L’identité professionnelle des enseignants semble depuis quelques années remise en question un peu partout dans les pays occidentaux. Cela peut s’expliquer d’abord par le fait que notre société a perdu la plupart de ses repères culturels fondamentaux. En fait, plusieurs s’accordent à dire que nous vivons à l’ère du relativisme et de l’individualisme. Cela n’est pas sans poser plusieurs problèmes à la profession enseignante. Cette situation de remise en question de l’identité professionnelle peut trouver en partie sa source dans le questionnement sur le professionnalisme que nous traversons actuellement. Ce questionnement se présente sous différentes formes : interrogation sur ce qu’est l’expertise, remise en cause des formations professionnelles, méfiance envers le pouvoir des professions, problématique de l’éthique professionnelle.
Lorsque les classes étaient plus homogènes – il y a de cela bien des décennies – et lorsque l’autorité du «maître ou de maîtresse» faisait plus consensus, l’enseignant recevait son identité professionnelle sur une base statutaire. L’institution éducative lui conférait en effet à la fois un rôle et un statut socialement reconnus de tous. Ainsi, l’identité professionnelle était relativement stable car elle pouvait compter sur un contexte plus favorable, des manières traditionnelles de faire la classe, une population étudiante soigneusement sélectionnée et assez homogène, des valeurs et des normes communément partagées notamment au regard des savoirs valorisés et des règles d’autorité. Aujourd’hui, cette situation a considérablement changé. Les qualifications ou les compétences pour enseigner ne vont plus de soi, les classes sont désormais hétérogènes et les élèves ne respectent plus automatiquement l’autorité de l’enseignant incarnée dans son statut et ses compétences.
La crise identitaire des enseignants est accentuée par l’affaiblissement des institutions qui oblige l’acteur à recomposer un sens à son action et, partant, à son identité. En fait, le sens de l’expérience n’est plus donné par le statut et ou les structures sociales. Cela n’est pas sans incidence sur le processus de construction de l’identité professionnelle des nouveaux enseignants. Devant composer avec des logiques d’action variables, ces derniers ne peuvent plus s’en remettre à un rôle clairement défini et à un statut sans ambiguïté pour construire leur identité professionnelle. Celle-ci s’édifie donc sur la base d’un travail d’interprétation constant des expériences personnelles vécues. Dans ces circonstances, le contexte de travail joue un rôle majeur dans la constitution de l’identité professionnelle. Autrement dit, la structure de travail, les systèmes d’action, les rapports sociaux noués en contexte professionnel vont venir colorer l’expérience de l’acteur et par conséquent vont influer sur son identité professionnelle.
Pour les enseignants en insertion professionnelle, la socialisation au travail semble comporter deux aspects majeurs : a) l’engagement personnel au plan des valeurs; b) la conformité des comportements aux attentes du milieu de pratique. Ce processus suppose que l’enseignant se voit confirmé et soutenu dans son évolution – conçue comme la maîtrise graduelle des actes professionnels qui constituent la spécialité de son métier – c’est-à-dire qu’il développe un sentiment de compétence. Ce sont donc les fondements même de l’identité professionnelle qui sont interpellés dans la phase d’insertion professionnelle en ce sens que ce sont les assises même de la perception de soi en tant que professionnel qui y sont interrogées. Ainsi, qu’ils soient aisés ou ardus, les débuts dans la pratique jettent les bases de la dynamique motivationnelle qui animera l’enseignant dans sa carrière. Dans ces circonstances, il apparaît capital que l’ensemble du milieu scolaire se dote de programmes d’insertion professionnelle.
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