L’enseignement : un champ de pratique aux savoirs
pluriels
Les savoirs que
développent les enseignants s’alimentent à différentes sources : les
sciences de l’éducation; les savoirs des disciplines académiques; les
programmes scolaires; la tradition pédagogique; la culture en général; l’histoire
personnelle du sujet; les expériences personnelles du travailleur. On peut risquer ici une typologie qui comme toutes celles qui
existent, comporte des lacunes et peut être perfectible. Son usage se veut essentiellement
heuristique.
Le savoir de la tradition pédagogique
Une tradition
pédagogique s'est mise en place à compter du XVIIe siècle. En fait, dès ce moment une façon
nouvelle de faire l'école se structure.
Le maître cesse de faire l'école au singulier, c'est-à-dire d'enseigner
en recevant les élèves à tour de rôle au bureau. Désormais, il pratique davantage
l'enseignement simultané en s'adressant à l'ensemble des élèves en même temps. Cette
tradition pédagogique est le «savoir faire l'école» qui transparaît dans une
sorte d'entre-deux de la conscience. Cette représentation du métier, beaucoup
plus robuste qu'on peut le croire à première vue, à défaut d'être dévoilée et
critiquée, sert de matrice pour guider les actions, les jugements et les
attitudes des enseignants.
Le savoir des sciences de l'éducation
Il s’agit d’un savoir
professionnel spécifique qui ne concerne pas directement l'action pédagogique
mais lui sert, comme aux autres membres de son métier socialisés de la même
manière, de toile de fond. Ce type de
savoirs traverse et tapisse la façon de l'enseignant d'exister
professionnellement et constitue une autre marque de différenciation sociale et
professionnelle. Il s’alimente à même les disciplines contributrices : anthropologie, histoire, philosophie, psychologie, sociologie, entre autres.
Le savoir disciplinaire
Le savoir disciplinaire
réfère aux savoirs produits par les chercheurs et les penseurs dans les
diverses disciplines scientifiques, artistiques, philosophiques qui alimentent
les contenus scolaires. L'enseignant ne produit pas du savoir disciplinaire à
proprement parler mais, pour enseigner, il extrait du savoir de celui produit
par ces chercheurs et l’interprète en vue de le rendre compréhensible par les
élèves. En effet, enseigner nécessite une connaissance du contenu à transmettre
puisqu'on ne peut évidemment enseigner quelque chose si on n'en maîtrise pas le
contenu.
Le savoir curriculaire
Une discipline n'est
jamais enseignée telle quelle, elle fait l'objet de nombreuses transformations
pour devenir un curriculum. En effet, l'école sélectionne et organise certains
savoirs produits par les sciences et en fait un corpus qui sera inclus dans les
programmes scolaires. Ces derniers sont produits par d'autres acteurs que les
enseignants, souvent des fonctionnaires de l'État ou des spécialistes des
diverses disciplines. L'enseignant connaît évidemment son programme qui
constitue un autre savoir de son réservoir de connaissances. C'est, en effet, le programme qui lui sert de
guide pour planifier, évaluer, etc.
Le savoir d'action pédagogique
Il s’agit du savoir
produit par la recherche en enseignement qui a des visées pragmatique et
ontogénique. La didactique, la pédagogie sont les deux
disciplines les plus connues qui produisent ce type de savoir, lequel, sans
oublier les enjeux nomothétiques, se concentre sur la résolution de problèmes
et sur le perfectionnement des pratiques professionnelles. En ce sens, le
savoir d’action pédagogique concerne directement l’action enseignante.
Le savoir d'expérience
Le savoir d’expérience
des enseignants est un “savoir ouvragé” c’est-à-dire qu’il est lié aux tâches
de travail, mobilisé dans la pratique et acquis dans l’action à l’école en
général et dans la classe en particulier. C’est un
“savoir pratique”, en ceci que son utilisation est fonction de son adéquation
aux tâches concrètes que requiert l’enseignement, aux problèmes que
l’enseignant rencontre et aux situations qu’il vit. Le savoir d’expérience est
par ailleurs un “savoir syncrétique, pluriel et hétérogène” qui ne repose pas
sur une base de connaissances unifiée et cohérente. Il porte en outre la marque
de la personnalité de l’enseignant et il est lié non seulement à l’expérience
de travail mais également à l’histoire de vie du sujet. Enfin, le savoir
d’expérience est un “savoir social” en ce sens qu’il conduit l’enseignant d’une
part, à prendre position vis-à-vis les autres types de savoirs et ceux qui en
sont les porteurs, et, d’autre part, à établir une hiérarchie des savoirs selon
l’analyse du travail qu’il effectue.
Référence :
Gauthier,
C., Desbiens, J.-F., Malo, A., Martineau, S., Simard, D. (1997). Pour
une théorie de la pédagogie. Recherches contemporaines sur le savoir des
enseignants. Québec : Les Presses de l'Université Laval,
collection Formation et Profession; Bruxelles : Éditions De Boeck
pour l’Europe.
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