I. Cadre de référence
1.1
Sur l’insertion professionnelle
L’enseignant qui débute dans la
carrière se trouve devant un double défi. D’abord, il doit réaliser son
insertion sur le plan institutionnel. Ensuite, il doit ajuster ou développer
rapidement plusieurs savoirs (Tardif et Lessard, 1999) et plusieurs compétences
à la situation concrète d’intervention où il se trouve. Ainsi, tout en
apprenant à connaître son lieu de travail et ses collègues, il continue à
apprendre son métier. Ce double défi peut facilement le conduire à adopter un
comportement traditionnel et peu novateur, en d’autres termes l’amener à se
soumettre à la pression de conformité venant du milieu de travail (ce qui, il
faut l’avouer, n’est pas obligatoirement une mauvaise chose, la capacité et la
volonté d’innovation venant plus tard).
Les recherches portant sur la
socialisation professionnelle des enseignants démontrent que l’entrée dans la
carrière est une étape déterminante (Zeichner et Gore, 1990). Le débutant doit
se construire une représentation adéquate et fonctionnelle de son environnement
de travail et ce, non plus à partir du point de vue d’un élève (qu’il a été)
mais à partir de celui d’un enseignant (qu’il est maintenant). En ce sens,
l’insertion professionnelle est un véritable processus de transformation
identitaire (Martineau et Corriveau, 2000). Dans ce processus, il n’est pas
rare que le nouvel enseignant se sente bousculé dans ses croyances construites
depuis son entrée à l’école jusqu’à sa sortie de l’université (Wideen,
Mayer-Smith, Moon, 1998). Persuadé de pouvoir s’adapter rapidement à son nouvel
emploi, il «déchante» souvent très rapidement.
Les premières années dans la profession
exercent ainsi une influence considérable sur la suite de la carrière. Dans les
cas les plus dramatiques, des débuts difficiles peuvent conduire le nouvel enseignant
à abandonner complètement l’enseignement. À l’inverse, oeuvrer dans un contexte
de travail agréable et stimulant accroît très souvent le désir d’engagement
professionnel. «Les débuts dans
l’enseignement jettent les bases de la dynamique motivationnelle qui animera
l’enseignant» (Raymond, 2001, p. 23). Par ailleurs, les premières
expériences de travail en milieu scolaire fournissent une large part des
matériaux qui constituent la base de connaissances pédagogiques personnelles.
En ce sens, la période d’insertion au travail n’est pas sans exercer une
influence sur le développement professionnel ultérieur du praticien (Huberman,
1989). Ajoutons à cela que cette période de la carrière se fait la plupart du
temps, en Amérique du Nord à tout le moins, sous le sceau d’une précarité
d’emploi qui peut parfois se prolonger pendant plusieurs années (Mukamurera,
1999). Cette situation n’est pas sans entraîner plusieurs désagréments :
multiples préparations de cours différents; prise en charge de classes dans
divers niveaux; contrat signé à la dernière minute laissant peu de temps pour
se préparer; multiple changements de lieu de travail, etc. Dans ces conditions
la constitution de la base de connaissances pédagogiques personnelles devient
plus ardue. Par exemple, chaque nouveau contrat peut être l’occasion d’un
recommencement «à neuf» où le débutant vit plus profondément que l’enseignant
régulier la remise en cause de ses connaissances et de ses compétences. Pas
étonnant que, dans ces conditions, de trop nombreux enseignants à l’aube de
leur carrière se sentent littéralement dépassés par la tâche à accomplir.
1.2
Sur le sentiment d’incompétence pédagogique
Le débat actuel sur la
professionnalisation de l’enseignement pose, entre autres, que l’enseignant
possède une certaine autonomie professionnelle (malgré l’imposition des
programmes scolaires) et dispose de compétences pédagogiques (Gauthier,
Desbiens, Malo, Martineau, Simard, 1997). Cette autonomie et ces compétences
doivent dans la pratique être mobilisées afin de produire un effet sur les
apprentissages et la socialisation des élèves : l’effet enseignant
(Felouzis, 1997). Par conséquent, il semble légitime de poser la question de la
responsabilité de l’enseignant en ce qui concerne l’apprentissage et la socialisation
des élèves. Si l’école, en tant qu’institution, ne peut pas éviter de poser
cette question, il va sans dire que, tôt ou tard, cette interrogation, les
enseignants se la posent eux-mêmes.
L’enseignement est un métier qui exige
une grande flexibilité, une pratique exercée dans l’incertitude, où cohabitent
diverses dimensions des rapports humains (Perrenoud, 1996). Il ne peut en effet
se résumer à une tâche purement cognitive car les variables affectives,
relationnelles, stratégiques, éthiques, etc., le traversent (Tardif, 1993). Or,
l’enseignement, ces dernières années, s’est considérablement complexifié
notamment en raison de l’alourdissement des tâches des enseignants et de la
diversification des clientèles scolaires (Robert et Tondreau, 1997). Cette situation
place l’enseignant devant des circonstances inédites auxquelles sa formation
universitaire ne l’avait souvent pas préparé. Et, comme l’a démontré Schütz
(1987), notre capacité à faire face aux événements est fortement liée au «stock
de connaissances» que nous possédons, lequel s’appuie sur nos expériences
antérieures. Dans ce contexte, l’interrogation sur l’effet enseignant acquiert
une nouvelle pertinence et la question de la responsabilité du praticien quant
aux apprentissages et à la socialisation des élèves se pose d’une manière
inédite. Cette conjoncture est propice à l’émergence chez les enseignants du
sentiment d’être débordé, de n’être pas en mesure de suffire à la tâche, de ne
plus pouvoir produire l’effet escompté, bref, de ressentir un sentiment
d’incompétence pédagogique.
On a traditionnellement traité
l’incompétence professionnelle sous l’angle de la gestion scolaire (Bridges,
1993; Seyfarth, 1996). Selon cette vision, ce sont les fautes professionnelles
graves – conduisant potentiellement au renvoi – telles l’incapacité de
maintenir le contrôle de la classe ou de traiter les élèves de manière
appropriée, l’incapacité à transmettre efficacement la matière, le refus de
suivre le programme scolaire, l’abus envers les élèves ou le manque excessif de
ponctualité, qui sont analysées. Ces recherches tentent ainsi de dégager un
portrait des cas d’incompétence professionnelle afin de déterminer les
meilleures mesures à prendre envers les enseignants impliqués. Or, outre le
fait que ces recherches n’abordent pas la question du sentiment vécu par ces
enseignants, les problèmes soulevés, selon Bridges (1993, p. 2), ne
concerneraient que 5 % du corps professoral. C’est dire que les autres (les 95
%) peuvent être jugés compétents. Cela n’implique toutefois pas que, dans la
trame des micro-événements de la salle de classe et de l’école, ceux-ci se
sentent toujours à la hauteur de ce qu’on attend d’eux et surtout, de ce qu’ils
attendent d’eux-mêmes.
On sait que le sentiment de compétence
apparaît comme un élément capital dans l’efficacité de l’enseignant. La
psychologie cognitive a en effet montré que la perception de la contrôlabilité
de la tâche est une dimension essentielle de la motivation (Tardif, 1992) et
cette dernière s’avère une variable incontournable dans la réalisation adéquate
d’un travail. On peut donc postuler a
contrario que le sentiment
d’incompétence est associé au sentiment de ne pas contrôler de la tâche à
accomplir et nuira à la motivation au travail. Les premières années du métier
étant celles de l’insertion professionnelle et du nécessaire ajustement
qu’elles impliquent, les enseignants en début de carrière seront de toute
évidence les plus susceptibles à ressentir un tel sentiment d’incompétence. Par
exemple, Grossman et Gudmundsdottir (1987) ont montré que l’acquisition de
l’expérience en enseignement permet de raffiner et de rendre plus explicites
les modèles de l’enseignement d’une matière. Ainsi, les enseignants
expérimentés sont plus à même de résoudre les problèmes en classe notamment en
raison de leur plus grande capacité à cerner les préconceptions et les
stratégies des élèves.
Mais, comment circonscrire le concept
d’incompétence pédagogique ? Si la définition du concept de compétence pose
problème en enseignement (Rey, 1996), il en va bien sûr de même pour son
inverse : l’incompétence. Toutefois, afin de baliser le terrain il est
possible ici de se donner quelques repères. D’abord, on définira l’incompétence
pédagogique non pas comme une incapacité physique ou mentale, une faute criminelle
(abus, alcoolisme, etc.) ou une faute déontologique au sens de la Loi de
l’Instruction publique du Québec (L.R.Q. chapitre 1-13.3) mais en fonction
d’une absence ou d’une faiblesse dans le contrôle de la tâche à accomplir
(Martineau, Gauthier, Desbiens, 2000). Ensuite, cette absence ou cette
faiblesse à contrôler une tâche pédagogique sera déterminée non pas a priori en fonction d’une
représentation normative de la pratique enseignante mais à partir de
l’interprétation que les enseignants font eux-mêmes. L’incompétence pédagogique
est ici définie comme étant une absence ou une faiblesse dans le contrôle ou
l’exécution de la tâche professionnelle, tel que perçue par le nouvel
enseignant lui-même. Par le fait même, le concept de sentiment d’incompétence
pédagogique renvoie donc au vécu cognitif et émotionnel lié à l’évaluation de
la contrôlabilité de la tâche tel que mis en discours par les enseignants
interviewés.
II.
Méthodologie
Dans les deux recherches exploratoires présentées ici, nous avons eu recours à une approche qualitative reposant sur des entrevues de type semi-directif (Jones, 2000; Selltiz, Wrightsman, Cook, 1977). Ces entrevues abordaient les thèmes suivants. Pour les nouveaux enseignants : évaluation de la formation universitaire reçue, expériences d’insertion professionnelle, difficultés rencontrées en enseignement, stratégies pour les surmonter. Pour les directeurs d’écoles : processus d’accueil des nouveaux, problèmes les plus fréquemment rencontrés par les débutants, mesures de soutien offertes, attentes de compétences. Dans un premier temps, treize enseignants (5 hommes et 8 femmes dont la moyenne d’âge était de 29 ans), ayant cinq années ou moins d’expérience et occupant un poste à temps plein dans une école secondaire de la grande région de Trois-Rivières, ont été interviewés. Les rencontres ont duré environ 1h10.
Dans un deuxième temps, nous avons interviewé six membres de directions d’écoles. Nos sujets se répartissaient à part égale entre les deux sexes (3 hommes, 3 femmes). Les rencontres, plus brèves qu’avec les enseignants novices, ont duré en moyenne 30 minutes. Pour l’ensemble des données, le processus d’analyse de contenu des entrevues s’est fait de la manière suivante. Nous avons d’abord procédé à une transcription intégrale des 19 entrevues. Cette procédure fut suivie d’une lecture flottante permettant de repérer les éléments les plus saillants. Cette première lecture à une seconde où fut réalisée une thématisation plus systématique. Enfin les deux chercheurs ont procédé à la validation de l’analyse sur la base d’un accord inter-juge avoisinant les 90 % pour 20 % du corpus total des entrevues. Il n’a toutefois pas été possible de procéder à une validation écologique des analyses auprès des sujets rencontrés.
III. Résultats
III.1. Les enseignants
Premièrement,
le sentiment d’incompétence pédagogique peut se ressentir tout autant dans les
tâches liées au travail en classe avec les élèves que dans celles s’effectuant
en dehors de cette enceinte protégée (sortie avec son groupe, travail avec les
collègues, etc.). Mais, les dimensions relevant de la pratique en classe en
présence du groupe d’élèves sont nettement dominantes confirmant en cela se que
soutiennent Tardif et Lessard (1999) quant à la centralité du rapport face à
face avec les élèves dans la définition du travail par les enseignants.
Deuxièmement, lorsqu’il survient en classe, le sentiment d’incompétence peut
être associé à la gestion de la matière (dimensions didactiques) ou à la
gestion du groupe d’élèves (selon un découpage de la tâche enseignante devenu
classique). On note cependant – et cela va dans le sens des recherches sur
l’insertion professionnelle – une légère prépondérance des questions liées à la
gestion de la classe sauf dans le cas où le sentiment d’incompétence
pédagogique prend son origine dans le fait d’enseigner une matière qu’on ne
maîtrise pas (par exemple, être formé en mathématiques et biologie et enseigner
l’écologie). Troisièmement, et de la même manière, ce sont tout autant des
activités pré-actives (préparation des cours), interactives (prestations en
classe) ou post-actives (évaluation de son action ou correction des travaux par
exemple) (Gauthier, Desbiens, Martineau, 1999) qui peuvent être la source de ce
type de sentiment : difficultés à construire des outils pédagogiques ou
des activités d’apprentissage, sentiment ou impression que l’on «ennuie» le
groupe, dilemmes portant sur les modalités d’évaluation, etc. Quatrièmement,
l’incompétence pédagogique, on l’attribue parfois à soi – manque d’expérience
par exemple – ou à une cause extérieure – une formation initiale qui ne prépare
pas adéquatement, l’impossibilité de «gérer» la situation adéquatement
compte-tenu des ressources (matérielles ou humaines) disponibles, des élèves
trop «problématiques», etc. Cinquièmement, le sentiment d’incompétence pédagogique
ne donne pas toujours lieu à des stratégies pour le surmonter. L’attitude
semble souvent être teintée d’un certain fatalisme : «ça va passer avec le
temps»; «je ne peux rien y faire». Toutefois, lorsque les enseignants
enclenchent des actions concrètes pour résoudre la difficulté leurs
préférences vont, dans l’ordre : a) consulter un collègue plus
expérimenté, b) mettre «les bouchées doubles» pour acquérir des connaissances
sur une matière avec laquelle on est moins famillier, c) entrer dans un processus
d’auto-réflexion sur son action, d) consulter la direction de l’établissement.
Il faut cependant constater que la recherche en sciences de l’éducation (à tout
le moins ses résultats publiés sous forme d’ouvrages ou d’articles) n’est
ressortie à aucun moment comme source de référence pour développer des
stratégies de résolution de problèmes liés au travail. De la même manière les
enseignants débutants n’ont pas recours à l’expertise des professeurs
d’université qui les ont formés. Sixièmement, en tant que représentation et
évaluation de soi (comme pédagogue) et de l’efficacité de son action face à une
situation donnée, le sentiment d’incompétence pédagogique apparaît étroitement
lié à une représentation normative du bon enseignant construite par les
nouveaux enseignants. Les termes les plus souvent employés pour qualifier cette
représentation sont : guide, éducateur, modèle, initiateur, aide. On
constatera qu’il y a ici reprise d’une partie de la terminologie en vogue dans
le cadre des réformes en cours dans plusieurs systèmes d’éducation dont celui
du Québec (Martineau, Gauthier, 2002). En ce sens, le sentiment d’incompétence
pédagogique est également associé à la pression à la conformité qui vient du
milieu de travail.
Dans une certaine mesure, le contenu des entrevues auprès des nouveaux enseignants nous porte à croire que la socialisation au travail apparaît comme étant tout à la fois une «initiation» (au sens anthropologique du terme) à la culture professionnelle et une «conversion» (au sens religieux) du sujet à une nouvelle représentation du monde et de soi. Les sujets interviewés ont vécu durant leurs premières années un processus complexe de transformation en profondeur de leur identité professionnelle. D’étudiants en formation des maîtres, ils sont «presque» devenus des enseignants au plein sens du terme. La complète reconnaissance par les pairs plus expérimentés ne semble pas en effet tout à fait acquise. Même si l’abandon de la probation depuis 1998 a contribué à clarifier le statut des débutants (Lévesque et Gervais, 2000), les nouveaux enseignants ne se sentent pas totalement perçus comme des «enseignants accomplis». Ils expriment donc à de multiple reprises leur besoin de reconnaissance de la part des enseignants chevronnés. Ils veulent être regardés comme des collègues à part entière. Ils répugnent ainsi à être traités de manière condescendante mais reconnaissent qu’ils sont encore en apprentissage. Pour revenir au sentiment d’incompétence pédagogique, disons que celui-ci ne semble pas avoir été très profond. Ainsi, les problèmes évoqués ne sont pas insurmontables et leur gravité n’ébranle pas la confiance en soi des enseignants. Par exemple, aucun sujet n’a remis en cause sa carrière. Leurs représentations, leurs attitudes, leurs croyances, leurs valeurs n’ont pas été modifiées de manière drastique par les événements «dérangeants» vécus en classe. D’une certaine manière on pourrait presque dire que le sentiment d’incompétence pédagogique relève en quelque sorte du processus «normal» d’apprentissage du métier.
À travers l’expression de leur sentiment d’incompétence pédagogique, les enseignants rencontrés expriment aussi leurs besoins en matière de soutien à l’insertion professionnelle. Ces besoins concernent avant tout les savoirs pédagogiques. Ainsi, ils souhaitent obtenir des conseils sur les meilleures stratégies pour maintenir la discipline en classe ou encore qu’on leur donne de «bons trucs» pour susciter la motivation à apprendre chez les élèves. De plus, ils souhaiteraient recevoir une formation pour mieux maîtriser l’évaluation formative et sommative des travaux des élèves. En définitive, il semble que le sentiment d’incompétence pédagogique soit alimenté, du moins en partie, par le peu de soutien à l’insertion professionnelle dispensé par les directeurs d’établissements. Dans un sens, l’organisation individualiste de l’enseignement perdure (Tardif et Lessard, 1999) et l’insertion professionnelle se fait sous le sceau de «la débrouille». Néanmoins, malgré la faible appréciation de la formation initiale, malgré le peu de soutien de la part des collègues et de la direction, malgré une population étudiante jugée de plus en plus «problématique» au regard des valeurs et des normes scolaires, les enseignants semblent considérer ne pas trop mal s’en tirer. Tout semble se passer comme s’ils intégraient très tôt une vision du métier où il est légitime de ne pas «être toujours à la hauteur». Cette vision du métier leur permet peut-être de supporter les moments difficiles sans remise en question radicale (voire même sans aucune remise en question).
III.2. Les directeurs
d’établissement
Les éléments qui suivent font état des points de convergence du discours
des directions quant aux compétences attendues envers les enseignants novices.
Nous avons regroupé ces compétences en cinq grandes catégories.
III.2.A. Les
compétences en gestion de la classe
Les directions souhaitent que les nouveaux enseignants maîtrisent les
compétences par rapport à la gestion de classe afin d’intervenir adéquatement
en matière de la discipline.
III.2.B Les compétences en gestion de la matière
On s’attend à ce qu’ils puissent préparer, planifier et transmettre
adéquatement la matière qu’ils enseignent. Ainsi, les directions exigent des nouveaux enseignants qu’ils
fassent preuve d’une excellente maîtrise des contenus à enseigner. Par
ailleurs, on souhaite qu’ils aient, dès leur embauche, des compétences
pédagogiques actualisées, c’est-à-dire adaptées aux nouvelles réalités
éducatives (réforme, nouveau curriculum, régime pédagogique, etc.). Les
directions s’attendent aussi à ce que les nouveaux enseignants possèdent une
bonne connaissance de l’usage des technologies informatiques afin de les
utiliser dans leurs cours et y entraîner les élèves. Enfin on exige qu’ils
soient familiers avec les outils pédagogiques et les techniques d’enseignement
intégrées comme l’apprentissage coopératif, la pédagogie par projet, etc.
III.2.C. Les compétences en relation
interpersonnelles
Les directions s’attendent à ce que les enseignants nouvellement
embauchés soient capables d’établir de bons contacts avec les élèves ainsi
qu’avec leurs collègues. On exige aussi qu’ils soient capables de s’impliquer,
de partager et de participer à la vie de l’école.
III.2.D. Les compétences au travail en équipe
Bien que les directeurs rencontrés n’aient pas été très explicites à cet
égard quant aux modalités d’actualisation de cette compétence, ils ont tout de
même clairement exprimé leur exigence en terme de capacité du nouvel enseignant
à travailler en équipe professorale tout en développant un style personnel.
III.2.E. Les compétences éthiques
Les enseignants débutants devraient être des gens disciplinés, par
rapport à leur profession et surtout par rapport au code de vie de l’école. Ils doivent se
distinguer des élèves par leurs comportements, c’est-à-dire, qu’ils doivent
être des modèles pour les élèves (une bonne tenue en classe, habillement
correct, bonne diction, respect des règlements de l’école);afin de ne pas être
confondus avec eux.
III.2.F. Le processus d’accueil des débutants
En ce qui concerne le processus d’accueil des nouveaux enseignants,
disons que celui-ci est loin d’être formalisé
ou planifié. Les propos recueillis auprès de toutes les directions
d’école convergent sur les éléments suivants. Les novices ont droit à une
période d’accueil et de rencontres avec la direction de l’école ou par un
membre du personnel de la direction (connaissance mutuelle, échange sur le vécu
de l’école, sur les activités, la culture organisationnelle de l’école). Ensuite,
les nouveaux sont présentés à l’équipe enseignante. S’ajoute régulièrement à
cela une visite de l’école durant laquelle on explique entre autres les
règlements à respecter, le programme d’études, le fonctionnement de
l’établissement, le projet éducatif. Enfin, dans certain cas, il y a parrainage ou
jumelage des nouveaux avec des «anciens» selon le domaine et le niveau
d’enseignement (durée entre six et douze mois). Le parrain a pour tâche
d’initier le nouveau à la préparation des cours, au suivi des élèves, au
travail à faire pendant et après l’enseignement. Dans l’ensemble, les
directions d’écoles négligent la question de la mise en place de mesures de
soutien formel.
III.2.G. Les «incompétences
pédagogiques»
Quant aux incompétences pédagogiques relevées par les directions chez les nouveaux enseignants, les entrevues laissent entrevoir les éléments qui suivent. D’abord, les débutants éprouvent régulièrement une certaine incapacité à assurer la discipline en classe, c’est-à-dire, qu’ils ont de la difficulté à maîtriser un groupe d’élèves (parce que, aux dires des directions, ils se font «trop amis» avec les élèves et parce qu’ils ne sont pas souvent disciplinés eux-mêmes). On déplore aussi leurs réticences à demander de l’aide quand ils sont confrontés à des problèmes d’ordre professionnel, réticences qui peuvent toutefois s’expliquer par la crainte d’être jugés incompétents ou incapables. De la même manière on relève leurs difficultés à remplir adéquatement les tâches de planification et de préparation des cours. De plus, leurs connaissances pédagogiques seraient souvent inadéquates au regard des programmes scolaires. Enfin, les débutants dans la carrière enseignante présenteraient de grandes lacunes quant à la culture générale (celle-ci n’est toutefois jamais clairement définie ni caractérisée par les directions).
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