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30 septembre 2014
Amnésie et barbarie
Dans un monde amnésique, nous devenons tous des barbares.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Travail épuisant
L'individu occidental contemporain s'épuise à fabriquer sans arrêt de l'appartenance, du lien, de la solidarité dans un monde atomisé.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
29 septembre 2014
Paradoxe
Au moment même où la compréhension du monde exige de plus en plus de connaissances, l'école semble de moins en moins un lieu de culture.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Musique
L'omniprésence de la musique tue la musique.
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Fantasme
À l'ère du spectacle et des médias sociaux, le fantasme secret de bien des gens est d'être vus de tous.
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Se transformer en publicité
Avec l'importance des marques pour les vêtements (surtout chez les jeunes), on peut dire que nombre de consommateurs sont devenus des panneaux-réclame.
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Notre image
Autrefois, on soignait son image et on y tenait. Maintenant, il faut la renouveler sans arrêt.
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27 septembre 2014
Un spectacle qui donne espoir
Plutôt pessimiste de nature en ce qui concerne l'avenir du monde, l'espoir en moi renaît chaque fois que je vois le merveilleux spectacle d'un étudiant animé par la soif de la connaissance et par la quête de la culture.
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Mort annoncée
Je vois peu à peu mourir l'université. Triste spectacle.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Les gens
Le monde est rempli de gens qui savent. Je préfère fréquenter ceux qui doutent et s'interrogent.
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Mes chats
Quand le monde me paraît trop absurde, trop bête, sous l'emprise du mal sans espoir d'amélioration, je porte mon regard sur mes chats et une certaine sérénité revient en moi.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
22 septembre 2014
Critères esthétiques
Dans notre monde «postmoderne», bigarré, diversifié, proliférant, nous avons le sentiment de ne plus savoir ce qu'est l'art. Plus, nous ne savons parfois plus comment juger des oeuvres tant elles sont diverses, disparates, déroutantes. Certains se campent alors dans une attitude rétrograde et ne valorisent que les «canons classiques». D'autres, au contraire, semblent tout accepter dans un relativisme qui ne va nulle part en allant partout. Entre ces attitudes extrêmes et peu engageantes, peut-il y avoir de nos jours quelque chose comme des critères esthétiques permettant de juger les manifestations artistiques ? C'est à cette difficile question que s'attaque Yves Michaud. Il propose une réponse faite de nuance et de prudence qui évite à la fois le passéisme et le relativisme.
Michaud, Y. (1999). Critères esthétiques et jugement de goûts. Paris : Hachette Littératures. Collection Pluriel.
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21 septembre 2014
Je vois partout...
Je vois partout les États Occidentaux devenir de plus en plus des États policiers. Je vois partout les droits des citoyens bafoués au nom de la sécurité. Je vois partout le peu de démocratie que nous avions disparaître au profit d'un contrôle serré de l'information, d'une centralisation des pouvoirs et d'une surveillance sans relâche de ceux qui osent s'opposer.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
20 septembre 2014
Si la liberté vous tient à coeur...
Quelques écrits du grand Noam Chomsky...
Chomsky,
N. (2013). Le bien commun. Entretiens avec David
Barsamian. Montréal : Les Éditions Écosociété. Traduit de l’anglais
par Nicolas Calvé. Édition originale publiée en 1998 aux États-Unis
par Odonian Press.
Chomsky,
N. (2013). Sur le contrôle de nos vies. Paris : Allia. Traduction d’une
conférence prononcée le 26 février 2000 à Albuquerque au Nouveau-Mexique.
Chomsky,
N. (2013). Occupy. Paris : L’Herne.
Chomsky,
N. (2001). Instinct de liberté. Anarchisme et socialisme. Montréal / Marseille :
Comeau et Nadeau / Agone. Textes originaux parus en 1970 et 1984.
Chomsky,
N., Bricmont, J. (2009). Raison contre-pouvoir. Le pari de Pascal. Suivi de Sur
la nature humaine, le changement social et la science. Paris : Éditions de
l’Herne.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Contre une vision gestionnaire de la production de connaissances
Yves Gingras (2014). Les dérives de l'évaluation de la recherche. Du bon usage de la bibliométrie. Paris : Raisons d'Agir.
Yves Gingras est sociologue des sciences et spécialiste de l'évaluation de la recherche.
Yves Gingras est sociologue des sciences et spécialiste de l'évaluation de la recherche.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
18 septembre 2014
Critique du discours psychiatrique
Alain Bachand (2012). L'imposture de la maladie mentale. Critique du discours psychiatrique. Montréal : Liber.
Un ouvrage qui fait réfléchir et qui sème le doute sur le sérieux de cette branche de la médecine.
Un ouvrage qui fait réfléchir et qui sème le doute sur le sérieux de cette branche de la médecine.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La police
La police est une force de protection jusqu'à ce que le peuple manifeste dans les rues, alors, elle devient une force de répression.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
17 septembre 2014
Devoir de mémoire
Le devoir de mémoire ne s'adresse pas à quelques-uns, il nous concerne tous.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Fondement de l'intolérance
Au fondement de l'intolérance il y a l'insécurité.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
16 septembre 2014
À lire, pour garder espoir
En ce monde triste et cynique, soumis à la logique financière, l'anthropologue et anarchiste David Graeber nous raconte l'expérience de Occupy Wall Street et les leçons que l'on peut en tirer. Un souffle d'air frais mais aussi une démonstration cinglante de la corruption des pouvoirs en place.
Graeber,
David (2014). Comme si nous étions déjà libres. Montréal : LUX. Collection «instinct
de liberté». Paru originellement en anglais en 2013.
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Alberto Manguel
Vous aimez les bibliothèques, la lecture, les livres ? Fréquentez l'oeuvre d'Alberto Manguel, notamment :
Manguel,
A. (2013). Le voyageur et la tour. Le lecteur comme métaphore. Paris /
Montréal : Actes Sud / Leméac.
Manguel, A. (2011). Nouvel éloge de la folie. Essais édits et inédits. Paris / Montréal : Actes Sud / Leméac. Paru originellement en anglais en 2010.
Manguel,
A. (2009). La cité des mots. Paris / Montréal : Actes Sud / Leméac. Paru
originellement en anglais en 2007.
Manguel,
A. (2009). La bibliothèque, la nuit. Paris : Babel. Paru originellement en
anglais en 2006.
Manguel,
A. (1998). Une histoire de la lecture. Paris / Montréal : Actes Sud /
Leméac.
Manguel,
A., Rouquet, C. (2011). Conversations avec un ami. Entretiens. Montréal :
Leméac. Collection l’écritoire.
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15 septembre 2014
Intérêt et ignorance
Il existe fondamentalement deux raisons de croire les mensonges des puissants : 1- l'intérêt; 2- l'ignorance.
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Apathie
Nos gouvernements nous mentent, nous trompent, nous nuisent. Et nous restons apathiques...pour combien de temps encore ?
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13 septembre 2014
Peur
Le citoyen, de nos jours, a peur du silence et de la lenteur.
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12 septembre 2014
La vitesse et la surface des choses
Nous savons de moins en moins prendre le temps et faire les choses lentement, pressés que nous sommes non seulement d'agir vite mais aussi de s'agiter constamment. Ainsi, nous ne nous arrêtons plus pour penser en profondeur.
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Voyager de par le monde
Un livre est un monde. Lire est donc un voyage dans un monde nouveau. Par conséquent, relire c'est revenir sur les lieux de ses voyages.
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Lire
Contrairement à ce que l'on pense trop souvent, lire c'est agir !
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11 septembre 2014
La science : un jeu féroce
Dans une conception naïve, on croit souvent que la science est en entreprise altruiste et pure, on monde où la noblesse d'esprit et de coeur règne en maître. En fait, plus réalistement, à mesure que les enjeux augmentent en termes de reconnaissance par les pairs et d'obtention de budgets de recherche, la science devient un jeu féroce où il faut gagner à tout prix.
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10 septembre 2014
Servir deux maîtres
Il y a environ 2000 ans, un certain Jésus aurait dit qu'on ne peut servir deux maîtres, l'argent et Dieu. Si on remplace Dieu par des valeurs morales comme l'altruisme, la bienveillance, l'honnêteté, la générosité, le moins qu'on puisse dire c'est que cet adage n'a jamais «sonné» plus vrai.
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09 septembre 2014
Les voix du passé
Écouter les voix du passé c'est se donner la possibilité de mieux comprendre le présent et d'éviter de refaire les mêmes erreurs que nos prédécesseurs.
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Moralité
C'est en se combattant soi-même que l'on devient un peu plus moral.
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Naïveté épistémologique
Réduire la vérité à des chiffres, c'est réduire la vie au calcul.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quelle fierté ?
Nous avons inventé un système qui carbure à la cupidité et à l'égoïsme...devons-nous en être fiers ?
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Mensonge
Le mensonge est puissant, il a pour lui l'argent et le pouvoir politique.
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06 septembre 2014
Perdre espoir
Des milliers d'années de réflexions morales et toujours autant d'arnaqueurs, d'escrocs, de despotes, de menteurs, de pervers et de «va-t-en-guerre». C'est à perdre espoir !
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Course
On court, on court...puis tout s'arrête ! Pas le temps de réaliser que nous avons manqué l'essentiel.
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03 septembre 2014
Deux gros mensonges
Deux gros mensonges : 1- le pouvoir appartient au peuple via les urnes; 2- notre économie est basée sur le libre marché. Demandons-nous qui a intérêt à les diffuser et à ce que nous y croyons ?
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Une indication de nos priorités
Dans nos sociétés, choisir un métier tourné vers l'aide à autrui - enseignant, infirmière, préposé aux bénéficiaires, éducatrice en service de garde, etc.- c'est choisir, plus souvent qu'autrement, la précarité et les bas salaires.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Inversion des priorités
Il fut un temps où la richesse permettait de se consacrer à la connaissance. Maintenant, se consacrer à la connaissance n'est plus qu'un moyen pour accéder à la richesse.
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Au sujet de l’utilité de la recherche pédagogique
Introduction
La recherche pédagogique peut-elle être utile pour les enseignants ?
Question qui, à première vue, peut paraître étrange. Certains, en majorité des
chercheurs, répondront indubitablement oui. D’autres, les enseignants, risquent
fort d’adopter une position plus partagée; quelques-uns lui reconnaîtront une
quelconque pertinence, mais plusieurs la jugeront proprement futile. Or, poser
cette question c’est d’emblée se situer au cœur d’une problématique qui
interpelle directement la formation à l’enseignement et la professionnalisation
de la pratique enseignante dans établissements scolaires.
Cet article fournit
d'abord une définition opératoire de la pédagogie. Puis, en second lieu,
l’objet et la nature de la recherche pédagogique sont précisés. Se dégage alors
un double agenda de la recherche pédagogique: connaître et intervenir. Suit une
analogie avec l’ergonomie illustrée à partir des questions de qualification et
de compétence. Ce qui permet de situer la recherche pédagogique à la fois dans
ses apports (aide à la décision) et dans son lieu d’ancrage (la recherche de
terrain en classe).
1- Proposition de définition de la pédagogie
Dans l’expression recherche pédagogique,
l’adjectif “pédagogique” n’est pas sans poser problème. En effet, parler de
recherche pédagogique implique d'abord que l'on convienne du sens que l'on
attribue à ce mot, “pédagogie”. D'entrée de jeu, le problème semble
assez complexe puisque pour chacun, dans son univers respectif, ce mot peut ou bien signifier des
réalités différentes ou encore une même réalité peut être dénommée par des
vocables variés. Les dangers de malentendus sont évidents et les inévitables
chevauchements et recoupements de sens peuvent donc nuire au dialogue. C’est
pourquoi nous avons cru bon de définir au préalable ce que nous entendons par
pédagogie.
La pédagogie peut être conçue comme un discours et une
pratique d'ordre en vue d'assurer l'instruction et de l'éducation des élèves
dans la classe (Gauthier, 1993). Cette définition minimaliste contient cinq
éléments qui permettent d'en baliser les contours. D'abord, la pédagogie se
déroule dans le contexte scolaire, c'est-à-dire à l'école et dans la
classe, et non dans l'environnement familial.
Ce premier élément permet de distinguer la pédagogie de l'éducation au sens
général. La pédagogie étant associée au
contexte scolaire, ce dernier impose une kyrielle de contraintes spécifiques
qui façonnent, jusqu'à un certain point, les comportements de l'enseignant. En
second lieu, parler de pédagogie c'est mettre en scène l’enseignant non
seulement à travers ses actions mais aussi en fonction de ses attitudes et de
ses idées; par conséquent, ce n'est pas s'intéresser a priori à l'«élève épistémique» (Develay, 1997) même si celui-ci
fait évidemment partie des préoccupations du praticien. Troisièmement, le
concept de pédagogie tel que nous l'envisageons implique un travail auprès d'un
collectif d'élèves; c'est ce qui nous fait dire que le souci pédagogique
est véritablement apparu au XVIIe siècle quand le maître des «petites écoles»
eut à gérer des groupes suffisamment nombreux pour l'empêcher d'enseigner comme
il l'avait toujours fait, c'est-à-dire dans un rapport individuel de un à un
(Gauthier, 1993; Gauthier et Tardif, 1996; Martineau, 1996). Quatrièmement, on
admettra qu'aucun apprentissage ne peut émerger dans la désorganisation totale,
le maître doit donc créer, construire, une certaine forme d'ordre dans
sa classe (Gauthier 1993) pour que l'apprentissage advienne, ordre dont on peut
analyser la nature, les mécanismes, les présupposés, la légitimation dans son
discours et dans ses façons de faire (Martineau, 1996). On notera qu'il ne
s'agit pas de l'ordre au sens abusif du terme mais plutôt d'une certaine forme
d'ordre pour que, dans le cadre d'un travail en collectif comme celui de la
classe, des apprentissages (au sens d'instruction et d'éducation) puissent se
réaliser. Enfin, en cinquième lieu, le travail de l’enseignant a pour finalité
l'instruction et l'éducation des élèves. Instruction en rapport à certains
contenus culturels et éducation au regard de certaines finalités estimées
souhaitables par la société.
La pédagogie est donc une activité reliée d'abord et
avant tout au travail de l’enseignant dans la classe; à ce titre, elle courtise
davantage l'ergonomie que la psychologie avec laquelle elle a été très
longtemps associée et dont elle conserve malheureusement parfois encore le nom
de «psychopédagogie». En ce sens, elle est donc plus qu'une discipline de
relations humaines issue de l'engouement provoqué par la psychologie humaniste
de la fin des années soixante. Contrairement à ce que plusieurs didacticiens
soutiennent, la pédagogie se préoccupe également des contenus à enseigner mais
sans s'y réduire cependant et tout en situant ce souci dans le réseau concret des
contraintes de travail de l'enseignant, c'est-à-dire instruire et éduquer un
collectif d'élèves dans un temps et un espace donné. Le travail enseignant ne
se réduit donc pas à un rapport aux savoirs à enseigner ou à un jeu de
relations interpersonnelles comme il est fréquent de le représenter. Il est
plutôt fait de multiples contraintes (Durand, 1996). Et ces contraintes
naissent de et exercent une influence sur l'organisation même du
travail : contraintes de temps et d'horaire, d'espace, de matériel et de
ressources disponibles mais aussi contraintes du découpage disciplinaire, du
travail sur et avec un collectif d'élèves, etc. Ce qui revient à dire que
l'enseignement, en tant qu'activité professionnelle, ne peut que se transformer
au rythme des changements organisationnels concrets qui surviennent dans
l'institution scolaire. Par conséquent, il est de première importance
d'analyser l'activité enseignante en prenant en compte son contexte réel de
travail, c'est là la tâche de la pédagogie comme discipline de recherche. En
somme, la pédagogie - c'est-à-dire la réflexion sur et la mise en oeuvre de
certains moyens afin d'atteindre des finalités d'instruction et d'éducation
dans les établissements scolaires - sera tributaire de l'environnement de
travail. De ce fait, si l'on veut comprendre quelque chose à la pédagogie, il
s'avère désormais "nécessaire de
l'articuler aux autres composantes du processus du travail enseignant"
(Tardif, 1996, p. 5).
2- Proposition d’une définition de la recherche pédagogique
D’abord, distinguons
rapidement recherche en éducation et recherche pédagogique. Les sciences de
l'éducation sont un champ de recherches où cohabitent parfois dans le conflit
mais plus souvent dans l'ignorance mutuelle, différentes disciplines aux
préoccupations diverses : didactique, psychologie scolaire, psychopédagogie,
histoire, philosophie, sociologie, voire économie de l'éducation, etc. Nombre
de recherches dans ces disciplines ne se préoccupent pas directement de mettre
au jour des savoirs utiles à l'enseignement; leur logique est essentiellement
tournée vers la connaissance et non vers l'action. Cependant, depuis quelques
années on a vu croître un double courant. Le premier, propre aux chercheurs, se
caractérise par un intérêt pour les savoirs d'action (Barbier, 1996) et tente à
la fois d'en cerner les contours épistémologiques et les modes de construction.
Le second, propre au milieu de la formation montre une préoccupation de plus en
plus grande pour les recherches à caractère pratique, c'est-à-dire celles
pouvant produire des connaissances jugées fécondes pour les enseignants dans
leur travail. Ce double mouvement a été propice à l'émergence d'un courant de
recherche qui prend l'enseignement comme objet d'étude, ce que nous nommons la
recherche pédagogique. Toutefois, il ne s'agira pas cette fois d'analyser
l'enseignement dans le seul but de le mieux connaître - comme pourrait le faire
une sociologie des enseignants - mais aussi dans l'optique de pourvoir le
métier en connaissances pratiques.
Il est donc possible de
dégager un dénominateur commun à toute recherche pédagogique : l'analyse de la
construction et du fonctionnement des situations d'enseignement. De plus, la
recherche pédagogique semble rallier les chercheurs autour d'un objectif
central. Il ne s'agit pas d'analyser uniquement les conduites et discours
développés en classe par le praticien.
La recherche caresse également le projet d'en arriver à éclairer des
procédures d'action et de décision. Ainsi, se conjuguent la poursuite de la
connaissance dite "scientifique", sans prétention d'applicabilité
immédiate, et celle de la connaissance "praxéologique" qui envisage
de construire un savoir sur et pour l'action.
3- Le double agenda de la recherche pédagogique
La recherche
pédagogique, bien que ce soit dans un esprit quelque peu différent, prolonge
les recherches plus anciennes sur le bon enseignant et alimentent celles,
actuelles, sur l'enseignement efficace (le plus souvent des études employant
une méthodologie quantitative), la pensée des enseignants (courant américain connu sous le nom de teachers' thinking) et l'enseignant
expert (dont les résultats reposent généralement sur la comparaison entre des
professionnels chevronnés et des novices). Ces objets d'études et perspectives
théoriques sont à mettre en relation avec certaines interrogations qui
parcourent la sociologie et la psychologie du travail ainsi que l'ergonomie
(analyse du travail) depuis le début des années quatre-vingts. Ces
interrogations portent notamment sur le savoir-faire, la compétence et la
qualification.
Que l'on parle de bon
enseignant, d'enseignement efficace, de réflexivité dans et sur l'action ou
d’enseignant expert, nous sommes toujours en effet sur le terrain des
qualifications, des compétences, des savoir-faire, ou encore des aptitudes, des
habiletés et des capacités. Il s'agit là de concepts, dont le sens n'est pas
toujours précis, il faut en convenir, mais qui font l'objet d'une utilisation
de plus en plus fréquente dans la littérature spécialisée (Paquay, Altet,
Charlier, Perrenoud, 1996). La plupart des chercheurs, en effet, ne s'entendent
pas sur les définitions à donner à ces termes. Il n'est pas dans notre propos
de trancher ici la question; qu'il suffise de retenir que l'arrivée (ou le
retour) de ces concepts dans le vocabulaire des sciences sociales - et, partant
des sciences de l’éducation - marque un certain virage quant à l'angle
d'approche des phénomènes du travail : le travailleur (le praticien),
professionnel ou non, devient un producteur de savoirs.
Dans les débats actuels
en enseignement, et plus spécifiquement dans les recherches pédagogiques, il
s'agit très souvent de déterminer ce qui caractérise réellement l'action des
enseignants. Profession encore mal connue (et peu reconnue), les chercheurs commencent
à peine à analyser les composantes réelles de la pratique enseignante en
classe. À première vue, ce champ d'investigation peut se diviser selon, 1) que
le but consiste avant tout à décrire une situation afin de la comprendre et de
l'expliquer (fonction de connaissance descriptive, explicative ou
compréhensive) ou encore, 2) que la tâche descriptive serve d’outil afin de
suggérer, lorsque c'est possible, des moyens efficaces en vue de l'atteinte
d'une fin donnée (les résultats de recherche se veulent alors autant de
conseils pour le praticien et remplissent par conséquent une fonction sociale
consultative). En effet, de nombreux auteurs tentent désormais d'identifier ce
qui, dans l'action de l’enseignant, se révèle le plus efficace pour la réussite
des élèves (Gauthier et al., 1997;
Wang, Haertel, Walberg, 1993). Cette littérature (chez la grande majorité des
auteurs) a donc, dans une certaine mesure, une visée normative en ce qu'elle
postule un but légitime à l'enseignement : faire apprendre un contenu culturel
particulier à l'élève. Une bonne partie des résultats de la recherche
pédagogique participe donc d'une certaine vision de l'enseignement et du rôle
du professeur; elle donne, d'une certaine manière, une idée (qui ne peut
qu'être partielle) de la qualification et de la compétence requises pour
enseigner. C'est en cela qu'elle se rapproche du projet d'une certaine
ergonomie. Voyons pourquoi.
4- En passant par l'ergonomie
La recherche
pédagogique peut en effet s'inspirer de certains éléments de l'ergonomie. Cette
discipline "prétend forger des outils, théoriques et pratiques,
qui permettent de modifier le travail"
(De Montmollin, 1986, p. 6). Elle se divise en deux courants : un courant
plutôt américain communément appelé «human factors» (ergonomie des composants
humains) et un courant plutôt européen nommé ergonomie de l'activité humaine.
Si le premier conçoit l'ergonomie comme l'application des connaissances
générales sur l'organisme humain à la conception des machines, le second en
fait plutôt "l'analyse de l'activité
d'opérateurs particuliers confrontés à des tâches particulières" (De
Montmollin, 1986, p. 16). C'est ce dernier point de vue qui nous intéresse plus
particulièrement.
L'ergonomie de
l'activité humaine vise avant tout l'accroissement de la compétence des
opérateurs (le terme "opérateur" doit être pris ici dans un sens
général, désignant toute personne qui exercice une activité professionnelle).
Les chercheurs qui la pratiquent, plutôt que de conduire des expériences en laboratoire,
procèdent à des analyses sur le terrain et s'inspirent de l'approche
ethnographique. Plus précisément, les techniques d'analyse sont : 1)
l'observation (des déplacements, des gestes, des regards, etc.); 2) la
verbalisation (entretiens, visionnement de vidéo, etc.); 3) la simulation (dans
les cas particuliers comme une panne dans une centrale nucléaire.
Deux concepts centraux traversent toutes les tendances
de l'ergonomie moderne (européenne ou américaine). Ces concepts sont la tâche
et l'activité. La tâche est "l'ensemble
des éléments objectifs qui constituent les "données" pour l'opérateur" (De Montmollin, 1986, p. 108).
Quant à l'activité, elle regroupe tous les "comportements réels des opérateurs
sur leur lieu de travail, physiques (ses gestes, ses postures...) et mentaux
(ses raisonnements, ses verbalisations...)" (De Montmollin, 1986, p.
108). En enseignement, par exemple, la tâche se retrouve notamment dans les
programmes d'études et les règlements des établissement scolaires pendant que
l'activité se mobilise principalement dans la prestation du cours.
Il est intéressant de
retenir ici l'idée, admise en ergonomie de l'activité humaine, qu'une tâche ne
peut être adéquatement réalisée sans la médiation de l'opérateur, médiation qui
s'incarne dans son activité. En d'autres termes, le travail prescrit ne dit
jamais tout du travail requis pour mener à bien une tâche. L'opérateur (par
exemple, l’enseignant) est un élément actif et non passif du processus de
travail, il construit du savoir dans l'action, savoir que l'ergonome tente de
saisir afin d'améliorer le travail. Il s'agit à l'évidence de buts similaires à
ceux poursuivis par une certaine recherche pédagogique. Cependant, il faut bien
se garder d'appliquer aveuglément une technologie comme l'ergonomie (De
Montmollin, 1986, 1996) à un domaine comme l'enseignement. Il n'en demeure pas
moins que la recherche pédagogique, celle qui a une visée pragmatique, celle
qui vise à développer un savoir sur et pour l'action pédagogique, peut jouer un
rôle similaire à celui de l'ergonomie de tradition européenne dans d'autres
pratiques professionnelles. Voyons maintenant en quoi cela pourrait consister.
5- Illustration par les notions de qualification et de compétence
Nous l'avons mentionné
plus haut, la recherche pédagogique remplit essentiellement deux fonctions : 1)
une fonction de connaissance descriptive, explicative, compréhensive; 2) une
fonction sociale consultative (qui la rapproche de la recherche-action)
(Resweber, 1995). Les notions de qualification et de compétence vont nous
servir ici afin d'expliciter cette double fonction.
Comme il a été dit
précédemment, une étude attentive de la littérature en sociologie et en
psychologie du travail ainsi qu'en ergonomie, nous apprend que la qualification
et la compétence sont essentiellement des construits sociaux, fruits d'un
processus de reconnaissance des qualités d'un travailleur par l'employeur et,
plus globalement, par la société (Demailly, 1994). Cette reconnaissance des
qualités n'est pas automatique; elle est l'enjeu d'une négociation. Et, cette
négociation n'est pas nécessairement facile puisque le processus se heurte
fréquemment à différents problèmes — notamment, dans de nombreux cas, celui de
l'inégalité des acteurs en présence — qui nuisent par conséquent à la
reconnaissance des qualités des praticiens.
Étant donné que la
qualification et la compétence sont des construits sociaux, il s'avère donc
impossible d'en donner une représentation qui s'imposerait à l'ensemble des
acteurs et qui pourrait être déduite directement de l'analyse de l'activité du
praticien. De plus, les représentations des acteurs comportent une large part
d'implicite : chacun se fait une idée des qualifications et des compétences
requises pour enseigner. C'est ici que la recherche peut jouer un rôle non
négligeable de démystification.
La plupart des
individus vivant dans les sociétés occidentales savent à peu près ce qu'est
l'enseignement. Ayant tous (ou presque) été à l'école, ils sont à même de se
représenter les grandes lignes de l'activité quotidienne d'un enseignant.
Toutefois, il faut bien avouer que cette connaissance demeure très
fragmentaire; la tâche d'un enseignant s'avère en effet beaucoup plus complexe
et variée que l'image populaire le laisse croire (Gauthier, 1993, Martineau,
1996, Meirieu, 1996). C'est justement ici que la recherche pédagogique peut
jouer son double rôle.
Il est nécessaire de se
poser un certain nombre de questions sur la recherche pédagogique : Sert-elle à légitimer le statu quo dans l'enseignement ? Vise-t-elle
à établir un contrôle sur le praticien ? Peut-elle mettre au jour les
"arbitraires" présents dans la vision de l'enseignement ? Si ces
questions sont légitimes et trouvent difficilement une réponse évidente, elles
ne doivent pas faire oublier que la recherche pédagogique, par sa centration
sur la question des savoirs et des pratiques des enseignants, permet d'espérer
la mise au jour de connaissances plus précises sur leurs compétences. La
recherche pédagogique donne en effet à voir l'activité des enseignants, ce
qu'ils font pour réaliser leur tâche. Elle fournit donc un éclairage sur les
savoirs et compétences nécessaires pour accomplir la tâche prescrite.
Ce qui précède laisse
entrevoir comment la recherche pédagogique peut être un élément actif et
d'importance dans le processus de construction des qualifications et des
compétences en enseignement. En mettant au jour le savoir d'expérience des
enseignants, elle donne à voir leur compétence construite dans l'activité même
du travail. Cette activité est la mise en action effective et efficiente de la
tâche. Le point nodal réside dans la représentation de l’enseignant comme un
producteur de savoirs, le créateur de ses propres compétences pédagogiques. Il
y a ici, en germe à tout le moins, un argument de poids en faveur de la
reconnaissance des enseignants comme des acteurs à part entière dans le
processus de construction des savoirs pédagogiques et de définition du contexte
de travail.
Les résultats dégagés
par la recherche pédagogique peuvent ainsi apporter une contribution dans le
processus de reconnaissance des qualifications et des compétences des
praticiens de l’enseignement. Cette contribution vient de ce que la recherche,
par la lumière qu'elle fait sur les savoirs et compétences des enseignants et
les pratiques effectives, permet une certaine réduction des fausses
conceptions, des idées reçues, quant aux aptitudes, capacités, habiletés,
qualités ou savoir-faire, utiles dans la pratique. Ainsi, la recherche est à
même de contribuer à modifier la position des acteurs concernés en révélant la
faiblesse ou la force de certaines de leurs représentations.
Le but de la recherche
n’est toutefois pas de servir de norme, mais plutôt de mettre à la disposition
des acteurs des outils facilitant la construction d'une représentation de la
pratique pédagogique qui soit le fruit d'un travail en commun (dans un esprit
de recherche collaborative par exemple). Dans un sens, il s'agit de limiter les
implicites, les visions réductrices de la profession, obligeant par le fait
même chaque acteur à expliciter ses positions et à argumenter au moyen, entre
autres, des résultats de la recherche.
Mais revenons à notre
problème des qualifications et des compétences. Celles-ci sont l'enjeu d'une
négociation. Constructions sociales, leur reconnaissance passe par un accord
(généralement partiel et provisoire) sur une vision de la pratique. Cet accord
— résultat du croisement de points de vue hétérogènes — intervient entre des
acteurs dont les statuts ne sont pas toujours égaux : ministère de l'Éducation,
établissements scolaires, syndicats, enseignants etc. Dans ces conditions,
quelle aide pourrait apporter la recherche pédagogique dans l'élaboration d'une
vision de la pratique enseignante?
Selon nous, la
recherche pédagogique (du moins, telle que nous la concevons), peut servir
essentiellement à deux fins : 1) être un motif pour que chaque acteur en
présence explicite sa position et que celle-ci soit reconnue (de cette manière
le discours des enseignants sur leur propre pratique peut éventuellement
acquérir une légitimité qui lui fait parfois défaut); 2) servir d'outil pour la
prise de décision en permettant que soit reconnue la légitimité des savoirs
issus de la pratique, lesquels seraient mis en commun avec les autres savoirs
(curriculaires, disciplinaires, de formation professionnelle, Tardif, Lessard,
Lahaye, 1991). Par conséquent, la recherche apparaît comme une base de
discussion qui permet d'élaborer en commun une meilleure définition de la
pratique. Elle peut aider à la négociation, notamment, par sa capacité à
questionner les règles de la pratique.
La recherche
pédagogique accomplit en quelque sorte une tâche de déstabilisation des points
de vue des acteurs en mettant au jour les fondements de leur rationalité et de leur
efficacité (Fenstermacher et Richardson, 1994). Plus spécialement, la recherche
peut modifier l'idée qu'il n'y a qu'une seule voie vers l'efficacité ou la
compétence. En matière d'enseignement, en plus de donner lieu à des définitions
différentes suivant la position des acteurs, la maîtrise de sa pratique peut
s'obtenir par de multiple moyens; mais elle doit nécessairement compter sur
l'apport du praticien (qui n'est jamais un simple exécutant). En fait, c'est la
légitimité des savoir-faire et des compétences des enseignants qui est ici en
jeu: la recherche démontre en effet que la pratique est source de savoirs et de
compétences (ce qui revient à dire que la pratique — les acquis de l'expérience
— peut accroître la qualification de l’enseignant).
Le rôle de la recherche
pédagogique, quant à la qualification et la compétence, (dont un des enjeux, on
vient de le dire, est la reconnaissance de la légitimité des pratiques et des
discours des praticiens) se retrouve donc à trois différents niveaux : 1) la recherche
postule, dès le départ, la coexistence de plusieurs rationalités; 2) elle
déstabilise la position des acteurs; 3) finalement, elle affirme la nécessité
du recours au terrain afin de valider les représentations. Examinons brièvement
chacun de ces niveaux.
La recherche
pédagogique déstabilise la position des acteurs. Elle introduit un doute sur la
valeur réelle des représentations de la pratique et ce, indépendamment des
acteurs. En obligeant ces derniers à expliciter leurs représentations, la recherche
permet une prise de distance par rapport à leurs visions de l'activité
enseignante. Cette prise de distance peut tout autant conforter l'acteur dans
ses idées que l'amener à remettre en cause et à revoir ses positions.
La recherche
pédagogique postule la coexistence de plusieurs rationalités. L'enseignement ne
peut se réduire à l'application des règles prescrites par les programmes et les
manuels de pédagogie. L'enseignement n'est certes pas une simple science
appliquée puisque enseigner c'est toujours adapter les règles au contexte
(Gauthier, Martineau, Desbiens, Presseau, 2003). Plus encore, enseigner c'est
aussi faire oeuvre de création, c'est innover, c'est inventer des procédures
inédites afin de faire face aux imprévus de la vie de la classe. La recherche
pédagogique sert donc ici de révélateur des rationalités à l'oeuvre dans la
pratique. Par le fait même, la recherche permet d’éviter toute position
hégémonique en ce qui concerne les représentations de la pratique pédagogique.
Mais, par la même occasion, elle fait ressortir la légitimité de la rationalité
du praticien. Cependant, le danger que la recherche se pose elle-même comme
nouveau discours hégémonique demeure toujours présent. Toutefois, les dernières
années ont confirmé le mouvement d'auto-critique de la science (et le monde de
l'éducation n'y échappe pas) face à ses prétentions à se poser comme seul
discours légitime (Tardif, 1993).
6- Une recherche qui doit se mener sur le terrain
La recherche
pédagogique affirme la nécessité du recours au terrain afin de valider les
représentations. Il apparaît impossible de décider a priori de la validité des représentations des acteurs. «Faire du
terrain», c'est pour le chercheur refuser d'adopter une position préétablie;
c'est aussi refuser de considérer a
priori la position d'un acteur comme étant plus légitime que celle d'un
autre. De plus, faire du terrain, c'est admettre qu'il ne peut y avoir de
théorie de la pédagogie pouvant expliquer complètement l'activité pédagogique
et étant applicable directement dans la pratique. Finalement, faire du terrain,
c'est considérer que le contexte de la pratique (local et nécessairement
contingent) joue un rôle capital dans l'accomplissement de la tâche
d'enseignement et que, par conséquent, la mise au jour et la formalisation des
compétences et des savoirs n'auront toujours qu'une portée limitée (Gauthier et al. 1997; Gillet, 1987, p. 24).
Ce qui précède laisse
entrevoir comment la recherche pédagogique peut modifier les représentations de
la pratique et, partant, la pratique elle-même (Fenstermacher et Richardson,
1994). En démontrant l'existence de plusieurs rationalités, la recherche
pédagogique contribue à la reconnaissance de ce qui dans chacune d'elles peut
se révéler légitime au regard de certaines finalités (finalités qui doivent
elles-mêmes être interrogées). C'est en cela qu'elle sert non pas de norme mais
de base de discussion. Ainsi, la recherche ne décide pas de ce qui doit être
mais aide les acteurs impliqués à formaliser et à valider leurs savoirs d'action.
Conclusion
Depuis déjà quelques
années, un fort courant de recherche s'est développé tant en Europe qu'en Amérique
au sujet des savoirs et des compétences des enseignants, Il est alors possible d'adopter deux positions : l'analyse en vue d’expliquer et de
comprendre ou l'analyse en vue d’expliquer et de comprendre pour intervenir.
Nous avons proposé ici la deuxième option pour la recherche pédagogique.
La pédagogie ainsi que
ceux qui la pratiquent souffrent toujours de la relative faiblesse des
connaissances que nous avons sur les pratiques enseignantes. Toutefois, le
projet de mieux connaître l'enseignement ne peut se résumer à une accumulation
de savoirs sans conséquence pour la pratique, il ne peut se limiter au jeu
académique des chercheurs universitaires. La recherche pédagogique a le devoir
éthique de s'intéresser aux conséquences pratiques des savoirs qu'elle met au
jour. Par conséquent, si une partie des sciences de l'éducation s'intéresse à
des objets qui n'ont pas directement de conséquences sur la pratique
pédagogique (et il n'y a aucune raison pour que cette situation change), il
nous semble nécessaire qu'une autre partie de ces mêmes sciences se préoccupe
de la pratique. Cette partie, la recherche pédagogique, est donc beaucoup plus
une praxéologie qu'une discipline fondamentale (en cela elle apparaît plus
proche de l'ergonomie - dont De Montmollin disait qu'elle n'est pas une science
mais une technique - que des disciplines fondamentales telles que
l'anthropologie ou l'histoire). Mais encore faut-il qu'elle assume son
caractère ambigu l'associant plus à une technologie qu'à une science (et cela
n'est pas chose facile dans le contexte universitaire actuel).
Nous avons proposé ici
une façon de concevoir le rôle de cette recherche pédagogique. Celle-ci est,
dans un certain sens, une sorte de programme de recherche permettant d'acquérir
des connaissances sur et pour la pratique enseignante. Par l'analyse de
l'activité des enseignants en classe, elle vise à comprendre les déterminants
et les modalités du "faire la classe". Ce type de recherche permet
d’analyser (à l'exemple de l'analyse du travail, l’ergonomie européenne) une
multitude d'objets : l'étude de la performance des praticiens, leurs
comportements dans l'action, leurs processus mentaux ou encore, leurs
stratégies et visions de l'action.
La recherche
pédagogique est à même de jouer un certain rôle dans le processus de
reconnaissance des qualifications et des compétences des praticiens de
l’enseignement. En effet, elle peut être utile dans la mise au jour des
"qualités" développées et mobilisées par l’enseignant dans sa
pratique. Dans le vaste domaine des recherches en sciences de l'éducation,
traversé par plusieurs disciplines différentes et de multiples paradigmes, la
recherche pédagogique porte sur un acteur central et analyse principalement ce
qui se passe dans un lieu : l’enseignant dans sa classe. De plus, lorsqu'elle
aborde les questions des compétences et des savoirs, elle fournit des matériaux
précieux qui permettent de faire émerger des savoirs cachés (ceux des
praticiens). Elle vise alors non seulement à décrire, à comprendre, à expliquer
ou à critiquer mais aussi à modifier :
"La lecture critique des pratiques n'est jamais neutre, car elle est
toujours, plus ou moins consciemment, effectuée, à la lumière des changements
souhaitables et souhaités par les acteurs" (Resweber, 1995, p. 38). En
cela, la recherche pédagogique est à toutes fins pratiques indispensable non
seulement à une meilleure connaissance des pratiques mais aussi à leur
amélioration.
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Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
02 septembre 2014
Ah, les débuts dans l’enseignement !
Le petit texte qui suit est une fiction...
Je viens de sortir de
l’université, le marché du travail m’ouvre les bras, chanceux, j’ai ma première
classe à moi. Les gens sont bien gentils, la direction est accueillante, les
collègues me sourient et me souhaitent la bienvenue. On m’a montré mon bureau
de travail, le local où je vais enseigner, le salon des profs, et voilà. Pour
le reste, s’il y a un problème, on me dit de «faire signe». Bon, c’est certain, on
m’a donné des élèves «difficiles», une queue de tâche, mais, faut pas trop être
gourmand quand on a la chance comme moi d’avoir un job.
Ce matin je rencontre mes élèves
pour la première fois. Je me suis préparé comme un fou mais je suis nerveux et
des papillons voltigent dans mon estomac. Comment cela se passera-t-il ? …
Ouf, je suis passé au travers cette
rencontre initiale. Mais, je ne sais pourquoi, je doute de moi, ai-je dit ce
qu’il fallait dire, fait ce qu’il fallait faire ? …
Six semaines plus tard…
Quel métier ! Que de difficultés,
que de défis ! J’ai l’impression de ne plus rien savoir du tout sur
l’enseignement, comme le sentiment de devoir tout réapprendre sur le tas. Ai-je
si peu appris de ma formation ? Et les élèves qui ne collaborent pas toujours.
Pourtant, je travaille vraiment beaucoup pour préparer des activités
intéressantes et innovantes juste pour eux. Ça me démolit quand je sors d’une
leçon où cela n’a pas bien été. Je prends ça personnel. Je ne suis pas certain
de moi, je n’en dors pas la nuit. Avoir tant idéalisé ce moment de l’entrée
dans la carrière et me retrouver ainsi à imaginer parfois la quitter parce que
c’est trop dur. Suis-je fait pour l’enseignement ?
Quatre mois ont passé…
Ça va mieux qu’au début mais ce
n’est toujours pas la joie. Je dois tout faire tout seul sans soutien, ni des
collègues, ni de la direction. Oh, les gens sont toujours aussi gentils mais
c’est chacun pour soi. Et, quand on est nouveau comme moi, comment aller avouer
ses peurs ou, pire, ses erreurs ?
Fin de l’année scolaire…
J’ai survécu ! Quelle année, quel
défi. Ça été si difficile parfois que cela a même failli mettre mon couple en
danger : pas facile de vivre avec quelqu’un qui en arrache au travail. Je dois
tout de même dire que je sors plus fort de l’aventure. Par contre je sors aussi
quelque peu aigri de cette première année et je n’aime pas ça. Aigri dès le
début, qu’est-ce que va être la suite! Pourquoi ai-je dû vivre cela entièrement
seul ? Je ne croyais pas que le milieu était si individualiste. On m’avait
prévenu, «l’insertion professionnelle, surtout la première année, c’est pas de
la tarte, faut être fait fort», mais de là à imaginer que ç’était comme ça !
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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