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31 janvier 2011
Le nihilisme
Le nihilisme est une maladie de la pensée contemporaine, une facilité qui se prend pour de la profondeur.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Leçon des Grecs anciens
S'il y a une leçon que nous ont appris les Grecs anciens, c'est bien celle que pour bien agir il faut faire l'effort de bien penser.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
28 janvier 2011
Aliénation
L'aliénation passe aujourd'hui par les mots d'ordre suivants :
- se dépasser;
- performer;
- innover.
- se dépasser;
- performer;
- innover.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Dépassement de soi
Dans notre monde sous l'emprise de l'idéologie du néolibéralisme et de son affairisme barbare, nous avons réduit la notion de dépassement de soi à une vulgaire question de performance «pour atteindre les sommets».
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Autolimitation !
Qu'est devenu le sens de l'autolimitation si bien respecté par tant de sociétés traditionnelles ?
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Idéaux d'une démocratie adulte
Dans une démocratie vraiment adulte, on verrait :
- les débats acceptés et valorisés;
- la négociation devenir un principe sacré;
- la toute puissance refusée comme projet individuel ou collectif.
- les débats acceptés et valorisés;
- la négociation devenir un principe sacré;
- la toute puissance refusée comme projet individuel ou collectif.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Les distances
Dans un monde où les distances géographiques sont presque totalement abolies, on voit fleurir les distances sociales et culturelles.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
L'école dans la démocratie
L'école dans une démocratie adulte devrait avoir pour finalité dernière l'apprentissage de ce qui est nécessaire à l'émergence d'un esprit critique.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Religion et politique
Avec la montée des intégrismes religieux un peu partout dans le monde, il apparaît nécessaire de combattre l'instrumentalisation du religieux par le politique.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Une société sans citoyen
Une société sans foi et sans projet transcendant est une société habitée par des individus mais où il n'y a plus de citoyens.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Un défi actuel
Dans nos sociétés rongées par le doute, le cynisme et le relativisme, il semble urgent de travailler à recharger le projet social d'une dimension sacrée.
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Société
Il ne peut y avoir de société sans morale et sans dimension spirituelle.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Terreur et révolution
Si à un moment de leur histoire toutes les révolutions ont vu se mettre en place un régime de terreur, il faut bien comprendre que la terreur n'appartient pas en propre aux révolutions mais aux hommes qui les font.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
27 janvier 2011
Le Dieu de Hans Jonas
Dans son livre «Le concept de Dieu après Auschwitz», Hans Jonas propose une vision particulière du concept de Dieu. D'un Dieu tout puissant et qui intervient directement dans le cours du monde, on passe à un Dieu impuissant parce qu'il laisse sa création «aller d'elle-même». D'un Dieu immuable, on passe à un Dieu historique, qui «évolue» avec ce que fait sa création de lui. D'un Dieu intouchable, on passe à un Dieu souffrant; d'une souffrance acceptée par lui à travers le don de liberté qu'il a donné à sa création. Selon Jonas, cette conception de Dieu est davantage compatible avec l'expérience du génocide perpétré par les nazis. Le Dieu de Jonas n'intervient donc pas dans notre monde. Il ne peut aider l'être humain. Au contraire, c'est à l'être humain d'aider Dieu, c'est à l'être humain de faire en sorte que Dieu vive, se renforce, se perpétue. Cette pensée opère un renversement étonnant par rapport à la plupart des traditions religieuses.
Référence :
Jonas, Hans (1994). Le concept de Dieu après Auschwitz. Une voix juive. Paris : Rivages poche. Paru pour la première fois en allemand en 1984.
Référence :
Jonas, Hans (1994). Le concept de Dieu après Auschwitz. Une voix juive. Paris : Rivages poche. Paru pour la première fois en allemand en 1984.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Le doute et la philosophie
Le doute est au coeur de la démarche philosophique; il lui est nécessaire. Philosopher c'est chercher à mieux vivre par la connaissance, c'est donc douter toujours que la vie que l'on mène est adéquate, c'est douter que la connaissance que l'on possède est suffisante. Philosopher c'est tenter de mieux comprendre car on se doute que notre compréhension est limitée. C'est aussi tenter de devenir meilleur. Et, surtout, philosopher c'est savoir que cette double tâche - comprendre mieux et devenir meilleur - sera toujours une tâche inachevée.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La tolérance
On oublie trop souvent que la tolérance ne peut aller de pair qu'avec les débats, les discussions, les controverses. Lorsque ceux-ci disparaissent, il y a fort à parier que ou bien on se trouve devant une montée de l'intégrisme (religieux, ethnique, économique, politique, etc.) ou bien on est plongé dans le relativisme niais.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Les assises de tout jugement
L'être humain porte des jugements en tout temps et en tout lieu. Nous aimerions bien souvent être guidés pour cela. Or, il faut savoir qu'il ne saurait exister quelque chose comme «le guide du parfait jugement». Est-ce à dire que nous sommes condamnés à l'approximatif ou pire encore, au «n'importe quoi» et au «tout se vaut». Heureusement pas ! Lorsqu'on a à juger, on peut fonder notre jugement sur quatre assises : 1- la cohérence; 2- la pertinence; 3- la prudence; 4- l'expérience.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La vérité
La vérité réside moins dans une supposée adéquation au réel (adéquation que nous ne pouvons que fort imparfaitement évaluer) que dans la rigueur et la cohérence du raisonnement.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La connaissance : contenu et rapport
Une connaissance est toujours la connaissance d'un acteur (individuel ou collectif). C'est dire que toute connaissance se caractérise non seulement par son contenu mais aussi par le rapport que cet acteur entretient avec ce contenu.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Contre le déterminisme
En histoire, comme dans les autres sciences sociales, on ne peut adopter une posture déterministe pour la simple et bonne raison qu'au moment où les acteurs vivent les phénomènes, le champ des possibles est toujours d'une certaine manière ouvert.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Une rationalité bien imparfaite
Il ne faut jamais oublier que la rationalité humaine ne saurait être parfaite car elle est toujours située dans l'espace et dans le temps.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Et le sens, où est-il ?
Bien que cela ne fasse pas consensus, de très nombreux philosophes considèrent que l'Occident traverse une crise de sens majeure, crise qui se répercute dans toutes les sphères de l'activité humaine. Cette crise se traduirait notamment par des phénomènes tels que : notre monde ne semble mener nulle part; l'unité de sens est perdue (mais a-t-elle jamais existé ?), l'éclipse des fins; une ontologie immanentiste (la transcendance mise à mal); l'obsession de soi; le triomphe de la raison procédurale (ou instrumentale); la fragmentation des savoirs; le relativisme d'un côté et l'intégrisme de l'autre (vision passéiste et réactionnaire du monde); un déficit de temporalisation (célébrer le présent en oubliant à la fois le passé et le futur); des identités fragmentées.
On peut sur le sujet trouver une multitude de références, j'en donne deux ici :
Jean-François Mattéi (2006). La crise du sens. Nantes : Cécile Defaut.
Charles Taylor (1992). Grandeur et misère de la modernité. Montréal : Bellarmin.
On peut sur le sujet trouver une multitude de références, j'en donne deux ici :
Jean-François Mattéi (2006). La crise du sens. Nantes : Cécile Defaut.
Charles Taylor (1992). Grandeur et misère de la modernité. Montréal : Bellarmin.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
26 janvier 2011
Le clonage humain
Le clonage des humains - s'il se réalise pleinement - posera un problème «anthropologique» fondamental : celui de la filiation. Or, pour l'humain, la filiation c'est l'inscription dans l'histoire et la continuité, assises de son identité.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Avenir et histoire
Dans notre monde voué au présent, nous avons oublié qu'il n'y a d'avenir que pour celui qui s'inscrit dans l'histoire.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Triomphe du court terme
Notre monde actuel se caractérise par des institutions sociales et culturelles affaiblies qui ne savent plus inscrire l'individu dans le long terme.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Qu'est devenue la libération sexuelle ?
Récupérée par «les vendeurs du temple», la révolution sexuelle a été pervertie pour n'être plus qu'une marque de commerce visant à faire vendre du sexe et de la séduction. La bêtise et la vulgarité dans lesquelles elle a sombré donnent ainsi des arguments aux conservateurs de la droite pour une «remoralisation du monde» qui se traduit par l'accroissement de l'intolérance et de la répression.
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Triomphe de la vulgarité
Entre ses mains le capitalisme détruit le beau et rend tout vulgaire.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
25 janvier 2011
SUR LE RELATIVISME ET L’UNIVERSALISME
On fait souvent l’équation interculturel = relativisme …et… relativisme = particularisme.
Tout se passe comme si la promotion des différences devait s’accompagner d’une négation de l’universel et, en conséquence, d’une glorification du relativisme.
Il s’agit là d’une position réductrice. S’il est évident que certains tenants de l’interculturel ont eu la naïveté ou l’imprudence de se vouer au culte du relativisme à tout crin, il demeure que cela n’est pas la position de tous et que l’on ne sacrifie pas obligatoirement l’universel sur l’autel de la différence.
Il n’y a en effet pas d’antagonisme irréductible entre l’universel et le particulier. Dans la culture humaine l’universel ne peut s’incarner que par le truchement de manifestations particulières. L’universel se construit ainsi à travers des particularismes et se nourrit de l’hétérogène. Nous n’avons qu’à penser aux grandes oeuvres de l’humanité en droit, en art, en sciences, nées à des époques particulières, dans des sociétés spécifiques, et réalisées par des femmes et des hommes distincts pour s’en convaincre. Il n’y a pas quelque chose comme d’un côté l’universel et de l’autre le particulier en matière de culture humaine. Cela ne saurait être tranché de la sorte. Dans l’histoire, le particulier devient souvent universel et l’universel particulier.
Bien sûr tout dépend de ce que l’on entend par universel. Si l’on désigne par là un état original de l’humanité ou un contenu spécifique de la culture, ce qui dépasserait les particularismes (au sens de meilleur), on fait fausse route. Cette manière de concevoir l’universel ne peut que verser dans l’ethnocentrisme dans la mesure où les critères pour désigner ce qui est digne de figurer dans l’universel ne seront jamais définis dans un vide social et culturel. En général, c’est le plus fort qui dispose du pouvoir de définir la situation et de dire ce qui est légitime ou non. Dans ce cas, l’universel se réduit trop souvent à n’être que la culture du plus fort (en arme, en gueule, en argent).
Si, par contre, on entend par universel un projet perpétuel (et non pas un état à conserver ou à reconquérir), alors là, on ne parle plus de la même chose. En effet, définir l’universel comme un projet, une quête, un idéal, toujours devant, jamais atteint, c’est accepter que la culture commune à tous les êtres humains ne saurait être définie une fois pour toute. Au contraire, ce qui est digne de figurer dans la culture universelle de l’humanité donne lieu à un constant débat obligeant chacun d’entre nous à maintenir le dialogue avec l’altérité. En quelque sorte on peut dire que l’universel ainsi conçu est non pas un état mais plutôt une pétition de principe, un pari, une position éthique ou morale envers l’humanité.
Tout se passe comme si la promotion des différences devait s’accompagner d’une négation de l’universel et, en conséquence, d’une glorification du relativisme.
Il s’agit là d’une position réductrice. S’il est évident que certains tenants de l’interculturel ont eu la naïveté ou l’imprudence de se vouer au culte du relativisme à tout crin, il demeure que cela n’est pas la position de tous et que l’on ne sacrifie pas obligatoirement l’universel sur l’autel de la différence.
Il n’y a en effet pas d’antagonisme irréductible entre l’universel et le particulier. Dans la culture humaine l’universel ne peut s’incarner que par le truchement de manifestations particulières. L’universel se construit ainsi à travers des particularismes et se nourrit de l’hétérogène. Nous n’avons qu’à penser aux grandes oeuvres de l’humanité en droit, en art, en sciences, nées à des époques particulières, dans des sociétés spécifiques, et réalisées par des femmes et des hommes distincts pour s’en convaincre. Il n’y a pas quelque chose comme d’un côté l’universel et de l’autre le particulier en matière de culture humaine. Cela ne saurait être tranché de la sorte. Dans l’histoire, le particulier devient souvent universel et l’universel particulier.
Bien sûr tout dépend de ce que l’on entend par universel. Si l’on désigne par là un état original de l’humanité ou un contenu spécifique de la culture, ce qui dépasserait les particularismes (au sens de meilleur), on fait fausse route. Cette manière de concevoir l’universel ne peut que verser dans l’ethnocentrisme dans la mesure où les critères pour désigner ce qui est digne de figurer dans l’universel ne seront jamais définis dans un vide social et culturel. En général, c’est le plus fort qui dispose du pouvoir de définir la situation et de dire ce qui est légitime ou non. Dans ce cas, l’universel se réduit trop souvent à n’être que la culture du plus fort (en arme, en gueule, en argent).
Si, par contre, on entend par universel un projet perpétuel (et non pas un état à conserver ou à reconquérir), alors là, on ne parle plus de la même chose. En effet, définir l’universel comme un projet, une quête, un idéal, toujours devant, jamais atteint, c’est accepter que la culture commune à tous les êtres humains ne saurait être définie une fois pour toute. Au contraire, ce qui est digne de figurer dans la culture universelle de l’humanité donne lieu à un constant débat obligeant chacun d’entre nous à maintenir le dialogue avec l’altérité. En quelque sorte on peut dire que l’universel ainsi conçu est non pas un état mais plutôt une pétition de principe, un pari, une position éthique ou morale envers l’humanité.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Bref tour d’horizon de la question du soutien aux nouveaux enseignants aux États-Unis
Différentes initiatives de soutien aux nouveaux enseignants
Les États-Unis sont au prise avec un taux de décrochage des nouveaux enseignants très préoccupant. Or, devant ce constat, nombre d’expériences, de dispositifs, de pratiques et de programmes ont été mis en place un peu partout afin de palier aux difficultés rencontrées par les débutants. De manière quelque peu schématique, nous présentons ici quelques cas puisés dans certains États américains.
L’Alabama évalue systématiquement les nouveaux enseignants et cette évaluation inclut également une évaluation des élèves qui leur sont confiés. Le Mississippi a développé de son côté des modules multimédias pour le soutien en ligne des débutants et des mentors. En Georgie, on a élaboré un programme de formation et de certification pour les mentors, sachant que la qualité du soutien offert aux débutants est vitale pour favoriser la persévérance dans la carrière. Quant à la Caroline du Sud, on y utilise le portfolio professionnel afin de soutenir mais aussi d’évaluer les nouveaux enseignants. Par un programme d’été de trois jours, la Louisiane prépare des équipes de mentors et de formateurs de mentors pour chaque district afin de soutenir les nouveaux enseignants lors de leurs deux ou trois premières années. D’autres États américains ont également fait d’importants progrès quant au développement de programmes d’insertion qui semblent porter fruit. Toutefois, aux dires de certains, il reste encore beaucoup à faire.
Divers problèmes rencontrés dans le soutien aux débutants en enseignement
La formation des mentors
De nombreux États ne fournissent aucune assurance sur la qualité des mentors et sur le fait que ceux-ci sont des experts dans leur domaine. De plus, si beaucoup d’États offrent une formation pour les mentors, il semblerait que la qualité de cette formation soit très variable sans compter qu’il arrive trop souvent que, au niveau secondaire, mentors et novices ne soient pas jumelés selon leur discipline de formation.
Les systèmes d’observation
Dans certains cas, les systèmes d’observation du nouvel enseignant – rappelons que les dispositifs de soutien incluent souvent une évaluation de la performance de l’enseignant débutant – reposent encore sur une grille essentiellement de type comportemental issue des recherches Process / Product, limitant alors l’observation aux seuls comportements observables et à l’enregistrement de leur fréquence.
Distribution des enseignants selon le niveau socio-économique du milieu
Peu d’États semblent s’être donné une politique permettant de reconnaître que les nouveaux enseignants ne sont pas uniformément distribués et que la plus grande concentration d’enseignants débutants se situe dans les écoles en milieux défavorisés. En outre, comme ces milieux ont un important taux de roulement de personnel, ils ne possèdent souvent pas beaucoup d’experts pour agir à titre de mentors.
Charge de travail pour les débutants en enseignement
Un grand nombre d’États ignore la question de la réduction de la charge de travail pour les nouveaux enseignants. Ici la Caroline du Nord fait exception car elle stipule que lors des trois premières années d’exercice, les nouveaux enseignants ne devraient pas avoir de tâches extracurriculaires. Par contre, un sondage, réalisé par le département de l’instruction publique de l’État de la Caroline du Nord en 2002, a souligné que 94% des nouveaux enseignants de cet État acceptent tout de même ce type de tâche soit pour répondre aux attentes de la direction ou encore pour obtenir un supplément de salaire.
L’évaluation des dispositifs, pratiques et programmes
Actuellement, peu d’États américains se sont dotés d’un système d’évaluation complet et fiable pour déterminer quels enseignants débutants reçoivent réellement du soutien et comment celui-ci influence leurs performances, leur rétention et leur satisfaction face à l’emploi.
Quelques pistes d’action explorées aux États-Unis
Afin d’améliorer la situation de l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants aux États-Unis, plusieurs auteurs américains émettent des recommandations. Nous en relevons quelques-unes ici.
Élaborer un consensus entre les acteurs impliqués
Il devrait y avoir un consensus entre les différentes régions d’un État au sujet des composantes d’un programme d’insertion efficace. Les États devraient également développer des outils pour estimer les coûts d’un tel programme et prévoir comment trouver ces fonds. Il faudrait également tenir compte du grand nombre de débutants assignés à des écoles difficiles.
Développer une culture de la collaboration
Il serait souhaitable que les différents États agissent en collaboration afin de partager des ressources. Cette collaboration doit aussi s’étendre à l’ensemble des acteurs impliqués : conseils, scolaires, universités, associations enseignantes. Une saine collaboration et une bonne coordination des efforts de chacun favoriserait un meilleur fonctionnement des différents programmes et dispositifs de soutien aux nouveaux enseignants.
Reconnaître le rôle primordial des mentors et assurer leur formation
Il est de première importance de former adéquatement les mentors afin de s’assurer du maximum de qualité de l’accompagnement donné aux nouveaux enseignants. Être un bon mentor n’est pas une compétence innée même lorsqu’on est un bon enseignant d’expérience. Il apparaît aussi nécessaire de mettre en place des mécanismes de reconnaissance du rôle central que jouent les mentors dans l’accompagnement des débutants. Cela pourrait prendre différentes formes : bonus salarial, dégagement d’enseignement, prix, cérémonies d’honneur, etc.
Investir en premier dans les écoles difficiles (hard-to-staff schools)
Puisque les débutants commencent souvent dans des écoles réputées difficiles, il serait important que les États fassent de ces écoles une priorité en matière de soutien aux débutants. Des auteurs rappellent que les coûts économiques et sociaux du décrochage des enseignants seront toujours plus élevés que ceux d’un bon programme d’accompagnement.
Évaluer les dispositifs et programmes existants
Afin de mettre sur pied et maintenir des programmes d’insertion professionnelle réellement efficaces, les acteurs impliqués – et au premier chef les États - devraient commander des études axées sur l’évaluation des impacts réels de ces programmes. Il s’agirait donc d’évaluer et de comparer l’impact des divers programmes existants pour mieux identifier les composantes réellement bénéfiques. Ces recherches pourraient aussi être l’occasion de recueillir des informations utiles auprès des novices notamment en ce qui concerne leurs besoins en matière d’insertion.
Références
Productions du Laboratoire d’analyse du développement et de l’insertion professionnels en enseignement (LADIPE) sur le site du Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE) à l’adresse suivante : http://www.insertion.qc.ca/spip.php?rubrique16
Les États-Unis sont au prise avec un taux de décrochage des nouveaux enseignants très préoccupant. Or, devant ce constat, nombre d’expériences, de dispositifs, de pratiques et de programmes ont été mis en place un peu partout afin de palier aux difficultés rencontrées par les débutants. De manière quelque peu schématique, nous présentons ici quelques cas puisés dans certains États américains.
L’Alabama évalue systématiquement les nouveaux enseignants et cette évaluation inclut également une évaluation des élèves qui leur sont confiés. Le Mississippi a développé de son côté des modules multimédias pour le soutien en ligne des débutants et des mentors. En Georgie, on a élaboré un programme de formation et de certification pour les mentors, sachant que la qualité du soutien offert aux débutants est vitale pour favoriser la persévérance dans la carrière. Quant à la Caroline du Sud, on y utilise le portfolio professionnel afin de soutenir mais aussi d’évaluer les nouveaux enseignants. Par un programme d’été de trois jours, la Louisiane prépare des équipes de mentors et de formateurs de mentors pour chaque district afin de soutenir les nouveaux enseignants lors de leurs deux ou trois premières années. D’autres États américains ont également fait d’importants progrès quant au développement de programmes d’insertion qui semblent porter fruit. Toutefois, aux dires de certains, il reste encore beaucoup à faire.
Divers problèmes rencontrés dans le soutien aux débutants en enseignement
La formation des mentors
De nombreux États ne fournissent aucune assurance sur la qualité des mentors et sur le fait que ceux-ci sont des experts dans leur domaine. De plus, si beaucoup d’États offrent une formation pour les mentors, il semblerait que la qualité de cette formation soit très variable sans compter qu’il arrive trop souvent que, au niveau secondaire, mentors et novices ne soient pas jumelés selon leur discipline de formation.
Les systèmes d’observation
Dans certains cas, les systèmes d’observation du nouvel enseignant – rappelons que les dispositifs de soutien incluent souvent une évaluation de la performance de l’enseignant débutant – reposent encore sur une grille essentiellement de type comportemental issue des recherches Process / Product, limitant alors l’observation aux seuls comportements observables et à l’enregistrement de leur fréquence.
Distribution des enseignants selon le niveau socio-économique du milieu
Peu d’États semblent s’être donné une politique permettant de reconnaître que les nouveaux enseignants ne sont pas uniformément distribués et que la plus grande concentration d’enseignants débutants se situe dans les écoles en milieux défavorisés. En outre, comme ces milieux ont un important taux de roulement de personnel, ils ne possèdent souvent pas beaucoup d’experts pour agir à titre de mentors.
Charge de travail pour les débutants en enseignement
Un grand nombre d’États ignore la question de la réduction de la charge de travail pour les nouveaux enseignants. Ici la Caroline du Nord fait exception car elle stipule que lors des trois premières années d’exercice, les nouveaux enseignants ne devraient pas avoir de tâches extracurriculaires. Par contre, un sondage, réalisé par le département de l’instruction publique de l’État de la Caroline du Nord en 2002, a souligné que 94% des nouveaux enseignants de cet État acceptent tout de même ce type de tâche soit pour répondre aux attentes de la direction ou encore pour obtenir un supplément de salaire.
L’évaluation des dispositifs, pratiques et programmes
Actuellement, peu d’États américains se sont dotés d’un système d’évaluation complet et fiable pour déterminer quels enseignants débutants reçoivent réellement du soutien et comment celui-ci influence leurs performances, leur rétention et leur satisfaction face à l’emploi.
Quelques pistes d’action explorées aux États-Unis
Afin d’améliorer la situation de l’insertion professionnelle des nouveaux enseignants aux États-Unis, plusieurs auteurs américains émettent des recommandations. Nous en relevons quelques-unes ici.
Élaborer un consensus entre les acteurs impliqués
Il devrait y avoir un consensus entre les différentes régions d’un État au sujet des composantes d’un programme d’insertion efficace. Les États devraient également développer des outils pour estimer les coûts d’un tel programme et prévoir comment trouver ces fonds. Il faudrait également tenir compte du grand nombre de débutants assignés à des écoles difficiles.
Développer une culture de la collaboration
Il serait souhaitable que les différents États agissent en collaboration afin de partager des ressources. Cette collaboration doit aussi s’étendre à l’ensemble des acteurs impliqués : conseils, scolaires, universités, associations enseignantes. Une saine collaboration et une bonne coordination des efforts de chacun favoriserait un meilleur fonctionnement des différents programmes et dispositifs de soutien aux nouveaux enseignants.
Reconnaître le rôle primordial des mentors et assurer leur formation
Il est de première importance de former adéquatement les mentors afin de s’assurer du maximum de qualité de l’accompagnement donné aux nouveaux enseignants. Être un bon mentor n’est pas une compétence innée même lorsqu’on est un bon enseignant d’expérience. Il apparaît aussi nécessaire de mettre en place des mécanismes de reconnaissance du rôle central que jouent les mentors dans l’accompagnement des débutants. Cela pourrait prendre différentes formes : bonus salarial, dégagement d’enseignement, prix, cérémonies d’honneur, etc.
Investir en premier dans les écoles difficiles (hard-to-staff schools)
Puisque les débutants commencent souvent dans des écoles réputées difficiles, il serait important que les États fassent de ces écoles une priorité en matière de soutien aux débutants. Des auteurs rappellent que les coûts économiques et sociaux du décrochage des enseignants seront toujours plus élevés que ceux d’un bon programme d’accompagnement.
Évaluer les dispositifs et programmes existants
Afin de mettre sur pied et maintenir des programmes d’insertion professionnelle réellement efficaces, les acteurs impliqués – et au premier chef les États - devraient commander des études axées sur l’évaluation des impacts réels de ces programmes. Il s’agirait donc d’évaluer et de comparer l’impact des divers programmes existants pour mieux identifier les composantes réellement bénéfiques. Ces recherches pourraient aussi être l’occasion de recueillir des informations utiles auprès des novices notamment en ce qui concerne leurs besoins en matière d’insertion.
Références
Productions du Laboratoire d’analyse du développement et de l’insertion professionnels en enseignement (LADIPE) sur le site du Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE) à l’adresse suivante : http://www.insertion.qc.ca/spip.php?rubrique16
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
MENER UNE RECHERCHE : ENTRE PLAISIRS ET SOUFFRANCES
(texte d'une communication donnée le 14 novembre 2005 à l'Université du Québec à Trois-Rivières, Canada)
INTRODUCTION
Je voudrais d’abord vous remercier d’être présents en cette fin d’après-midi. J’espère que ces moments que nous passerons ensemble seront agréables et profitables pour vous.
J’en suis rendu à ma sixième année de présentation aux Lundis interdisciplinaires. Or, contrairement à mon habitude, cette fois, je ne vous entretiendrai pas sur des données de recherche. Par ailleurs, et là aussi ce n’est ma manière habituelle de faire, je vais vous lire un texte.
Je souhaite vous parler de mes expériences de recherches, vous faire part de mes bons coups mais aussi de mes mauvais, des difficultés que j’ai rencontrées sur mon chemin, bref, je veux vous parlé de mon vécu de chercheur en souhaitant, je suppose, que cela puisse vous intéresser ou vous servir dans vos propres entreprises professionnelles.
C’est donc à cette lourde tâche que je vais m’atteler dans les prochaines minutes mais avant j’aimerais prendre un petit moment pour vous expliquer pourquoi ma conférence s’intitule : MENER UNE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION : ENTRE PLAISIRS ET SOUFFRANCES.
Dans mon Petit Larousse, à la rubrique Plaisir, on peut lire : terme qui vient du latin «placere» qui veut dire plaire. C’est un nom masculin qui désigne une sensation, un sentiment agréable, un contentement, une satisfaction. Ce peut être aussi ce qui plaît, un divertissement. Mais encore, en psychanalyse on parlera de «principe de plaisir» qui, avec le «principe de réalité», régit notre fonctionnement mental. Celui-ci étant ce qui pour le sujet prend dans son psychisme valeur de réalité (par opposition à la réalité matérielle), celui-là renvoyant à la satisfaction immédiate des pulsions quelles qu’en soient les conséquences futures.
Toujours dans mon Petit Larousse, à la rubrique Souffrance, on peut lire : nom féminin, le fait de souffrir, douleur physique ou morale. Quant à lui, le verbe souffrir veut dire supporter quelque chose de pénible, endurer, subir.
Faire de la recherche, exercer le métier de chercheur serait donc une activité où nous serions pris dans un constant ballottement entre des sensations et des sentiments agréables qui nous plongent dans un contentement, un état de satisfaction et des moments de douleur où l’on supporte, on endure, on subit ? Plus encore, faire de la recherche, ça serait peut-être confronter ses principes de plaisir et de réalité à la Réalité avec un grand R.
C’est en quelque sorte ce que je veux souligner dans mon exposé et c’est pourquoi j’ai choisi le titre : MENER UNE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION : ENTRE PLAISIRS ET SOUFFRANCES.
La recherche, dans toutes ses dimensions et toutes ses étapes est une expérience bien singulière où le chercheur éprouve des sentiments contradictoires, où il doit souvent réfréner la satisfaction immédiate de ses pulsions en fonction d’objectifs futurs et confronter son principe de réalité (ses fantasmes) à la Réalité. Or, la conduite d’une recherche et son aboutissement (comme c’est le cas pour un mémoire de maîtrise ou une thèse de doctorat) exige un certain équilibre entre les plaisirs et les souffrances. Trop de plaisirs pourrait laisser entendre en effet que nous n’avons pas rencontré la Réalité, que nous avons donné libre cours à nos pulsions et nos fantasmes et que par conséquent, ce que nous disons du réel n’est que pure projection de notre monde intérieur. À l’inverse, trop de souffrances risque de nous décourager, de nous inhiber et ainsi de nous conduire à l’abandon pur et simple de la recherche voir même à nous faire totalement décrocher du métier de chercheur.
Donc, ce que je vous propose c’est de considérer la recherche comme un processus en tension entre deux dimensions extrêmes (je n’ose dire antagonistes puisque à certains moments le plaisir peut naître de la souffrance et vice et versa)…un processus en tension dis-je où le chercheur tente de conserver un fragile équilibre entre les plaisirs (que l’on souhaite éprouver) et les souffrances (qui sont inévitables), équilibre nécessaire à l’aboutissement d’une recherche. Mais, trêve de tergiversations, il est temps d’aller au cœur du sujet…
LES PLAISIRS
Afin de ne pas vous décourager et de commencer sur une note optimiste, je souhaite vous entretenir d’abord des plaisirs que l’on éprouve à faire de la recherche. Ils sont nombreux et renvoient à différentes sources.
Mais, afin de ne pas parler à partir d’un point de vue général qui pourrait finir par ne plus vouloir rien dire, je vais donc vous parler de mes plaisirs en recherche.
Un sentiment de puissance
D’entrée de jeu, il me semble utile de vous préciser que mes plaisirs en recherche n’ont pas commencé avec l’obtention d’un poste de professeur à l’UQTR en 1998. Déjà au baccalauréat en sociologie au milieu des années ’80, j’ai pu découvrir les joies de la connaissance en recherche. Je me souviens très bien des heures de délectations à étudier des textes souvent arides mais qui insufflaient en moi un sentiment grandiose d’acquérir des outils pour mieux comprendre le monde. Des questions que je me posais depuis longtemps trouvaient enfin des réponses sensées, de nouvelles questions surgissaient, le monde social devenait tout à la fois plus intrigant, plus complexe mais aussi moins intimidant. Bref, la sociologie fut pour moi l’occasion de voir le monde autrement, une manière de dépasser le sens commun.
Je ne peux vous cacher que j’ai ressenti là un sentiment de puissance énorme, l’impression de contrôler quelque chose…en fait, je me suis vu souvent m’élevant au-dessus de la masse, moi qui en provenais.
Ce sentiment de plaisir dans la découverte accompagné d’un sentiment quelque peu narcissique de me sentir tout à coup plus puissant intellectuellement je les ai ressentis bien des fois par la suite et je crois qu’ils font parties intégrantes de l’aventure de la recherche. Or, ces sentiments ne peuvent naître que d’un travail assidu.
Devenir un héritier
En effet, l’acquisition d’une culture scientifique demande temps et efforts. Et, en premier lieu, elle exige la fréquentation longue et régulière de nos grands prédécesseurs. En d’autres termes et pour emprunter une expression entendue dans un autre contexte, il faut se donner le temps et les moyens de devenir un héritier de la recherche. Héritier…c’est à dire quelqu’un qui possède un héritage…donc quelque chose qui nous vient de ceux qui nous ont devancés. Qu’est-il cet héritage ? C’est, comme je viens de le dire, celui des recherches et des écrits faits avant nous.
Un de mes grands plaisirs en recherche provient de ces moments où je m’accapare le contenu d’une littérature sur un sujet : identité professionnelle, développement des compétences, insertion professionnelle, construction des savoirs d’expérience, analyse de l’action, éducation interculturelle, pour ne nommer que quelques-uns de mes thèmes de recherche. Tout manuel de méthodologie vous dira qu’une bonne recherche ne peut commencer sans cette phase de dépouillement de la littérature. C’est vrai en grande partie. Et, il s’agit là d’un plaisir énorme pour moi. Partir à la découverte de l’opinion, de la pensée, des autres, prendre connaissance de leurs cadres d’analyse, des résultats de leurs recherches, quels moments stimulants. Mais ce que je veux dire lorsque je parle de devenir héritier va bien au delà de cette activité de lecture obligatoire à une démarche scientifique sérieuse.
Lire, lire et relire encore, se cultiver, cultiver le temps de lire…c’est pour moi un appel pressant, constant, comme une voix intérieure qui me dit que non seulement je ne peux exercer mon métier adéquatement qu’à ce prix mais que c’est en cela que mon métier acquière une si grande valeur à mes yeux. Être chercheur pour moi c’est en effet exercer une activité où on a le privilège de se constituer héritier d’une tradition intellectuelle. Ce plaisir de lire, il faut se le donner et par les temps qui courent c’est presque devenu impossible; la vie moderne est si accaparante. Je me souviens d’ailleurs au milieu des années ‘90 lorsque j’étais doctorant, Maurice Tardif, alors directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), centre auquel je suis rattaché comme chercheur régulier, m’avait dit : «Stéphane, profites-en durant ton doctorat, lis, lis au maximum parce que quand tu vas avoir un poste de professeur, t’auras plus le temps de lire». Il avait malheureusement presque entièrement raison.
Je n’ai jamais eu tant de plaisir à lire que durant mes études au doctorat. Je me permettais alors de prendre sans remord des chemins de traverses, de fréquenter des auteurs et des thèmes éloignés de l’objet de ma thèse, simplement par plaisir de me donner une culture que mon milieu, populaire, ne m’avait pas fournie. Venu de sociologie et d’anthropologie je m’accaparais aussi une culture éducative que je jugeais nécessaire à la conduite intelligente de ma thèse en psychopédagogie. J’ai toujours cette soif de lecture. J’ai aujourd’hui moins de temps pour l’apaiser. Mais, je n’attends pas que la vie me donne des moments pour lire, je les vole à la vie. En fait, cette démarche de ma part prend racine dans l’intime conviction qu’en sciences humaines et sociales peut-être plus qu’en sciences naturelles, physiques ou médicales, la qualité de la pensée exige une pensée cultivée. L’inculture, le manque de connaissances, nuit à notre capacité à établir des liens, à poser des questions pertinentes, à prendre les distances nécessaires par rapport au monde, à relativiser les points de vue trop tranchés. La culture – qui est toujours en quelque sorte tradition – nourrit le jugement au triple sens qu’elle fournit l’objet à juger, les occasions de juger et l’outil pour juger.
Elle fournit l’objet à juger au sens où la culture donne à voir ce qui pour autrui demeure invisible. Là où le néophyte ne voit qu’un sentier de neige, le chasseur y perçoit les traces du passage du gibier. Elle donne les occasions de juger. Là où l’apprenti ne distingue que des notes qui se suivent, le mélomane entend les nuances dans les interprétations. Elle donne enfin l’outil pour juger à savoir que voir l’objet là où l’autre ne voit rien, différencier là où l’autre ne discrimine pas, c’est toujours user d’une grille de lecture du réel, c’est regarder le monde avec des lunettes particulières.
Justement, pour nous en recherche, se cultiver, devenir héritier, c’est acquérir des lunettes pour voir ce que les autres ne voient pas, classer et organiser le monde autrement afin d’en proposer une lecture renouvelée. Voilà donc un de mes plaisirs !
Il va sans dire que le mouvement qui nous conduit à devenir un héritier pourrait n’être qu’un processus stérile de répétition s’il ne s’accompagnait de deux autres mouvements : celui de l’interprétation et celui de la critique. Voyons-les brièvement tour à tour.
Devenir un interprète
Mes lectures, quelles qu’elles soient, sont, je dois l’avouer, rarement purement gratuites. Je lis presque toujours dans l’optique de nourrir ma réflexion intellectuelle. Or, j’éprouve non seulement un grand plaisir à me constituer héritier mais aussi à interpréter cet héritage. Autrement dit, ma fréquentation des œuvres s’accompagne d’une interprétation des œuvres. Et, ce qui est intéressant, c’est que plus on lit, plus on se cultive dans un domaine, plus on devient capable d’interpréter ce qu’on lit. En bon québécois on dit parfois : «se faire une tête». Interpréter c’est comprendre et comprendre c’est mettre de l’ordre. Des connaissances ordonnées sont plus facilement utilisables que des savoirs en désordre; c’est en ce sens que l’on peut comprendre le message des cognitivistes qui nous invite à construire des réseaux conceptuels de manière consciente.
Devenir un critique
Ce processus d’interprétation, en recherche peut-être plus qu’ailleurs, s’accompagne d’un moment de critique. En effet, devenir héritier et interprète en sciences ne saurait se concevoir dans le seul but de faire échos aux prédécesseurs. Conduire une recherche implique que l’on ait de quoi à dire, à dire autrement, quelque chose à révéler, à montrer sous un autre angle. En d’autres termes, l’héritage et l’interprétation se font sous la conduite du regard critique. Se cache ici également, un grand plaisir, celui, de constater que tout n’a pas été dit. Ce plaisir, paradoxalement, provient du même processus de connaissance mais procure un sentiment inverse à savoir que plus je connais plus je sens qu’il me manque des connaissances. Où, pour nous chercheurs, plus je lis la littérature spécialisée, plus j’en maîtrise le contenu, plus je constate que des questions restent sans réponses donc, plus je me sens légitimé à ajouter ma modeste pierre à l’édifice du savoir. C’est ainsi que le savoir, en sciences, est toujours une construction collective.
Un plaisir bien paradoxal
Ainsi, devenir héritier, interprète et critique, c’est, par la lecture notamment mais pas exclusivement, se donner des outils pour comprendre le monde tout en découvrant que ce monde est encore plus complexe et plus difficile à comprendre qu’on ne le croyait. Plus j’apprends à distinguer les objets, plus j’apprends à les classer et à les juger, plus je découvre de nouveaux objets à classer et à juger, plus je me rends compte de la nécessité de retravailler les critères de classement et de jugement. En somme, cela revient à légitimer ma propre quête de savoir et ma propre démarche de recherche. Mais tout cela ne se fait pas en criant lapin. Cela prend du temps, beaucoup de temps.
D’autres plaisirs
Les plaisirs de la connaissance, qui sont, on l’aura compris, bien loin d’être purement intellectuels ne sont pas les seuls en recherche cela va de soi.
S’engager en recherche c’est aussi pour moi l’occasion de partager avec des collègues. Ces moments de rencontres sont le plus souvent des moments de purs plaisirs. La co-construction de la problématique, du cadre théorique, des outils de cueillette des données ou d’analyse, tout cela est occasion «de mieux penser».
Si le processus qui nous conduit à devenir héritier, interprète et critique (Simard, 1999) se fait en partie en solitaire, il se fait aussi en compagnonnage. Comme le révèle la littérature spécialisée sur le sujet, pour être compétent il faut disposer de ressources non seulement internes (nos connaissances, notre culture) mais aussi externes c’est à dire celles de son environnement (Le Boterf, 2000a et 2000b). En ce cas, les collaborations avec des pairs s’avèrent de précieux moyens pour décupler ses compétences. On ne saurait jamais en effet réunir en soi toutes les compétences et tous les savoirs les plus pertinents à chaque moment de la recherche. Le réseautage et le partenariat, pour employer des expressions galvaudées, deviennent de précieux outils de dialogue dans l’optique d’une co-construction des savoirs. Une plus grande maîtrise sur l’objet d’étude naît souvent de ces collaborations et, partant, un plaisir plus grand nous envahit.
Les grands plaisirs ne viennent pas en recherche que des relations avec les collègues. Le terrain nous fournit aussi des moments de joie intenses. Que de rencontres heureuses et enrichissantes. Combien d’enseignants j’ai croisés qui m’en ont appris beaucoup sur le métier enseignant, sur la pédagogie, sur l’éthique professionnelle autant de connaissances non directement visées par les recherches que je menais mais qui n’en sont pas moins importantes pour moi. Mais les entrevues avec des enseignants et les observations d’enseignement que je mène me procurent aussi de grands plaisirs lorsque se voit confirmée une intuition ou une hypothèse, lorsque le réel loin de résister à mon cadre d’analyse semble l’épouser à merveille. Il s’agit là de moments exaltants où se mêlent le sentiment de puissance dont je parlais tout à l’heure et celui du devoir accompli.
Si le travail en équipe et le terrain sont des moments qui me procurent des bonheurs, les étapes de l’analyse, de la construction et de l’organisation des résultats ainsi que de leur diffusion sous forme de communications et de publications en représentent d’autres. J’avoue, toutefois, avoir un faible pour le moment de la diffusion. Ce dernier constitue pour moi l’aboutissement du processus de recherche. C’est l’occasion de faire connaître ce qu’on a fait. Ayant été musicien pendant plusieurs années et ayant fait de la scène, je ne peux vous cacher que prononcer des communications s’avère pour moi tout autant une occasion de stress qu’un moment de plaisir où un certain exhibitionnisme n’est sûrement pas totalement absent. De plus, prononcer des communications est l’occasion de recevoir du feedback de ses pairs. Cette rétroaction peut parfois nous ouvrir des pistes de recherche inédites. Par exemple, à l’occasion d’une communication que je prononçais à Montréal sur la construction d’un objet conceptuel, l’incompétence pédagogique (Martineau, Gauthier, Desbiens, 2000), la question d’un collègue dans l’assistance m’a ouvert la voie sur un autre objet, connexe : le sentiment d’incompétence pédagogique. Ce fut alors pour moi l’impulsion qui me permis de proposer un nouveau projet de recherche, lequel fut subventionné.
LES SOUFFRANCES
Ainsi, vous venez de le constater, j’éprouve du plaisir à faire de la recherche et ce à toutes ses étapes, du dépouillement de la littérature à la diffusion des résultats. Pourtant tout cela ne va pas sans souffrances. Elles sont habituelles, souvent tenaces et lancinantes.
Un deuil à faire
Une première souffrance pour moi prend la forme d’un deuil. Celui de l’omniscience et de l’excellence en tout. Si, comme je l’ai dit plus haut, la connaissance procure du plaisir, elle procure aussi le sentiment de nos limites. Une recherche ne répond jamais à toutes les questions. Jamais on ne trouve La Réponse définitive…et c’est tant mieux, il faut bien le dire, puisque cela ouvre la porte à d’autres recherches. Mais, dans le feu de l’action, il me semble, les résultats de mes recherches m’apparaissent toujours au-dessous de mes espérances. Je précise.
Être chercheur, je l’avoue, c’est avoir quelques ambitions quant à notre puissance d’explication du monde, c’est nourrir quelques fantasmes de grandeur, c’est à tout le moins croire en l’utilité de ce que l’on dit du monde. À défaut de cela, on ne saurait qu’agir en pure perte ou dans le cynisme le plus total. Bref, être chercheur, qu’on le veuille ou non, c’est être idéaliste. Et, on voudrait bien que nos idéaux se réalisent. Or, le plus souvent, le réel se charge de nous remettre à notre place, laquelle est, pour la très grande majorité d’entre nous, modeste.
Cette souffrance, ce deuil de l’excellence, prend aussi naissance au sein du contexte actuel dans lequel les professeurs d’université mènent leurs recherches. La course à la productivité nous laisse peu de temps pour approfondir nos objets d’études, pour revenir sur nos données, pour mûrir nos cadres d’analyse. Tout va trop vite et plus on est reconnu comme chercheur, plus on est sollicité, moins on a de temps pour penser…donc plus on a le sentiment de produire de l’inachevé.
Ainsi, apprendre le métier de professeur d’université ce fut pour moi, et c’est encore je crois, apprendre à vivre non seulement des succès mais également à accepter, digérer, de multiples petits échecs, d’autant plus pernicieux qu’ils ne sont pas fracassants ni publics mais s’alimentent à l’aune de tous ces choix que l’on doit faire qui sont souvent autant de renoncements à un idéal. Je pense par exemple à la conception et à l’écriture de demandes de subventions. Il s’agit là d’un exercice non seulement pénible mais aussi d’une occasion où nous devons écrire pour «le prince», celui qui tient les cordons de la bourse. Et, on sait très bien qu’il faut alors trop souvent sacrifier aux modes du moment. Or, si vous ne vous reconnaissez pas dans les modes, si vos plaisirs ne s’y retrouvent pas, ces ceux-ci que vous sacrifierez un peu au profit de celles-là. Les demandes de subventions sont devenues un rite cruel où la souffrance ne vient pas seulement du processus lui-même (quelqu’un peut-il éprouver de grandes joies à planifier un budget de 3 ans ?) mais provient également des petits compromis que nous sommes très fréquemment obligés d’y faire.
Par conséquent, pour s’assumer sainement en tant que chercheur, selon moi, il s’avère donc important d’accepter ce deuil qui se renouvelle à chaque entreprise, ce deuil de la Recherche idéale, définitive, celle qui va changer la face du monde. C’est à ce prix que le perfectionnisme peut demeurer une qualité plutôt que de devenir un empêchement. Cela ne se fait pas sans douleurs et plus nos ambitions seront grandes plus la souffrance sera aiguë.
Un dilemme éthique
Mais, les souffrances du chercheur, mes souffrances en tant que chercheur, viennent parfois de ce que je vois du monde réel. Combien de fois suis-je ressorti d’une observation en classe en colère après avoir assisté à une prestation d’une consternante pauvreté de la part d’un enseignant ? De la même manière, je ne compte plus les moments où, en entrevue, j’ai eu envi de réagir fortement à certains propos d’enseignants, propos que je jugeais mal fondé, biaisés voire carrément faux. Mais, à chaque fois, je me suis retenu…objectivité oblige. Dans certains cas extrêmes on peut même être pris dans un dilemme éthique fort difficile : dénoncer un enseignant incompétent au nom des intérêts des élèves où respecter notre engagement de confidentialité.
Le terrain recèle de telles souffrances et ce, d’autant plus qu’en éducation nous travaillons avec des humains et non pas sur de la matière inerte. Ici, il n’y a pas de réponse toute faite…de ligne de conduite claire à adopter…il n’y a souvent que du cas par cas…que l’appel à notre jugement avec tout son lot de doutes sur la bonne décision à prendre.
CONCLUSION
Que dire en terminant ? Qu’être chercheur c’est faire un métier impossible comme Freud le disait de l’enseignement ? Peut-être ! À tout le moins, réaliser des recherches en sciences de l’éducation c’est passer à travers toute une gamme de sentiments complexes et contradictoires. C’est ce qui en fait une aventure humaine au plein sens du terme et pas seulement un pur épisode épistémique et cognitif.
Faire de la recherche c’est aller à la rencontre de l’inconnu que celui-ci se manifeste sous la forme de personnes en chair et en os ou sous celui d’écrits spécialisés. C’est donc se mettre en position d’accueil vis-à-vis cet inconnu. En ce sens, c’est accepter de ne pas tout maîtriser et ce, en dépit du fait que le processus de recherche est une recherche de maîtrise (vous excuserez le jeu de mot facile).
Enfin, peut-être que faire de la recherche c’est accepter que sous chaque plaisir puisse se cacher une souffrance parce que l’on sait aussi que, bien souvent, dans chaque souffrance on peut trouver également du plaisir.
RÉFÉRENCES
Le Boterf, G. (2000a). Construire les compétences individuelles et collectives. Paris : Éditions d’Organisation.
Le Boterf, G. (2000b). Compétence et navigation professionnelle. Paris : Éditions d’Organisation.
Martineau, S., Gauthier, C., Desbiens, J.-F. (2000). Ce n’est pas toujours la faute à El Niño. À propos de l’incompétence en enseignement. Dans C. Lessard et C. Gervais (Éds.) L’évaluation des nouveaux programmes de formation des maîtres : une compétence à développer (p. 299-332). Université de Montréal, Montréal : Les Publications de la Faculté des sciences de l’éducation.
Simard, D. (1999). Postmodernité, herméneutique et culture : les défis culturels de la pédagogie. Thèse de doctorat. Université Laval, Sainte-Foy.
INTRODUCTION
Je voudrais d’abord vous remercier d’être présents en cette fin d’après-midi. J’espère que ces moments que nous passerons ensemble seront agréables et profitables pour vous.
J’en suis rendu à ma sixième année de présentation aux Lundis interdisciplinaires. Or, contrairement à mon habitude, cette fois, je ne vous entretiendrai pas sur des données de recherche. Par ailleurs, et là aussi ce n’est ma manière habituelle de faire, je vais vous lire un texte.
Je souhaite vous parler de mes expériences de recherches, vous faire part de mes bons coups mais aussi de mes mauvais, des difficultés que j’ai rencontrées sur mon chemin, bref, je veux vous parlé de mon vécu de chercheur en souhaitant, je suppose, que cela puisse vous intéresser ou vous servir dans vos propres entreprises professionnelles.
C’est donc à cette lourde tâche que je vais m’atteler dans les prochaines minutes mais avant j’aimerais prendre un petit moment pour vous expliquer pourquoi ma conférence s’intitule : MENER UNE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION : ENTRE PLAISIRS ET SOUFFRANCES.
Dans mon Petit Larousse, à la rubrique Plaisir, on peut lire : terme qui vient du latin «placere» qui veut dire plaire. C’est un nom masculin qui désigne une sensation, un sentiment agréable, un contentement, une satisfaction. Ce peut être aussi ce qui plaît, un divertissement. Mais encore, en psychanalyse on parlera de «principe de plaisir» qui, avec le «principe de réalité», régit notre fonctionnement mental. Celui-ci étant ce qui pour le sujet prend dans son psychisme valeur de réalité (par opposition à la réalité matérielle), celui-là renvoyant à la satisfaction immédiate des pulsions quelles qu’en soient les conséquences futures.
Toujours dans mon Petit Larousse, à la rubrique Souffrance, on peut lire : nom féminin, le fait de souffrir, douleur physique ou morale. Quant à lui, le verbe souffrir veut dire supporter quelque chose de pénible, endurer, subir.
Faire de la recherche, exercer le métier de chercheur serait donc une activité où nous serions pris dans un constant ballottement entre des sensations et des sentiments agréables qui nous plongent dans un contentement, un état de satisfaction et des moments de douleur où l’on supporte, on endure, on subit ? Plus encore, faire de la recherche, ça serait peut-être confronter ses principes de plaisir et de réalité à la Réalité avec un grand R.
C’est en quelque sorte ce que je veux souligner dans mon exposé et c’est pourquoi j’ai choisi le titre : MENER UNE RECHERCHE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION : ENTRE PLAISIRS ET SOUFFRANCES.
La recherche, dans toutes ses dimensions et toutes ses étapes est une expérience bien singulière où le chercheur éprouve des sentiments contradictoires, où il doit souvent réfréner la satisfaction immédiate de ses pulsions en fonction d’objectifs futurs et confronter son principe de réalité (ses fantasmes) à la Réalité. Or, la conduite d’une recherche et son aboutissement (comme c’est le cas pour un mémoire de maîtrise ou une thèse de doctorat) exige un certain équilibre entre les plaisirs et les souffrances. Trop de plaisirs pourrait laisser entendre en effet que nous n’avons pas rencontré la Réalité, que nous avons donné libre cours à nos pulsions et nos fantasmes et que par conséquent, ce que nous disons du réel n’est que pure projection de notre monde intérieur. À l’inverse, trop de souffrances risque de nous décourager, de nous inhiber et ainsi de nous conduire à l’abandon pur et simple de la recherche voir même à nous faire totalement décrocher du métier de chercheur.
Donc, ce que je vous propose c’est de considérer la recherche comme un processus en tension entre deux dimensions extrêmes (je n’ose dire antagonistes puisque à certains moments le plaisir peut naître de la souffrance et vice et versa)…un processus en tension dis-je où le chercheur tente de conserver un fragile équilibre entre les plaisirs (que l’on souhaite éprouver) et les souffrances (qui sont inévitables), équilibre nécessaire à l’aboutissement d’une recherche. Mais, trêve de tergiversations, il est temps d’aller au cœur du sujet…
LES PLAISIRS
Afin de ne pas vous décourager et de commencer sur une note optimiste, je souhaite vous entretenir d’abord des plaisirs que l’on éprouve à faire de la recherche. Ils sont nombreux et renvoient à différentes sources.
Mais, afin de ne pas parler à partir d’un point de vue général qui pourrait finir par ne plus vouloir rien dire, je vais donc vous parler de mes plaisirs en recherche.
Un sentiment de puissance
D’entrée de jeu, il me semble utile de vous préciser que mes plaisirs en recherche n’ont pas commencé avec l’obtention d’un poste de professeur à l’UQTR en 1998. Déjà au baccalauréat en sociologie au milieu des années ’80, j’ai pu découvrir les joies de la connaissance en recherche. Je me souviens très bien des heures de délectations à étudier des textes souvent arides mais qui insufflaient en moi un sentiment grandiose d’acquérir des outils pour mieux comprendre le monde. Des questions que je me posais depuis longtemps trouvaient enfin des réponses sensées, de nouvelles questions surgissaient, le monde social devenait tout à la fois plus intrigant, plus complexe mais aussi moins intimidant. Bref, la sociologie fut pour moi l’occasion de voir le monde autrement, une manière de dépasser le sens commun.
Je ne peux vous cacher que j’ai ressenti là un sentiment de puissance énorme, l’impression de contrôler quelque chose…en fait, je me suis vu souvent m’élevant au-dessus de la masse, moi qui en provenais.
Ce sentiment de plaisir dans la découverte accompagné d’un sentiment quelque peu narcissique de me sentir tout à coup plus puissant intellectuellement je les ai ressentis bien des fois par la suite et je crois qu’ils font parties intégrantes de l’aventure de la recherche. Or, ces sentiments ne peuvent naître que d’un travail assidu.
Devenir un héritier
En effet, l’acquisition d’une culture scientifique demande temps et efforts. Et, en premier lieu, elle exige la fréquentation longue et régulière de nos grands prédécesseurs. En d’autres termes et pour emprunter une expression entendue dans un autre contexte, il faut se donner le temps et les moyens de devenir un héritier de la recherche. Héritier…c’est à dire quelqu’un qui possède un héritage…donc quelque chose qui nous vient de ceux qui nous ont devancés. Qu’est-il cet héritage ? C’est, comme je viens de le dire, celui des recherches et des écrits faits avant nous.
Un de mes grands plaisirs en recherche provient de ces moments où je m’accapare le contenu d’une littérature sur un sujet : identité professionnelle, développement des compétences, insertion professionnelle, construction des savoirs d’expérience, analyse de l’action, éducation interculturelle, pour ne nommer que quelques-uns de mes thèmes de recherche. Tout manuel de méthodologie vous dira qu’une bonne recherche ne peut commencer sans cette phase de dépouillement de la littérature. C’est vrai en grande partie. Et, il s’agit là d’un plaisir énorme pour moi. Partir à la découverte de l’opinion, de la pensée, des autres, prendre connaissance de leurs cadres d’analyse, des résultats de leurs recherches, quels moments stimulants. Mais ce que je veux dire lorsque je parle de devenir héritier va bien au delà de cette activité de lecture obligatoire à une démarche scientifique sérieuse.
Lire, lire et relire encore, se cultiver, cultiver le temps de lire…c’est pour moi un appel pressant, constant, comme une voix intérieure qui me dit que non seulement je ne peux exercer mon métier adéquatement qu’à ce prix mais que c’est en cela que mon métier acquière une si grande valeur à mes yeux. Être chercheur pour moi c’est en effet exercer une activité où on a le privilège de se constituer héritier d’une tradition intellectuelle. Ce plaisir de lire, il faut se le donner et par les temps qui courent c’est presque devenu impossible; la vie moderne est si accaparante. Je me souviens d’ailleurs au milieu des années ‘90 lorsque j’étais doctorant, Maurice Tardif, alors directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), centre auquel je suis rattaché comme chercheur régulier, m’avait dit : «Stéphane, profites-en durant ton doctorat, lis, lis au maximum parce que quand tu vas avoir un poste de professeur, t’auras plus le temps de lire». Il avait malheureusement presque entièrement raison.
Je n’ai jamais eu tant de plaisir à lire que durant mes études au doctorat. Je me permettais alors de prendre sans remord des chemins de traverses, de fréquenter des auteurs et des thèmes éloignés de l’objet de ma thèse, simplement par plaisir de me donner une culture que mon milieu, populaire, ne m’avait pas fournie. Venu de sociologie et d’anthropologie je m’accaparais aussi une culture éducative que je jugeais nécessaire à la conduite intelligente de ma thèse en psychopédagogie. J’ai toujours cette soif de lecture. J’ai aujourd’hui moins de temps pour l’apaiser. Mais, je n’attends pas que la vie me donne des moments pour lire, je les vole à la vie. En fait, cette démarche de ma part prend racine dans l’intime conviction qu’en sciences humaines et sociales peut-être plus qu’en sciences naturelles, physiques ou médicales, la qualité de la pensée exige une pensée cultivée. L’inculture, le manque de connaissances, nuit à notre capacité à établir des liens, à poser des questions pertinentes, à prendre les distances nécessaires par rapport au monde, à relativiser les points de vue trop tranchés. La culture – qui est toujours en quelque sorte tradition – nourrit le jugement au triple sens qu’elle fournit l’objet à juger, les occasions de juger et l’outil pour juger.
Elle fournit l’objet à juger au sens où la culture donne à voir ce qui pour autrui demeure invisible. Là où le néophyte ne voit qu’un sentier de neige, le chasseur y perçoit les traces du passage du gibier. Elle donne les occasions de juger. Là où l’apprenti ne distingue que des notes qui se suivent, le mélomane entend les nuances dans les interprétations. Elle donne enfin l’outil pour juger à savoir que voir l’objet là où l’autre ne voit rien, différencier là où l’autre ne discrimine pas, c’est toujours user d’une grille de lecture du réel, c’est regarder le monde avec des lunettes particulières.
Justement, pour nous en recherche, se cultiver, devenir héritier, c’est acquérir des lunettes pour voir ce que les autres ne voient pas, classer et organiser le monde autrement afin d’en proposer une lecture renouvelée. Voilà donc un de mes plaisirs !
Il va sans dire que le mouvement qui nous conduit à devenir un héritier pourrait n’être qu’un processus stérile de répétition s’il ne s’accompagnait de deux autres mouvements : celui de l’interprétation et celui de la critique. Voyons-les brièvement tour à tour.
Devenir un interprète
Mes lectures, quelles qu’elles soient, sont, je dois l’avouer, rarement purement gratuites. Je lis presque toujours dans l’optique de nourrir ma réflexion intellectuelle. Or, j’éprouve non seulement un grand plaisir à me constituer héritier mais aussi à interpréter cet héritage. Autrement dit, ma fréquentation des œuvres s’accompagne d’une interprétation des œuvres. Et, ce qui est intéressant, c’est que plus on lit, plus on se cultive dans un domaine, plus on devient capable d’interpréter ce qu’on lit. En bon québécois on dit parfois : «se faire une tête». Interpréter c’est comprendre et comprendre c’est mettre de l’ordre. Des connaissances ordonnées sont plus facilement utilisables que des savoirs en désordre; c’est en ce sens que l’on peut comprendre le message des cognitivistes qui nous invite à construire des réseaux conceptuels de manière consciente.
Devenir un critique
Ce processus d’interprétation, en recherche peut-être plus qu’ailleurs, s’accompagne d’un moment de critique. En effet, devenir héritier et interprète en sciences ne saurait se concevoir dans le seul but de faire échos aux prédécesseurs. Conduire une recherche implique que l’on ait de quoi à dire, à dire autrement, quelque chose à révéler, à montrer sous un autre angle. En d’autres termes, l’héritage et l’interprétation se font sous la conduite du regard critique. Se cache ici également, un grand plaisir, celui, de constater que tout n’a pas été dit. Ce plaisir, paradoxalement, provient du même processus de connaissance mais procure un sentiment inverse à savoir que plus je connais plus je sens qu’il me manque des connaissances. Où, pour nous chercheurs, plus je lis la littérature spécialisée, plus j’en maîtrise le contenu, plus je constate que des questions restent sans réponses donc, plus je me sens légitimé à ajouter ma modeste pierre à l’édifice du savoir. C’est ainsi que le savoir, en sciences, est toujours une construction collective.
Un plaisir bien paradoxal
Ainsi, devenir héritier, interprète et critique, c’est, par la lecture notamment mais pas exclusivement, se donner des outils pour comprendre le monde tout en découvrant que ce monde est encore plus complexe et plus difficile à comprendre qu’on ne le croyait. Plus j’apprends à distinguer les objets, plus j’apprends à les classer et à les juger, plus je découvre de nouveaux objets à classer et à juger, plus je me rends compte de la nécessité de retravailler les critères de classement et de jugement. En somme, cela revient à légitimer ma propre quête de savoir et ma propre démarche de recherche. Mais tout cela ne se fait pas en criant lapin. Cela prend du temps, beaucoup de temps.
D’autres plaisirs
Les plaisirs de la connaissance, qui sont, on l’aura compris, bien loin d’être purement intellectuels ne sont pas les seuls en recherche cela va de soi.
S’engager en recherche c’est aussi pour moi l’occasion de partager avec des collègues. Ces moments de rencontres sont le plus souvent des moments de purs plaisirs. La co-construction de la problématique, du cadre théorique, des outils de cueillette des données ou d’analyse, tout cela est occasion «de mieux penser».
Si le processus qui nous conduit à devenir héritier, interprète et critique (Simard, 1999) se fait en partie en solitaire, il se fait aussi en compagnonnage. Comme le révèle la littérature spécialisée sur le sujet, pour être compétent il faut disposer de ressources non seulement internes (nos connaissances, notre culture) mais aussi externes c’est à dire celles de son environnement (Le Boterf, 2000a et 2000b). En ce cas, les collaborations avec des pairs s’avèrent de précieux moyens pour décupler ses compétences. On ne saurait jamais en effet réunir en soi toutes les compétences et tous les savoirs les plus pertinents à chaque moment de la recherche. Le réseautage et le partenariat, pour employer des expressions galvaudées, deviennent de précieux outils de dialogue dans l’optique d’une co-construction des savoirs. Une plus grande maîtrise sur l’objet d’étude naît souvent de ces collaborations et, partant, un plaisir plus grand nous envahit.
Les grands plaisirs ne viennent pas en recherche que des relations avec les collègues. Le terrain nous fournit aussi des moments de joie intenses. Que de rencontres heureuses et enrichissantes. Combien d’enseignants j’ai croisés qui m’en ont appris beaucoup sur le métier enseignant, sur la pédagogie, sur l’éthique professionnelle autant de connaissances non directement visées par les recherches que je menais mais qui n’en sont pas moins importantes pour moi. Mais les entrevues avec des enseignants et les observations d’enseignement que je mène me procurent aussi de grands plaisirs lorsque se voit confirmée une intuition ou une hypothèse, lorsque le réel loin de résister à mon cadre d’analyse semble l’épouser à merveille. Il s’agit là de moments exaltants où se mêlent le sentiment de puissance dont je parlais tout à l’heure et celui du devoir accompli.
Si le travail en équipe et le terrain sont des moments qui me procurent des bonheurs, les étapes de l’analyse, de la construction et de l’organisation des résultats ainsi que de leur diffusion sous forme de communications et de publications en représentent d’autres. J’avoue, toutefois, avoir un faible pour le moment de la diffusion. Ce dernier constitue pour moi l’aboutissement du processus de recherche. C’est l’occasion de faire connaître ce qu’on a fait. Ayant été musicien pendant plusieurs années et ayant fait de la scène, je ne peux vous cacher que prononcer des communications s’avère pour moi tout autant une occasion de stress qu’un moment de plaisir où un certain exhibitionnisme n’est sûrement pas totalement absent. De plus, prononcer des communications est l’occasion de recevoir du feedback de ses pairs. Cette rétroaction peut parfois nous ouvrir des pistes de recherche inédites. Par exemple, à l’occasion d’une communication que je prononçais à Montréal sur la construction d’un objet conceptuel, l’incompétence pédagogique (Martineau, Gauthier, Desbiens, 2000), la question d’un collègue dans l’assistance m’a ouvert la voie sur un autre objet, connexe : le sentiment d’incompétence pédagogique. Ce fut alors pour moi l’impulsion qui me permis de proposer un nouveau projet de recherche, lequel fut subventionné.
LES SOUFFRANCES
Ainsi, vous venez de le constater, j’éprouve du plaisir à faire de la recherche et ce à toutes ses étapes, du dépouillement de la littérature à la diffusion des résultats. Pourtant tout cela ne va pas sans souffrances. Elles sont habituelles, souvent tenaces et lancinantes.
Un deuil à faire
Une première souffrance pour moi prend la forme d’un deuil. Celui de l’omniscience et de l’excellence en tout. Si, comme je l’ai dit plus haut, la connaissance procure du plaisir, elle procure aussi le sentiment de nos limites. Une recherche ne répond jamais à toutes les questions. Jamais on ne trouve La Réponse définitive…et c’est tant mieux, il faut bien le dire, puisque cela ouvre la porte à d’autres recherches. Mais, dans le feu de l’action, il me semble, les résultats de mes recherches m’apparaissent toujours au-dessous de mes espérances. Je précise.
Être chercheur, je l’avoue, c’est avoir quelques ambitions quant à notre puissance d’explication du monde, c’est nourrir quelques fantasmes de grandeur, c’est à tout le moins croire en l’utilité de ce que l’on dit du monde. À défaut de cela, on ne saurait qu’agir en pure perte ou dans le cynisme le plus total. Bref, être chercheur, qu’on le veuille ou non, c’est être idéaliste. Et, on voudrait bien que nos idéaux se réalisent. Or, le plus souvent, le réel se charge de nous remettre à notre place, laquelle est, pour la très grande majorité d’entre nous, modeste.
Cette souffrance, ce deuil de l’excellence, prend aussi naissance au sein du contexte actuel dans lequel les professeurs d’université mènent leurs recherches. La course à la productivité nous laisse peu de temps pour approfondir nos objets d’études, pour revenir sur nos données, pour mûrir nos cadres d’analyse. Tout va trop vite et plus on est reconnu comme chercheur, plus on est sollicité, moins on a de temps pour penser…donc plus on a le sentiment de produire de l’inachevé.
Ainsi, apprendre le métier de professeur d’université ce fut pour moi, et c’est encore je crois, apprendre à vivre non seulement des succès mais également à accepter, digérer, de multiples petits échecs, d’autant plus pernicieux qu’ils ne sont pas fracassants ni publics mais s’alimentent à l’aune de tous ces choix que l’on doit faire qui sont souvent autant de renoncements à un idéal. Je pense par exemple à la conception et à l’écriture de demandes de subventions. Il s’agit là d’un exercice non seulement pénible mais aussi d’une occasion où nous devons écrire pour «le prince», celui qui tient les cordons de la bourse. Et, on sait très bien qu’il faut alors trop souvent sacrifier aux modes du moment. Or, si vous ne vous reconnaissez pas dans les modes, si vos plaisirs ne s’y retrouvent pas, ces ceux-ci que vous sacrifierez un peu au profit de celles-là. Les demandes de subventions sont devenues un rite cruel où la souffrance ne vient pas seulement du processus lui-même (quelqu’un peut-il éprouver de grandes joies à planifier un budget de 3 ans ?) mais provient également des petits compromis que nous sommes très fréquemment obligés d’y faire.
Par conséquent, pour s’assumer sainement en tant que chercheur, selon moi, il s’avère donc important d’accepter ce deuil qui se renouvelle à chaque entreprise, ce deuil de la Recherche idéale, définitive, celle qui va changer la face du monde. C’est à ce prix que le perfectionnisme peut demeurer une qualité plutôt que de devenir un empêchement. Cela ne se fait pas sans douleurs et plus nos ambitions seront grandes plus la souffrance sera aiguë.
Un dilemme éthique
Mais, les souffrances du chercheur, mes souffrances en tant que chercheur, viennent parfois de ce que je vois du monde réel. Combien de fois suis-je ressorti d’une observation en classe en colère après avoir assisté à une prestation d’une consternante pauvreté de la part d’un enseignant ? De la même manière, je ne compte plus les moments où, en entrevue, j’ai eu envi de réagir fortement à certains propos d’enseignants, propos que je jugeais mal fondé, biaisés voire carrément faux. Mais, à chaque fois, je me suis retenu…objectivité oblige. Dans certains cas extrêmes on peut même être pris dans un dilemme éthique fort difficile : dénoncer un enseignant incompétent au nom des intérêts des élèves où respecter notre engagement de confidentialité.
Le terrain recèle de telles souffrances et ce, d’autant plus qu’en éducation nous travaillons avec des humains et non pas sur de la matière inerte. Ici, il n’y a pas de réponse toute faite…de ligne de conduite claire à adopter…il n’y a souvent que du cas par cas…que l’appel à notre jugement avec tout son lot de doutes sur la bonne décision à prendre.
CONCLUSION
Que dire en terminant ? Qu’être chercheur c’est faire un métier impossible comme Freud le disait de l’enseignement ? Peut-être ! À tout le moins, réaliser des recherches en sciences de l’éducation c’est passer à travers toute une gamme de sentiments complexes et contradictoires. C’est ce qui en fait une aventure humaine au plein sens du terme et pas seulement un pur épisode épistémique et cognitif.
Faire de la recherche c’est aller à la rencontre de l’inconnu que celui-ci se manifeste sous la forme de personnes en chair et en os ou sous celui d’écrits spécialisés. C’est donc se mettre en position d’accueil vis-à-vis cet inconnu. En ce sens, c’est accepter de ne pas tout maîtriser et ce, en dépit du fait que le processus de recherche est une recherche de maîtrise (vous excuserez le jeu de mot facile).
Enfin, peut-être que faire de la recherche c’est accepter que sous chaque plaisir puisse se cacher une souffrance parce que l’on sait aussi que, bien souvent, dans chaque souffrance on peut trouver également du plaisir.
RÉFÉRENCES
Le Boterf, G. (2000a). Construire les compétences individuelles et collectives. Paris : Éditions d’Organisation.
Le Boterf, G. (2000b). Compétence et navigation professionnelle. Paris : Éditions d’Organisation.
Martineau, S., Gauthier, C., Desbiens, J.-F. (2000). Ce n’est pas toujours la faute à El Niño. À propos de l’incompétence en enseignement. Dans C. Lessard et C. Gervais (Éds.) L’évaluation des nouveaux programmes de formation des maîtres : une compétence à développer (p. 299-332). Université de Montréal, Montréal : Les Publications de la Faculté des sciences de l’éducation.
Simard, D. (1999). Postmodernité, herméneutique et culture : les défis culturels de la pédagogie. Thèse de doctorat. Université Laval, Sainte-Foy.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Les dimensions du pouvoir
Le pouvoir comporte deux grandes dimensions :
L'AUTORITÉ;
L'INFLUENCE.
L’autorité est le pouvoir formel.
L’influence est le pouvoir informel.
Les fondements de l’autorité sont les dispositions légales et la position de l’acteur.
Les fondements de l’influence sont l’expertise et les compétences.
L'AUTORITÉ;
L'INFLUENCE.
L’autorité est le pouvoir formel.
L’influence est le pouvoir informel.
Les fondements de l’autorité sont les dispositions légales et la position de l’acteur.
Les fondements de l’influence sont l’expertise et les compétences.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
22 janvier 2011
La relation pédagogique
La relation pédagogique en contexte scolaire se conjugue avant tout au pluriel : un enseignant mais plusieurs élèves ! Cela, on a tendance parfois à l'oublier.
La relation pédagogique implique un rapport de pouvoir. Celui-ci est inévitable car, en classe, un professeur cherche à faire apprendre à des élèves et cet apprentissage n’est possible que si ces derniers reconnaissent une forme quelconque d'autorité à l'enseignant.
La relation pédagogique pose aussi la question de l’autonomie de l’élève. Cette question renvoie à des enjeux sociaux tels que : la représentation de l’apprentissage, celle du maître, celle de l’élève, les finalités de l’éducation, la conception de la société, les pouvoirs des divers acteurs sociaux qui participent à la définition de la «chose éducative».
La question de la relation pédagogique fait bien ressortir la complexité du travail enseignant en ce sens qu’elle en souligne les différentes dimensions en tension : cognitives, relationnelles, affectives, symboliques, normatives, etc.
La problématique de la relation pédagogique est, en définitive, moins une question épistémique qu’une question axiologique, stratégique et éthique.
Je suggère de lire :
BRIEF, JEAN-CLAUDE ET MORIN, JOCELYNE (2001). COMRPENDRE L’ÉDUCATION. RÉFLEXION CRITIQUE SUR L’ÉDUCATION. MONTRÉAL : LOGIQUES.
DROUIN-HANS, ANNE-MARIE (1998). L’ÉDUCATION UNE QUESTION PHILOSOPHIQUE. PARIS : ANTHROPOS.
HANNOUN, HUBERT (1996). LES PARIS DE L’ÉDUCATION. PARIS : PUF.
REBOUL, OLIVIER (1992). LES VALEURS DE L’ÉDUCATION. PARIS : PUF.
ZAKHARTCHOUK, JEAN-MICHEL (1999). L’ENSEIGNANT, UN PASSEUR CULTUREL. PARIS :ESF.
La relation pédagogique implique un rapport de pouvoir. Celui-ci est inévitable car, en classe, un professeur cherche à faire apprendre à des élèves et cet apprentissage n’est possible que si ces derniers reconnaissent une forme quelconque d'autorité à l'enseignant.
La relation pédagogique pose aussi la question de l’autonomie de l’élève. Cette question renvoie à des enjeux sociaux tels que : la représentation de l’apprentissage, celle du maître, celle de l’élève, les finalités de l’éducation, la conception de la société, les pouvoirs des divers acteurs sociaux qui participent à la définition de la «chose éducative».
La question de la relation pédagogique fait bien ressortir la complexité du travail enseignant en ce sens qu’elle en souligne les différentes dimensions en tension : cognitives, relationnelles, affectives, symboliques, normatives, etc.
La problématique de la relation pédagogique est, en définitive, moins une question épistémique qu’une question axiologique, stratégique et éthique.
Je suggère de lire :
BRIEF, JEAN-CLAUDE ET MORIN, JOCELYNE (2001). COMRPENDRE L’ÉDUCATION. RÉFLEXION CRITIQUE SUR L’ÉDUCATION. MONTRÉAL : LOGIQUES.
DROUIN-HANS, ANNE-MARIE (1998). L’ÉDUCATION UNE QUESTION PHILOSOPHIQUE. PARIS : ANTHROPOS.
HANNOUN, HUBERT (1996). LES PARIS DE L’ÉDUCATION. PARIS : PUF.
REBOUL, OLIVIER (1992). LES VALEURS DE L’ÉDUCATION. PARIS : PUF.
ZAKHARTCHOUK, JEAN-MICHEL (1999). L’ENSEIGNANT, UN PASSEUR CULTUREL. PARIS :ESF.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quatre grandes caractéristiques du savoir d'expérience des enseignants
Le savoir d’expérience en enseignement présente quatre grandes caractéristiques :
1- il est pluriel;
2- il est syncrétique;
3- il est à la fois de nature affective et relationnelle;
4- il est temporel.
1- il est pluriel;
2- il est syncrétique;
3- il est à la fois de nature affective et relationnelle;
4- il est temporel.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La culture et le jugement
La culture développe le jugement car :
- elle fournit l’outil pour juger (notre jugement se base sur la culture);
- elle fournit l’occasion de juger (la culture est un rapport curieux au monde);
- elle fournit l’objet à juger (la culture donne à voir, à entendre, à comprendre, à interpréter).
- elle fournit l’outil pour juger (notre jugement se base sur la culture);
- elle fournit l’occasion de juger (la culture est un rapport curieux au monde);
- elle fournit l’objet à juger (la culture donne à voir, à entendre, à comprendre, à interpréter).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
À quoi sert la formation universitaire en enseignement ?
Maintes et maintes fois critiquée, la formation universitaire des enseignants n'est pas sans utilité. Bien qu'imparfaitement, elle tend à favoriser :
1- le développement chez l’étudiant des compétences pour intervenir;
2- le développement des savoirs et des compétences pour guider les projets d’intervention pédagogique en menant une réflexion sur les intentions présidant à l’action;
3- le développement d’une pensée critique en regard de l’action;
4- la possibilité de faire vivre à l’étudiant le doute systématique;
5- l’apprentissage de la problématisation du réel.
1- le développement chez l’étudiant des compétences pour intervenir;
2- le développement des savoirs et des compétences pour guider les projets d’intervention pédagogique en menant une réflexion sur les intentions présidant à l’action;
3- le développement d’une pensée critique en regard de l’action;
4- la possibilité de faire vivre à l’étudiant le doute systématique;
5- l’apprentissage de la problématisation du réel.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quelques notions clé de l'herméneutique gadamérienne
Hans-Georg Gadamer, est un philosophe allemand né à Marbourg le 11 février 1900 et mort à Heidelberg le 13 mars 2002. Disciple de Heidegger, il a développé une philosophie herméneutique très intéressante. Ci-après, je présente, très succinctement, certaines notions importantes de son oeuvre.
Situation herméneutique :
La compréhension d’un phénomène est fonction de notre situation présente où s’expriment nos intérêts.
Horizon herméneutique :
Lorsqu’on tente de comprendre un phénomène, certaines questions ou préoccupations sont évidentes alors que d’autres nous sont inaccessibles.
L’efficace de l’histoire :
L’histoire n’est pas neutre, elle a un effet dans le temps qui se fait sentir et modèle notre manière de percevoir. «L’efficace de l’histoire» détermine toujours d’avance ce qui sera pour moi objet de recherche et de questionnement.
Le préjugé :
On se comprend toujours, au départ, de manière spontanée et ce, avant toute forme de réflexion. C’est pourquoi nos préjugés – plus que nos jugements – constituent notre réalité. Ainsi, il n’y a pas d’être hors préjugé. Par conséquent, l’horizon herméneutique – nos questions sur le monde – est formé de préjugés. Ces derniers, parce qu’ils nous fournissent des questions, rendent accessible ce qui est à comprendre. La compréhension départage les préjugés féconds de ceux qui ne le sont pas.
La tradition :
Elle est une condition de la compréhension car je ne comprends quelque chose qu’à partir d’une pré-compréhension, laquelle renvoie à mon inscription dans une histoire, une culture. La tradition n’est pas un savoir figé mais peut être envisagée comme des réponses à des problèmes vécus (dialectique question/réponse).
Situation herméneutique :
La compréhension d’un phénomène est fonction de notre situation présente où s’expriment nos intérêts.
Horizon herméneutique :
Lorsqu’on tente de comprendre un phénomène, certaines questions ou préoccupations sont évidentes alors que d’autres nous sont inaccessibles.
L’efficace de l’histoire :
L’histoire n’est pas neutre, elle a un effet dans le temps qui se fait sentir et modèle notre manière de percevoir. «L’efficace de l’histoire» détermine toujours d’avance ce qui sera pour moi objet de recherche et de questionnement.
Le préjugé :
On se comprend toujours, au départ, de manière spontanée et ce, avant toute forme de réflexion. C’est pourquoi nos préjugés – plus que nos jugements – constituent notre réalité. Ainsi, il n’y a pas d’être hors préjugé. Par conséquent, l’horizon herméneutique – nos questions sur le monde – est formé de préjugés. Ces derniers, parce qu’ils nous fournissent des questions, rendent accessible ce qui est à comprendre. La compréhension départage les préjugés féconds de ceux qui ne le sont pas.
La tradition :
Elle est une condition de la compréhension car je ne comprends quelque chose qu’à partir d’une pré-compréhension, laquelle renvoie à mon inscription dans une histoire, une culture. La tradition n’est pas un savoir figé mais peut être envisagée comme des réponses à des problèmes vécus (dialectique question/réponse).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Travailler avec ses semblables
Les emplois où le travailleur a comme objet ses propres semblables (enseignement, psychologie, travail social, etc.) comportement des particularités qui les différencient du travail sur la matière. En voici quelques-unes :
- Production et consommation du produit simultanées d'où une évaluation du produit difficile qui échappe à la rationalité instrumentale (en classe, l'enseignant «produit» de l'enseignement, lequel est «consommé» en même temps par les élèves; quel est le résultat de cet enseignement ?);
- il y a nécessité de la coopération de l'usager (par exemple, en classe pour qu'il y ait apprentissage, l'élève doit être engagé dans sa tâche);
- on doit faire usage de la persuasion (amener l'autre à collaborer oblige le travailleur à le convaincre du bienfondé de son action);
- l'objet, l'humain, fait en sorte que les savoirs sont imprécis (on ne peut «travailler» un humain comme on travaille le bois...heureusement, l'autre peut toujours résister);
- la causalité des phénomènes est incertaine d'où une intervention incertaine (souvent, je ne peux savoir précisément ce qui exactement a entraîné l'effet que je constate; la chaîne causale est trop complexe);
- les attributs de l'usager ne sont pas que des informations objectives mais aussi et surtout des jugements sociaux et moraux d'où la forte dimension éthique du travail interactif et l'impossibilité de la pure technique;
- le moyen privilégié pour agir est l'autorité par la persuasion i.e. accroître l'identité de l'usager avec les normes du travailleur interactif.
- Production et consommation du produit simultanées d'où une évaluation du produit difficile qui échappe à la rationalité instrumentale (en classe, l'enseignant «produit» de l'enseignement, lequel est «consommé» en même temps par les élèves; quel est le résultat de cet enseignement ?);
- il y a nécessité de la coopération de l'usager (par exemple, en classe pour qu'il y ait apprentissage, l'élève doit être engagé dans sa tâche);
- on doit faire usage de la persuasion (amener l'autre à collaborer oblige le travailleur à le convaincre du bienfondé de son action);
- l'objet, l'humain, fait en sorte que les savoirs sont imprécis (on ne peut «travailler» un humain comme on travaille le bois...heureusement, l'autre peut toujours résister);
- la causalité des phénomènes est incertaine d'où une intervention incertaine (souvent, je ne peux savoir précisément ce qui exactement a entraîné l'effet que je constate; la chaîne causale est trop complexe);
- les attributs de l'usager ne sont pas que des informations objectives mais aussi et surtout des jugements sociaux et moraux d'où la forte dimension éthique du travail interactif et l'impossibilité de la pure technique;
- le moyen privilégié pour agir est l'autorité par la persuasion i.e. accroître l'identité de l'usager avec les normes du travailleur interactif.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Bref propos sur les sciences de l'éducation
En sciences de l'éducation trois éléments doivent être articulés :
1- LE PRESCRIPTIF
2- L’ÉTHIQUE
3- LE DESCRIPTIF
Or, une articulation intelligente de ces trois éléments est extrêment difficile à réaliser car elle implique des sauts qualitatifs importants et le passage d’un champ à l’autre est donc tout sauf évident. Pourtant, il semble bien que la nature même de l’objet d’étude qu’est l’éducation appelle à cette articulation des trois termes. Il faut alors penser de quelle manière chacun féconde l’autre de sorte que le prescriptif puisse non seulement s’alimenter aux deux autres mais qu’il puisse les alimenter.
1- LE PRESCRIPTIF
2- L’ÉTHIQUE
3- LE DESCRIPTIF
Or, une articulation intelligente de ces trois éléments est extrêment difficile à réaliser car elle implique des sauts qualitatifs importants et le passage d’un champ à l’autre est donc tout sauf évident. Pourtant, il semble bien que la nature même de l’objet d’étude qu’est l’éducation appelle à cette articulation des trois termes. Il faut alors penser de quelle manière chacun féconde l’autre de sorte que le prescriptif puisse non seulement s’alimenter aux deux autres mais qu’il puisse les alimenter.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
21 janvier 2011
Quatre types d'éducation
Autrefois, il n’y avait pas de séparation entre :
l’éducation aux savoirs;
l’éducation du citoyen;
l’éducation à l’esthétique;
l’éducation du sujet.
L'école élitiste, réservée au petit nombre, permettait cet amalgame.
Aujourd’hui, à l’image des savoirs éclatés et des logiques d’action plurielles que l’on observe dans nos sociétés, l’école n’est plus en mesure d’amalgamer ces quatre types d’éducation.
La recomposition semble impossible. Dans un sens, on peut dire qu’il n’y a plus une seule éducation mais plutôt des éducations simultanées et parallèles quand ce n’est pas concurrentes.
l’éducation aux savoirs;
l’éducation du citoyen;
l’éducation à l’esthétique;
l’éducation du sujet.
L'école élitiste, réservée au petit nombre, permettait cet amalgame.
Aujourd’hui, à l’image des savoirs éclatés et des logiques d’action plurielles que l’on observe dans nos sociétés, l’école n’est plus en mesure d’amalgamer ces quatre types d’éducation.
La recomposition semble impossible. Dans un sens, on peut dire qu’il n’y a plus une seule éducation mais plutôt des éducations simultanées et parallèles quand ce n’est pas concurrentes.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quelques extraits d'un ouvrage du philosophe Bertrand Vergely
Bien qu'en France - encore plus qu'au Québec - les débats entre «pédagogues» et «philosophes» ont conduit à des positions caricaturales (de part et d'autre) où tout ce que dit l'adversaire est nécessairement mauvais de sorte qu'il est mal venu de se référer au camp opposé, je me permets ici - moi, professeur en sciences de l'éducation - de proposer quelques citations d'un ouvrage sur l'école du philosophe Bertrand Vergely. En effet, certains de ses propos, il me semble, ne sont pas sans intérêt. Cet auteur, il faut bien le lire, possède l'art de la formule concise et «parlante».
«Pour que le savoir vive, il faut une éthique du savoir». (p. 43)
«Constatons-le : l’école du profit fait rarement le profit de l’école». (p. 45)
«On ne décide pas d’avoir une idée. On là». (p. 115)
L’effort comporte 3 caractères :
a) la force;
b) la tentative;
c) la gloire.
(voir p. 148-150)
«Le fait d’essayer a fait surgir une force qui a donné la force d’essayer». (p. 150)
«Sagesse et savoir au sens de ne pas être ignorant vont de pair». (p. 162)
«La modernité est toujours le dynamisme d’une présence revisitée de l’intérieur et non le rejet brutal de ce qui a été. D’où l’importance de la tradition pour supporter la modernité». (p. 205)
«On serait plus moderne si l’on avait d’avantage le sens de la tradition». (p. 206)
«Aller à l’école, c’est arrêter de s’imaginer savoir. Et, pour cela, c’est se mettre à écouter ce qui se dit et ce que l’on dit soi-même». (p. 210)
«Le sens désigne deux choses : la finalité et la signification. Le sens comme finalité renvoie à un but fixé à l’avance. Le sens comme signification renvoie au fait de traduire une langue dans une autre. Le fait de suivre un but permet de se diriger. Celui de traduire, de comprendre. Dans les deux, on retrouve une même inspiration : celle consistant à ne pas errer». (p. 212)
RÉFÉRENCE :
Vergely, Bertrand (2000). Pour une école du savoir. Paris : Milan.
«Pour que le savoir vive, il faut une éthique du savoir». (p. 43)
«Constatons-le : l’école du profit fait rarement le profit de l’école». (p. 45)
«On ne décide pas d’avoir une idée. On là». (p. 115)
L’effort comporte 3 caractères :
a) la force;
b) la tentative;
c) la gloire.
(voir p. 148-150)
«Le fait d’essayer a fait surgir une force qui a donné la force d’essayer». (p. 150)
«Sagesse et savoir au sens de ne pas être ignorant vont de pair». (p. 162)
«La modernité est toujours le dynamisme d’une présence revisitée de l’intérieur et non le rejet brutal de ce qui a été. D’où l’importance de la tradition pour supporter la modernité». (p. 205)
«On serait plus moderne si l’on avait d’avantage le sens de la tradition». (p. 206)
«Aller à l’école, c’est arrêter de s’imaginer savoir. Et, pour cela, c’est se mettre à écouter ce qui se dit et ce que l’on dit soi-même». (p. 210)
«Le sens désigne deux choses : la finalité et la signification. Le sens comme finalité renvoie à un but fixé à l’avance. Le sens comme signification renvoie au fait de traduire une langue dans une autre. Le fait de suivre un but permet de se diriger. Celui de traduire, de comprendre. Dans les deux, on retrouve une même inspiration : celle consistant à ne pas errer». (p. 212)
RÉFÉRENCE :
Vergely, Bertrand (2000). Pour une école du savoir. Paris : Milan.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
17 janvier 2011
Rhétorique et éducation : en suivant le philosophe Chaïm Perelman
Pour Perelman — Éducation et rhétorique, Revue Belge de psychologie et de pédagogie, tome XIV, no 60, décembre 1952 — la rhétorique c'est "l'art de bien parler" (p. 129). Traditionnellement, on a opposé cet art à la logique qui serait "l'art de bien penser". Perelman soutient que le mépris dans lequel est tenue la rhétorique s'avère totalement injustifié. Il rappelle que, suivant la tradition d'Aristote, la rhétorique se conçoit, non seulement comme l'art de bien parler mais comme "l'art de parler de façon persuasive" (p. 129). La rhétorique concerne donc le rapport "entre des thèses et l'adhésion qu'elles peuvent susciter" (p. 129). L'auteur ajoute : "comme théorie et pratique de la persuasion raisonnée, la rhétorique a des rapports étroits avec la logique, la technique de la preuve..." (p. 129).
Dans son article Perelman se propose de démontrer que la rhétorique apporte un point de vue nouveau sur l'éducation et ses problèmes.
Il faut retenir un premier élément : le but de l'enseignant. Celui-ci cherche à former l'esprit et le caractère de l'élève. Cette action se fait d'une façon beaucoup plus persuasive que coercitive; c'est pourquoi le maître ne peut ignorer les techniques argumentaires "qui tendent à faire admettre les thèses que l'on propose à l'assentiment des auditeurs" (p. 130).
Perelman oppose l'éducateur au propagandiste. Le premier cherche avant tout à éclairer, le second veut principalement gagner les gens à sa cause. Il n'en demeure pas moins que tout effort de persuasion peut, à la rigueur, être considéré comme une sorte de propagande. Toutefois, contrairement à l'éducation, la propagande s'adresse le plus souvent à un auditoire non convaincu de la légitimité de cet acte de parole.
Propagande ou éducation, la persuasion est malgré tout au coeur même du discours d'argumentation. De plus, persuader c'est obligatoirement entrer en relation avec autrui. Cette interaction implique le plus souvent un orateur et un groupe (quoique la relation un à un n'est pas exclue). Or, pour que le discours puisse avoir lieu, il faut que le groupe et l'orateur s'entendent minimalement : l'auditoire est prêt à écouter et l'orateur attache suffisamment de prix à l'adhésion du groupe pour produire son discours. Par le fait même, il apparaît important que certaines conditions institutionnelles soient mises en place pour faciliter la prise de parole. C'est ainsi que les institutions, politiques, judiciaires, éducatives et autres, permettent la rencontre entre orateur et auditoire; ce qui évite à chaque discours de devoir convaincre les interlocuteurs de demeurer sur place pour écouter.
"L'éducateur se trouve dans une situation toute différente de celle du propagandiste. Il se présente comme le porte-parole de la communauté, chargé de présenter le point de vue de celle-ci et de le défendre au besoin" (p. 132). L'auditoire auquel s'adresse l'éducateur lui reconnaît l'autorité et n'est pas réellement hostile à son endroit. La parole de l'enseignant — précisément parce qu'elle est parole éducative — jouit d'un prestige et d'une légitimité qui, bien que parfois malmenée, n'est jamais totalement remise en cause. Le maître bénéficie d'une situation particulière : membre de la communauté, il parle de ce qui est important pour la communauté et cette prise de parole se fait devant d'autres membres de cette même communauté, eux-mêmes globalement persuadés que le contenu du discours est effectivement primordial.
Perelman accorde une place importante à "l'argument d'autorité" dans l'éducation, surtout au primaire (voir p. 133). Il ne s'agit pas de contrôler les esprits mais plutôt, lorsque nécessaire, de savoir imposer un discours utile au développement du jugement indépendant et de l'esprit critique. En réalité, dans le domaine de l'enseignement il n'existe pas de véritable contradiction entre "l'argument d'autorité" et le "libre examen". Afin de développer ce dernier, l'enseignant doit imposer certains savoirs et certaines connaissances qui, une fois intériorisées, permettront à l'élève d'exercer ses facultés critiques. Au fur et à mesure que l'on monte dans l'échelle scolaire, "l'argument d'autorité" devient de moins en moins essentiel. En effet, l'élève dispose graduellement de savoirs et de connaissances qui le mettent en position de se faire plus facilement une opinion personnelle. En somme, avant de pouvoir critiquer, il faut connaître !
Perelman se livre à une critique d'une certaine théorie de l'éducation inspirée de Rousseau. Pour l'auteur, cette théorie est dirigée contre l'autorité de l'enseignant et contre la légitimité des institutions. Bien qu'au départ salutaire, la critique de l'autorité traditionnelle a produit, à notre époque moderne, des effets néfastes pour l'éducation : vision de l'enseignant comme un transmetteur de préjugés, un déformateur de la raison (qui serait en réalité innée et qu'il s'agit de laisser éclore sans la déformer).
"Dans cette conception, l'éducateur idéal n'est donc pas celui qui est chargé de transmettre une tradition et de former la raison de ses élèves. Son rôle est d'utiliser les facultés de l'enfant, de les garder à l'abri des opinions trompeuses. Le rôle de l'éducateur idéal est surtout négatif, il doit empêcher que la bonne nature de l'enfant, doué dès sa naissance d'une faculté lui permettant de connaître le vrai et le bien, ne soit abimée par le contact néfaste avec les préjugés d'origine sociale. " (pp. 135-136)
Perelman en vient donc à identifier trois techniques différentes de la rhétorique :
1) celle du propagandiste qui cherche à persuader et s'adapte à son auditoire afin de le gagner à thèse;
2) celle de l'éducation traditionnelle où l'on demande aux élèves de faire confiance à l'enseignant, lequel parle avec autorité;
3) celle issue des nouvelles théories de l'éducation qui suppose l'existence d'une même faculté, d'une même raison, partagée par le maître et les élèves, laquelle est innée et permet de connaître par soi-même. Ici les idées de nature, de raison et d'expérience deviennent des moyens de persuasion qui remplacent l'ancien "argument d'autorité".
En résumé, la rhétorique (comme théorie de la persuasion et de l'argumentation) peut apporter beaucoup aux théories de l'éducation. Elle doit être utilisée afin de permettre la formation de la raison. Ce processus de formation exige, au départ, l'utilisation de "l'argument d'autorité" qui, au fur et à mesure que l'élève acquiert des savoirs et des connaissances, peut être graduellement abandonné au profit de l'esprit critique et du jugement indépendant. Perelman conclut que dans le domaine de l'enseignement, il faut en arriver à un juste dosage entre "l'argument d'autorité" et l'idée de la liberté d'apprentissage de l'enfant.
Dans son article Perelman se propose de démontrer que la rhétorique apporte un point de vue nouveau sur l'éducation et ses problèmes.
Il faut retenir un premier élément : le but de l'enseignant. Celui-ci cherche à former l'esprit et le caractère de l'élève. Cette action se fait d'une façon beaucoup plus persuasive que coercitive; c'est pourquoi le maître ne peut ignorer les techniques argumentaires "qui tendent à faire admettre les thèses que l'on propose à l'assentiment des auditeurs" (p. 130).
Perelman oppose l'éducateur au propagandiste. Le premier cherche avant tout à éclairer, le second veut principalement gagner les gens à sa cause. Il n'en demeure pas moins que tout effort de persuasion peut, à la rigueur, être considéré comme une sorte de propagande. Toutefois, contrairement à l'éducation, la propagande s'adresse le plus souvent à un auditoire non convaincu de la légitimité de cet acte de parole.
Propagande ou éducation, la persuasion est malgré tout au coeur même du discours d'argumentation. De plus, persuader c'est obligatoirement entrer en relation avec autrui. Cette interaction implique le plus souvent un orateur et un groupe (quoique la relation un à un n'est pas exclue). Or, pour que le discours puisse avoir lieu, il faut que le groupe et l'orateur s'entendent minimalement : l'auditoire est prêt à écouter et l'orateur attache suffisamment de prix à l'adhésion du groupe pour produire son discours. Par le fait même, il apparaît important que certaines conditions institutionnelles soient mises en place pour faciliter la prise de parole. C'est ainsi que les institutions, politiques, judiciaires, éducatives et autres, permettent la rencontre entre orateur et auditoire; ce qui évite à chaque discours de devoir convaincre les interlocuteurs de demeurer sur place pour écouter.
"L'éducateur se trouve dans une situation toute différente de celle du propagandiste. Il se présente comme le porte-parole de la communauté, chargé de présenter le point de vue de celle-ci et de le défendre au besoin" (p. 132). L'auditoire auquel s'adresse l'éducateur lui reconnaît l'autorité et n'est pas réellement hostile à son endroit. La parole de l'enseignant — précisément parce qu'elle est parole éducative — jouit d'un prestige et d'une légitimité qui, bien que parfois malmenée, n'est jamais totalement remise en cause. Le maître bénéficie d'une situation particulière : membre de la communauté, il parle de ce qui est important pour la communauté et cette prise de parole se fait devant d'autres membres de cette même communauté, eux-mêmes globalement persuadés que le contenu du discours est effectivement primordial.
Perelman accorde une place importante à "l'argument d'autorité" dans l'éducation, surtout au primaire (voir p. 133). Il ne s'agit pas de contrôler les esprits mais plutôt, lorsque nécessaire, de savoir imposer un discours utile au développement du jugement indépendant et de l'esprit critique. En réalité, dans le domaine de l'enseignement il n'existe pas de véritable contradiction entre "l'argument d'autorité" et le "libre examen". Afin de développer ce dernier, l'enseignant doit imposer certains savoirs et certaines connaissances qui, une fois intériorisées, permettront à l'élève d'exercer ses facultés critiques. Au fur et à mesure que l'on monte dans l'échelle scolaire, "l'argument d'autorité" devient de moins en moins essentiel. En effet, l'élève dispose graduellement de savoirs et de connaissances qui le mettent en position de se faire plus facilement une opinion personnelle. En somme, avant de pouvoir critiquer, il faut connaître !
Perelman se livre à une critique d'une certaine théorie de l'éducation inspirée de Rousseau. Pour l'auteur, cette théorie est dirigée contre l'autorité de l'enseignant et contre la légitimité des institutions. Bien qu'au départ salutaire, la critique de l'autorité traditionnelle a produit, à notre époque moderne, des effets néfastes pour l'éducation : vision de l'enseignant comme un transmetteur de préjugés, un déformateur de la raison (qui serait en réalité innée et qu'il s'agit de laisser éclore sans la déformer).
"Dans cette conception, l'éducateur idéal n'est donc pas celui qui est chargé de transmettre une tradition et de former la raison de ses élèves. Son rôle est d'utiliser les facultés de l'enfant, de les garder à l'abri des opinions trompeuses. Le rôle de l'éducateur idéal est surtout négatif, il doit empêcher que la bonne nature de l'enfant, doué dès sa naissance d'une faculté lui permettant de connaître le vrai et le bien, ne soit abimée par le contact néfaste avec les préjugés d'origine sociale. " (pp. 135-136)
Perelman en vient donc à identifier trois techniques différentes de la rhétorique :
1) celle du propagandiste qui cherche à persuader et s'adapte à son auditoire afin de le gagner à thèse;
2) celle de l'éducation traditionnelle où l'on demande aux élèves de faire confiance à l'enseignant, lequel parle avec autorité;
3) celle issue des nouvelles théories de l'éducation qui suppose l'existence d'une même faculté, d'une même raison, partagée par le maître et les élèves, laquelle est innée et permet de connaître par soi-même. Ici les idées de nature, de raison et d'expérience deviennent des moyens de persuasion qui remplacent l'ancien "argument d'autorité".
En résumé, la rhétorique (comme théorie de la persuasion et de l'argumentation) peut apporter beaucoup aux théories de l'éducation. Elle doit être utilisée afin de permettre la formation de la raison. Ce processus de formation exige, au départ, l'utilisation de "l'argument d'autorité" qui, au fur et à mesure que l'élève acquiert des savoirs et des connaissances, peut être graduellement abandonné au profit de l'esprit critique et du jugement indépendant. Perelman conclut que dans le domaine de l'enseignement, il faut en arriver à un juste dosage entre "l'argument d'autorité" et l'idée de la liberté d'apprentissage de l'enfant.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
16 janvier 2011
Qu'est-ce que la jurisprudence ?
Son évolution :
La jurisprudence a débuté à dans la Rome antique en tant que science du droit (empreinte de sagesse et de prudence). De nos jours, elle renvoie aux règles juridiques dégagées des décisions des tribunaux.
En France le passage d'une conception à l'autre se fait à la faveur de la révolution de 1789. D'une conception qui veut que le droit soit tout entier dans la loi, on passe à une conception qui laisse la possibilité aux juges d'avoir des idées générales, de faire preuve d'initiative, de dépasser la simple application de la loi à des cas particuliers. Le code Napoléon entérine donc l'utilité de la jurisprudence qui en vient alors à désigner les règles qui se dégagent des décisions judiciaires (notamment en ce qu'elles se distinguent de la lettre de loi). La jurisprudence prend place dans le cadre d'un droit codifié. Le sens français du terme est différent du sens anglais (common law) qui désigne plutôt la science, la théorie, la philosophie du droit. Le sens retenu ici est celui que l'on retrouve dans le code Napoléon.
Ses fonctions :
1) appliquer les règles légales et préciser leur portée dans les multiples circonstances qui se présentent à la pratique;
2) remédier aux lacunes et aux obscurités que comportent un code ou une loi;
3) adapter le droit à l'évolution de la société et combler les lacunes qui naîtront de pratiques nouvelles.
Comment précise-t-on la portée des textes pour combler leurs lacunes et lever leurs obscurités ?
Par un mécanisme d'induction et de déduction successives.
L'induction permet de dégager des règles plus générales que celles qu'énoncent les textes. Pourquoi ? Parce que dans un jugement de la cour, le juge ne se réfère généralement pas uniquement à un texte mais à plusieurs; lesquels conduisent à la décision plus qu'ils ne la renferment.
La déduction vient alors naturellement; elle dégage la solution au problème contingent.
Il ne s'agit pas uniquement d'un raisonnement logique. Dans le cas du droit, le juge fait oeuvre de législateur.
La jurisprudence peut ainsi être créatrice de droit à chaque fois qu'elle se trouve devant une réalité sociale dont la loi n'a pas tenu compte. La jurisprudence est par le fait même mécanisme d'adaptation : elle permet l'ajustement de la loi à la réalité par nature multiple et en partie imprévisible. En portant sur le cas, elle prolonge la loi, elle lui assure une efficacité en administrant ce qui échappe au général.
Conditions de formation :
La jurisprudence ne peut exister et être efficace que dans la mesure où les décisions se constituent un corps de règles. Cela suppose :
1) que la décision rendue possède une certaine valeur de principe;
2) dans le droit, la formation d'une jurisprudence exige une cour suprême bénéficiant d'une autorité hiérarchique (sans cela la jurisprudence ne pourrait être que locale);
3) toujours en droit, l'existence d'une jurisprudence implique que les tribunaux (entre autres la juridiction au sommet de la hiérarchie judiciaire) respectent les règles qu'ils ont eux-mêmes édictées en tranchant les litiges;
4) les décisions rendues en jurisprudence doivent former un ensemble cohérent : il faut poser des règles logiquement compatibles. Sans cette cohésion logique, l'induction deviendrait problématique et ajouterait à la complexité du droit (au lieu d'aider à sa précision).
RÉFÉRENCE :
Voir la rubrique «Jurisprudence» dans Encyclopedia Universalis.
La jurisprudence a débuté à dans la Rome antique en tant que science du droit (empreinte de sagesse et de prudence). De nos jours, elle renvoie aux règles juridiques dégagées des décisions des tribunaux.
En France le passage d'une conception à l'autre se fait à la faveur de la révolution de 1789. D'une conception qui veut que le droit soit tout entier dans la loi, on passe à une conception qui laisse la possibilité aux juges d'avoir des idées générales, de faire preuve d'initiative, de dépasser la simple application de la loi à des cas particuliers. Le code Napoléon entérine donc l'utilité de la jurisprudence qui en vient alors à désigner les règles qui se dégagent des décisions judiciaires (notamment en ce qu'elles se distinguent de la lettre de loi). La jurisprudence prend place dans le cadre d'un droit codifié. Le sens français du terme est différent du sens anglais (common law) qui désigne plutôt la science, la théorie, la philosophie du droit. Le sens retenu ici est celui que l'on retrouve dans le code Napoléon.
Ses fonctions :
1) appliquer les règles légales et préciser leur portée dans les multiples circonstances qui se présentent à la pratique;
2) remédier aux lacunes et aux obscurités que comportent un code ou une loi;
3) adapter le droit à l'évolution de la société et combler les lacunes qui naîtront de pratiques nouvelles.
Comment précise-t-on la portée des textes pour combler leurs lacunes et lever leurs obscurités ?
Par un mécanisme d'induction et de déduction successives.
L'induction permet de dégager des règles plus générales que celles qu'énoncent les textes. Pourquoi ? Parce que dans un jugement de la cour, le juge ne se réfère généralement pas uniquement à un texte mais à plusieurs; lesquels conduisent à la décision plus qu'ils ne la renferment.
La déduction vient alors naturellement; elle dégage la solution au problème contingent.
Il ne s'agit pas uniquement d'un raisonnement logique. Dans le cas du droit, le juge fait oeuvre de législateur.
La jurisprudence peut ainsi être créatrice de droit à chaque fois qu'elle se trouve devant une réalité sociale dont la loi n'a pas tenu compte. La jurisprudence est par le fait même mécanisme d'adaptation : elle permet l'ajustement de la loi à la réalité par nature multiple et en partie imprévisible. En portant sur le cas, elle prolonge la loi, elle lui assure une efficacité en administrant ce qui échappe au général.
Conditions de formation :
La jurisprudence ne peut exister et être efficace que dans la mesure où les décisions se constituent un corps de règles. Cela suppose :
1) que la décision rendue possède une certaine valeur de principe;
2) dans le droit, la formation d'une jurisprudence exige une cour suprême bénéficiant d'une autorité hiérarchique (sans cela la jurisprudence ne pourrait être que locale);
3) toujours en droit, l'existence d'une jurisprudence implique que les tribunaux (entre autres la juridiction au sommet de la hiérarchie judiciaire) respectent les règles qu'ils ont eux-mêmes édictées en tranchant les litiges;
4) les décisions rendues en jurisprudence doivent former un ensemble cohérent : il faut poser des règles logiquement compatibles. Sans cette cohésion logique, l'induction deviendrait problématique et ajouterait à la complexité du droit (au lieu d'aider à sa précision).
RÉFÉRENCE :
Voir la rubrique «Jurisprudence» dans Encyclopedia Universalis.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quelques mots au sujet de la communication humaine
La communication humaine présente les caractéristiques suivantes :
1- La communication n’est pas toujours un acte délibéré.
2- Le message n’existe pas en dehors de l’interaction.
3- Pour comprendre une situation de communication, il faut donc analyser le sens que lui donnent les acteurs impliqués.
4- Ainsi, la signification du message repose en bonne partie sur le contexte dans lequel il est émis.
La communication humaine remplit essentiellement trois grandes fonctions :
1- Expressive;
2- Informative;
3- Persuasive.
1- La communication n’est pas toujours un acte délibéré.
2- Le message n’existe pas en dehors de l’interaction.
3- Pour comprendre une situation de communication, il faut donc analyser le sens que lui donnent les acteurs impliqués.
4- Ainsi, la signification du message repose en bonne partie sur le contexte dans lequel il est émis.
La communication humaine remplit essentiellement trois grandes fonctions :
1- Expressive;
2- Informative;
3- Persuasive.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Brèves considérations sur l'action
1- L'action nécessite un accomplissement contextualisé : chaque action survient dans un contexte physique, social, culturel porteur de contraintes et de ressources; chaque action s’inscrit aussi dans un situation particulière.
2- Elle est nécessairement «opératrice», productrice, et en ce sens, elle ne peut être purement contemplative.
3- Elle est le fruit d’une interaction : avec un environnement; avec autrui.
En contexte professionnel (de travail), l’action se développe à partir d’un cadre général plus ou moins bien connu des acteurs de sorte que tout n’est pas à réinventer et à construire à chaque situation.
Ainsi, l’action est interprétation.
RÉFÉRENCE :
Baudouin, Jean-Michel; Friedrich, Janette (Dir.) (2001). Théories de l'action et éducation. Bruxelles : De Boeck, collection Raisons éducatives.
2- Elle est nécessairement «opératrice», productrice, et en ce sens, elle ne peut être purement contemplative.
3- Elle est le fruit d’une interaction : avec un environnement; avec autrui.
En contexte professionnel (de travail), l’action se développe à partir d’un cadre général plus ou moins bien connu des acteurs de sorte que tout n’est pas à réinventer et à construire à chaque situation.
Ainsi, l’action est interprétation.
RÉFÉRENCE :
Baudouin, Jean-Michel; Friedrich, Janette (Dir.) (2001). Théories de l'action et éducation. Bruxelles : De Boeck, collection Raisons éducatives.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Une certaine conception herméneutique de l'interprétation
Dans cette conception, l'interprétation est conçue comme un parcours dans un texte ou une sorte de performance sémiotique.
La conception herméneutique de l'interprétation accorde notamment de l'importance à quatre facteurs plus ou moins ignorés par les conceptions syntaxiques ou logico-sémantiques de l'interprétation :
1- un sujet qui interprète et qui est toujours situé socialement, culturellement, historiquement;
2- une pratique sociale de l'interprétation qui est toujours historiquement ancrée;
3- une temporalité de l'interprétant et de l'interprété;
4- donc, une interprétation qui est toujours située.
La conception herméneutique de l'interprétation accorde notamment de l'importance à quatre facteurs plus ou moins ignorés par les conceptions syntaxiques ou logico-sémantiques de l'interprétation :
1- un sujet qui interprète et qui est toujours situé socialement, culturellement, historiquement;
2- une pratique sociale de l'interprétation qui est toujours historiquement ancrée;
3- une temporalité de l'interprétant et de l'interprété;
4- donc, une interprétation qui est toujours située.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Quelques leçons de l'interactionnisme au sujet de la socialisation au travail
Le monde du travail n’est pas réductible à une simple transaction économique.
La socialisation professionnelle met en jeu l’entièreté de la personnalité du sujet.
La socialisation professionnelle met en jeu l’identité sociale du sujet.
La socialisation professionnelle participe de la construction d’une image de soi.
La socialisation professionnelle est un processus où se jouent de multiples interactions complexes.
La socialisation professionnelle est l’objet d’investissements cognitifs, affectifs et relationnels.
La socialisation professionnelle met en jeu l’entièreté de la personnalité du sujet.
La socialisation professionnelle met en jeu l’identité sociale du sujet.
La socialisation professionnelle participe de la construction d’une image de soi.
La socialisation professionnelle est un processus où se jouent de multiples interactions complexes.
La socialisation professionnelle est l’objet d’investissements cognitifs, affectifs et relationnels.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Responsabilité des acteurs en matière de réussite scolaire
UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE
L'échec ou la réussite scolaire c'est d'abord l'affaire de l'enfant. Ensuite c'est l'affaire de la famille et de l'école. C'est pourquoi dans la recherche de la réussite à l'école, on doit toujours prendre en compte le rôle de chacun des acteurs. C'est le rôle de l'école que de contribuer à développer une représentation claire du rôle respectif de l'élève, des parents et des enseignants face à la réussite scolaire.
L'ENFANT COMME PERSONNE DANS LE CONTEXTE SCOLAIRE
La réussite scolaire peut être vue comme la réussite d'une interaction entre la personne et le milieu. Il y a réussite lorsque le système arrive à accrocher la subjectivité.
Malgré la réforme en cours en éducation, notre modèle de classe le plus courant est le modèle qui se consolide aux 17e et 18e siècles (Gauthier et Tardif, 2005) c'est-à-dire la situation «un enseignant / un groupe» : une personne (l’enseignant) contrôle à la fois le contenu, le rythme et la séquence de l'interaction sujet - milieu. Il s'agit du modèle devenu traditionnel. Cependant, chaque enfant possède un profil particulier et cela est trop souvent traité de manière inadéquate par ce modèle. Il ne tient en effet aucunement compte de ce qu’on pourrait appeler la "susceptibilité différentielle" : ce qu'on retient est fonction de ce que l'on est.
Par ailleurs, la situation «un enseignant / un groupe» fait souvent preuve de conformisme car elle traite chaque individu de la même façon. Paradoxalement, le contexte scolaire est le seul lieu moderne de sociabilité collective à long terme et, en même temps, un lieu de discontinuité (changements multiples pour l'élève: de degrés scolaires, de classes, de groupes, de professeurs, quand ce n'est pas d'école, etc.). En conséquence, un enfant en difficulté d'apprentissage ne trouve souvent pas des personnes significatives pour l'aider (des gens qui auraient le temps de compter vraiment).
Nous sommes ainsi confrontés à un dilemme : L'école poursuit le but de la réussite éducative avec l'enfant comme premier acteur de ce projet. Cependant, elle ne réussit que trop rarement à impliquer l'enfant subjectivement.
L'ENFANT COMME ACTEUR DANS LA RÉUSSITE SCOLAIRE
Nombre de recherches démontrent que les problèmes de lecture dès la première année conduisent à l'accumulation de plusieurs déficits et à des problèmes de confiance en soi, en sa capacité d'apprendre (Péruisset-Fache, 1999). Ceux qui réussissent à apprendre sont ceux qui réussissent à communiquer avec leur milieu (bien entendu, pour ceux qui échouent c'est l'inverse). En fait, la difficulté en lecture est une situation d'échec qui conduit l'enfant à adopter un comportement d'évitement. La situation peut se résumer ainsi : "ON NE COMPREND QUE LORSQU'ON RÉUSSIT CE QU’ON A ENTREPRIS. QUAND ON ÉCHOUE, ON NE COMPREND RIEN D'AUTRE QUE NOTRE ÉCHEC."
Dans un sens, on peut dire que la meilleure école serait celle qui est sensible au potentiel du sujet : lui demander assez mais jamais trop. Cette situation est passablement malaisée à mettre en place dans le contexte actuel car la situation de groupe permet difficilement de tenir compte de la subjectivité de l'individu (différencier dans nos classes, ce n’est pas une mince affaire).
Or, les recherches en psychologie (Crahay, 1999) ont clairement montré que la valeur éducative (développementale) d'un contexte passe entre autres, par : 1) le temps où un adulte se rend disponible en exclusivité; 2) le soutien offert à l'enfant pour s'exercer dans ses acquis.
LA FAMILLE
Pourquoi la famille est-elle le deuxième acteur le plus important, après l'enfant, dans la réussite scolaire ? Parce qu'elle est le premier agent de socialisation.
Elle a en fait une influence BIO-PSYCHO-SOCIALE. L'influence biologique est très problématique pour le système d'éducation qui a fortement tendance à aimer la moyenne et à détester la diversité. Pour sa part, l'influence psychologique nous rappelle que la cognition et l'affectivité sont deux éléments inséparables (Livet, 2002). Quant à elle, l'influence sociale nous renvoie à la culture et aux statuts socio-économiques (Robert et Tondreau, 1997).
Il faut toujours se souvenir que la réussite est reliée à : a) la confiance en soi; b) la capacité de supporter le délai (car l'école est fondamentalement une mise en attente). La confiance de base donne une force du moi. À quelque part sur notre chemin, il faut rencontrer un jour quelqu'un qui est "fou de toi". Sans cela nous finissons par développer de la peur : peur de ne pas être à la hauteur, peur d'être abandonné. Dans l'histoire d'un individu, il faut qu'une fois au moins, une personne nous fasse sentir son amour inconditionnel afin que nous puissions développer une confiance en nous même. Si cela n'arrive pas, l'individu en vient à manquer de confiance en lui. Alors, il devient presque impossible pour lui de se projeter dans le futur : pourtant cette projection est essentielle à sa capacité de "fonctionner".
L'ÉCOLE
Le problème de l'école c'est qu'elle tient insuffisamment compte de la famille comme agent de réussite scolaire. Or, encore aujourd’hui, la famille demeure l'agent de socialisation par excellence.
L'école n'en est pas moins un des seuls (sinon le seul) organisme «communautaire» dans notre société; au sens où tous, ou presque tous, la fréquentent un jour au l’autre et qu’elle est un milieu collectif de vie. Cela lui confère une importance capitale pour l'enfant et pour la société. L’école devra donc continuer ses efforts pour apprivoiser les parents dans l'apprentissage de leur rôle d'agent de réussite scolaire pour l'élève.
Références
Crahay, M. (1999). Psychologie de l’éducation. Paris : PUF.
Gauthier, C., Tardif, M. (Dir.) (2005). La pédagogie. Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours. Montréal : Gaëtan Morin.
Livet, P. (2002). Émotions et rationalité morale. Paris : PUF.
Péruisset-Fache, N. (1999). La logique de l’échec scolaire. Paris : L’Harmattan.
Robert, M., Tondreau, J. (1997). L’école québécoise. Débats, enjeux et pratiques sociales. Une analyse sociale de l’éducation pour la formation des maîtres. Montréal : CEC.
L'échec ou la réussite scolaire c'est d'abord l'affaire de l'enfant. Ensuite c'est l'affaire de la famille et de l'école. C'est pourquoi dans la recherche de la réussite à l'école, on doit toujours prendre en compte le rôle de chacun des acteurs. C'est le rôle de l'école que de contribuer à développer une représentation claire du rôle respectif de l'élève, des parents et des enseignants face à la réussite scolaire.
L'ENFANT COMME PERSONNE DANS LE CONTEXTE SCOLAIRE
La réussite scolaire peut être vue comme la réussite d'une interaction entre la personne et le milieu. Il y a réussite lorsque le système arrive à accrocher la subjectivité.
Malgré la réforme en cours en éducation, notre modèle de classe le plus courant est le modèle qui se consolide aux 17e et 18e siècles (Gauthier et Tardif, 2005) c'est-à-dire la situation «un enseignant / un groupe» : une personne (l’enseignant) contrôle à la fois le contenu, le rythme et la séquence de l'interaction sujet - milieu. Il s'agit du modèle devenu traditionnel. Cependant, chaque enfant possède un profil particulier et cela est trop souvent traité de manière inadéquate par ce modèle. Il ne tient en effet aucunement compte de ce qu’on pourrait appeler la "susceptibilité différentielle" : ce qu'on retient est fonction de ce que l'on est.
Par ailleurs, la situation «un enseignant / un groupe» fait souvent preuve de conformisme car elle traite chaque individu de la même façon. Paradoxalement, le contexte scolaire est le seul lieu moderne de sociabilité collective à long terme et, en même temps, un lieu de discontinuité (changements multiples pour l'élève: de degrés scolaires, de classes, de groupes, de professeurs, quand ce n'est pas d'école, etc.). En conséquence, un enfant en difficulté d'apprentissage ne trouve souvent pas des personnes significatives pour l'aider (des gens qui auraient le temps de compter vraiment).
Nous sommes ainsi confrontés à un dilemme : L'école poursuit le but de la réussite éducative avec l'enfant comme premier acteur de ce projet. Cependant, elle ne réussit que trop rarement à impliquer l'enfant subjectivement.
L'ENFANT COMME ACTEUR DANS LA RÉUSSITE SCOLAIRE
Nombre de recherches démontrent que les problèmes de lecture dès la première année conduisent à l'accumulation de plusieurs déficits et à des problèmes de confiance en soi, en sa capacité d'apprendre (Péruisset-Fache, 1999). Ceux qui réussissent à apprendre sont ceux qui réussissent à communiquer avec leur milieu (bien entendu, pour ceux qui échouent c'est l'inverse). En fait, la difficulté en lecture est une situation d'échec qui conduit l'enfant à adopter un comportement d'évitement. La situation peut se résumer ainsi : "ON NE COMPREND QUE LORSQU'ON RÉUSSIT CE QU’ON A ENTREPRIS. QUAND ON ÉCHOUE, ON NE COMPREND RIEN D'AUTRE QUE NOTRE ÉCHEC."
Dans un sens, on peut dire que la meilleure école serait celle qui est sensible au potentiel du sujet : lui demander assez mais jamais trop. Cette situation est passablement malaisée à mettre en place dans le contexte actuel car la situation de groupe permet difficilement de tenir compte de la subjectivité de l'individu (différencier dans nos classes, ce n’est pas une mince affaire).
Or, les recherches en psychologie (Crahay, 1999) ont clairement montré que la valeur éducative (développementale) d'un contexte passe entre autres, par : 1) le temps où un adulte se rend disponible en exclusivité; 2) le soutien offert à l'enfant pour s'exercer dans ses acquis.
LA FAMILLE
Pourquoi la famille est-elle le deuxième acteur le plus important, après l'enfant, dans la réussite scolaire ? Parce qu'elle est le premier agent de socialisation.
Elle a en fait une influence BIO-PSYCHO-SOCIALE. L'influence biologique est très problématique pour le système d'éducation qui a fortement tendance à aimer la moyenne et à détester la diversité. Pour sa part, l'influence psychologique nous rappelle que la cognition et l'affectivité sont deux éléments inséparables (Livet, 2002). Quant à elle, l'influence sociale nous renvoie à la culture et aux statuts socio-économiques (Robert et Tondreau, 1997).
Il faut toujours se souvenir que la réussite est reliée à : a) la confiance en soi; b) la capacité de supporter le délai (car l'école est fondamentalement une mise en attente). La confiance de base donne une force du moi. À quelque part sur notre chemin, il faut rencontrer un jour quelqu'un qui est "fou de toi". Sans cela nous finissons par développer de la peur : peur de ne pas être à la hauteur, peur d'être abandonné. Dans l'histoire d'un individu, il faut qu'une fois au moins, une personne nous fasse sentir son amour inconditionnel afin que nous puissions développer une confiance en nous même. Si cela n'arrive pas, l'individu en vient à manquer de confiance en lui. Alors, il devient presque impossible pour lui de se projeter dans le futur : pourtant cette projection est essentielle à sa capacité de "fonctionner".
L'ÉCOLE
Le problème de l'école c'est qu'elle tient insuffisamment compte de la famille comme agent de réussite scolaire. Or, encore aujourd’hui, la famille demeure l'agent de socialisation par excellence.
L'école n'en est pas moins un des seuls (sinon le seul) organisme «communautaire» dans notre société; au sens où tous, ou presque tous, la fréquentent un jour au l’autre et qu’elle est un milieu collectif de vie. Cela lui confère une importance capitale pour l'enfant et pour la société. L’école devra donc continuer ses efforts pour apprivoiser les parents dans l'apprentissage de leur rôle d'agent de réussite scolaire pour l'élève.
Références
Crahay, M. (1999). Psychologie de l’éducation. Paris : PUF.
Gauthier, C., Tardif, M. (Dir.) (2005). La pédagogie. Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours. Montréal : Gaëtan Morin.
Livet, P. (2002). Émotions et rationalité morale. Paris : PUF.
Péruisset-Fache, N. (1999). La logique de l’échec scolaire. Paris : L’Harmattan.
Robert, M., Tondreau, J. (1997). L’école québécoise. Débats, enjeux et pratiques sociales. Une analyse sociale de l’éducation pour la formation des maîtres. Montréal : CEC.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
15 janvier 2011
Souveraineté
Il en va des sociétés comme des individus, l'indépendance est la preuve d'une maturité bien assumée.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
14 janvier 2011
Le portfolio et l’insertion professionnelle en enseignement
Introduction
Le portfolio peut être un outil utile pour soutenir l’insertion professionnelle en enseignement. Ce court texte examine très brièvement les possibilités et les limites de cet outil.
1. Définition du portfolio, fondements et principales caractéristiques
Le portfolio se définit comme étant un document permettant de réunir différents travaux et réalisations afin de témoigner du développement des compétences et du cheminement d’apprentissage parcouru sur une période donnée. En enseignement, le portfolio incite l’enseignant à réfléchir sur sa pratique et à émettre ses commentaires quant aux différents éléments qu’il contient. Généralement, le portfolio témoigne à la fois de la planification, de l’enseignement et de l’évaluation effectuée par l’enseignant débutant dans le cadre de sa pratique professionnelle. Pour sa part, l’e-portfolio constitue la version électronique du portfolio ou autrement dit, c’est un portfolio en ligne.
Dans certaines commissions scolaires, la création d’un portfolio est jumelée à d’autres mesures de soutien à l’insertion professionnelle. Par exemple, un mentor peut être attitré à l’enseignant débutant afin de l’aider quant à la réalisation de son portfolio ou encore un groupe de discussion peut être créé pour échanger plus particulièrement sur le portfolio et son contenu.
2. Principes à retenir afin d’assurer la réalisation d’un portfolio efficace
Pour que la réalisation du portfolio s’effectue de manière plus efficace et avec davantage de facilité pour les enseignants en insertion professionnelle, il est essentiel de leur offrir une formation, sous forme de séminaire, de conférence ou d’ateliers, afin de leur expliquer la nature, les buts, les objectifs et le contenu possible du portfolio. Un guide pédagogique ou un portail contenant des informations sur le sujet peut également être créé. Les informations fournies doivent être claires et précises afin que les enseignants aient une bonne compréhension de la démarche à réaliser. Par ailleurs, l’accompagnement des débutants s’avère grandement utile. Cet accompagnement peut être offert lors de rencontres de mentorat, de groupes de discussion virtuels ou en présence, de mentorat en ligne ou d’ateliers de formation avec suivis réguliers. L’accompagnement permet de partager sur le contenu du portfolio, de discuter des forces et faiblesses rencontrées et de cibler les points à améliorer quant à la pratique professionnelle de l’enseignant débutant.
En outre, pour que la création d’un portfolio soit réellement efficace, l’enseignant débutant doit faire preuve de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, afin d’y placer des éléments et des réflexions qui correspondent vraiment à son cheminement personnel et professionnel. Il doit également posséder un bon sens critique, afin d’être capable d’analyser ses progrès et ses difficultés et de porter un jugement éclairé sur les documents qu’il intègre à son portfolio (planification, activités, évaluation, etc.). Enfin, la création d’un portfolio exigeant efforts et temps, l’enseignant novice doit être disponible, persévérant et disposé à s’engager de façon active dans son développement professionnel.
3. Possibilités, retombées et points positifs liés à la réalisation d’un portfolio
Pour l’enseignant novice, le portfolio permet de bien mettre en valeur ses compétences professionnelles et de présenter des réalisations dont il est fier. Dans le même sens, le portfolio contribue à forger une saine estime de soi par la connaissance de ses forces et des points à améliorer. Il favorise également le développement de l’éthique professionnelle chez l’enseignant débutant en l’incitant à réfléchir à ses valeurs, sa responsabilité sociale en tant qu’enseignant et ses rapports à la pratique et aux élèves. Par ailleurs, le portfolio peut contribuer à l’instauration d’une culture de développement professionnel continu au sein de l’école, en encourageant les enseignants à prendre davantage conscience de leur cheminement et des points qu’ils souhaitent améliorer quant à leur enseignement. En ce sens, cet outil favorise l’autonomie et la prise en charge des enseignants quant à leur développement professionnel et amène les enseignants débutants à établir et à atteindre plus facilement leurs objectifs professionnels.
En incitant les enseignants novices à analyser leur pratique et à réfléchir sur le développement de leurs compétences, le portfolio peut encourager l’objectivation, la pensée critique et la pratique réflexive et permettre à l’enseignant débutant de réfléchir à son identité professionnelle. Cet outil amène alors l’enseignant à mieux se connaître et à prendre conscience de ses valeurs éducatives, sa philosophie professionnelle, ses conceptions et son style d’enseignement. En mobilisant différents éléments liés à la profession enseignante (savoirs didactiques, savoirs pédagogiques, savoirs disciplinaires, savoirs reliés au curriculum, etc.), le portfolio facilite l’intégration des savoirs chez l’enseignant novice.
Par le soutien documentaire qu’il apporte, cet outil peut faciliter les échanges entre l’enseignant débutant et la direction, notamment lors des rencontres de supervisions pédagogiques ou lors d’entrevue d’embauche. De même, lorsque plusieurs enseignants débutants réalisent un portfolio (par exemple, au sein d’une même école ou d’un même groupe de discussion), cela favorise la collaboration et l’échange des idées et facilite donc la création d’une communauté d’apprentissage où les enseignants peuvent partager leurs pratiques et leurs réussites.
4. Quelques limites liées à la réalisation d’un portfolio
En raison de l’investissement qu’il demande en termes de temps et d’efforts, le portfolio peut occasionner une surcharge de travail chez l’enseignant débutant. Si sa réalisation est obligatoire et implique une évaluation, le portfolio peut également engendrer un stress chez le novice. Afin d’atténuer ces difficultés, il est essentiel, tel que mentionné plus haut, d’offrir une formation et de l’accompagnement à l’enseignant, dans le cadre de la réalisation de son portfolio.
Conclusion
On le constate, le portfolio s’avère un outil intéressant pour aider le nouvel enseignant dans son insertion professionnelle. Il faut toutefois retenir que son efficacité sera accrue s'il est jumelé à d’autres dispositifs de soutien (mentorat, groupes d’aide, formations, etc.).
Le portfolio peut être un outil utile pour soutenir l’insertion professionnelle en enseignement. Ce court texte examine très brièvement les possibilités et les limites de cet outil.
1. Définition du portfolio, fondements et principales caractéristiques
Le portfolio se définit comme étant un document permettant de réunir différents travaux et réalisations afin de témoigner du développement des compétences et du cheminement d’apprentissage parcouru sur une période donnée. En enseignement, le portfolio incite l’enseignant à réfléchir sur sa pratique et à émettre ses commentaires quant aux différents éléments qu’il contient. Généralement, le portfolio témoigne à la fois de la planification, de l’enseignement et de l’évaluation effectuée par l’enseignant débutant dans le cadre de sa pratique professionnelle. Pour sa part, l’e-portfolio constitue la version électronique du portfolio ou autrement dit, c’est un portfolio en ligne.
Dans certaines commissions scolaires, la création d’un portfolio est jumelée à d’autres mesures de soutien à l’insertion professionnelle. Par exemple, un mentor peut être attitré à l’enseignant débutant afin de l’aider quant à la réalisation de son portfolio ou encore un groupe de discussion peut être créé pour échanger plus particulièrement sur le portfolio et son contenu.
2. Principes à retenir afin d’assurer la réalisation d’un portfolio efficace
Pour que la réalisation du portfolio s’effectue de manière plus efficace et avec davantage de facilité pour les enseignants en insertion professionnelle, il est essentiel de leur offrir une formation, sous forme de séminaire, de conférence ou d’ateliers, afin de leur expliquer la nature, les buts, les objectifs et le contenu possible du portfolio. Un guide pédagogique ou un portail contenant des informations sur le sujet peut également être créé. Les informations fournies doivent être claires et précises afin que les enseignants aient une bonne compréhension de la démarche à réaliser. Par ailleurs, l’accompagnement des débutants s’avère grandement utile. Cet accompagnement peut être offert lors de rencontres de mentorat, de groupes de discussion virtuels ou en présence, de mentorat en ligne ou d’ateliers de formation avec suivis réguliers. L’accompagnement permet de partager sur le contenu du portfolio, de discuter des forces et faiblesses rencontrées et de cibler les points à améliorer quant à la pratique professionnelle de l’enseignant débutant.
En outre, pour que la création d’un portfolio soit réellement efficace, l’enseignant débutant doit faire preuve de rigueur et d’honnêteté intellectuelle, afin d’y placer des éléments et des réflexions qui correspondent vraiment à son cheminement personnel et professionnel. Il doit également posséder un bon sens critique, afin d’être capable d’analyser ses progrès et ses difficultés et de porter un jugement éclairé sur les documents qu’il intègre à son portfolio (planification, activités, évaluation, etc.). Enfin, la création d’un portfolio exigeant efforts et temps, l’enseignant novice doit être disponible, persévérant et disposé à s’engager de façon active dans son développement professionnel.
3. Possibilités, retombées et points positifs liés à la réalisation d’un portfolio
Pour l’enseignant novice, le portfolio permet de bien mettre en valeur ses compétences professionnelles et de présenter des réalisations dont il est fier. Dans le même sens, le portfolio contribue à forger une saine estime de soi par la connaissance de ses forces et des points à améliorer. Il favorise également le développement de l’éthique professionnelle chez l’enseignant débutant en l’incitant à réfléchir à ses valeurs, sa responsabilité sociale en tant qu’enseignant et ses rapports à la pratique et aux élèves. Par ailleurs, le portfolio peut contribuer à l’instauration d’une culture de développement professionnel continu au sein de l’école, en encourageant les enseignants à prendre davantage conscience de leur cheminement et des points qu’ils souhaitent améliorer quant à leur enseignement. En ce sens, cet outil favorise l’autonomie et la prise en charge des enseignants quant à leur développement professionnel et amène les enseignants débutants à établir et à atteindre plus facilement leurs objectifs professionnels.
En incitant les enseignants novices à analyser leur pratique et à réfléchir sur le développement de leurs compétences, le portfolio peut encourager l’objectivation, la pensée critique et la pratique réflexive et permettre à l’enseignant débutant de réfléchir à son identité professionnelle. Cet outil amène alors l’enseignant à mieux se connaître et à prendre conscience de ses valeurs éducatives, sa philosophie professionnelle, ses conceptions et son style d’enseignement. En mobilisant différents éléments liés à la profession enseignante (savoirs didactiques, savoirs pédagogiques, savoirs disciplinaires, savoirs reliés au curriculum, etc.), le portfolio facilite l’intégration des savoirs chez l’enseignant novice.
Par le soutien documentaire qu’il apporte, cet outil peut faciliter les échanges entre l’enseignant débutant et la direction, notamment lors des rencontres de supervisions pédagogiques ou lors d’entrevue d’embauche. De même, lorsque plusieurs enseignants débutants réalisent un portfolio (par exemple, au sein d’une même école ou d’un même groupe de discussion), cela favorise la collaboration et l’échange des idées et facilite donc la création d’une communauté d’apprentissage où les enseignants peuvent partager leurs pratiques et leurs réussites.
4. Quelques limites liées à la réalisation d’un portfolio
En raison de l’investissement qu’il demande en termes de temps et d’efforts, le portfolio peut occasionner une surcharge de travail chez l’enseignant débutant. Si sa réalisation est obligatoire et implique une évaluation, le portfolio peut également engendrer un stress chez le novice. Afin d’atténuer ces difficultés, il est essentiel, tel que mentionné plus haut, d’offrir une formation et de l’accompagnement à l’enseignant, dans le cadre de la réalisation de son portfolio.
Conclusion
On le constate, le portfolio s’avère un outil intéressant pour aider le nouvel enseignant dans son insertion professionnelle. Il faut toutefois retenir que son efficacité sera accrue s'il est jumelé à d’autres dispositifs de soutien (mentorat, groupes d’aide, formations, etc.).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
09 janvier 2011
Brèves notes sur la question de la professionnalisation des enseignants
Il y aurait trois principaux sens du mot profession :
Profession de foi (déclaration publique)…une activité qui se professe, explicitation des savoirs, rationalisation par le langage, dépasser les apprentissages locaux….
Occupation déterminée dont on peut tirer sa subsistance…définition proche de métier…elle se distingue toutefois de l’amateurisme…il y a professionnalisation lorsqu’une occupation de gratuite devient payante.
Métier de prestige par son caractère particulier (professions savantes)…la profession repose alors sur un savoir savant et non pas seulement sur la pratique : développer le raisonnement …la profession travaille sur des cas particuliers qui ne peuvent se contenter de mesures standardisées.
La professionnalisation serait un processus qui influencerait :
L’activité qui devient un métier;
Le groupe dont le statut est rehaussé et le pouvoir aussi;
Les savoirs qui se rationalisent, se diversifient, se précisent, se traduisent en compétences;
Les individus qui transforment leurs pratiques et leurs manières d’être (socialisation professionnelle);
La formation qui devient orientée vers la pratique professionnelle.
Quant à elle, la professionalité signifierait : ce qui est du domaine professionnel.
Ce terme peut porter sur : l’activité ou la personne.
On peut considérer qu'il y a deux visions opposées qui mettent l'accent sur des caractéristiques spécifiques pour définir le processus de professionnalisation :
Le modèle fonctionnaliste :
Savoirs savants (universitaires)
Contrôle de l’activité (corporation)
Contrôle de la formation (accréditation)
Prestige (reconnaissance légale)
Au regard de ces critères les enseignants ne forment pas une vraie profession.
Le modèle critique :
Processus politique et non pas un processus d’approfondissement des savoirs et des valeurs.
Les fonctionnalistes n’auraient que théorisé l’idéologie des professions et non pas analysé leur «vraie» nature.
Au regard de cette analyse on peut parler de prolétarisation de l’enseignement car ce métier semble avoir perdu du pouvoir sur : les programmes; la formation; l’exercice du travail; les savoirs.
UNE RÉFÉRENCE UTILE :
Lang, V. (1999). La professionnalisation des enseignants. Paris: PUF.
Profession de foi (déclaration publique)…une activité qui se professe, explicitation des savoirs, rationalisation par le langage, dépasser les apprentissages locaux….
Occupation déterminée dont on peut tirer sa subsistance…définition proche de métier…elle se distingue toutefois de l’amateurisme…il y a professionnalisation lorsqu’une occupation de gratuite devient payante.
Métier de prestige par son caractère particulier (professions savantes)…la profession repose alors sur un savoir savant et non pas seulement sur la pratique : développer le raisonnement …la profession travaille sur des cas particuliers qui ne peuvent se contenter de mesures standardisées.
La professionnalisation serait un processus qui influencerait :
L’activité qui devient un métier;
Le groupe dont le statut est rehaussé et le pouvoir aussi;
Les savoirs qui se rationalisent, se diversifient, se précisent, se traduisent en compétences;
Les individus qui transforment leurs pratiques et leurs manières d’être (socialisation professionnelle);
La formation qui devient orientée vers la pratique professionnelle.
Quant à elle, la professionalité signifierait : ce qui est du domaine professionnel.
Ce terme peut porter sur : l’activité ou la personne.
On peut considérer qu'il y a deux visions opposées qui mettent l'accent sur des caractéristiques spécifiques pour définir le processus de professionnalisation :
Le modèle fonctionnaliste :
Savoirs savants (universitaires)
Contrôle de l’activité (corporation)
Contrôle de la formation (accréditation)
Prestige (reconnaissance légale)
Au regard de ces critères les enseignants ne forment pas une vraie profession.
Le modèle critique :
Processus politique et non pas un processus d’approfondissement des savoirs et des valeurs.
Les fonctionnalistes n’auraient que théorisé l’idéologie des professions et non pas analysé leur «vraie» nature.
Au regard de cette analyse on peut parler de prolétarisation de l’enseignement car ce métier semble avoir perdu du pouvoir sur : les programmes; la formation; l’exercice du travail; les savoirs.
UNE RÉFÉRENCE UTILE :
Lang, V. (1999). La professionnalisation des enseignants. Paris: PUF.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Caractéristiques des représentations des enseignants
À partir d’une étude de cas, l'éminent chercheur canadien Michael Fullan a construit un modèle des représentations des enseignants. Cette étude date de 1982 mais son contenu est encore d'un grand intérêt.
Les outils de cueilette de données étaient l’interview et l’observation.
Le «terrain» a duré plusieurs mois.
Selon les résultats obtenus et l'anayse que Fullan en fait, les représentations des enseignants sont caractérisées sur la base de 5 dimensions :
1) Les représentations sont «situationnelles» car elles sont articulées autour de situations dans lesquelles elles se sont avérées performantes.
2) Les représentations sont «idiosyncrasiques» car elles sont moins un produit qu’un processus de construction.
3) Les représentations possèdent une composante sociale car elles sont socialement conditionnées par la place occupée par l’enseignant dans les différents groupes.
4) Les représentations sont «expérientielles» car elles s’inscrivent dans le monde de la pratique enseignante.
5) Les représentations possèdent une dimension théorique car l’enseignant se construit des théories plus ou moins implicites qui donnent à ses représentations un caractère épistémologique.
RÉFÉRENCE :
Fullan, M. (1982). The Meaning of Educational Change. London : Teachers College Press.
Les outils de cueilette de données étaient l’interview et l’observation.
Le «terrain» a duré plusieurs mois.
Selon les résultats obtenus et l'anayse que Fullan en fait, les représentations des enseignants sont caractérisées sur la base de 5 dimensions :
1) Les représentations sont «situationnelles» car elles sont articulées autour de situations dans lesquelles elles se sont avérées performantes.
2) Les représentations sont «idiosyncrasiques» car elles sont moins un produit qu’un processus de construction.
3) Les représentations possèdent une composante sociale car elles sont socialement conditionnées par la place occupée par l’enseignant dans les différents groupes.
4) Les représentations sont «expérientielles» car elles s’inscrivent dans le monde de la pratique enseignante.
5) Les représentations possèdent une dimension théorique car l’enseignant se construit des théories plus ou moins implicites qui donnent à ses représentations un caractère épistémologique.
RÉFÉRENCE :
Fullan, M. (1982). The Meaning of Educational Change. London : Teachers College Press.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
08 janvier 2011
La typologie de l'action de J. Habermas
Pour l'essentiel, le philosophe et sociologue allemand Jürgen Habermas (héritier de l'école de Francfort) définit deux grands types d'actions :
actions instrumentales; actions communicationnelles.
Les actions instrumentales sont orientées par le succès. Ici l’acteur cherche le meilleur moyen en vue d’une fin souhaitée. C’est donc une action «égocentrique». Les actions communicationnelles ne répondent pas à un plan d’action visant un succès «égocentrique» mais renvoient à des actes d’intercompréhension.
Le langage peut donc servir soit un but égocentrique, et alors il est instrumentalisé, soit une visée intercompréhensive. Un langage instrumentalisé manipule l’autre dans l’objectif d’infléchir son comportement dans un sens souhaité. Un langage visant l’intercompréhension se met plutôt au service d’une entente, d’un accord, qui ne repose pas sur une manipulation mais sur une persuasion.
La persuasion est atteinte à travers un processus langagier où les interlocuteurs échangent des arguments et où le meilleur argument l’emporte.
L’usage du langage orienté vers l’intercompréhension serait, selon Habermas, le mode originel d’usage du langage. Deux arguments permettraient de faire cette affirmation :
1- Le langage, en tant que moyen de communication, ne peut se justifier que par une visée intercompréhensive.
2- Même l’usage instrumental du langage ne peut faire l’économie de l’intercompréhension.
L’usage instrumental du langage est une forme de violence. Mais l’instrumentalisation du langage n’est pas un processus simple. Il existe en fait une double instrumentalisation :
1- celle du langage qui devient un moyen d’agir sur l’autre;
2- celle de l’autre réduit à être un moyen pour ma propre fin.
Dans ces deux cas d’instrumentalisation, l’autre n’est plus une fin en lui-même. Par contre, l’usage du langage dans une visée intercompréhensive appréhende l’autre comme une fin et non comme un moyen. Ici, l’autre est rétabli dans sa dignité de sujet. Lorsque dans le processus du dialogue libre sans contrainte, un accord survient entre les interlocuteurs, on peut dire que le contenu de cet accord est rationnel.
RÉFÉRENCE
Habermas, J. (1987). Théorie de l’agir communicationnel. Volume 1. Rationalité de l’agir et rationalisation de la société. Traduit parJ.-M. Ferry. Paris : Fayard.
actions instrumentales; actions communicationnelles.
Les actions instrumentales sont orientées par le succès. Ici l’acteur cherche le meilleur moyen en vue d’une fin souhaitée. C’est donc une action «égocentrique». Les actions communicationnelles ne répondent pas à un plan d’action visant un succès «égocentrique» mais renvoient à des actes d’intercompréhension.
Le langage peut donc servir soit un but égocentrique, et alors il est instrumentalisé, soit une visée intercompréhensive. Un langage instrumentalisé manipule l’autre dans l’objectif d’infléchir son comportement dans un sens souhaité. Un langage visant l’intercompréhension se met plutôt au service d’une entente, d’un accord, qui ne repose pas sur une manipulation mais sur une persuasion.
La persuasion est atteinte à travers un processus langagier où les interlocuteurs échangent des arguments et où le meilleur argument l’emporte.
L’usage du langage orienté vers l’intercompréhension serait, selon Habermas, le mode originel d’usage du langage. Deux arguments permettraient de faire cette affirmation :
1- Le langage, en tant que moyen de communication, ne peut se justifier que par une visée intercompréhensive.
2- Même l’usage instrumental du langage ne peut faire l’économie de l’intercompréhension.
L’usage instrumental du langage est une forme de violence. Mais l’instrumentalisation du langage n’est pas un processus simple. Il existe en fait une double instrumentalisation :
1- celle du langage qui devient un moyen d’agir sur l’autre;
2- celle de l’autre réduit à être un moyen pour ma propre fin.
Dans ces deux cas d’instrumentalisation, l’autre n’est plus une fin en lui-même. Par contre, l’usage du langage dans une visée intercompréhensive appréhende l’autre comme une fin et non comme un moyen. Ici, l’autre est rétabli dans sa dignité de sujet. Lorsque dans le processus du dialogue libre sans contrainte, un accord survient entre les interlocuteurs, on peut dire que le contenu de cet accord est rationnel.
RÉFÉRENCE
Habermas, J. (1987). Théorie de l’agir communicationnel. Volume 1. Rationalité de l’agir et rationalisation de la société. Traduit parJ.-M. Ferry. Paris : Fayard.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La question du rapport entre le savoir et le pouvoir chez Michel Foucault
INTRODUCTION
Michel Foucault situe sa problématique du SAVOIR-POUVOIR au coeur même de l'acte pédagogique. Pour lui, il n'existe pas de notion d'école ou d'éducation qui renverrait à une essence éternelle et dont on pourrait trouver l'expression à l'intérieur des institutions historiquement constituées et dans les pratiques des acteurs. En réalité, chaque époque construit, à la fois par ses pratiques et par ses discours, l'objet éducation, l'objet maître, l'objet élève.
Par sa "méthode archéologique", Foucault fait de l'histoire mais d'une manière tout à fait différente de celle de l'historien. Il ne se réfère pas à l'événementiel, il ne fait pas d'histoire sociale pas plus qu'il ne cherche des causes historiques. En réalité, Foucault utilise les matériaux historiques pour répondre à une question fondamentale qu'il se pose. On peut formuler cette question de la façon suivante : De quelle façon un savoir peut-il se constituer ?
La perspective de Michel Foucault a ceci d'original qu'elle s'intéresse avant tout à des discours et des pratiques qui constituent (au sens de fabriquer) des objets de savoirs. Il s'agit donc de reconstituer l'histoire du sujet qui parle et qui pense et du sujet qui est parlé et qui est pensé. Cette démarche sert à analyser le présent.
Avec ce programme de recherche, l'histoire devient un outil permettant de mener à bien une démarche qui tente de mettre au jour la naissance (la généalogie) de catégories de pensée — ce qui les a rendu possibles. Dans cette optique, les documents écrits (donc des formes de discours) apparaissent alors comme un type de "pratiques". Ainsi, Foucault parle de "pratiques discursives". De cette façon, il est permis de dire que les pratiques, les discours successifs à travers l'histoire, ont construit graduellement ce qu'on peut appeler l'ordre du pédagogique.
Dans son célèbre ouvrage SURVEILLER ET PUNIR (1975), Foucault démontre qu'au 18e siècle se met en place "une société de surveillance" et de normalisation (qu'il analyse à travers le cas des prisons et des écoles). Ici, savoir et assujettissement sont intimement liés. Selon Foucault, dès la naissance de l'école (qu'il situe bien entendu au 18e siècle), il s'agissait d'opérer un "dressage" adéquat de l'élève. Cela se fait par le biais 1) de l'apprentissage, 2) du savoir, 3) d'une science pédagogique et 4) d'un savoir sur l'enfant.
D'une façon très méthodique , Foucault analyse les opérations qui ont constitué le "sujet scolarisé". Il classe ces opérations selon quatre paramètres différents : a) l'espace, b) le temps, c) la ritualisation, d) le regard. Prenons les rapidement un par un.
L'ESPACE
Il s'agit d'un "art des répartitions" dans l'espace : place des élèves dans l'école et la classe, déplacements organisés (les rangs), etc. La classe apparaît ici non seulement comme un lieu où on apprend mais aussi comme un lieu où l'on surveille, où l'on hiérarchise et où on punit et récompense. Tout cela se fait sous le regard de l'enseignant (regard qui n'est pas neutre car il catégorise).
LE TEMPS
À partir du 18e siècle, dans les écoles, on cherche à organiser le temps afin qu'il soit le plus rentable possible. On additionne et on capitalise le temps. Les activités à l'école sont mises en "série". Ce type d'organisation du temps permet "tout un investissement de la durée par le pouvoir". La pratique pédagogique se révèle être une pratique disciplinaire qui assujettit l'élève à un découpage du temps selon les savoirs. La division du temps est une division des savoirs et l'enfant y est soumis.
LA RITUALISATION
À l'école, les sanctions et les examens deviennent de véritables rituels. Pour Foucault, ils sont profondément inscrits dans l'articulation SAVOIR-POUVOIR. L'école identifie donc toute une panoplie d'actes qui deviennent "pénalisables". Au 18e siècle tout écart à la règle est passible d'une punition. C'est donc dire que le "châtiment", dans le processus de dressage, joue un rôle "correctif" et non pas un rôle d'expiation ou de répression. En d'autres termes, l'art de punir a comme but la "normalisation". Par le fait même, l'école participe à l'apparition d'une nouvelle loi de la société moderne : le pouvoir de la Norme.
Si la sanction normalise, l'examen quant à lui hiérarchise. Les deux ensemble (sanction et examen comme rituels scolaires) démontrent très bien l'avènement, en quelque sorte par l'école, d'une "société disciplinaire". La pratique de l'examen à l'école est un véritable rituel de pouvoir. Se trouvent alors liés "une certaine forme d'exercice du pouvoir" et "un certain type de formation du savoir". L'examen masque le pouvoir derrière une procédure en apparence objective, neutre. La conséquence de ce rituel de l'examen est très importante. En effet, l'élève se trouve alors "fiché" : objectivé dans un réseau de documents. L'examen apparaît donc comme un "pouvoir d'écriture" qui assigne un rang. L'examen mesure et quantifie dans le but de classer (classement à partir duquel il est possible d'effectuer plusieurs opérations de gestion des élèves : promotion, exclusion, action de "redressement", etc). C'est donc dire que l'élève devient un "cas". En tant que "cas", l'élève devient "un objet pour la connaissance" ce qui fournit "une prise pour le pouvoir". Cette "école examinatoire", comme la nomme Foucault, est le théâtre des "débuts d'une pédagogie qui fonctionne comme science".
LE REGARD
Dans le contexte scolaire où règne la discipline l'élève est littéralement soumis au regard du maître. L'univers disciplinaire véhicule ce fantasme de pouvoir surveiller sans arrêt les élèves afin d'en avoir un contrôle le plus total possible. Le comportement de l'élève est donc contraint par le regard du maître.
Dans l'oeuvre de Foucault, l'école devient une sorte "d'analyseur". Elle permet en effet d'analyser l'émergence d'une "société disciplinaire". Elle est aussi un "champ d'analyse". Il s'agit du champ où le sujet "élève" devient un objet de pensée (objet de savoir objectivé) et, par le fait même, objet d'un certain type de pouvoir.
La perspective de Michel Foucault recoupe les travaux classiques dans le domaine de la sociologie de l'Éducation, lesquels démontrent très clairement la dépendance de la distribution scolaire du savoir vis-à-vis les pouvoirs économique et politique. Dans cette vision des choses, le système scolaire apparaît comme une sorte d'activité politique qui permet de modifier ou de maintenir inchangée l'appropriation des discours (donc des savoirs et des pouvoirs).
L'approche de Foucault fait ressortir à quel point l'école participe d'un type social (qui prend naissance durant la période située entre les 17e et 19e siècles) fondé sur un rapport inédit entre le pouvoir et le savoir : une belle illustration de cela c'est le parallélisme entre l'élaboration d'un savoir psychiatrique et l'enfermement dans les asiles des personnes jugées folles. La position de Foucault ne peut donc être confondue avec celle des marxistes. Il ne cherche pas à constituer une théorie économico-politique du pouvoir. Il porte en fait une attention toute particulière sur la liaison existant entre pouvoir et fabrication des savoirs.
Mais qui dit fabrication des savoirs, dit en même temps fabrication de vérités; car tous les savoirs prétendent à la vérité (surtout les savoirs scientifiques qui, par nature, tendent vers l'universel, le général). Or, les savoirs qui se disent vérité ont pour effets (les "effets de vérité") d'exclure, d'invalider, de disqualifier d'autres savoirs. Cette notion d'effets de vérité montre de quelle façon, dans une société, des effets émanant des discours auxquels on attribue la vérité, sont à la fois constitués et légitimés par des "techniques de pouvoir".
RÉFÉRENCES
Filloux, J.-C. (1992). Étude critique : Michel Foucault et l'éducation. Revue française de pédagogie. , NO 99, AVRIL-MAI-JUIN 1992, p. 115-120.
Foucault, M. (1975). Surveiller et Punir. Paris : Gallimard.
Michel Foucault situe sa problématique du SAVOIR-POUVOIR au coeur même de l'acte pédagogique. Pour lui, il n'existe pas de notion d'école ou d'éducation qui renverrait à une essence éternelle et dont on pourrait trouver l'expression à l'intérieur des institutions historiquement constituées et dans les pratiques des acteurs. En réalité, chaque époque construit, à la fois par ses pratiques et par ses discours, l'objet éducation, l'objet maître, l'objet élève.
Par sa "méthode archéologique", Foucault fait de l'histoire mais d'une manière tout à fait différente de celle de l'historien. Il ne se réfère pas à l'événementiel, il ne fait pas d'histoire sociale pas plus qu'il ne cherche des causes historiques. En réalité, Foucault utilise les matériaux historiques pour répondre à une question fondamentale qu'il se pose. On peut formuler cette question de la façon suivante : De quelle façon un savoir peut-il se constituer ?
La perspective de Michel Foucault a ceci d'original qu'elle s'intéresse avant tout à des discours et des pratiques qui constituent (au sens de fabriquer) des objets de savoirs. Il s'agit donc de reconstituer l'histoire du sujet qui parle et qui pense et du sujet qui est parlé et qui est pensé. Cette démarche sert à analyser le présent.
Avec ce programme de recherche, l'histoire devient un outil permettant de mener à bien une démarche qui tente de mettre au jour la naissance (la généalogie) de catégories de pensée — ce qui les a rendu possibles. Dans cette optique, les documents écrits (donc des formes de discours) apparaissent alors comme un type de "pratiques". Ainsi, Foucault parle de "pratiques discursives". De cette façon, il est permis de dire que les pratiques, les discours successifs à travers l'histoire, ont construit graduellement ce qu'on peut appeler l'ordre du pédagogique.
Dans son célèbre ouvrage SURVEILLER ET PUNIR (1975), Foucault démontre qu'au 18e siècle se met en place "une société de surveillance" et de normalisation (qu'il analyse à travers le cas des prisons et des écoles). Ici, savoir et assujettissement sont intimement liés. Selon Foucault, dès la naissance de l'école (qu'il situe bien entendu au 18e siècle), il s'agissait d'opérer un "dressage" adéquat de l'élève. Cela se fait par le biais 1) de l'apprentissage, 2) du savoir, 3) d'une science pédagogique et 4) d'un savoir sur l'enfant.
D'une façon très méthodique , Foucault analyse les opérations qui ont constitué le "sujet scolarisé". Il classe ces opérations selon quatre paramètres différents : a) l'espace, b) le temps, c) la ritualisation, d) le regard. Prenons les rapidement un par un.
L'ESPACE
Il s'agit d'un "art des répartitions" dans l'espace : place des élèves dans l'école et la classe, déplacements organisés (les rangs), etc. La classe apparaît ici non seulement comme un lieu où on apprend mais aussi comme un lieu où l'on surveille, où l'on hiérarchise et où on punit et récompense. Tout cela se fait sous le regard de l'enseignant (regard qui n'est pas neutre car il catégorise).
LE TEMPS
À partir du 18e siècle, dans les écoles, on cherche à organiser le temps afin qu'il soit le plus rentable possible. On additionne et on capitalise le temps. Les activités à l'école sont mises en "série". Ce type d'organisation du temps permet "tout un investissement de la durée par le pouvoir". La pratique pédagogique se révèle être une pratique disciplinaire qui assujettit l'élève à un découpage du temps selon les savoirs. La division du temps est une division des savoirs et l'enfant y est soumis.
LA RITUALISATION
À l'école, les sanctions et les examens deviennent de véritables rituels. Pour Foucault, ils sont profondément inscrits dans l'articulation SAVOIR-POUVOIR. L'école identifie donc toute une panoplie d'actes qui deviennent "pénalisables". Au 18e siècle tout écart à la règle est passible d'une punition. C'est donc dire que le "châtiment", dans le processus de dressage, joue un rôle "correctif" et non pas un rôle d'expiation ou de répression. En d'autres termes, l'art de punir a comme but la "normalisation". Par le fait même, l'école participe à l'apparition d'une nouvelle loi de la société moderne : le pouvoir de la Norme.
Si la sanction normalise, l'examen quant à lui hiérarchise. Les deux ensemble (sanction et examen comme rituels scolaires) démontrent très bien l'avènement, en quelque sorte par l'école, d'une "société disciplinaire". La pratique de l'examen à l'école est un véritable rituel de pouvoir. Se trouvent alors liés "une certaine forme d'exercice du pouvoir" et "un certain type de formation du savoir". L'examen masque le pouvoir derrière une procédure en apparence objective, neutre. La conséquence de ce rituel de l'examen est très importante. En effet, l'élève se trouve alors "fiché" : objectivé dans un réseau de documents. L'examen apparaît donc comme un "pouvoir d'écriture" qui assigne un rang. L'examen mesure et quantifie dans le but de classer (classement à partir duquel il est possible d'effectuer plusieurs opérations de gestion des élèves : promotion, exclusion, action de "redressement", etc). C'est donc dire que l'élève devient un "cas". En tant que "cas", l'élève devient "un objet pour la connaissance" ce qui fournit "une prise pour le pouvoir". Cette "école examinatoire", comme la nomme Foucault, est le théâtre des "débuts d'une pédagogie qui fonctionne comme science".
LE REGARD
Dans le contexte scolaire où règne la discipline l'élève est littéralement soumis au regard du maître. L'univers disciplinaire véhicule ce fantasme de pouvoir surveiller sans arrêt les élèves afin d'en avoir un contrôle le plus total possible. Le comportement de l'élève est donc contraint par le regard du maître.
Dans l'oeuvre de Foucault, l'école devient une sorte "d'analyseur". Elle permet en effet d'analyser l'émergence d'une "société disciplinaire". Elle est aussi un "champ d'analyse". Il s'agit du champ où le sujet "élève" devient un objet de pensée (objet de savoir objectivé) et, par le fait même, objet d'un certain type de pouvoir.
La perspective de Michel Foucault recoupe les travaux classiques dans le domaine de la sociologie de l'Éducation, lesquels démontrent très clairement la dépendance de la distribution scolaire du savoir vis-à-vis les pouvoirs économique et politique. Dans cette vision des choses, le système scolaire apparaît comme une sorte d'activité politique qui permet de modifier ou de maintenir inchangée l'appropriation des discours (donc des savoirs et des pouvoirs).
L'approche de Foucault fait ressortir à quel point l'école participe d'un type social (qui prend naissance durant la période située entre les 17e et 19e siècles) fondé sur un rapport inédit entre le pouvoir et le savoir : une belle illustration de cela c'est le parallélisme entre l'élaboration d'un savoir psychiatrique et l'enfermement dans les asiles des personnes jugées folles. La position de Foucault ne peut donc être confondue avec celle des marxistes. Il ne cherche pas à constituer une théorie économico-politique du pouvoir. Il porte en fait une attention toute particulière sur la liaison existant entre pouvoir et fabrication des savoirs.
Mais qui dit fabrication des savoirs, dit en même temps fabrication de vérités; car tous les savoirs prétendent à la vérité (surtout les savoirs scientifiques qui, par nature, tendent vers l'universel, le général). Or, les savoirs qui se disent vérité ont pour effets (les "effets de vérité") d'exclure, d'invalider, de disqualifier d'autres savoirs. Cette notion d'effets de vérité montre de quelle façon, dans une société, des effets émanant des discours auxquels on attribue la vérité, sont à la fois constitués et légitimés par des "techniques de pouvoir".
RÉFÉRENCES
Filloux, J.-C. (1992). Étude critique : Michel Foucault et l'éducation. Revue française de pédagogie. , NO 99, AVRIL-MAI-JUIN 1992, p. 115-120.
Foucault, M. (1975). Surveiller et Punir. Paris : Gallimard.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La figure de l'expert peut-elle être utile pour penser la formation à l'enseignement ?
La figure de l'expert semble impliquer des qualifications "hors catégorie", des capacités personnelles extraordinaires. Or, cela peut être un problème quand vient le temps de penser la formation à l'enseignement. Doit-on en effet attendre de ces cas spéciaux (car il s'agit bien de cela), des informations réellement pertinentes pour la formation des enseignants ? En réalité, tous les étudiants en éducation n'ont pas des aptitudes à l'enseignement égales. La formation doit pour cela viser à leur faire acquérir une base solide afin qu'ils puissent exercer leur métier d'une façon honnête. Cette formation peut-elle se baser véritablement sur ce que nous aurons appris des experts ? La question mérite d'être posée ! N'y a-t-il pas un danger à "tirer" des experts des connaissances qui — précisemment parce qu'elles viennent des experts — ne peuvent être raisonnablement apprises par des novices "ordinaires". C'est tout le problème de la capacité à transposer ces connaissances en contenu utile pour la formation des maîtres.
D'ailleurs, le savoir des experts, très fortement lié à l'expérience (même s'il n'en est pas un synonyme), ne se transpose peut-être pas, dans ce qu'il a de mieux à offrir, en programme pour futurs enseignants. Comment concilier savoir d'expérience et apprentissage en formation à l'enseignement ? En outre, parler d'expert et d'expertise n'est en aucune façon un discours neutre. Dans notre société la notion d'expertise et le vocable expert sont étroitement associés à la science et à la technique. Donc, lorsque l'on parle d'expert, on se "positionne" en quelque sorte, on parle de l'enseignement à partir d'un lieu qui n'est pas sans incidence.
Mais qu'est-ce qu'un expert ? Certains points ressortent :
1) quelqu'un qui a un savoir reconnu;
2) ce savoir est, en bonne partie, scientifique ou tout au moins technique;
3) ce savoir doit aussi être sollicité;
4) l'expert doit être reconnu officiellement;
5) l'expert agit en conseiller ou en arbitre;
6) il est crédible pour tous.
Dans le cas de l'éducation, on voit tout de suite le lien avec le débat sur la professionnalisation des enseignants (reconnaissance sociale, accroissement du pouvoir et du prestige, etc.). L'expertise apparaît, enfin de compte, comme un phénomène de pouvoir.
Le savoir de l'expert, au delà de sa dimension pratique, remplit une fonction symbolique, une fonction de légitimation. La savoir expert serait : a) celui qui est le plus rentable sur les plans techniques (efficacité) et idéologiques; b) mais aussi, de façon tautologique, le savoir de ceux qui sont reconnus comme experts.
Le problème de l'expertise se situe aussi sur le plan politique. Par exemple, selon les critères d'expertise tels qu'utilisés par les chercheurs en éducation (réussite des élèves, expérience en classe, succès personnels, formation académique et pédagogique, recommandation de personnes-ressources, expérience de formateur), l'expert apparaît alors comme celui qui remplit, de la manière la plus efficace possible, le mandat de l'institution. Il est celui qui, dans un sens, aide à la reproduction du système, celui qui cadre bien avec les buts et objectifs institutionnellement définis.
Plus haut, a été mentionné l'existence d'un lien entre expertise et science. Ce lien est important parce que la science, de nos jours, dispose d'un pouvoir social considérable : a) elle bénéficie d'un large consensus (valorisation extrême du discours scientifique ayant pour conséquence une confiance plus ou moins aveugle envers ceux qui tiennent ce discours); b) l'approche scientifique (notamment dans sa dimension technicienne) est vue comme la meilleure approche possible, en conséquence on attend d'elle la solution optimale à nos problèmes. Ce règne de la science en tant que discours de vérité (en cela, à bien des égards, elle a remplacé la religion) entraîne deux conséquences majeures : 1) la simplification abusive des situations problématiques en excluant les autres discours (ceux qui ne sont pas dits scientifiques); 2) le pouvoir énorme des experts (dangereux dans la mesure où il ne reste jamais uniquement dans la sphère de la science mais dérive toujours sur le terrain politique) qui se veut non discutable parce que fondé sur la science (langage objectif, neutre, non idéologique).
En somme, avec le triomphe de l'expertise, tout devient une question scientifique ou technique. On le constate aisément aujourd'hui où les "experts" sont appelés à donner leurs avis sur tout et sur rien et, chose plus grave encore, cela se vérifie dans cette rapidité qu'ont nos dirigeants à se camouffler derrière les rapports d'experts afin de légitimer des actions qui sont, en fait, politiques au sens fort du terme.
Il existe réellement un danger que le discours des experts, utilisé de façon idéologique, empêche complètement un débat démocratique sur "les choses de la cité". Et ce d'autant plus que le système de l'expertise a une nature auto-référentielle car il est fondé sur le privilège du savoir et de la compétence. C'est donc dire qu'il ne peut réussir à se maintenir que derrière un barrage de savoir.
Demander à la recherche sur l'expertise d'éclairer la formation des enseignants c'est, en soi, un projet qui n'est pas sans intérêt.Cependant, la formation des enseignants implique aussi des interrogations sur les finalités du système d'éducation, sur le type de structure scolaire que l'on souhaite, sur le rôle des enseignants, sur la place des élèves, l'éthique, etc. Et, ces questions capitales ne relèvent pas de la science mais du politique (au sens large de la gouverne de la cité), elles renvoient à des notions normatives, aux valeurs sociales et doivent être résolues en délibération. Le danger du recours à figure de l'expert est de réduire la relation éducative en contexte scolaire à sa seule dimension instrumentale liée à la réussite «chiffrée» des élèves à des examens ou des travaux..
Deux références utiles :
Druet, Kemp et Thill (1980). Le rôle social de l'expert et de l'expertise. Esprit, numéro d'octobre.
(critique du règne des experts)
Tochon, F.V. (1993). L'enseignant expert. Éditions Nathan.
(plutôt pro-experts)
D'ailleurs, le savoir des experts, très fortement lié à l'expérience (même s'il n'en est pas un synonyme), ne se transpose peut-être pas, dans ce qu'il a de mieux à offrir, en programme pour futurs enseignants. Comment concilier savoir d'expérience et apprentissage en formation à l'enseignement ? En outre, parler d'expert et d'expertise n'est en aucune façon un discours neutre. Dans notre société la notion d'expertise et le vocable expert sont étroitement associés à la science et à la technique. Donc, lorsque l'on parle d'expert, on se "positionne" en quelque sorte, on parle de l'enseignement à partir d'un lieu qui n'est pas sans incidence.
Mais qu'est-ce qu'un expert ? Certains points ressortent :
1) quelqu'un qui a un savoir reconnu;
2) ce savoir est, en bonne partie, scientifique ou tout au moins technique;
3) ce savoir doit aussi être sollicité;
4) l'expert doit être reconnu officiellement;
5) l'expert agit en conseiller ou en arbitre;
6) il est crédible pour tous.
Dans le cas de l'éducation, on voit tout de suite le lien avec le débat sur la professionnalisation des enseignants (reconnaissance sociale, accroissement du pouvoir et du prestige, etc.). L'expertise apparaît, enfin de compte, comme un phénomène de pouvoir.
Le savoir de l'expert, au delà de sa dimension pratique, remplit une fonction symbolique, une fonction de légitimation. La savoir expert serait : a) celui qui est le plus rentable sur les plans techniques (efficacité) et idéologiques; b) mais aussi, de façon tautologique, le savoir de ceux qui sont reconnus comme experts.
Le problème de l'expertise se situe aussi sur le plan politique. Par exemple, selon les critères d'expertise tels qu'utilisés par les chercheurs en éducation (réussite des élèves, expérience en classe, succès personnels, formation académique et pédagogique, recommandation de personnes-ressources, expérience de formateur), l'expert apparaît alors comme celui qui remplit, de la manière la plus efficace possible, le mandat de l'institution. Il est celui qui, dans un sens, aide à la reproduction du système, celui qui cadre bien avec les buts et objectifs institutionnellement définis.
Plus haut, a été mentionné l'existence d'un lien entre expertise et science. Ce lien est important parce que la science, de nos jours, dispose d'un pouvoir social considérable : a) elle bénéficie d'un large consensus (valorisation extrême du discours scientifique ayant pour conséquence une confiance plus ou moins aveugle envers ceux qui tiennent ce discours); b) l'approche scientifique (notamment dans sa dimension technicienne) est vue comme la meilleure approche possible, en conséquence on attend d'elle la solution optimale à nos problèmes. Ce règne de la science en tant que discours de vérité (en cela, à bien des égards, elle a remplacé la religion) entraîne deux conséquences majeures : 1) la simplification abusive des situations problématiques en excluant les autres discours (ceux qui ne sont pas dits scientifiques); 2) le pouvoir énorme des experts (dangereux dans la mesure où il ne reste jamais uniquement dans la sphère de la science mais dérive toujours sur le terrain politique) qui se veut non discutable parce que fondé sur la science (langage objectif, neutre, non idéologique).
En somme, avec le triomphe de l'expertise, tout devient une question scientifique ou technique. On le constate aisément aujourd'hui où les "experts" sont appelés à donner leurs avis sur tout et sur rien et, chose plus grave encore, cela se vérifie dans cette rapidité qu'ont nos dirigeants à se camouffler derrière les rapports d'experts afin de légitimer des actions qui sont, en fait, politiques au sens fort du terme.
Il existe réellement un danger que le discours des experts, utilisé de façon idéologique, empêche complètement un débat démocratique sur "les choses de la cité". Et ce d'autant plus que le système de l'expertise a une nature auto-référentielle car il est fondé sur le privilège du savoir et de la compétence. C'est donc dire qu'il ne peut réussir à se maintenir que derrière un barrage de savoir.
Demander à la recherche sur l'expertise d'éclairer la formation des enseignants c'est, en soi, un projet qui n'est pas sans intérêt.Cependant, la formation des enseignants implique aussi des interrogations sur les finalités du système d'éducation, sur le type de structure scolaire que l'on souhaite, sur le rôle des enseignants, sur la place des élèves, l'éthique, etc. Et, ces questions capitales ne relèvent pas de la science mais du politique (au sens large de la gouverne de la cité), elles renvoient à des notions normatives, aux valeurs sociales et doivent être résolues en délibération. Le danger du recours à figure de l'expert est de réduire la relation éducative en contexte scolaire à sa seule dimension instrumentale liée à la réussite «chiffrée» des élèves à des examens ou des travaux..
Deux références utiles :
Druet, Kemp et Thill (1980). Le rôle social de l'expert et de l'expertise. Esprit, numéro d'octobre.
(critique du règne des experts)
Tochon, F.V. (1993). L'enseignant expert. Éditions Nathan.
(plutôt pro-experts)
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
La raison instrumentale dans l'hypermodernité
L'individu de l'hypermodernité est l'ultime référence. Or, sa conscience est toute acquise à la raison instrumentale. Cette raison instrumentale est tournée vers la prise en compte, de manière prioritaire, de l'utile, du pragmatisme. L'hypermoderntité peut certes produire des individus autonomes et à l'esprit critique, toutefois, elle produit aussi beaucoup de solitude et fragilise la morale. En somme, la raison instrumentale peut être vue comme un ennemi de la démocratie.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
07 janvier 2011
Éduquer et persuader
Introduction
Ce petit texte a pour objectif de réfléchir sur la question de la persuasion dans la communication en contexte éducatif. Plus spécifiquement, il discute de certaines caractéristiques de la communication entre l’enseignant et les élèves et de leurs implications dans l’agir professionnel en éducation.
Sur la communication en générale
Toute communication humaine est un échange de significations et la relation éducative en contexte scolaire est une forme particulière de cet échange. Huisman (1982) distingue trois fonctions caractéristiques de la communication, distinctions qui nous paraissent d'ailleurs très utiles pour éclairer la communication éducative en contexte scolaire. Voyons-les brièvement.
Premièrement, la communication, considérée d'un point de vue général, comporte une dimension expressive, de nature affectivo-émotionnelle, dimension à travers laquelle l'émetteur transmet moins un contenu cognitif qu'il ne s'exprime lui-même à travers le geste, la posture, l'intensité et le timbre de la voix, le débit de la parole, et qui remplirait, selon Huisman, une fonction cathartique au sens où l'auteur de la communication s'exprime, se libère et se purifie des certains états psychiques internes qui alimentent le message.
Deuxièmement, la communication comporte aussi une dimension proprement persuasive qui confère au message, non seulement un aspect expressif et un aspect informatif, mais sa signification et sa direction, ce que les phénoménologues appellent l'intentionnalité, dimension qui cherche à modifier l'autre, à le faire agir dans un certain sens, à faire faire, à le transformer. Soulignons que le désir de persuader procède du désir de reconnaissance, ce qui n'est pas sans rappeler, selon Huisman, la dialectique du maître et de l'esclave de Hegel. Ce désir de persuader n'est autre, au fond, que le désir que l'autre ou les autres reconnaissent le contenu significatif de mon message. On le retrouve aisément dans la joute oratoire, les débats publics, les défenses de thèse ou encore dans la relation amoureuse.
Enfin, troisièmement, la communication comporte une dimension informative que met précisément en évidence le schéma classique Émetteur-Message-Récepteur (E-M-R). C'est une information, un contenu cognitif qui va de l'émetteur au récepteur. D'un certain point de vue, la fonction de persuasion de la communication se situe donc en deçà de la fonction d'information au sens où elle s'enracine dans la fonction d'expression qu'elle dépasse, mais en même temps, elle se situe au-delà de la fonction d'information en conférant au message sa direction et sa finalité.
Sur la communication dans la relation éducative en particulier
Dans la communication éducative en contexte scolaire, les finalités sociales, politiques, économiques et culturelles de l'éducation, le projet d'insérer l'élève dans un ordre de savoirs et de conduites qui le précède et le dépasse, confèrent à la fonction de persuasion de la communication un rôle de première importance. En ce sens nous pouvons dire que la communication éducative est une communication rhétorique. C'est également ce que montre Reboul dans son ouvrage La rhétorique (1984). L'enseignement — et l'enseignant — a toujours besoin de rhétorique : il ne lui suffit pas que son discours soit vrai pour être entendu, qu'il soit clair pour être compris, il faut aussi qu'il sache capter l'attention, atteindre celui auquel il s'adresse pour être reçu; il lui faut soutenir l'attention, susciter l'adhésion, vaincre la résistance pour libérer le désir d'apprendre et de comprendre. En d'autres termes, il ne suffit pas qu'un discours pédagogique soit transparent pour être entendu, qu'il informe pour être capté, il lui faut aussi plaire et émouvoir, à la fois toucher le coeur et l'esprit, susciter le désir et l'élan, faire sens et provoquer la rencontre.
La dimension persuasive, c'est en quelque sorte la ruse du discours pédagogique, la ruse de l'enseignant comme «maître de discours» (Angenot, 1993). La dimension persuasive de la communication éducative en contexte scolaire, c'est encore ce qui informe l'élève en s'enracinant dans l'affectivo-émotionnel dans le but de faire faire, de faire agir, de transformer dans un sens jugé souhaitable. La rhétorique, disait Reboul, est «un mélange inextricable d'affectif et de rationnel. Certes, mais ce mélange, c'est l'homme lui-même. Il est vain de croire que nous puissions jamais penser et décider de façon purement rationnelle, en tout cas pour ce qui nous concerne vraiment» (1984, p. 122).
Mais la rhétorique, dans l'enseignement, n'est pas la manipulation et le mensonge bien que le piège existe. S'il n'y a pas d'enseignement sans rhétorique, si la dimension persuasive est la ruse de la communication éducative en contexte scolaire, elle se distingue de la manipulation et se protège de ses effets en fournissant aux autres les moyens de s'approprier ses instruments, de se rendre maître de ses effets plutôt que les subir. Reboul ajoute (1984): «En tout cas, si tout enseignement comporte une rhétorique, il permet à ses élèves de s'en rendre maîtres au lieu de la subir à leur insu. Le véritable élève est celui qui n'est pas destiné à le rester. Et le véritable enseignement, celui qui ne se réduit pas à une propagande ou à un endoctrinement, enseigne sa propre rhétorique, c'est-à-dire les moyens et les méthodes par lesquels il enseigne, pour que son élève puisse ainsi s'en rendre maître» (1984, p. 111).
Bien que la rhétorique lui soit nécessaire, le discours pédagogique n'est donc pas sensé être un discours de propagande ou un discours de doctrinaire qui enfonce sa doctrine et qui se donne pour seule vérité à l'exclusion de tous les autres discours. À l'encontre de ces perversions discursives et idéologiques, l'enseignant fournit à ses élèves les outils nécessaires pour maîtriser la rhétorique utilisée. Si la pratique enseignante a besoin de l’ordre (dans les contenus à enseigner comme dans les comportements des élèves), elle n'est certes pas un discours et une pratique totalitaire. Dit autrement, la pédagogie est un discours conscient de sa fragilité (les savoirs sur lesquels elle repose sont relatifs, transitoires, partiels), de son inscription dans l'action et le contingent. L'enseignant cherche à provoquer le désir, non à le pervertir; il vise la liberté de l'élève, non son assujettissement. En ce sens la rhétorique est éducatrice, et l'enseignement qui donne les moyens de ses effets permet de mettre au jour les propres ruses des discours, d'être lucide et critique envers soi-même et les autres. En rusant et en donnant les moyens de ses ruses, l'enseignement est ici régulation éthique de la ruse.
Pour revenir à Huisman (1982), la distinction qu'il propose entre efficacité et efficience est intéressante. Elle nous permet d'envisager les effets pervers de la communication. L'efficacité désigne l'aptitude d'un moyen à atteindre une fin; l'efficience c'est l'ensemble des effets produits par un acteur quelconque (p. 26). Pour une efficacité maximale, Huisman montre bien que le besoin d'expression doit être subordonné ou focalisé sur la fin poursuivie.
Mais convaincre (nous dirions plutôt persuader suivant en cela la distinction de Perelman, 1977) n'est pas vaincre comme Huisman le rappelle. Si dans le convaincre (le persuader) l'émetteur n'utilise pas de moyens coercitifs, s'il ne peut forcer l'adhésion ou la provoquer en maquillant son manège, il utilise en revanche une gamme de détours. Mais le détour ne témoigne-t-il pas d'une intelligence de la situation, d'une sagacité, d'un éveil et d'un sens de l'occasion ? Ne témoigne-t-il pas encore d'un savoir faire et d'un savoir dire, d'une heureuse tournure dans la trame du discours ? Les détours ici ne sont-ils pas autant de ruses, de jeux et de mots pour parvenir à ses fins ? Et, l'enseignant n'est-il pas alors aussi, comme «maître de discours», un maître de détours ?
Recourir au détour, la ruse dirions-nous, c'est, en quelque sorte, reconnaître l'autre et sa différence dit Huisman (1982, p. 32), reconnaître que l'autre n'est pas tout-à-fait où nous avions cru le trouver, reconnaître qu'il résiste, qu'il peut être ailleurs, qu'il peut être là où nul discours ne l'atteint, qu'il peut être là où nous n'étions pas ou qu'il n'est pas où nous sommes (Meirieu, 1995; Perrenoud, 1994). Reconnaître l'autre, c'est encore aller à sa rencontre, rencontrer son monde, ses mots et ses images, risquer le détour pour qu'il le risque à son tour. «Le plus court chemin pour convaincre, c'est le détour» (Huisman, 1982). La stratégie persuasive allie donc une focalisation sur le but à atteindre et l'utilisation de détours.
Cependant, cela est inévitable, dans la communication il se produit chez le destinataire des résistances qui sont liées à ses opinions, à ses intérêts ou à ses états affectivo-émotionnels ou son inconscient. Huisman analyse quatre types de résistance, c'est-à-dire des résistances qui ne permettent pas la rencontre. Le quatrième type est particulièrement intéressant, celui qui renvoie à la neutralité du destinataire, car, bien sûr, l'enseignement en fournit de multiples exemples.
Pour contre l'indifférence du destinataire (ici l’élève), l'émetteur cherche à provoquer l'identification : «moins les élèves sont motivés, plus joue le coefficient personnel du pédagogue» (1982, p. 40), plus l'affectivité entre en jeu. Et tout le travail consiste à faire du destinataire un agent, l'auteur autonome de sa conviction pour que s'efface graduellement en lui le souvenir que cette conviction lui fut d'abord extérieure. «Ainsi dans le langage étonnamment pertinent de Pascal faut-il dire que le coeur comporte une efficacité qui dépasse incommensurablement celle de la raison» (p. 40). La persuasion est atteinte si le destinataire dépasse ses résistances à la faveur d'un mouvement affectivo-émotionnel et tout l'art de la persuasion ne réside pas dans un ensemble de moyens pour vaincre les résistances du destinataire, mais «dans l'aptitude de l'émetteur à aider le récepteur à vaincre lui-même ses résistances» (p. 41). Ainsi, convaincre n'est pas vaincre, mais aider l'autre à se vaincre lui-même, à lutter contre l'apathie, la peur, à lutter contre tout ce qui en lui, l'empêche de devenir autre, de rencontrer, de s'éduquer (Meirieu, 1995). La persuasion réussie est une rencontre, une victoire commune.
Conclusion
En somme, enseigner c’est, dans une certaine mesure, jouer avec les mots au profit de l’apprentissage des élèves. Il s’agit, il va sans dire d’un jeu qui peut être dangereux car personne n’est à l’abri de dérapages qui conduiraient à la manipulation. Toutefois, un usage éthique des ruses et des astuces de la rhétorique et de l’art de l’argumentation, peut considérablement aider l’enseignant dans son travail relationnel au quotidien auprès des élèves. Or, étrangement, cette part du travail enseignant est peu abordée tant en formation initiale à l’enseignement à l’université qu’en formation continue. Pourtant, comme l’a pertinemment souligné Runtz-Christan (2000), être enseignant c’est un peu être un comédien.
Références
Angenot, P. (1993). Un défi pour la formation fondamentale des enseignants : le pédagogue cultivé. Dans Le savoir des enseignants. Que savent-ils ? (Sous la dir. de C. Gauthier, M. Tardif et M. Mellouki). Montréal : Logiques. p. 49-70.
Huisman, D. (1982). Le dire et le faire. Paris : C.D.U. et Sedes.
Meirieu, P. (1995). La pédagogie entre le dire et le faire. Paris : ESF.
Perelman, C. (1977). L'Empire rhétorique : rhétorique et argumentation. Paris : Vrin.
Perrenoud, P. (1994). Métier d'élève et sens du travail scolaire. Paris : ESF.
Reboul, O. (1984). La rhétorique. Paris : P.U.F.
Runtz-Christan, E. (2000). Enseignant et comédien, un même métier ? Paris : ESF.
Ce petit texte a pour objectif de réfléchir sur la question de la persuasion dans la communication en contexte éducatif. Plus spécifiquement, il discute de certaines caractéristiques de la communication entre l’enseignant et les élèves et de leurs implications dans l’agir professionnel en éducation.
Sur la communication en générale
Toute communication humaine est un échange de significations et la relation éducative en contexte scolaire est une forme particulière de cet échange. Huisman (1982) distingue trois fonctions caractéristiques de la communication, distinctions qui nous paraissent d'ailleurs très utiles pour éclairer la communication éducative en contexte scolaire. Voyons-les brièvement.
Premièrement, la communication, considérée d'un point de vue général, comporte une dimension expressive, de nature affectivo-émotionnelle, dimension à travers laquelle l'émetteur transmet moins un contenu cognitif qu'il ne s'exprime lui-même à travers le geste, la posture, l'intensité et le timbre de la voix, le débit de la parole, et qui remplirait, selon Huisman, une fonction cathartique au sens où l'auteur de la communication s'exprime, se libère et se purifie des certains états psychiques internes qui alimentent le message.
Deuxièmement, la communication comporte aussi une dimension proprement persuasive qui confère au message, non seulement un aspect expressif et un aspect informatif, mais sa signification et sa direction, ce que les phénoménologues appellent l'intentionnalité, dimension qui cherche à modifier l'autre, à le faire agir dans un certain sens, à faire faire, à le transformer. Soulignons que le désir de persuader procède du désir de reconnaissance, ce qui n'est pas sans rappeler, selon Huisman, la dialectique du maître et de l'esclave de Hegel. Ce désir de persuader n'est autre, au fond, que le désir que l'autre ou les autres reconnaissent le contenu significatif de mon message. On le retrouve aisément dans la joute oratoire, les débats publics, les défenses de thèse ou encore dans la relation amoureuse.
Enfin, troisièmement, la communication comporte une dimension informative que met précisément en évidence le schéma classique Émetteur-Message-Récepteur (E-M-R). C'est une information, un contenu cognitif qui va de l'émetteur au récepteur. D'un certain point de vue, la fonction de persuasion de la communication se situe donc en deçà de la fonction d'information au sens où elle s'enracine dans la fonction d'expression qu'elle dépasse, mais en même temps, elle se situe au-delà de la fonction d'information en conférant au message sa direction et sa finalité.
Sur la communication dans la relation éducative en particulier
Dans la communication éducative en contexte scolaire, les finalités sociales, politiques, économiques et culturelles de l'éducation, le projet d'insérer l'élève dans un ordre de savoirs et de conduites qui le précède et le dépasse, confèrent à la fonction de persuasion de la communication un rôle de première importance. En ce sens nous pouvons dire que la communication éducative est une communication rhétorique. C'est également ce que montre Reboul dans son ouvrage La rhétorique (1984). L'enseignement — et l'enseignant — a toujours besoin de rhétorique : il ne lui suffit pas que son discours soit vrai pour être entendu, qu'il soit clair pour être compris, il faut aussi qu'il sache capter l'attention, atteindre celui auquel il s'adresse pour être reçu; il lui faut soutenir l'attention, susciter l'adhésion, vaincre la résistance pour libérer le désir d'apprendre et de comprendre. En d'autres termes, il ne suffit pas qu'un discours pédagogique soit transparent pour être entendu, qu'il informe pour être capté, il lui faut aussi plaire et émouvoir, à la fois toucher le coeur et l'esprit, susciter le désir et l'élan, faire sens et provoquer la rencontre.
La dimension persuasive, c'est en quelque sorte la ruse du discours pédagogique, la ruse de l'enseignant comme «maître de discours» (Angenot, 1993). La dimension persuasive de la communication éducative en contexte scolaire, c'est encore ce qui informe l'élève en s'enracinant dans l'affectivo-émotionnel dans le but de faire faire, de faire agir, de transformer dans un sens jugé souhaitable. La rhétorique, disait Reboul, est «un mélange inextricable d'affectif et de rationnel. Certes, mais ce mélange, c'est l'homme lui-même. Il est vain de croire que nous puissions jamais penser et décider de façon purement rationnelle, en tout cas pour ce qui nous concerne vraiment» (1984, p. 122).
Mais la rhétorique, dans l'enseignement, n'est pas la manipulation et le mensonge bien que le piège existe. S'il n'y a pas d'enseignement sans rhétorique, si la dimension persuasive est la ruse de la communication éducative en contexte scolaire, elle se distingue de la manipulation et se protège de ses effets en fournissant aux autres les moyens de s'approprier ses instruments, de se rendre maître de ses effets plutôt que les subir. Reboul ajoute (1984): «En tout cas, si tout enseignement comporte une rhétorique, il permet à ses élèves de s'en rendre maîtres au lieu de la subir à leur insu. Le véritable élève est celui qui n'est pas destiné à le rester. Et le véritable enseignement, celui qui ne se réduit pas à une propagande ou à un endoctrinement, enseigne sa propre rhétorique, c'est-à-dire les moyens et les méthodes par lesquels il enseigne, pour que son élève puisse ainsi s'en rendre maître» (1984, p. 111).
Bien que la rhétorique lui soit nécessaire, le discours pédagogique n'est donc pas sensé être un discours de propagande ou un discours de doctrinaire qui enfonce sa doctrine et qui se donne pour seule vérité à l'exclusion de tous les autres discours. À l'encontre de ces perversions discursives et idéologiques, l'enseignant fournit à ses élèves les outils nécessaires pour maîtriser la rhétorique utilisée. Si la pratique enseignante a besoin de l’ordre (dans les contenus à enseigner comme dans les comportements des élèves), elle n'est certes pas un discours et une pratique totalitaire. Dit autrement, la pédagogie est un discours conscient de sa fragilité (les savoirs sur lesquels elle repose sont relatifs, transitoires, partiels), de son inscription dans l'action et le contingent. L'enseignant cherche à provoquer le désir, non à le pervertir; il vise la liberté de l'élève, non son assujettissement. En ce sens la rhétorique est éducatrice, et l'enseignement qui donne les moyens de ses effets permet de mettre au jour les propres ruses des discours, d'être lucide et critique envers soi-même et les autres. En rusant et en donnant les moyens de ses ruses, l'enseignement est ici régulation éthique de la ruse.
Pour revenir à Huisman (1982), la distinction qu'il propose entre efficacité et efficience est intéressante. Elle nous permet d'envisager les effets pervers de la communication. L'efficacité désigne l'aptitude d'un moyen à atteindre une fin; l'efficience c'est l'ensemble des effets produits par un acteur quelconque (p. 26). Pour une efficacité maximale, Huisman montre bien que le besoin d'expression doit être subordonné ou focalisé sur la fin poursuivie.
Mais convaincre (nous dirions plutôt persuader suivant en cela la distinction de Perelman, 1977) n'est pas vaincre comme Huisman le rappelle. Si dans le convaincre (le persuader) l'émetteur n'utilise pas de moyens coercitifs, s'il ne peut forcer l'adhésion ou la provoquer en maquillant son manège, il utilise en revanche une gamme de détours. Mais le détour ne témoigne-t-il pas d'une intelligence de la situation, d'une sagacité, d'un éveil et d'un sens de l'occasion ? Ne témoigne-t-il pas encore d'un savoir faire et d'un savoir dire, d'une heureuse tournure dans la trame du discours ? Les détours ici ne sont-ils pas autant de ruses, de jeux et de mots pour parvenir à ses fins ? Et, l'enseignant n'est-il pas alors aussi, comme «maître de discours», un maître de détours ?
Recourir au détour, la ruse dirions-nous, c'est, en quelque sorte, reconnaître l'autre et sa différence dit Huisman (1982, p. 32), reconnaître que l'autre n'est pas tout-à-fait où nous avions cru le trouver, reconnaître qu'il résiste, qu'il peut être ailleurs, qu'il peut être là où nul discours ne l'atteint, qu'il peut être là où nous n'étions pas ou qu'il n'est pas où nous sommes (Meirieu, 1995; Perrenoud, 1994). Reconnaître l'autre, c'est encore aller à sa rencontre, rencontrer son monde, ses mots et ses images, risquer le détour pour qu'il le risque à son tour. «Le plus court chemin pour convaincre, c'est le détour» (Huisman, 1982). La stratégie persuasive allie donc une focalisation sur le but à atteindre et l'utilisation de détours.
Cependant, cela est inévitable, dans la communication il se produit chez le destinataire des résistances qui sont liées à ses opinions, à ses intérêts ou à ses états affectivo-émotionnels ou son inconscient. Huisman analyse quatre types de résistance, c'est-à-dire des résistances qui ne permettent pas la rencontre. Le quatrième type est particulièrement intéressant, celui qui renvoie à la neutralité du destinataire, car, bien sûr, l'enseignement en fournit de multiples exemples.
Pour contre l'indifférence du destinataire (ici l’élève), l'émetteur cherche à provoquer l'identification : «moins les élèves sont motivés, plus joue le coefficient personnel du pédagogue» (1982, p. 40), plus l'affectivité entre en jeu. Et tout le travail consiste à faire du destinataire un agent, l'auteur autonome de sa conviction pour que s'efface graduellement en lui le souvenir que cette conviction lui fut d'abord extérieure. «Ainsi dans le langage étonnamment pertinent de Pascal faut-il dire que le coeur comporte une efficacité qui dépasse incommensurablement celle de la raison» (p. 40). La persuasion est atteinte si le destinataire dépasse ses résistances à la faveur d'un mouvement affectivo-émotionnel et tout l'art de la persuasion ne réside pas dans un ensemble de moyens pour vaincre les résistances du destinataire, mais «dans l'aptitude de l'émetteur à aider le récepteur à vaincre lui-même ses résistances» (p. 41). Ainsi, convaincre n'est pas vaincre, mais aider l'autre à se vaincre lui-même, à lutter contre l'apathie, la peur, à lutter contre tout ce qui en lui, l'empêche de devenir autre, de rencontrer, de s'éduquer (Meirieu, 1995). La persuasion réussie est une rencontre, une victoire commune.
Conclusion
En somme, enseigner c’est, dans une certaine mesure, jouer avec les mots au profit de l’apprentissage des élèves. Il s’agit, il va sans dire d’un jeu qui peut être dangereux car personne n’est à l’abri de dérapages qui conduiraient à la manipulation. Toutefois, un usage éthique des ruses et des astuces de la rhétorique et de l’art de l’argumentation, peut considérablement aider l’enseignant dans son travail relationnel au quotidien auprès des élèves. Or, étrangement, cette part du travail enseignant est peu abordée tant en formation initiale à l’enseignement à l’université qu’en formation continue. Pourtant, comme l’a pertinemment souligné Runtz-Christan (2000), être enseignant c’est un peu être un comédien.
Références
Angenot, P. (1993). Un défi pour la formation fondamentale des enseignants : le pédagogue cultivé. Dans Le savoir des enseignants. Que savent-ils ? (Sous la dir. de C. Gauthier, M. Tardif et M. Mellouki). Montréal : Logiques. p. 49-70.
Huisman, D. (1982). Le dire et le faire. Paris : C.D.U. et Sedes.
Meirieu, P. (1995). La pédagogie entre le dire et le faire. Paris : ESF.
Perelman, C. (1977). L'Empire rhétorique : rhétorique et argumentation. Paris : Vrin.
Perrenoud, P. (1994). Métier d'élève et sens du travail scolaire. Paris : ESF.
Reboul, O. (1984). La rhétorique. Paris : P.U.F.
Runtz-Christan, E. (2000). Enseignant et comédien, un même métier ? Paris : ESF.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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