LES SOPHISTES
Dans
une certaine mesure, on peut dire que les premiers enseignants sont des
philosophes, plus spécifiquement les Sophistes. Ce sont des
savants, des critiques de la société et leur arme est le langage. Celui-ci est vu avant tout comme un instrument de pouvoir. Ce sont des
relativistes qui enseignent qu’il n’existe pas de vérités absolues, que tout
est relatif, question d’opinion. Les Sophistes enseignent aux adolescents
(garçons) pour de l’argent alors que les enfants sont confiés aux femmes. Ils
ne sont spécialistes que de l’enseignement. Ils leur enseignent à bien parler
en public, la grammaire, la rhétorique, la dialectique, lesquelles s’opposent à
l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique (acoustique). Se
dessine donc déjà l’opposition entre deux formes d’éducation générale
(paidéia) : l’une convenant à l’ingénieur, l’autre au politicien.
Cet
enseignement représente bien le contexte social et culturel des Grecs.
Leur société est démocratique et, dans ce cadre, savoir parler est un outil de
pouvoir. Leur culture ayant perdu ses repères, les enseignants professent que
toute connaissance est relative (la connaissance n’est plus révélation des
dieux mais invention des hommes). Cette éducation se distingue de l’éducation
familiale, elle se fait en dehors de la famille et moyennant un paiement. Par
rapport à l’éducation artisanale, elle est non spécialisée, elle dispense une
culture générale.
SOCRATE
Socrate prétend ne posséder aucun savoir. Il enseigne à tous ceux qui veulent
s’entretenir avec lui. Il se comporte ainsi car il cherche à connaître, il
cherche l’essence des choses. Il s’oppose à la fois aux Sophistes qui
prétendent tout savoir et aux ignorants béats qui ignorent leur ignorance. Socrate est un homme en quête de savoir. Sa façon
d’enseigner est la maïeutique, c’est-à-dire l’art du questionnement par lequel
le maître fait accoucher le disciple de la vérité qu’il portait en lui mais dont il n'avait plus conscience. Le but de l’apprentissage, pour
Socrate, est de connaître non pas pour maîtriser le monde matériel ou pour
réussir dans la vie mais pour s’améliorer sur le plan moral. Socrate n’a pas
une vision utilitariste du savoir. Pour lui, la connaissance est garante d’une
perfectibilité de l’être humain. Plus on sait, mieux on est. Toutefois, la
connaissance encyclopédique n’est pas un but en soi. En effet, le «connais-toi
toi-même» de l’oracle de Delphes est moins une invitation à tout connaître qu’à
approfondir la condition humaine. La première tâche de l’enseignant est donc de
faire prendre conscience à autrui de son ignorance pour l’amener à
s’interroger.
Socrate
représente un exemple de l’homme nouveau. Il ne peut plus se satisfaire des
croyances traditionnelles, ni des fausses certitudes des supposés savants. Il
est l’homme du doute, il cherche les fondements de ses actions et de ses
croyances. Mais il est aussi l’homme de la certitude, celle que la vérité
existe et que l’homme peut l’atteindre.
L’éducation
socratique est ainsi une éducation basée sur la conviction que tout être
adulte est rationnel, capable d’apprendre. Elle définit aussi l’acte
d’apprendre comme un processus où l’apprenant est actif et non passif. Le
dialogue est au cœur de ce processus.
Socrate sera condamné à mort pour avoir apparemment corrompu la jeunesse athénienne avec ses pratiques et ses idées. Le procès de Socrate c’est un procès contre la pensée qui interroge.
PLATON
Platon
est un disciple de Socrate. Il a environ 28 ans quand Socrate meurt. Platon veut aller plus loin que Socrate car
sa mort est, selon lui, l’échec non pas de sa pensée mais de son éducation ;
le dialogue ne suffit pas. Platon va lier étroitement politique et éducation
ainsi qu’en témoigne son ouvrage La
République. Réformer la société, sortir de la crise de la culture nécessite
la création d’un être nouveau. Or, cet être neuf ne peut émerger que par
l’éducation. Mieux on éduque, moins on a besoin de coercition.
Son
système philosophique est fondé sur la dualité du monde. Pour
ce philosophe, il existe deux mondes : le nôtre et celui des Idées ou
essences. La connaissance véritable porte non pas sur le contingent mais sur
l’absolu. Ensuite, l’absolu c’est ce qui ne change pas. Ce qui ne change pas ce
sont les Idées pures (le Beau, le Bien, etc.). Le seul savoir qui compte
vraiment c’est celui qui porte sur les essences. La connaissance véritable est
donc purement contemplative.
Pour
Platon, connaître c’est répondre à un appel vers l’élévation, c’est un acte
passionnel. La nature de l’éducation est un processus de
libération qui va des connaissances purement sensorielles vers les Idées pures.
Pour lui, le but de l’éducation est de vaincre les passions du corps pour
laisser éclore la pensée rationnelle. Pour permettre son atteinte, il faudra un
long processus d’apprentissage qui comporte différents paliers où l’individu en
formation voit graduellement ses croyances remises en question, où il vit des
expériences de rupture (mythe de la caverne).
Platon
est le premier penseur occidental à concevoir un programme éducatif allant de
l’enfance à l’âge adulte. Contrairement à Socrate, l’éducation est ouverte à
tous : les garçons comme les filles, les riches comme les pauvres. Le
mérite seul déterminera les statuts et vocations. Dans ce cadre, le savoir de
l’enseignant ne sera pas limité à savoir parler, comme chez les Sophistes,
ou du savoir argumenter comme le faisait Socrate. L’enseignant doit plutôt
détenir un savoir objectif basé sur la contemplation des essences. L’activité
éducative cesse ainsi graduellement de n’être qu’un modèle de communication
pour devenir un véritable programme cognitif. L’accent ne porte plus sur la
relation entre deux individus mais sur un triangle : l’enseignant,
l’étudiant, le savoir.
En
s’interrogeant sur les finalités de la connaissance et de l’éducation, Socrate
et Platon ont cherché non pas seulement à connaître les objets mais aussi à
connaître ce qui est bien, à identifier le Bien. Ainsi, leur enseignement vise en quelque
sorte à identifier les savoirs qui doivent diriger notre conduite. Or, pour
eux, connaître le Bien c’est obligatoirement le vouloir car la connaissance du
bien n’est pas seulement représentation d’un objet mais aussi conscience d’une
valeur. En effet, nul ne peut vouloir ce qu’il juge contraire à ses intérêts,
ce qu’il croit sincèrement comme mal. Ainsi, pour Socrate et Platon, la volonté
est déterminée par la connaissance. Celui qui connaît le vrai Bien voudra le
vrai bien. Connaissance et vertu sont donc liées. L’éducation qu’ils visent est
donc une éducation morale liée à la société (démocratie) et à la culture
(crise).
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