pour le moins surprenant - les
directions de nos universités, à toute fin pratique, ne valorisent que la
recherche subventionnée (celle qui rapportent des sous). Ainsi, l’université en
est venu à être un lieu où c’est moins la production intellectuelle qui importe
que l’argent qu’elle peut rapporter. Un professeur productif scientifiquement
mais sans subvention y est peu considéré. La liste des effets pervers pourrait
continuer longtemps. En somme, les tensions que vit l’UQTR depuis des mois sont le
fruit non seulement des acteurs en présence mais aussi de l’adoption d’une
vision mercantile de l’université. Cette vision a profondément transformé nos
universités qui, d’institutions de hauts savoirs, sont conduites à se comporter
comme des usines à diplômés. L’entrée du néolibéralisme dans les universités se
traduit par un mépris envers les étudiants (réduits à n’être que des sources de
financement), les professeurs (dont l’expertise est de moins en moins
considérée) et du savoir (ramené à une simple marchandise).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
11 juin 2018
Des savoirs ignorés
Nous admirons nos dirigeants lorsqu'ils sont formés en comptabilité, en droit ou en économie, considérant qu'ils ont ce qu'il faut pour assumer pleinement leurs fonctions. Par contre, nous trouvons normal qu'ils soient ignorants en matière d'anthropologie, d'histoire ou de sociologie. Ce n'est pas étonnant alors que nos dirigeants pensent tous de la même manière, réduisent la société à des chiffres ou à des lois et que leurs décisions soient si souvent en porte-à-faux avec ce que nous apprennent les sciences humaines et sociales.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
08 juin 2018
Simple question
Jusqu'où le néolibéralisme ira-t-il dans sa destruction du monde ?
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
06 juin 2018
Définition du G7
Réunion, aux frais des peuples, de pays économiquement puissants au service des puissances économiques privées.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Ignorance
Celui qui croit que l'ignorance sauve est un ignorant.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Décadence
Dans l'histoire de l'humanité, il y a eu des périodes où les élites ont été particulièrement décadentes et corrompues. Nous connaissons actuellement une telle période.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Effondrement
Tous les empires finissent par s'effondrer un jour et les USA ne font pas exception. Depuis quelques années, nous assistons à cet effondrement qui, comme celui de l'empire romain, durera probablement des décennies, voir plus d'un siècle.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
05 juin 2018
Brève réflexion sur Honneth et l'éducation
De
tout temps les philosophes ont abordé la question de l’éducation, une tradition
qui remonte aussi loin que Platon (cinq siècles avant notre ère) qui, avec La république, propose un modèle éducatif
pour former le citoyen de la cité idéale qu’il imagine. Cela n’a rien de
surprenant quand on prend véritablement la mesure de l’importance capitale de l’éducation
pour l’être humain. De nos jours, les philosophes contemporains ne font pas exception
et plusieurs nous ont livré des réflexions intéressantes sur l’éducation (au
Québec, pensons simplement à Thomas De Koninck ou encore à Georges Leroux). Ce
texte, sans prétention, amorce une réflexion sur la pensée du philosophe
allemand Axel Honneth – héritier de Jürgen Habermas et de l’École de Francfort –
et l’éducation. Il vise à faire ressortir les points saillants de sa pensée. Dans ce qui suit, nous verrons qu’à l’instar
de la plupart des philosophes, Honneth pense toujours l’éducation en lien avec
le politique.
Éducation
démocratique comme passage à la maturité
Chez
Honneth, il semble que la reprise du rôle classique de l’éducation, tel qu’il
fut véhiculé chez Fichte et Hegel, est de mise.
En fait, comme cela fut le cas chez Fichte avec La destination du savant et chez Hegel, avec La philosophie du droit, Honneth accorde un rôle émancipateur
à l’éducation. Celle-ci, comme c’est le
cas pour un enfant au sein de sa famille, permet le passage de la minorité à la
majorité intellectuelle. D’ailleurs, c’est ce qui explique que pour l’auteur,
cette éducation doit d’une part être centralisée, afin de permettre l’avènement
du bon citoyen rousseauiste et,
d’autre part, rendre possible, par une éducation familiale plus particulière,
de mener l’individu à la civilité.
Éducation
et État : à de grands pouvoirs correspondent de grandes responsabilités
Par
contre, Honneth trace une ligne nette entre l’éducation publique et l’éducation
familiale. À ses yeux, l’éducation
publique vise à récupérer les mauvais contextes éducatifs familiaux. Ce poids doit, à ses yeux, être porté par
l’État, puisqu’il revient à celle-ci de s’assurer que les individus possèdent
des dispositions justes et équitables, qui participent à leur émancipation et à
leur atteinte d’une liberté plutôt effective.
Ironiquement, cette interprétation d’Honneth le place en paradoxe avec
sa critique sévère de l’appel au conformisme.
Lorsqu’il rappelle les travaux d’Adorno et Horkheimer, il souligne bien
évidemment cette critique de la propagande ou du conformisme public.
Pourquoi,
alors, l’État devrait s’assurer d’une éducation équitable pour chacun, mais
aussi uniforme en ce qui a trait aux mœurs, si le rapport de reconnaissance
familial demeure pour l’auteur, central ?
Il semble y avoir ici un sévère paradoxe qu’Honneth tentera de
solutionner dans la quête moderne classique pour la liberté. Comme ses derniers ouvrages portent
non plus sur la reconnaissance en soi, mais plutôt sur la reconnaissance comme
processus structurant des configurations de liberté réelle, Honneth attribue à
l’éducation la fonction d’optimiser chez chacun, les potentialités libératrices
du social.
Passage
de la reconnaissance à la liberté au sein du monde de l’éducation
Cette
quête de liberté réelle explique d’ailleurs pourquoi, après avoir présenté
l’univers de l’éducation, sous sa forme citoyenne qui s’inscrit davantage dans
le modèle de dialectique du maître et de l’esclave, Honneth propose maintenant
une éducation qui pousse vers l’optimisation individuelle. Assurément, l’individu n’est jamais
désincarné, mais rien n’empêche qu’il puisse parvenir, une fois doté d’une
éducation de qualité, à s’émanciper des liens du social. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui
explique l’importance, pour Honneth, de procéder à une réconciliation entre
philosophie de l’éducation et philosophie politique.
La
démocratie, si elle veut assurer sa pérennité, doit elle-même générer les
conditions de sa propre reconduction. « Aujourd’hui la philosophie politique
semble avoir perdu de vue qu’une démocratie florissante doit continuellement
reproduire les conditions culturelles et morales de sa propre existence par le
biais d’un processus global de formation. » Cela
étant dit, il importe donc de s’assurer que l’État garantie une éducation de
qualité, qui vient qualifier l’individu de citoyen apte à la participation
démocratique. C’est probablement cela
qui n’était pas suffisamment étayé en ce qui a trait à l’éthicité démocratique
présentée par Honneth, dans Le droit de
la liberté. Esquisse d’une éthicité démocratique, alors qu’une approche par
induction des mœurs ou des valeurs communément partagées, ne permettait en rien
d’éviter la tyrannie de la majorité. Au
contraire, ce risque semblait celui le plus probable du lot.
Par
contre, un peu à l’image utopiste d’Habermas ou, plutôt d’Apel critiquant
Habermas, la discussion collective se doit d’être informée afin de bien
progresser, d’être légitime et de ne pas tourner en rond. Cette prémisse est donc reprise par Honneth
au sein de sa conférence et de son article sur l’éducation, alors que le
citoyen doit impérativement être formé.
C’est de cette façon, très classique et caractéristique de l’appel à la
liberté des modernes, qu’Honneth entend réconcilier politique et
éducation. Il accorde entre autres une
importance significative au passé pré-démocratique des communautés pour
justifier leur capacité à entretenir leur caractère démocratique. Le rôle des enfants et de la possibilité
qu’ils ont de perpétuer ce caractère démocratique est impératif. Par contre, ce développement des enfants ne
s’effectue non pas au sein de la culture éducative institutionnalisée, mais
plutôt par la socialité :
L’éducation assurée par l’Etat, c’est-à-dire les écoles
primaires et maternelles, est inefficace pour former des habitudes et attitudes
démocratiques. Car les attitudes morales facilitant la prise décision
politiques collectives – la tolérance, l’empathie, le souci du bien commun –
s’acquièrent non grâce à l’enseignement scolaire, aussi bien conçu qu’il soit,
mais dans des processus de socialisation éthique, au sein de communautés
prépolitiques. [...] Tous les efforts de
l’Etat pour assurer une éducation démocratique générale sont jugés vains,
puisqu’ils sont censés être incapables de générer les vertus éthiques
[tolérance, empathie, souci du bien commun] dont l’existence est vitale au
fonctionnement durable de n’importe quelle démocratie. […] Ces questions [de pédagogie] ne peuvent
que paraître vaines si on pense que les dispositions démocratiques s’acquièrent
non pas au moyen de processus éducatifs assurés par l’Etat, mais dans les
environnements prépolitiques fournis par des communautés traditionnelles[1].
Ce qui devient dès lors très explicite pour
l’auteur, c’est que la transmission des valeurs fondationnelles ne s’effectue
pas par la transmission institutionnelle des savoirs ou par le développement
des compétences scolaires. Par contre,
cela n’empêche en rien le fait que le milieu éducatif soit un terreau fertile
pour le développement des mœurs démocratiques, alors que ce lieu constitue tout
de même le lieu de socialisation le plus naturel pour les enfants. Par contre,
cette critique honnethienne des limites du milieu de l’éducation appellent les
enseignants et dirigeants d’établissements à demeurer plus sensible à ce qui
est véhiculé par les enseignants et entre les étudiants.
Cette façon de concevoir les interactions entre
les élèves est tout à fait cohérente avec la conception globale qu’entretient
Honneth de son concept d’éthicité démocratique.
Les mœurs se véhiculent par les sillons du vivre-ensemble et par
l’engagement collectif. Par contre,
toujours en phase avec cette importance qu’il accorde aussi à la nécessité de
créer un certain avancement social par les échanges collectifs, tel que purent
le souligner certains auteurs modernes qui propageaient l’idée d’une éducation
qui se veut un facteur incontournable de libération, l’éducation par
la socialité et par les pairs, se doit d’être informée. Ainsi, les enseignants portent donc en eux
cette responsabilité face à ce qui sera partagé entre les étudiants.
Pour l’auteur, l’éducation, premier vecteur de la
démocratie, souffre des mêmes revers que cette dernière, alors que toutes deux
se sont inscrites dans un courant conservateur appelant au respect des règles
et habitus, qui vient en quelque sorte paradoxalement annihiler leur fonction
première qui est celle de l’émancipation et de l’auto-génération. Selon l’auteur, autant l’éducation que la
démocratie, peinent à se réinventer. La
neutralité de l’État étant devenue si forte, les processus de dépassement et de
créativité se retrouvent limités dans leurs possibilités d’action. Ici par contre, comme certains auteurs ont pu
critiquer un théoricien comme Rawls de ne pas être suffisamment familier avec
l’économie de marché, à laquelle il a souhaité se frotter pour la majeure
partie de son œuvre, il nous apparaît que l’on peut reprocher à Honneth une
certaine déconnexion face à un monde de l’éducation qui, il faut bien le dire,
offre de grandes possibilités.
Certes, l’éducation n’aura jamais atteint le
niveau de celle présentée par Illich dans La
société sans école, mais il y a une grande distinction à faire entre les
modèles éducatifs des États-providence de type libéral (Canada, États-Unis et
Australie) et les États-providence plus conservateurs (Allemagne, France et
Angleterre, entre autres). En ce qui a
trait à l’Europe, la stratification des catégories estudiantines est
troublante, alors que la mobilité des élèves est grandement limitée, voire
improbable. De plus, l’importance d’une
connaissance exhaustive des construits socio-historiques ayant participé au développement
de ces Nations est significative. Cela
n’est que très peu le cas ici, en Amérique, alors que la plupart des élèves, en
plus d’ignorer grandement où ils vont, n’ont à toute fin pratique aucune d’idée
d’où ils viennent. Le libéralisme, dans
sa cohérente déconstruction du sujet, ne tend aucunement à renforcer la
compréhension historique du devenir des nations des Amériques. Il est donc plus facile de créer et de
construire collectivement une réalité si l’on prend moins en compte l’univers où
l’on s’inscrit, si les pesanteurs historiques sont moins grandes, ou moins
ressenties.
Mais Honneth, par ce biais qui est relatif à un
milieu de l’éducation figé, reproduit les mêmes limites qui étaient
perceptibles au sein de sa théorisation de la liberté, alors qu’il donne
l’impression d’avoir connu un développement des plus stables et rassurants, en
se référant sans cesse à des sphères très conservatrices qui font penser aux
attitudes de certaines écoles privées, ici au Québec. C’est peut-être pourquoi Honneth peut toujours aspirer à une
certaine transmission des valeurs fondationnelles par le milieu scolaire qui
conserve une relative responsabilité de « libérer » les élèves en les
rendant le plus aptes possible à participer aux enjeux démocratiques. Honneth croit d’ailleurs que le milieu
éducatif demeure, à cet égard, un lieu de remise à niveau pour tous, alors
qu’une certaine forme d’égalité s’y inscrit et permet aux moins favorisés
d’aspirer à des conditions équitables de réalisation de soi :
Nous avons vu qu’il ne faut pas sacrifier l’hypothèse que
l’éducation peut nourrir la capacité à participer à des délibérations
publiques, même en dehors des contextes spécifiques de la petite enfance et
dans des communautés éthiques traditionnelles, et qu’il ne faut pas non plus
contester à l’Etat constitutionnel la capacité d’insuffler des fins
démocratiques aux institutions d’éducation qu’il met en place. […] Sous un angle positif, on peut dire que,
parmi les missions d’un Etat constitutionnel démocratique, une des plus
importantes est d’offrir en matière d’éducation des chances permettant
également à chaque futur citoyen de participer à la légitimation publique de
ses choix « sans peur ni honte »[2].
Donc, en s’inspirant des Kant, Dewey et Rousseau,
Honneth illustre comment, certes, la démocratie peut se réaliser par la participation
citoyenne, mais comment, de manière paradoxalement circulaire, l’éducation doit
participer à cette transformation du citoyen pour en faire un bon citoyen, apte
à s’engager au sein de cette démocratie qui permet ensuite de redéfinir le
système éducatif. De cette circularité,
il est bien évidemment difficile d’en sortir.
D’ailleurs, Habermas, avec sa théorie communicationnelle, se butait à ce
même paradoxe, alors qu’Apel lui avait souligné la nécessité de mobiliser des
acteurs informés et intéressés, au sein de la discussion collective, sans quoi,
celle-ci risquait de devenir circulaire et de plutôt informer les citoyens
démunis sur les informations de base nécessaire à la discussion, sans
réellement faire avancer cette discussion d’une manière quelconque.
Ce genre de limitation est explicite lorsque les
gouvernants municipaux, provinciaux ou fédéraux proposent des consultations,
pendant lesquelles ils doivent accorder entre 80 % et 90% du temps à informer
« sommairement » les citoyens sur les enjeux traités, avant que
ceux-ci ne puissent se prononcer, trop souvent de manière désarticulée, sur ces
enjeux trop complexes et chargés en information. C’est pourquoi d’ailleurs, Honneth rappelle
l’importance de former les citoyens à la culture démocratique, en bas âge, afin
de mobiliser rapidement leurs capacités réflexives et métacognitives, sans quoi
il leur devient par la suite difficile de se responsabiliser face à leur rôle,
leur engagement et la prise en charge de leur propre culture ou connaissance :
Parmi les trois fonctions qu’une approche contemporaine
attribuerait à l’éducation dans les écoles primaires et les établissements
d’enseignement secondaires – fournir des qualifications permettant l’exercice
d’un métier, compenser les déficits éducatifs dus aux origines familiales ou
sociales, et préparer de façon générale au rôle de citoyen –Durkheim et Dewey
s’intéressent exclusivement à la dernière.
[…] Leur point de départ est le même : pour être préparé au rôle de
citoyen, l’acquisition d’un certain type de connaissances est moins importante
que l’acquisition de certaines habitudes pratiques […] des types de conduite
qui permettent d’agir avec confiance en soi au sein d’une communauté fondée sur
la coopération. […] L’idée largement diffusée aujourd’hui selon laquelle le but
fondamental de l’école est le développement de l’autonomie individuelle n’est
donc partagée ni par Durkheim ni par Dewey. Leurs modèles de l’éducation
découlent de l’idée que les élèves doivent acquérir un véritable sens de ce que
signifie traiter les autres élèves comme des partenaires égaux dans un
processus partagé d’apprentissage et d’enquête. Une école publique qui doit
cultiver dans chaque génération les dispositions pratiques essentielles à la
possibilité de la prise de décisions démocratique doit avoir pour objectif
d’habituer ceux qu’elle s’efforce d’éduquer à une culture de l’association […]
en proposant une pratique collective qui encourage l’initiative morale et la
capacité à adopter le point de vue des autres […][3].
Par contre, Honneth identifie d’entrée de jeu
deux défis pour l’éducation contemporaine, qui est d’une part de connaître
l’étendue et les conséquences des nouveaux médiums, puis d’autre part, le fait
de bien s’ajuster au morcellement ou au caractère hétérogène qui s’inscrit même
au sein des cultures occidentales. Cette
dernière critique rappelle d’ailleurs ce conservatisme honnethien, alors qu’il
éprouve un certain inconfort face à cette diversification croissante des
pluralismes et à cette prolifération des sujets exclusifs :
Cependant, le pouvoir qu’à [sic] l’éducation
démocratique de faciliter des relations de reconnaissance ne répond pas
toujours à la […] question : quelles conséquences le développement du
multiculturalisme doit-il avoir sur les contenus enseignés ? […] Pour que ces
futurs élèves se transforment en participants responsables à la vie d’une
sphère publique profondément hétérogène et métissée, ils devront aborder
l’histoire, la littérature, la géographie et la plupart des autres disciplines
dans une perspective décentrée, celle que nous nous efforçons nous-mêmes
d’enseigner dans un certain nombre de disciplines universitaires[4].
Encore là, même s’il prêche pour la grande
démocratie, Honneth peinerait assurément à accepter une démocratie libérale
absolument ouverte sur l’éclatement des possibilités. Pis encore, il semble qu’il refuserait
l’organisation d’un monde en perte de valeurs, au sein duquel les individus
s’engagent vers une forme de matérialisme ou de déni à l’excès. Le problème est qu’une démocratie absolument
ouverte, porte toujours en elle le germe potentiel de son autoréification. Le fait d’accepter l’ouverture démocratique
doit donc aussi contenir en lui, de manière implicite, l’acceptation que la
démocratie puisse se renverser elle-même.
En d’autres cas, le souhait d’Honneth ne deviendrait pas tant
l’avènement d’une démocratie, mais plutôt l’apparition d’un discours ou d’un
vivre ensemble constitué de citoyens biens cultivés et bien informés. En fait, il est plutôt question d’idéalisme
que de démocratie, car la démocratie a aussi le droit à la laideur et à
l’ignorance.
Honneth, A. (2000). La
lutte pour la reconnaissance, trad. Pierre Rush ; Paris : Les
Éditions du Cerf (éd. originale allemande 1992), 347 pages.
_____. (2007). La
réification : Petit traité de Théorie critique, trad. Stéphane Haber,
Paris : Gallimard (éd. originale allemande 2005), 141 pages.
_____. (2006). La
société du mépris. Vers une nouvelle
Théorie critique, trad. Olivier Voirol, Pierre Rush et Alexander Dupeyrix,
Paris : La Découverte, coll. « La Découverte/Poche », 349 pages.
_____. (2008). Les
pathologies de la liberté : Une réactualisation de la philosophie du droit
de Hegel, trad. Franck Fischbach, Paris : La Découverte (éd. originale
allemande 2001), 127 pages.
_____. (2013). Un
monde de déchirements, trad. Pierre Rusch et Olivier Voirol, Paris :
La Découverte, 299 pages.
_____. (2013). Ce que
social veut dire : 1. Le déchirement du social, trad. Pierre Rusch,
Paris : Gallimard (éd. originale allemande 1990 & 1999 ;
2007 ; 2010), 334 pages.
_____. (2015). Ce que
social veut dire : 2. Les pathologies de la raison, trad. Pierre
Rusch, Paris : Gallimard (éd. originale allemande 1990 & 1999 ; 2007 ;
2010), 379 pages.
_____. (2015). Le
droit de la liberté : Esquisse d’une éthicité démocratique, trad.
Frédéric Joly et Pierre Rusch, Paris : Gallimard (éd. originale allemande
2011), 596 pages.
_____. (2015). L’éducation en démocratie : un
chapitre négligé de la philosophie politique, Christophe Bouton, Guillaume
Le Blanc (dir) Capitalisme et démocratie. Autour de l’œuvre d’Axel
Honneth, p. 18-19.
_____. (2017). Critique
du pouvoir. Michel Foucault et l’École de Francfort, élaborations d’une théorie
critique de la société, trad. Pierre Rusch et Olivier Voirol, Paris :
La Découverte, 384 pages.
[1] Axel Honneth, L’éducation
en démocratie : un chapitre négligé de la philosophie politique,
Christophe Bouton, Guillaume Le Blanc (dir) Capitalisme et démocratie.
Autour de l’œuvre d’Axel Honneth, 2015, p. 18-19.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
04 juin 2018
De la belle et bonne vulgarisation
Roger-Pol Droit :
Droit,
R.-P. (2009). L’éthique expliquée à tout le monde. Paris : Éditions du
Seuil.
Droit,
R.-P. (2008). L’Occident expliqué à tout le monde. Paris : Éditions du
Seuil.
Droit,
R.-P. (2008). Une brève histoire de la philosophie. Paris : Flammarion.
Droit,
R.-P. (2002). La compagnie des contemporains. Paris : Odile Jacob.
Droit,
R.-P. (2000). Les religions expliquées à ma fille. Paris : Éditions du Seuil.
Droit,
R.-P., Kahn, A. (2008). Vivre toujours plus ? Le philosophe et le généticien.
Paris : Bayard.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
01 juin 2018
Cacophonie
L'immense accumulation de connaissances aurait dû en réduire plus d'un au silence. Or, il n'en est rien. Tous semblent plutôt parler en même temps.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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