Introduction
Plusieurs auteurs mettent en évidence que la direction d’une école joue
un rôle crucial quant à l’insertion et à la rétention des enseignants
débutants. Par ailleurs, un sondage effectué auprès de 359 enseignants ayant
quitté la profession révèle que la principale raison pour laisser
l’enseignement est le manque de soutien pour les enseignants débutants de la
part des administrateurs (Eggen, 2002). Même constat dans la recherche de
Johnson et Birkeland (2003) où les enseignants débutants interrogés citent leur
insatisfaction quant au soutien administratif plus souvent qu’aucun autre
facteur comme raison pour changer d’école. La question du rôle des directions
dans le soutien à l’insertion professionnelle apparaît donc importante et c’est
pourquoi ce court texte présente une brève synthèse des écrits sur le sujet.
Le recrutement
Un des premiers rôles que la direction peut avoir à jouer auprès des
novices est le recrutement. En effet, dans plusieurs écoles, c’est à la
direction qu’il incombe de recruter les nouveaux enseignants. Comme le souligne
Brossard (1999b), la sélection du personnel est très importante si la direction
veut s’assurer d’avoir un bon climat au sein de l’école. Pour ceux qui seront
sélectionnés, la direction représentera souvent la première personne qu’ils
connaîtront dans l’école (Brock et Grady, 1997). Il est donc crucial que ce
premier contact entre la direction et le novice se passe bien, et ce, afin que
par la suite, le débutant se sente à l’aise de demander du soutien à la
direction, le moment venu.
Selon
une étude de Wood (2005) portant sur le rôle de la direction dans un programme
d’insertion, la fonction de recruteur est particulièrement importante. En
effet, le fait d’être employé directement par la direction peut avoir une
influence sur la rétention des novices et sur leur façon de faire face aux
problèmes : « When faced with
challenging classroom dilemmas, these novice teachers often persevered longer
in solving their problems than those who had not experienced this direct
recruitment by a site administrator. » (Wood, 2005, p. 53).
L’accueil
Selon Vogel (2004), une fois les novices recrutés, la première tâche de
soutien qui incombe à la direction consiste à fournir aux nouveaux enseignants
certaines informations quant au fonctionnement et à l’organisation de l’école.
Le ministère de l’éducation du Québec (1996) renchérit en soulignant que la direction doit entre autres informer le novice
sur le projet éducatif, les règles de vie et de conduite de l’école, les
services disponibles et l’organisation physique de l’école. La direction peut
également informer le novice quant aux ressources qui sont à sa disposition et
aux mesures de soutien disponibles. Par exemple, si un programme d’insertion
est offert dans la commission scolaire ou dans l’école, la direction doit
veiller à en aviser le novice.
En plus de son rôle d’information,
la direction a un important rôle d’accueil lors de la rentrée scolaire.
Baillauquès et Breuse (1993) présentent ce rôle qu’a la direction scolaire en
début d’année en ces termes : « Mettre
le nouveau venu à l’aise, lui faciliter le travail, lui apporter l’aide ou le
conseil qu’il sollicite, lui faire sentir qu’il n’est pas un intrus mais un
collègue à part entière avec lequel il va faire bon travailler, doit être
l’objectif premier de l’accueil. » (p. 157).
Lors d’une table ronde sur
l’insertion professionnelle, réalisée avec dix gestionnaires québécois (Céré,
2003), les participants ont souligné la nécessité pour les directions
d’établissements scolaires d’offrir un accueil personnalisé aux nouveaux
enseignants en début d’année et même d’organiser une réunion collective avec
tous les enseignants débutants. Une
autre mesure d’accueil pouvant être utilisée afin de bien informer les nouveaux
enseignants en début d’année est de leur offrir un dossier d’information contenant
divers documents tels que la convention collective, le projet éducatif, le code
de vie de l’école, etc.
Enfin, la direction doit également informer
le débutant de son horaire, lui faire visiter l’école et le présenter aux
autres enseignants ainsi qu’aux autres membres du personnel (MEQ, 1996). Les
personnes-ressources avec lesquelles l’enseignant pourrait devoir intervenir en
cours d’année lui seront alors présentées.
Les attentes
Il est particulièrement important
que la direction fasse connaître dès le départ ses attentes envers le débutant.
Cela permettra d’établir une communication authentique entre la direction et le
novice. De plus, selon Brock et Grady (1998), qui ont mené une étude sur le
rôle de la direction quant à l’insertion des enseignants débutants, les
nouveaux enseignants souhaitent répondre aux attentes de la direction et s’ils
sentent qu’ils ne peuvent le faire, ils peuvent se sentir frustrés, anxieux ou
abandonnés, ce qui nuira à leur bonne insertion professionnelle.
En plus d’être formulées clairement,
les attentes de la direction envers les novices doivent donc être réalistes
afin que ces derniers puissent y répondre convenablement. Malheureusement,
selon une étude menée par Martineau (Martineau et Presseau, 2003), il
semblerait que ce ne soit pas toujours le cas et que les attentes de la
direction envers les débutants soient souvent particulièrement élevées. En
effet, cette étude révèle que la direction attend notamment des novices qu’ils
soient capables de bien gérer la classe, qu’ils participent activement à la vie
de l’école, qu’ils aient une bonne confiance en eux, qu’ils agissent à titre de
modèles pour les élèves, qu’ils maîtrisent différentes méthodes pédagogiques et
qu’ils soient capables de travailler en équipe avec leurs collègues. Ces
nombreuses attentes peuvent être source de stress chez le novice, qui ne
possède pas nécessairement toutes ces compétences et connaissances dès l’entrée dans la profession
et qui doit donc apprendre à les développer progressivement afin de répondre
aux exigences de la direction.
Une relation positive
De manière plus générale, plusieurs
recherches soulignent que l’insertion professionnelle des débutants est
facilitée s’ils peuvent entretenir une relation positive avec la direction de
l’école. Pour les administrateurs scolaires, l’établissement d’une telle
relation positive avec les enseignants novices implique notamment une attitude
d’ouverture, de respect, de disponibilité et d’écoute. La direction doit
démontrer qu’elle comprend que les enseignants novices n’ont pas beaucoup
d’expérience et qu’ils peuvent parfois faire des erreurs. Ainsi, les
enseignants débutants pourront se sentir à l’aise d’aller consulter la
direction ou d’aller lui parler de problèmes.
En outre, le débutant doit être
reconnu comme membre à part entière de l’équipe-école, c’est-à-dire qu’il doit
être considéré comme égal aux autres enseignants et qu’il doit pouvoir
bénéficier des mêmes privilèges (Jobin, 2003). Ainsi, qu’il soit permanent ou
non, enseignant suppléant ou régulier, l’enseignant débutant mérite la même
considération de la part de la direction qu’un enseignant d’expérience.
Afin de favoriser la communication,
il faut également que la direction indique clairement aux débutants qu’elle est
disponible pour eux et qu’elle a du temps à leur consacrer. Une direction trop
occupée, une porte de bureau trop souvent fermée ou une attitude irrespectueuse
ou dictatoriale envers les débutants peuvent décourager ces derniers de faire
appel à la direction en cas de besoin.
Le renforcement positif est également
important pour favoriser une relation positive entre la direction et les
enseignants débutants et ainsi faciliter l’insertion professionnelle. En effet,
les commentaires positifs reçus de la part de la direction peuvent grandement
contribuer à augmenter l’estime de soi et le sentiment de compétence du novice.
Il s’avère donc important que la direction souligne aux débutants qu’elle est
satisfaite de leur travail et qu’elle les apprécie. Toutefois, il est aussi
nécessaire que la direction offre, en plus des commentaires positifs, une
critique constructive visant à l’amélioration de la pratique pédagogique du
novice.
Enfin, la direction doit maintenir
une communication régulière avec les débutants en les informant des réunions
qui auront lieu, des dates limites (par exemple pour la remise des bulletins)
et des événements à venir (colloque, activités spéciales dans l’école, ateliers
de formation, etc.).
Le mentorat
Certains auteurs indiquent que la
direction peut aider les débutants en favorisant l’instauration d’un système de
mentorat (Angelle, 2002 ; Nault, 2003 ; Vogel, 2004, Wood, 2005).
Lorsque possible, la direction assignera au débutant un mentor enseignant la
même discipline ou le même niveau. En outre, il peut être très intéressant, à
la fois pour le novice et pour le mentor, d’avoir du temps de libération d’enseignement
ou d’autres tâches pour se rencontrer afin de discuter et de planifier
ensemble. La direction doit donc veiller à fournir assez de temps libres pour
les deux individus. Enfin, elle doit également avoir des contacts réguliers
avec les mentors et les novices, afin de s’assurer que le mentorat est
efficace.
La direction peut également agir
elle-même à titre de mentor en observant les enseignants débutants et en leur
offrant rétroaction et conseils (Angelle, 2002 ; Eggen, 2002). Selon une
étude qualitative sur la socialisation des enseignants débutants, la qualité du
monitorat offert par l’administration est très variable (Angelle, 2002). Ainsi, dans
certaines écoles, la direction offre un monitorat de qualité en effectuant des
visites régulières en classe et en offrant une rétroaction immédiate aux
enseignants. Cette rétroaction doit porter à la fois sur les points positifs et
sur les faiblesses du novice et elle peut s’effectuer soit par écrit ou oralement.
En outre, l’observation en classe par la direction peut parfois être annoncée à
l’avance au novice, et parfois non. Dans d’autres écoles où le monitorat offert
est moins efficace, les observations en classe et la rétroaction sont absentes
ou ne sont pas assez fréquentes pour assurer un véritable suivi du novice et
lui permettre de progresser.
Enfin, pour que l’observation en
classe soit bénéfique, il est impératif que les novices ressentent que la
direction les observe afin de leur permettre de s’améliorer et non dans le but
unique de les critiquer. Les débutants doivent donc être informés à l’avance
des objectifs de l’observation que sont le soutien, l’amélioration des
performances du novice et l’évaluation formative. Selon Wood (2005), la rétroaction offerte par
la direction suite à l’observation est particulièrement importante : “As instructional leaders, principals need to
give regular, systematic feedback to novice teachers on their pedagogical
approaches, content knowledge, and classroom management strategies.” (p. 48) Wood ajoute également que cette rétroaction permet au novice de
mieux cerner les attentes de la direction.
Dans les commissions scolaires où
une évaluation formelle de l’enseignant par la direction est prévue,
l’observation est encore plus essentielle. En effet, comme l’indique le COFPE
(2002), l’évaluation de l’enseignant débutant doit être précédée d’une
évaluation formative basée sur l’observation et suivie d’une rétroaction par la
direction, ainsi que de mesures de soutien et d’activités de formation pour
combler les lacunes ou les difficultés observées.
Une autre mesure moins fréquemment
rencontrée dans la littérature, mais qui pourrait s’avérer tout aussi
intéressante, est la modélisation de leçons par la direction (Wood, 2005). La
direction vient alors dans la classe du débutant et prend en charge le groupe
pendant que le novice observe les stratégies pédagogiques utilisées.
Les conditions de travail
Les administrateurs scolaires
doivent assurer des conditions de travail les plus adéquates possibles, et ce, autant
pour les enseignants d’expérience que pour les novices (Vogel, 2004). En effet,
la direction influence directement plusieurs des conditions de travail
rencontrées par les enseignants au sein de l’école : ressources
disponibles, climat de travail, accès à la formation continue, composition des
horaires, etc.
Selon Colley (2002), la direction a
un rôle à jouer quant à la construction d’une culture scolaire favorable à
l’insertion des débutants. En effet, la direction doit faire en sorte que
l’insertion professionnelle soit considérée comme une responsabilité
collective, partagée par tous les membres du personnel de l’école. En outre, si
un programme d’insertion est en place dans l’école ou dans la commission scolaire,
la direction doit considérer ce programme comme étant utile, elle doit
s’assurer d’en faire la promotion au sein de l’école et d’en superviser le bon
fonctionnement (MEQ, 1996 ; Wood, 2005).
La direction doit également
encourager le travail en collégialité de
même que l’esprit de collaboration et d’entraide au sein du personnel
enseignant (Baillauquès et Breuse, 1993 ; Feiman-Nemser, 2003 ; Lamarre,
2004), ce qui permettra aux débutants de s’intégrer plus rapidement et plus
facilement dans l’équipe-école. Également, une école qui bénéficie d’une
culture axée sur la résolution de problèmes et sur le principe de communauté
d’apprentissage est particulièrement «aidante» pour les débutants, puisqu’elle
leur permet d’envisager des solutions aux difficultés rencontrées (COFPE
2002 ; Feiman-Nemser, 2003). Bref, par sa grande influence sur les valeurs
et la philosophie de l’école, la direction a le loisir d’instaurer un climat et
une culture scolaire qui soutiennent l’insertion des novices.
Afin de favoriser la rétention des
débutants, la direction devrait également s’assurer que les novices n’ont pas
une tâche de départ trop lourde (Baillauquès et Breuse, 1993 ; Eggen, 2002 ;
Lamarre, 2004). Ainsi, dans la mesure du possible, le novice ne devrait pas
être assigné aux classes les plus difficiles, c’est-à-dire à celles comprenant
un grand nombre d’élèves ayant des besoins spéciaux (troubles d’apprentissage,
troubles de comportement, etc.). Pour faciliter la tâche des débutants, il
faudrait également limiter – mai pas nécessairement éliminer – les tâches
supplémentaires : formulaires à remplir, activités parascolaires,
participation aux comités, etc. Malheureusement, c’est plutôt le contraire qui
se produit actuellement et comme le soulignent plusieurs auteurs, les novices,
puisqu’ils choisissent en dernier leur affectation, sont trop souvent ceux qui
héritent des tâches les plus difficiles et des horaires les moins intéressants
(Martineau, Presseau et Portelance, 2005).
En outre, plusieurs débutants se
voient affectés à une tâche qui ne correspond pas à leur formation initiale et
doivent alors enseigner à un niveau ou dans une discipline pour lesquels ils n’ont pas été formés. Cette
situation rend l’insertion plus difficile pour les novices et c’est pourquoi la
direction devrait éviter de donner une tâche d’enseignement en dehors de la
certification du débutant. De même, comme le suggère Angelle (2002), la
direction peut agir afin de créer un horaire facilitant pour les débutants,
notamment en réduisant le nombre de périodes d’enseignement consécutives sans
pause et en limitant le nombre de planifications de leçons.
Une autre mesure pouvant être prise
par la direction pour faciliter les premières années d’enseignement est
d’offrir une tâche réduite et de fournir du temps de libération pour les
débutants (Nault, 2003 ; Vogel, 2004). Ce temps pourrait être utilisé pour
la planification, pour les rencontres avec un mentor, pour effectuer de
l’observation dans la classe d’enseignants expérimentés ou encore tout simplement
pour discuter de son vécu professionnel entre novices. L’observation d’enseignants vétérans s’avère
particulièrement utile pour les novices car elle leur permet de voir comment
ces enseignants font face aux divers défis et problèmes rencontrés au quotidien
et ainsi de s’approprier de nouvelles stratégies pédagogiques (Angelle, 2002).
En outre, la direction doit
s’assurer que les enseignants débutants ont toutes les ressources nécessaires
pour enseigner. Il faut donc veiller à ce que le matériel soit en bon état et
en quantité suffisante et à ce que le novice connaisse le fonctionnement des
divers appareils pouvant l’aider dans son travail (photocopieuse,
rétroprojecteur, ressources informatiques, etc.).
Le développement professionnel
La direction a également un rôle
important quant au développement professionnel et à la formation continue des
novices (COFPE, 2002 ; Darling-Hammond, 1999). Elle doit s’assurer
d’instaurer une culture de formation continue au sein de l’école et elle doit
demander à la commission scolaire de mettre en place des mesures de soutien
pour les nouveaux enseignants (Brossard, 1999a). De plus, en informant les
débutants sur les formations continues offertes et en les encourageant à
participer à de telles activités, elle favorise leur plein épanouissement
professionnel, tout en leur permettant d’acquérir de nouveaux outils pour
exercer leur métier efficacement.
Enfin, la direction devrait offrir
un soutien aux débutants quant à la gestion de classe : formations,
groupes d’entraide, soutien individuel, etc. (Céré, 2003). De même, il serait important que la direction
joue un rôle de leader pédagogique en engageant les nouveaux enseignants dans
des discussions sur la pratique enseignante et sur la pédagogie (Angelle,
2002).
Conclusion
Les directions d’établissement ont
un rôle crucial à jouer dans le processus d’insertion professionnelle des
débutants en enseignement. Elles sont en mesure, dans bien des cas, de faire la
différence entre une insertion réussie ou ratée. Il semble donc primordial que
les directions d’école soient conscientes du rôle capital qu’elles jouent afin
de mettre en place les mesures nécessaires afin de bien accueillir, soutenir et
encadrer les nouveaux enseignants dans nos écoles. Évidemment, il s’agit là d’un
autre défi qui s,ajoute à une tâche déjà particulièrement lourde pour celui ou
celle qui assume la direction d’un établissement scolaire.
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