Le débat est une compétition, le dialogue une collaboration. Dans le premier c'est le plus fort qui triomphe, dans le second c'est la vérité.
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30 septembre 2015
Débat et dialogue
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Pour entendre parler de politique autrement
Discussion entre deux philosophes :
Badiou, Alain, Kakogianni, Maria (2015). Entretien platonicien.
Paris : Lignes. 70 pages.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Des absolus
Au-delà du relativisme, il nous faut renouer avec des absolus.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Lutter encore
Rester vivant c'est lutter contre l'ordre établi même lorsque l'on vieillit.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Démocratie moderne
Il faut tout un peuple dans la rue pour que le gouvernement écoute. Il faut un seul coup de téléphone d'un banquier pour qu'il obtempère.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
29 septembre 2015
Supercherie
Faire croire aux individus que les fers qu'ils portent aux pieds sont la conséquence des règles de la nature et non pas de l'arbitraire des puissants.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Fantasme néolibéral
Le fantasme de tout néolibéral est de vivre dans un monde où il n'y aura plus de société, ne subsistera que des individus en compétition les uns avec les autres.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Une éducation qui n'en est plus une
Un peu partout dans le monde, depuis les années 1980 (moment où le néolibéralisme débute son ascension), une conception purement utilitaire, fonctionnelle, opérationnelle et pragmatique de l'éducation est mise de l'avant. Cette éducation n'en est plus une en fait. Elle est devenue quelque chose comme un entraînement à la fonction de travailleur.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Attaques contre les sciences humaines et sociales
L'omniprésence de la pensée gestionnaire et l'effritement des démocraties au profit de pouvoirs de plus en plus autoritaires se traduisent par des attaques de plus en plus ouvertes contre les sciences humaines et sociales, sciences qui ont toujours eu une fonction critique. Les États tentent ainsi d'affaiblir - sinon de faire carrément disparaître - ces sciences afin de diminuer la capacité des sociétés à se penser autrement.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
28 septembre 2015
Le fanatisme politique
Le fanatisme politique tente toujours de détruire la raison et la science, c'est une constante de l'histoire.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Les radicaux
Les radicaux ne sont pas dans la rue ou dans l'opposition au Canada et au Québec, ils sont au pouvoir.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
25 septembre 2015
Un fléau
Le néolibéralisme est à la peste du monde moderne, un fléau qui détruit tout sur son passage.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Population cultivée
Notre société n'a jamais compté autant de diplômés universitaires. Plus scolarisée notre population ? Assurément ! Plus cultivés les québécois ? Là c'est moins sûr !
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
23 septembre 2015
Menace
Partout dans les supposées démocraties, la liberté d'expression est menacée.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Farce et pantins
Nos démocraties sont une farce et nos gouvernements des pantins.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
22 septembre 2015
La mission culturelle de l'école
Ce qui suit est une note de lecture du texte :
Résumé du texte
Problématique
Cadre de référence
Simard,
D. (2005) « Comment penser aujourd’hui la nature et le rôle de l’école à
l’égard de la formation culturelle des élèves ? » Dans Simard, D., et
Mellouki, M. (2005). L'enseignement, profession intellectuelle (p. 49-74). Québec : Les Presses de l’Université Laval.
Résumé du texte
Ce texte aborde la question de la mission culturelle de
l’école. L’auteur y présente d’abord une théorie de la culture développée par
le sociologue et philosophe Fernand Dumont dans le cadre de différents
ouvrages. Puis, en s’appuyant sur cette théorie, Simard discute quant au rôle
de formation culturelle de l’école et enfin, il présente quelques conditions
nécessaires afin que l’école puisse remplir sa fonction de transmission
culturelle.
Problématique
Plusieurs enseignants se
questionnent quant au rôle que l’école doit jouer dans la société actuelle, en
particulier en ce qui concerne l’éducation culturelle et la prise en compte de
la diversité culturelle chez les élèves. Dans ce chapitre, l’auteur tente de
répondre à la question-titre, soit : comment penser aujourd’hui la nature
et le rôle de l’école à l’égard de la formation culturelle des élèves ? ».
Cadre de référence
L’auteur tente de définir le
concept de culture, en se basant sur les travaux du sociologue et philosophe
québécois Fernand Dumont, et plus particulièrement sur son ouvrage Le lieu de l’homme, datant de 1968.
Fernand Dumont présente la
culture comme étant à la fois distance et mémoire. En tant que mémoire, la
culture constitue une « reprise
vivante du passé » qui permet à l’homme de s’ancrer historiquement et
de mieux comprendre le monde qui l’entoure : « Tout être humain est le produit de sa culture, d’un long
processus historique où le langage joue un rôle décisif ». (p. 52) En
tant que distance, la culture amène l’homme à se mettre à l’écart de soi-même :
« C’est dans ce sursaut où la
conscience se met à distance d’elle-même que la culture se constitue comme
horizon » (p. 52). Ainsi, la
culture agit comme une médiation de la conscience qui permet à l’individu de
mieux se connaître lui-même.
Dumont établit un dédoublement entre
la culture première et la culture seconde. La culture première correspond au
milieu culturel d’origine, c’est-à-dire aux conduites sociales, règles,
langages, interprétations du réel et modèles de comportement acquis en bas âge.
Pour sa part, la culture seconde correspond à l’art, la littérature, la
science, l’histoire et la philosophie. « La
culture seconde doit être envisagée comme mouvement de dépassement, de
distanciation, d’arrachement à la culture première. C’est dans cette distance
que la conscience se développe. » (p. 53). Enfin, Dumont traite du
concept de réflexivité qui permet cette prise de distance à l’égard de la
culture première et cette élaboration de la culture seconde.
Énoncés fondamentaux
Simard propose trois énoncés quant à la nature de l’école en
lien avec la culture :
1) L’école est un cercle de
culture seconde : « Avec
ses cheminements obligés et ses rites de passage, ses programmes, ses contenus
et ses procédés d’apprentissage, l’école est un « cercle de culture
seconde », c’est-à-dire une institution foncièrement culturelle vouée à la
compréhension du monde. » (p. 55) Ainsi, l’école permet d’initier les
élèves à un patrimoine de culture seconde en les mettant en contact avec un
ensemble de savoirs, de valeurs et d’œuvres culturelles. Elle permet de
maintenir et de transmettre un héritage humain et culturel afin que celui-ci
soit conservé, connu et appris. Par contre, l’école se doit de sélectionner
quels éléments culturels elle souhaite intégrer à son programme, et cette
sélection, qui diffère selon les époques, les pays et les traditions, viendra
influencer la vision de l’homme et du monde qu’elle proposera aux élèves. Par
ailleurs, en initiant les élèves à la culture seconde, l’école leur permet de
se distancier de leur culture première : « L’école, répétons-le, est le lieu privilégié de la formation
culturelle des élèves, le lieu d’une prise de distance à l’égard des
significations spontanées de la vie quotidienne et d’élaboration d’une culture
seconde qui permet de la comprendre et de lui donner un sens » (p. 58)
2) L’école n’est pas la vie,
mais une reprise consciente de la vie : L’école permet de reprendre
consciemment certains éléments donnés faisant partie de la culture première
(langage, phénomènes naturels, musique, etc.) afin d’en faire l’étude
consciente. Il s’agit d’une « reprise
du donné pour en faire une culture ».
3) L’école est un foyer de
discussion, d’examen critique et d’intégration de la culture : En tant
que foyer de discussion, l’école permet le partage de la parole favorisant
ainsi la connaissance du monde et la compréhension de soi et des autres. En tant que foyer d’examen critique, elle
incite à remettre en question les
significations, institutions et représentations établies et elle amène les
élèves à porter un regard critique sur
le monde afin de distinguer l’essentiel de l’accessoire. Enfin, en tant que
foyer d’intégration de la culture, elle permet de faire des liens afin de
réintégrer la culture actuelle, qui se présente souvent sous une forme
fragmentée ou morcelée.
Selon Simard, dans le contexte
actuel de discontinuité et de fragmentation de la culture, le rôle que doit
jouer l’école quant à la formation culturelle
nécessite de restaurer quatre continuités :
1) La continuité entre les savoirs et la vie : L’école doit permettre de restaurer la pertinence des savoirs, c’est-à-dire de donner une signification aux apprentissages réalisés. Pour ce faire, elle doit établir des liens entre les savoirs et des questions, problèmes, besoins ou intérêts qui rejoignent l’élève, c’est-à-dire qui sont en lien avec sa vie quotidienne ou encore avec des préoccupations universelles telles que l’origine du monde, des hommes et de la vie. Ainsi, l’élève peut prendre conscience que les savoirs constituent des productions humaines qui peuvent nous aider à mieux comprendre le monde qui nous entoure et à mieux nous comprendre nous-mêmes en tant qu’êtres humains.
2) La continuité entre les
savoirs : Dans la société actuelle, où on assiste à une multiplication
exponentielle de l’information, le savoir devient de plus en plus morcelé,
spécialisé et fragmenté et il devient de plus en plus difficile d’en constituer
un tout cohérent permettant une vision globale et intégrée. Afin de transmettre
une véritable culture, l’école se doit donc de veiller à l’intégration des
savoirs, c’est-à-dire à la création de liens
entre les différentes sphères de la connaissance.
3) La continuité entre les
hommes : L’école a pour rôle de préparer les élèves à vivre dans une
société complexe et pluraliste. En ce sens, elle doit contribuer à développer
chez les élèves des valeurs liées au vivre-ensemble telles que l’ouverture à la
pluralité et à la différence, la compréhension, le respect d’autrui et
l’écoute. Pour ce faire, l’école doit mettre en place une pédagogie du dialogue
permettant de créer un espace public de discussion et d’interprétation du monde
où chacun est libre de s’exprimer tout en respectant, en écoutant et en
cherchant à comprendre les autres.
4) La continuité entre le
passé et le présent : « Restaurer
la continuité entre le passé et le présent, c’est faire prendre conscience aux
élèves qu’ils sont les héritiers d’une histoire locale, nationale, d’une
civilisation; c’est leur permettre de se situer dans l’histoire et dans leur
identité personnelle mais c’est surtout leur donner les moyens de comprendre
l’histoire, de la poursuivre en y jouant une part active. » (p. 66)
Afin de restaurer cette continuité, il faut bien sûr enseigner l’histoire, mais
également intégrer une perspective historique dans l’enseignement de toutes les
disciplines. Ainsi, la formation culturelle offerte à l’école doit comprendre
une composante historique importante, permettant à l’élève de prendre davantage
conscience des ancrages historiques des différents savoirs proposés.
Interprétation
L’auteur propose quatre
conditions essentielles pour faire de l’école un véritable lieu de
culture :
1) Une conscience claire de la
nature culturelle de l’école et de l’activité enseignante :
L’enseignement ne peut exister sans la culture. L’école a un double rôle de
médiation : médiation à la culture du passé (transmettre l’héritage
culturel du passé) et médiation à la culture du présent (intégrer les élèves à
la culture actuelle et les préparer à l’exercice de la citoyenneté).
2) Une conception explicite et
articulée de la culture : En ayant une conception explicite et
articulée de la culture, il serait plus facile de déterminer les critères de
sélection des contenus scolaires ainsi que d’orienter les pratiques
pédagogiques enseignantes.
3) Un équilibre entre les
grands domaines d’apprentissage : Il faut établir un équilibre dans
les programmes scolaires entre les disciplines liées à la rationalité (le sensé,
le cognitif) et les disciplines liées à la sensibilité (le sensible, le senti)
puisque la culture s’élabore à la fois dans le sensé et dans le senti.
4) Un rapport vivant à la
culture : Les enseignants se doivent d’être cultivés, non pas tant en
termes d’érudition mais plutôt en termes de passion, de curiosité et
d’ouverture pour différents aspects de la culture. L’enseignant agit alors à
titre de médiateur, de passeur culturel : « Il faut le redire : la culture n’est pas d’abord dans des
programmes, elle est dans des enseignants qui l’incarnent et la partagent, qui
la rendent vivante en montrant qu’elle peut répondre à nos questions, à notre
besoin de comprendre et nos attentes de sens (Simard, 2001) »
Conclusion
En conclusion, l’auteur réitère
l’espoir de faire de l’école un véritable lieu de culture : « un lieu d’appropriation du monde en donnant à chacun
le meilleur de l’expérience humaine considérée comme culture. » (p. 71)
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
21 septembre 2015
Regardez
Regardez ces légions de démunis que l'on produit sans relâche.
Regardez ces valeurs absurdes qu'on nous propose.
Regardez ce monde brutal qu'on nous fait.
Regardez ces valeurs absurdes qu'on nous propose.
Regardez ce monde brutal qu'on nous fait.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Démocraties ?
Dans nos sociétés capitalistes, les élus représentent désormais les intérêts des pouvoirs financiers contre les peuples. Leur rôle principal est ainsi d'imposer les diktats des puissances de l'argent au détriment des intérêts des populations qui les ont portés au pouvoir .... et on ose encore nommer ces sociétés des démocraties!
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Je vois...
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus anti-démocratique.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inégalitaire.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inhumain.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inégalitaire.
Je vois jour après jour mon coin de pays devenir de plus en plus inhumain.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Le «vivre-ensemble»
Selon Duhamel et Estivalezes (2013), l’expression
vivre-ensemble peut revêtir cinq sens différents:
(1) désigner une réalité sociale empirique;
(2) faire référence à un cadre normatif, qui vise à favoriser la cohésion sociale dans
une société marquée par la diversité religieuse, et au modèle original
d’interculturalisme;
(3) référer à un cadre éthique qui se traduit dans le
paradigme de la reconnaissance de l’autre lié à une exigence de réciprocité;
(4) renvoyer à un projet politique qui se déploie à la fois dans une
quête de valeurs communes ainsi que dans une quête commune de valeurs;
(5) souligner une pratique dialogique aux vertus éducatives.
Référence :
Duhamel, A. et Estivalezes, M. (2013). Vivre-ensemble et dialogue: du programme
québécois d’éthique et culture religieuse à la délibération démocratique, Revue des sciences de l'éducation de McGill,
vol. 48, n° 1, p. 79-98. Sur le site Érudit :
http://id.erudit.org/iderudit/1018402ar
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
20 septembre 2015
Qu'est-ce que le scientisme?
Le scientisme est une idéologie qui glorifie la science. En gros, le scientisme soutient que :
•Tout problème peut trouver une solution
par la science.
•Toute solution scientifique à un problème
est préférable à une autre qui ne le serait pas.
•Seule la science peut tenir un discours
de vérité.
•La science est donc le mode de
connaissance suprême.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
L'homme fragmenté
Ce qui suit est une fiche de lecture du texte :
Gohier, Christiane (2002). L'homme fragmenté: à la recherche du sens perdu - Éduquer à la compréhension et la relation. Association canadienne d'éducation de langue française, 2002, 30 (1), 7-25.
Problématique
-
La complexité du monde actuel rend nécessaire un examen
multi facettes qui permet d’éclairer la compréhension de notre réalité.
-
La conjugaison des points de vue économique, politique
et géopolitique, sociologique et anthropologique aussi bien que technologique
et épistémologique sont mis à contribution pour mettre au jour les zones
d’ombre et de lumière du «nouveau monde».
Cadre de référence
1er thème abordé : Dans quel monde
vivons-nous?
-
Point de vue économique : mondialisation et
globalisation des marchés
-
Point de vue politique : désengagement de l’État
dans la sphère publique, privatisation
-
Point de vue socio-anthropologique : question
identitaire, vague migratoire, écart riches-pauvres
« Indépendamment de la posture adoptée, la
question de la citoyenneté, des droits et de l’identité qu’elle confère, se
greffe à celle de la mixité. Peut-on être à la fois citoyen du monde, si tant
est que cette appellation ait un sens, et citoyen de sa cité? » (Gohier,
2002b, p. 11)
-
Point de vue technologique et technoscientifique :
moyens de transport rapides, communication virtuelle, accessibilité à
l’information via Internet, réseautage informatique, insémination artificielle,
mères porteuses, chirurgies, clonage (frontière artificiel-naturel s’estompe)
-
Point de vue épistémologique : relativité des
savoirs, accès aux savoirs
« Par ailleurs, le commun des mortels a accès à
une somme d’informations faramineuse, comme on l’a mentionné, et l’école n’est
plus la seule dispensatrice de savoirs diffusés également par les médias
d’information et de communication. Par ces mêmes voies, les savoirs, s’ils sont
fragmentés, sont également davantage partagés par une plus grande partie de la
population et virtuellement discutés, par la voie de l’Internet, par celle-ci. »
(Gohier, 2002b, p. 13)
2e thème abordé : L’autre versant du
nouveau monde
-
Par la voie de groupes de discussion, les gens peuvent
partager leur savoir, construire ou co-construire ce savoir et produire une
œuvre commune : ex. Linux (programmation informatique)
« Ainsi, s’ils peuvent être les instruments d’une
domination économico-culturelle, les Tic peuvent également, en contrepartie,
être les outils d’une certaine démocratisation, également
économico-épistémoculturelle. » (Gohier, 2002b, p. 13)
-
La société civile oppose une résistance à la
mondialisation économique : il est à croire que le bien-être social
collectif prévaut, par opposition au bien-être individuel. Il en est de même
pour la solidarité.
-
La part de ressemblance entre les Hommes s’élargit, ou
entre une plus grande partie des Hommes, ce que l’on pourrait appeler la «
commune humanité ». ex.
« Les problèmes environnementaux créés par des
phénomènes comme la pollution, entre autres exemples, ne sont pas confinés dans
des lieux circonscrits et touchent, directement, ou par effet de rebondissement
(l’effet « papillon ») toute la planète et la solution à ces problèmes ne peut
venir que d’une responsabilité partagée. » (Gohier, 2002b, p. 15)
3e thème abordé : Qui former?
Gohier aborde également deux
sous-questions… Pourquoi former? Quoi former? D’entrée jeu, il serait incomplet
de considérer ces questions selon des raisons pragmatiques seulement. Ce serait
de considérer seulement la formation d’un individu selon un contexte de
globalisation économique : un être entrepreneur et compétitif.
« La raison pragmatique ne saurait toutefois à
elle seule apporter réponse à la question des finalités éducatives à
privilégier, qui reposent, en dernière instance, sur un choix axiologique qui
peut différer ou déborder du cadre limité de la valeur pratique et du souci
d’efficacité qui lui est corollaire. » (Gohier, 2002b, p. 16)
À
l’inverse, selon une perspective axiologique, on pourrait être tenté de former
un être ouvert à la revendication et à l’égalité économique et sociale pour
tous.
Dans
un monde idéal…former une personne possédant à la fois des habiletés en
entreprenariat, une conscience sociale et un sens des responsabilités.
« C’est à ce titre seulement qu’il peut échapper
au rôle d’objet, instrument de la consommation, que veut lui faire jouer
l’économie de marché, ou à celui d’Homme fragmenté, sans lieu unificateur
aucun, auquel l’accule la relativité et la compartimentation du savoir ainsi
que la perte du sens de l’identité et du sentiment d’appartenance qui lui est
concomitant. C’est en tant que sujet, c’est-à-dire auteur et acteur de sa propre
vie en lien avec les autres sujets composant ses diverses communautés
d’appartenance (ethnique, religieuse, politique, à l’échelle locale ou
planétaire...), que l’individu peut recréer un sens qui devient le vecteur
unificateur de son existence. » (Gohier, 2002b, p. 16)
4e thème abordé : Le sujet : entre
rationalité et imaginaire, sens et sensibilité
Dans cette section, Gohier souhaite répondre à la question
Comment former ? À ses dires, le langage de la rationalité et le langage de
l’imaginaire arrivent à solliciter deux volets chez le formé qui tente de
comprendre le réel.
« La rationalité, essentiellement conceptuelle et
argumentative, fait-elle appel à tous les mécanismes mis au jour par la
psychologie cognitive, de la pensée formelle à la métacognition, qui permettent
de comprendre le monde et soi-même à l’aide de structures logico-mathématiques,
dans le cadre d’une pensée de type analytique. » (Gohier, 2002b, p. 21)
« Le monde de l’imaginaire, comme on l’a vu, se
caractérise plutôt par l’image et l’analogie. Il fait appel à d’autres
catégories de la pensée, à la capacité à symboliser qui peut se développer
notamment par l’usage de la métaphore, l’utilisation libre de l’association, la
construction de sens «figurés», le développement de la capacité
onirique. » (Gohier, 2002b, p. 21)
Conclusion
En guise de conclusion, la
chercheure soutient qu’il importe d’éduquer à la compréhension et à la
relation. Sous-jacent à cela, c’est la sensibilité qui devrait avoir la
priorité lorsqu’il est question de finalités visées par le qui former.
Lorsqu’on pense aux finalités, quelques objectifs sont à considérer :
-
Faire en sorte que le formé arrive à donner du sens au
monde de la fragmentation, de la globalisation, de la complexité et de
l’hybridité (dans le projet éducatif).
-
Articuler les finalités en fonction d’un triple rapport
au monde 1. rationnel, 2. symbolique, 3. affectif.
-
Travailler la double capacité : compréhension et
relation au monde.
-
Partir du sensé (prend
forme dans deux registres du penser : celui de l’univers conceptuel du discours
rationnellement acceptable et celui du monde imagé de l’univers symboliquement signifiant.)
-
Partir du senti (la
sensation, générée par le contact sensuel avec le monde, par la voie d’un
rapport direct avec les êtres, la nature et les choses, aussi bien que par
celle d’un rapport médiat par l’imagerie mentale; au sentiment, participant de
la sphère de l’affectivité, de contiguïté avec l’autre (proche ou lointain)
« Pour faire face au nouveau monde, dans son
versant émancipateur tout autant que dominateur, l’éducation doit donc viser la
formation d’un sujet, auteur et acteur de sa propre vie, liée à celle des
autres personnes en tant que sujets. Réflexivité critique, éthique et autonomie
ont alors pour compléments le sens de la responsabilité, de la solidarité et de
la participation qui contribueront à tisser ce lien qui, ultimement ressortit à
la signification conférée au monde. C’est par la construction du sensé et du
senti, par la jonction des sphères cognitive et affective, de l’ordre du penser
et de la sensibilité, que compréhension et relation peuvent se
développer. » (Gohier, 2002b, p. 22)
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
19 septembre 2015
Pour mieux comprendre l'horreur économique
Je recommande chaudement la lecture de deux ouvrages de l'économiste François Morin :
Morin, F.
(2015). L’hydre mondiale. L’oligopole bancaire. Montréal : Lux. Collection
Lettres libres.
Morin, F.
(2013). La grande saignée. Contre le cataclysme financier à venir.
Montréal : Lux. Collection Lettres libres.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
17 septembre 2015
Pour ceux qui aiment les chats
Uddenberg,
Nils (2014). Le chat et moi. Paris : Presses de la cité. Paru originellement
en suédois en 2012.
Une belle rencontre entre l'auteur, un universitaire de renom, et une chatte (Minette) qui a trouvé refuge chez lui.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Pédagogie et culture
Problématique
En éducation, une question qui
revient constamment est : comment rendre l’école plus efficace ? Chez les chercheurs et les enseignants, on
peut distinguer deux visions intellectuelles distinctes quant à la prise en
compte des aspects culturels afin d’améliorer l’efficacité scolaire.
1. Une première approche (« policy mechanics ») est véhiculée par certains enseignants et chercheurs qui préconisent l’utilisation du même matériel pédagogique et des mêmes pratiques peu importe la provenance culturelle des élèves. Ils tentent de cerner des pratiques et des outils d’enseignement uniformes, pouvant améliorer l’efficacité scolaire. “The policy mechanics attempt to identify particular school inputs, including discrete teaching practices, that raise student achievement. They seek universal remedies that can be manipulated by central agencies and assume that the same instructional materials and pedagogical practices hold constant meaning in the eyes of teachers and children across diverse cultural settings.” (p. 119).
2. Une deuxième vision est
préconisée par les « culturalistes »
qui mettent l’accent sur la socialisation normative qui survient au sein de la
classe. Ainsi ces derniers étudient surtout les modèles implicites véhiculés au sein de la
classe ainsi que la manière dont les
élèves sont socialisés afin d’accepter certaines règles, normes, conceptions et
orientations.
Cadre de référence
La réussite scolaire est
définie brièvement comme étant : « the
acquisition of basic literacy and cognitive skills. » (p.121)
Dans cet article, les auteurs
tentent d’expliquer pourquoi la première approche (policy mechanics) demeure
très influente dans les pays en développement. Ainsi, ils soulignent que quatre
forces viennent soutenir l’influence de l’approche politique (policy mechanics)
dans les pays en voie de développement :
1) Après 20 ans de recherche
empirique, l’on sait désormais que sous certaines conditions, les effets de
l’école sur la réussite scolaire sont plus importants que l’influence du milieu
familial en ce qui concerne les milieux défavorisés.
2) Les nombreuses études
réalisées dans les pays en développement permettent de discerner les éléments
qui sont plus susceptibles d’améliorer la réussite scolaire de ceux qui n’ont
pas d’effet. Puisque les ressources dans les pays en voie de développement sont
peu nombreuses, les décideurs politiques sont plus enclins à prendre en compte
les résultats de ces études afin d’orienter l’allocation des ressources.
3) Certaines recherches
(production-function research) démontrent qu’il est utile de centraliser les
politiques afin de réduire les inégalités quant à la réussite scolaire.
4) Aux yeux des décideurs politiques, l’approche
culturaliste semble moins efficace. « No body of literature from
the classroom culturalism framework rivals the production-function literature
in Third World settings” (p. 123)
Par ailleurs, les auteurs
ajoutent que cette tendance à rechercher des pratiques universelles pouvant
améliorer l’efficacité scolaire provient également du désir des gouvernements
de trouver des investissements simples (textes, manuels, etc.) qui pourraient
améliorer la réussite scolaire et la qualité de l’éducation, indépendamment des
conditions locales.
Dans l’approche politique (policy
mechanics) et la littérature scientifique de type
« production-function », la mission d’instruction de l’école est mise de l’avant : « Finally, the original production-function metaphor assumes that
the preeminent mission of schools and teachers is to raise cognitive achievement.”
(p. 124). Par contre, on accorde également une large place à la mission de
socialisation en ce sens que, dans les pays en voie de développement, les
élèves sont socialisés afin d’accepter certaines normes relatives à l’autorité
et à la participation sociale. Les politiques de certains pays (Europe de
l’Est, certaines régions d’Asie et Afrique du Sud) tentent également de mettre
l’accent sur la manière d’utiliser l’école en tant qu’outil pour socialiser les
élèves à la démocratie. « Emerging debates in Japan and China over how to socialize pupils
to become more individualistic in their achievement orientation offer
additional examples of how school effectiveness often has broader connotations
than simply boosting cognitive forms of learning.” (p. 124)
Méthodologie
Les auteurs ont étudié la
littérature scientifique portant sur l’efficacité scolaire, provenant de pays
en voie de développement. Plus précisément, ils ont analysé les données de plus
d’une centaine de recherches empiriques, publiées à partir de 1987 et traitant
des effets de certains facteurs sur la réussite scolaire, tout en contrôlant
l’influence du milieu familial. Cette littérature diffère de celle proposée aux
États-Unis ou en Europe de l’Ouest en ce sens que la conception de l’efficacité
scolaire véhiculée dans les pays en voie de développement est généralement de
type « production-function » et se base majoritairement sur la
première approche présentée (policy mechanics).
Résultats
Les auteurs identifient trois
domaines principaux qui peuvent avoir une influence positive sur l’efficacité
scolaire :
1) La disponibilité de manuels et
de matériel de lecture supplémentaire : Plusieurs recherches provenant de divers pays en voie de
développement (Philippine, Nicaragua, Brésil, Inde, Iran, Indonésie, Venezuela,
etc.) viennent démontrer que ce facteur influence positivement la réussite
scolaire des élèves. La disponibilité de manuels d’exercices, d’une
bibliothèque scolaire ou de matériel d’écriture semble également avoir un
impact positif. Par contre, dans une des études, réalisée en Indonésie (Ross
& Postlethwaite, 1989), les chercheurs n’ont pas noté d’effets
significatifs relatifs à l’utilisation de matériel de lecture, une fois pris en
compte le milieu familial des élèves, les connaissances de l’enseignant quant
au sujet enseigné et d’autres facteurs scolaires. En outre, les recherches
provenant des écoles secondaires, en comparaison avec celles des écoles
primaires, relèvent moins d’effets significatifs quant à la disponibilité de
manuels scolaires.
2) Les qualités
d’enseignement : Aux États-Unis et en Europe de l’Ouest, la formation
initiale et le milieu d’origine des
enseignants ne permet généralement pas d’expliquer les différences quant à la
réussite scolaire des élèves, alors que dans les pays en développement, ces
deux variables semblent avoir une influence quant à l’efficacité scolaire.
Ainsi, la connaissance de sa matière par l’enseignant a un impact positif sur
la réussite scolaire des élèves. De même, la formation reçue peut avoir une
influence mais ce n’est pas le cas dans toutes les recherches recensées.
Lorsque cette formation apporte une influence positive, on note généralement
que c’est la qualité de l’enseignement qui s’améliore : l’enseignant offre
davantage de rétroactions aux élèves, il emploie davantage de questions
ouvertes et il utilise des méthodes
d’enseignement plus actives. Néanmoins, il demeure difficile d’identifier quel
type de formation initiale apporte une influence significative quant à
l’efficacité scolaire.
3) Le temps d’enseignement et la
quantité de travail demandée aux élèves : Les recherches effectuées dans
plusieurs pays en voie de développement révèlent que le temps d’enseignement a
une influence importante sur la réussite scolaire des élèves. Ainsi, la durée
de la journée et de l’année scolaire a un impact quant à la réussite en ce sens
que plus l’élève a de temps de présence à l’école, plus il est susceptible de
réussir. Cet effet est moins marqué aux États-Unis que dans les pays en voie de
développement. « Anderson et al. (1989) argue that time
in school may be more efficiently used in some developing countries than within
industrialized societies, because student misbehaviour and time off academic
tasks occur less frequently, at least based on their classroom studies in
Negeria, South Korea and Thailand”. (p. 131).
D’autres facteurs relevant des
politiques scolaires semblent avoir peu ou pas d’impact (ou encore un impact
variable d’une étude à l’autre) quant à la réussite scolaire des élèves :
le nombre d’élèves par classe, le salaire des enseignants, la pédagogie active
et les pratiques d’enseignement.
L’analyse des facteurs ayant un
impact ou non sur la réussite scolaire des élèves dans les pays en voie de
développement permet de déterminer quelles stratégies doivent être privilégiées
afin d’augmenter l’efficacité scolaire. Toutefois, il faut aussi prendre en
compte la rentabilité de ces mesures, c’est-à-dire le coût économique qu’elles
demandent comparativement à ce qu’elles rapportent en termes d’améliorations
quant à la réussite des élèves.
Ainsi, l’achat de manuels
scolaires ou de matériel d’écriture paraît un investissement rentable car il ne
demande pas un coût trop élevé et il apporte d’importants bénéfices quant à la
réussite scolaire. Par contre, lorsque la
quantité de matériel est déjà suffisante, l’achat de nouveaux manuels n’apporte
pas une différence significative quant à la réussite des élèves. Par ailleurs,
investir dans la formation continue des enseignants semble également une mesure
rentable. Toutefois, la diminution du ratio scolaire s’avère une mesure peu
judicieuse car très coûteuse et apportant peu d’impact sur la réussite scolaire
des élèves.
Interprétation
La disponibilité du matériel
scolaire, le temps d’enseignement et la formation des enseignants sont des
facteurs ayant un impact très élevé quant à la réussite scolaire des élèves
dans les pays en voie de développement. Par contre, cet impact semble diminuer
lorsque la qualité générale de l’enseignement et du système d’éducation
augmente.
Quatre conditions culturelles
locales peuvent influencer l’efficacité des différents facteurs de réussite
scolaire :
a) Les exigences des familles
en lien avec l’éducation (liée à la perception de l’utilité et de la
légitimité de l’école) : Lorsque les études prennent en compte certains
facteurs relatifs à la classe sociale ou à l’ethnicité des élèves quant à la
réussite scolaire, la proportion attribuée aux facteurs scolaires, en tant
qu’éléments influençant la réussite, diminue.
Ainsi, la façon dont les parents
perçoivent la légitimité et l’importance de l’école ainsi que les pratiques
parentales mises en place à la maison viennent influencer les facteurs de
réussite scolaire énoncés précédemment en ce sens que la disponibilité du matériel
scolaire, l’achat de nouveau manuels, et le temps d’éducation peuvent être liés
aux demandes des communautés locales. Par
ailleurs, les demandes des familles quant à l’éducation varient selon plusieurs
facteurs : le sexe et l’âge de l’enfant, la religion, l’ethnicité, etc.
b) La capacité de
l’organisation scolaire de répondre aux demandes des familles tout en offrant
certaines formes de savoir qui sont éloignées du savoir traditionnel de la
communauté : « Indeed,
when the school positions its curricula apart from the family, the school’s
effect can operate more independently of parental influences. This relative positioning of school
and family represents the second major institutional condition under which
school effects are more likely to occur» (p. 138)
c) Les préférences et
habiletés de l’enseignant quant à la mobilisation de différents outils
d’enseignement et de normes sociales : Dans une majorité de pays
en voie de développement, les recherches qualitatives démontrent que l’autorité
de l’enseignant est très importante et les discussions latérales entre les
élèves sont peu fréquentes. Lorsque l’enseignant décide d’adopter une pédagogie
plus participative cela n’apporte pas nécessairement un gain quant à la
réussite scolaire des élèves. Par exemple, aux Philippines, la réussite
scolaire est moindre dans les classes où l’enseignant emploie une pédagogie
plus active et participative (Lockheed et Zhao, 1993). Pourtant, d’autres
recherches effectuées dans d’autres pays rapportent des effets positifs à une
telle pédagogie.
d) Le degré de concordance
entre le comportement pédagogique de
l’enseignant et les normes locales en ce qui concerne l’autorité, l’instruction
et la participation sociale au sein de l’école : Le type de pédagogie
à employer pour favoriser la réussite scolaire peut différer d’une culture à
une autre selon les normes sociales véhiculées concernant : l’autorité de
l’enseignant, la participation scolaire des élèves (interactions avec
l’enseignant et avec les autres élèves), les différents types de travaux
scolaires et l’organisation du travail (travail individuel ou en équipe, outils
pédagogiques, etc.).
Ainsi, en ce qui concerne
l’autorité de l’enseignant, on peut constater que dans plusieurs sociétés
traditionnelles, l’enseignant exerce son rôle en exhibant son savoir et en
présentant des connaissances factuelles. L’accent est souvent mis sur
l’apprentissage par cœur, plutôt que sur la compréhension de différents
concepts par les élèves.
Les auteurs soutiennent que
l’impact de certains matériels scolaires ou méthodes d’enseignement peut varier
considérablement selon la culture du milieu dans lequel ses facteurs sont mis
en place.
Conclusion
L’approche politique (policy mechanics) a grandement
contribué à une meilleure connaissance des différents facteurs pouvant
améliorer l’efficacité scolaire au sein des institutions d’éducation. De même,
les chercheurs notent également à quel point les pratiques d’enseignement
diffèrent selon les sociétés et les communautés locales et tentent, de plus en
plus, de tenir compte de ces différences dans le cadre de leurs recherches. Pour
l’avenir, il faudra donc cerner comment les nouveaux outils et les nouvelles
pratiques sont intégrés culturellement et comment ils sont compris par les
enseignants et par les élèves afin de s’assurer qu’ils permettent de mettre en
place des formes d’apprentissage et de socialisation qui conviennent aux
décideurs en éducation ainsi qu’aux communautés locales.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Instruction, éducation et transmission entre générations
Ce qui suit est une fiche de lecture du texte :
Résumé général du texte
Problématique développée
Cadre de référence
Conclusion
Résumé général du texte
Le propos est de
resituer le rôle de l’école dans le cadre des relations entre générations, ce
qui conduit l'auteur à distinguer entre éducation et instruction, et à souligner le
fait que l’éducation, la socialisation constituent une base nécessaire pour
l’acquisition de connaissances. Ses réflexions s’appuient sur mes recherches en
anthropologie. Une part importante des connaissances dispensées par l’école se
justifient par leur utilité (réelle ou supposée) ; cette fonction est légitime
: les élèves sont en droit d’espérer que les années passées à l’école les
aideront à trouver un emploi et à faire leur place dans la société. Cependant, dans la mesure où cette acquisition de connaissances implique elle-même
la relation entre deux générations et l’ensemble de la transmission éducative
qui s’opère de l’une à l’autre, les processus relationnels et sociaux qui sont
en cause sont au plus loin des relations marchandes et ne sauraient être
convenablement appréhendés dans un cadre de pensée utilitariste. En effet, la
position de donateurs que les membres d’une génération assument ainsi au
bénéfice de la suivante ne les intègre pas à un cycle d’échanges dont ils
bénéficieraient en retour, mais fait d’eux les maillons de la transmission
culturelle irréversible qui va de pair avec la reproduction biologique et la
mort.
Problématique développée
Afin de préciser sa position,
Flahault mentionne que l’éducation et la socialisation constituent une base
nécessaire pour l’acquisition de connaissances. Ajoutons qu’une part importante
des connaissances dispensées par l’école se justifie par leur utilité (réelle
ou supposée).
Le chercheur soulève le problème
suivant :
L’acquisition de connaissances
implique la relation entre deux générations. La transmission éducative qui
s’opère de l’une à l’autre, les processus relationnels et sociaux qui sont en
cause sont très éloignées des relations dites marchandes… C’est pourquoi le cadre
de pensée utilitariste ne s’avère pas approprié.
« En effet, la position de
donateurs que les membres d’une génération assument ainsi au bénéfice de la
suivante ne les intègre pas à un cycle d’échanges dont ils bénéficieraient en
retour, mais fait d’eux les maillons de la transmission culturelle irréversible
qui va de pair avec la reproduction biologique et la mort. » (Flahaut,
2006, p. 295)
Cadre de référence
1er thème abordé : L’être humain
L’humain se façonne grâce à deux types de transmission :
-
Génétique
-
Culturelle
La transmission de connaissances a lieu par le biais du
milieu de vie (au quotidien) et de l’enseignement. L’enfant assimile de
diverses façons :
-
Transmission de connaissances
-
Mimétisme des manières d’être, des pratiques
relationnelles et des savoir-faire
« Cette transmission qui s’opère dans
l’expérience quotidienne du rapport avec les adultes constitue la base de
l’existence de l’enfant et de sa socialisation. Si ces acquisitions fondatrices
se mettent en place convenablement, elles favorisent ensuite l’acquisition des
connaissances. D’où la nécessité de distinguer entre instruction et éducation. »
(Flahault, 2006, p. 295)
2e thème abordé : L’instruction
Flahaut commence cette section en
donnant une définition de l’instruction et une définition de l’éducation:
« L’instruction, c’est l’acquisition de
connaissances grâce à l’enseignement. » (Flahault, 2006, p. 296)
Le chercheur précise qu’il est possible d’être éduqué et
socialisé sans être instruit. Toutefois, il est impossible d’être réceptif à
l’instruction s’il y a absence de socialisation. Il souligne que cette
déclaration va littéralement à l’encontre d’une conviction ancrée depuis
longtemps (à l’époque des Grecs) dans la culture occidentale. Cette conviction
enracinée se résume ainsi : l’éducation se ferait par l’instruction. C’est
une erreur de croire que l’instruction est la base de l’éducation.
« On
peut être convenablement éduqué et socialisé sans pour autant être très
instruit. Mais on ne peut pas s’instruire, on ne désire pas apprendre si,
d’abord, on ne bénéficie pas d’une certaine socialisation. » (Flahault, 2006,
p. 296)
« Un professeur est, par définition, quelqu’un
qui a misé sur l’acquisition de connaissances et qui doit à cet investissement
la place qu’il occupe dans la société ; il n’est donc pas étonnant qu’il
partage la conviction que la formation de l’être humain et du citoyen résulte
essentiellement de la transmission du savoir. » (Flahault, 2006, p. 296)
3e thème abordé : L’éducation
Flahault donne une définition de l’éducation :
« L’éducation, c’est le développement de la
capacité à être soi tout en étant avec les autres, à ménager ses relations avec
eux, à participer à la vie sociale, à intérioriser la culture commune. » (Flahault,
2006, p. 296)
Le chercheur affirme que le processus d’éducation est
fortement lié aux apprentissages. Cependant, il souligne que ces apprentissages
ne passent qu’en partie par l’enseignement. De prime abord, l’éducation
commence par le développement de la communication et du langage (socle commun).
De plus, l’éducation s’orchestre par le biais des relations avec les personnes
de l’entourage. Flahaut décrit le phénomène comme une immersion dans un
environnement social et culturel.
4e thème abordé : Le lien social et la
famille
Par rapport au lien social, l’éducation implique un
rapport entre la génération des adultes et la génération des enfants.
L’évolution de l’humanité s’est faite grâce au contact prolongé entre les
générations. Des incontournables :
-
La bienveillance, encouragement (désir de
reconnaissance de la part de l’enfant)
-
La solidité du cadre
Il est à noter que plus la relation est satisfaisante pour
l’enfant, plus ce dernier aura les habiletés requises pour nouer des relations
avec ses pairs. Si, au contraire, la socialisation se fait mal, le terrain
n’est pas propice à l’acquisition de connaissances.
« Le vivre-ensemble est d’abord le vivre-ensemble
de l’enfant avec les adultes qui s’occupent de lui. Ce rapport ne se limite pas
à une transmission de connaissances ; c’est un lien personnel par lequel un
enfant se trouve encadré, reçoit la possibilité d’exister. » (Flahault,
2006, p. 297)
Différences garçons-filles
« Les filles sont plus sensibles aux liens entre
générations dans la mesure où elles portent en elles la possibilité de donner
naissance. Il n’en va pas de même pour les garçons. Chez eux, l’aspiration à
être un homme, liée à des images de virilité, n’a souvent aucun rapport avec
des images de paternité. C’est pourquoi l’adolescence est souvent plus
problématique chez les garçons et peut les enfermer dans une culture mimétique,
une culture d’opposition à celles des adultes, renforçant chez eux le goût de
la transgression qui est inhérent à l’être humain. » (Flahault, 2006, p. 299)
5e thème abordé : L’école, le rôle
éducatif et le savoir
Les enseignants répondent aux
exigences du ministère de l’Éducation. Ils ont sans contredit une importante
responsabilité éducative. Même si les parents sont fortement impliqués dans le
processus de socialisation, l’école y joue également un rôle. Il ne s’agit pas
uniquement d’un lieu de transmission du savoir.
« Réduire l’école à sa fonction de transmission
du savoir, c’est placer au premier plan la fonction informationnelle du langage
en oubliant que celle-ci est enchâssée dans sa fonction
relationnelle-existentielle, ou, pour le dire en termes linguistiques, en
oubliant le fait que tout énoncé est lui-même enchâssé dans un acte
d’énonciation. » (Flahault, 2006, p. 301)
À l’école comme au sein de la vie familiale, la relation
entre les représentants de l’autorité et les enfants ne devrait pas être fondée
sur un contrat.
« Il est pour le moins curieux de voir introduite
à l’école la norme du contrat par ceux-là mêmes qui, souvent, s’inquiètent de
l’emprise du libéralisme économique dans le domaine de l’éducation. » (Flahault,
2006, p. 301)
Par rapport au savoir, le chercheur affirme qu’en donnant
du savoir aux élèves, les enseignants ne sont pas toujours conscients qu’ils
briment le sentiment d’exister des enfants. Ces derniers réagissent
négativement et l’enseignant impute la réaction à la mauvaise volonté, à
l’ignorance ou encore aux difficultés d’apprentissage. Il suffit d’écouter les
élèves pour comprendre que, pour eux, la relation entre le savoir et la réalité
est essentielle (lien entre apprentissages à l’école et environnement de vie).
« La propension à faire du savoir une fin en soi
témoigne de la pente naturelle de l’école qui, comme toutes les grandes
institutions, tend à fonctionner sur un mode autoréférentiel. Or cette
propension autoréférentielle crée d’emblée un malentendu entre professeurs et
élèves. » (Flahault, 2006, p. 302)
Interprétation
6e thème abordé : L’éducation à la
citoyenneté
Flahault insiste enfin sur le fait que l’instruction et la
transmission de connaissances doivent être reliées dans un processus de
socialisation. Historiquement, selon lui, l’école se serait construite contre
la société.
L’auteur reconnaît l’importance de l’éducation à la citoyenneté.
Il ajoute qu’un enfant sera en mesure de répondre à ses obligations et ses
devoirs de citoyen s’il ressent un bien-être dans ses relations avec les
personnes qu’il côtoie.
« Le bien-être relationnel a des vertus
éducatives, réduire le taux de souffrance des enseignants et des élèves n’est
pas un objectif accessoire. » (Flahault, 2006, p. 303)
Conclusion
En somme, l’auteur rappelle que la vie scolaire doit être
une vie sociale connectée au monde extérieur, à la société dont l’école fait
partie. Des préalables…
- relations de travail et de concertation des enseignants
entre eux (au lieu que chacun se trouve toujours seul face à ses élèves comme
s’il exerçait une profession libérale);
-
relation des profs avec l’administration;
-
relation de l’intérieur de l’école avec l’environnement
social.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
16 septembre 2015
La socialisation au travail comme indicateur de développement professionnel: analyse des approches basées sur la mesure
Référence de la version originale de ce texte :
Martineau, S., Portelance, L., Presseau, A. (2009). La
socialisation au travail comme indicateur de développement professionnel :
analyse des approches basées sur la mesure. Revue française Questions vives, thème : Le développement professionnel : quels
indicateurs ? Coordination Jean-François Marcel, Les sciences de l’éducation en
question, Université de Provence – Aix-Marseille Université, département des
sciences de l’éducation, vol. 5, no. 11, p. 243-258.
Introduction
Notre texte se veut pour l’essentiel une analyse
de quelques aspects méthodologiques et épistémologiques des recherches sur la
socialisation professionnelle (ou organisationnelle), recherches liées au champ
du développement professionnel. Plus précisément, nous y conduisons une
réflexion critique sur les différents outils de mesure les plus utilisés en
recherche dans ce domaine. D’abord, nous esquissons une problématique de la
recherche en socialisation professionnelle et nous apportons quelques précisions
conceptuelles nécessaires en situant la question de la socialisation par
rapport au développement professionnel. Ensuite, nous spécifions nos critères
d’analyse de la littérature spécialisée. Suit alors une analyse critique des
aspects méthodologiques des recherches sur la socialisation professionnelle.
Les principales insuffisances des recherches sont identifiées - notamment au
regard des indicateurs - et des pistes de perfectionnement des outils sont
esquissées. Enfin, nous menons une brève discussion sur la pertinence
épistémologique des approches de la mesure dans l’analyse de la socialisation
professionnelle.
1. Mise en contexte
Dans le domaine de la socialisation
professionnelle (parfois nommée aussi socialisation organisationnelle) les
recherches ont connu un développement que l’on peut qualifier de paradoxal.
Ainsi, depuis trois décennies environ les chercheurs ont clairement démontré
que la socialisation professionnelle est un enjeu central pour la compétence
des acteurs en milieu de travail. Plus spécifiquement, on sait qu’en
enseignement, les milieux scolaires qui mettent sur pied des dispositifs
d’insertion professionnelle favorisent une meilleure entrée dans la carrière
enseignante et réduisent les risques de décrochage de la profession (Martineau,
Presseau & Portelance, 2009 ; Martineau & Vallerand, 2007).
Toutefois, et c’est là le paradoxe que nous signalions au début de ce texte, la
grande richesse dans l’analyse des indicateurs et des implications de la
socialisation professionnelle s’accompagne aussi de lacunes importantes tant
sur le plan de la définition du concept que sur celui de sa mesure dans la
tradition des recherches reposant sur la mesure.
La définition de la socialisation professionnelle
ne fait pas consensus. Pour certains, elle permet de maîtriser un rôle en
milieu de travail (Van Maanen & Schein, 1979). Pour d’autres la
socialisation professionnelle permet une compréhension de la culture d’une
organisation (Louis, 1980). Enfin, pour d’autres encore, elle renvoie au
phénomène d’appartenance à une organisation (Feldman, 1976). Si les définitions
abondent (et ici nous ne pouvons citer tous les auteurs consultés), on en
connaît beaucoup moins sur la nature du processus en tant que tel ; bien
qu’à cet égard les travaux de Dubar (1996) et de Dubar et Tripier (2005) ont
indiqué des pistes prometteuses. En fait, la socialisation professionnelle
apparaît comme étant un processus défini essentiellement par ses résultats
plutôt que par son fonctionnement (nous y reviendrons). Par ailleurs, les
chercheurs sont loin de s’entendre au sujet de la nature de ces résultats, de
sorte qu’un certain flou demeure.
a) Des défis pour la recherche
Revenons d’abord rapidement sur les sources des
théories de la socialisation. Très tôt deux logiques se sont fait concurrence.
D’un côté nous avons les thèses déterministes où la socialisation est
intimement liée à la perpétuation des sociétés (Bolliet & Schmitt, 2002).
Ici, le regard se porte d’abord sur la société et la socialisation est, pour
l’essentiel, un processus de transmission de la culture (Durkheim, 1967 ;
Linton, 1986 ; Rocher, 1992). D’un autre côté, on retrouve les thèses
essentiellement individualistes (Weber, 1971). Pour elles, la socialisation est
d’abord un processus de formation de la personne (Piaget, 1965). Distinguons
les succinctement (le lecteur nous pardonnera ici une schématisation trop
rapide).
Les approches holistes ou déterministes reposent
en quelque sorte, plus ou moins explicitement, sur les idées suivantes :
-
l’homme apprend
de manière essentiellement passive par intériorisation;
-
l’homme
est façonné par la société ;
-
il y a primauté de la société sur l’individu ;
-
la société impose des valeurs, des normes, des rôles qui exercent une
contrainte sur les
- individus ;
- l’action de l’individu est conditionnée
(agents de socialisation : famille, école).
En conséquence, la recherche met surtout en
évidence le conformisme aux rôles, aux valeurs, aux normes, aux attitudes.
Quant à elles, les approches plutôt
individualistes (inspirées plus ou moins de la sociologie compréhensive de
tradition wébérienne, de l’interactionnisme et de la psychologie sociale)
mettent de l’avant les éléments suivants :
-
l’homme apprend
de manière essentiellement active par appropriation personnelle;
- la société est façonnée par
l’homme ;
- il y a primauté de l’individu
sur la société ;
- les normes, les valeurs et les rôles ne sont que des possibilités offertes à l’individu qui
conserve une marge de liberté dans
l’exercice de ces rôles.
Ici, l’individu est un acteur social. Il « agit
sur » autant « qu’il est agi par » le monde social dans lequel
il évolue.
Les tentatives pour dépasser l’enfermement dans
l’une ou l’autre des deux logiques ont été nombreuses ; on pense
notamment, pour le processus général de socialisation en société, aux travaux
pionniers de Mead parus dans les années 1930 (1963). La théorie de la
structuration de Giddens en est un exemple relativement récent (2005, première
édition en français 1987). Toutefois, à l’heure actuelle, il n’existe pas
encore de théorie générale de la socialisation qui puisse réconcilier les
diverses positions (Lacaze, 2002). En cela, il s’agit, convenons-en, d’une
situation normale pour les sciences humaines et sociales où la diversité
d’approches, de théories et de paradigmes est de mise et notre texte n’a aucune
prétention de jouer un quelconque rôle rassembleur. Notre propos est
considérablement plus modeste.
Ce même clivage entre visions plutôt holistiques
ou déterministes et visions principalement individualistes se vérifie dans les
recherches plus spécifiques sur la socialisation professionnelle. Par exemple,
si certains voient la socialisation professionnelle comme un processus cognitif
d’attribution de sens (Louis, 1980), d’autres l’identifient davantage à une
stratégie organisationnelle pour « enculturer » le travailleur (Van
Maanen & Schein ; 1979). Pour leur part, Sainsaulieu (1977, 1984) et
Dubar (1996) mettent l’accent sur les interactions au travail lesquelles
seraient centrales dans la structuration de l’identité professionnelle. Ces
deux sociologues, influencés par le courant interactionniste, insistent sur le
fait que la culture organisationnelle que doit connaître le nouveau travailleur
se modifie sans cesse. Par ailleurs, leurs travaux laissent bien voir qu’au
sein d’une organisation, on retrouve différentes identités professionnelles qui
renvoient à autant de catégories de « travailleurs » différents. Par
exemple, dans une école, on n’a qu’à penser aux enseignants, aux professionnels
non enseignants (psychologues scolaires, etc.), aux membres de la direction
(Sainsaulieu, 1984 ; D’Iribarne, 1989,
1986).
Cette diversité d’approches n’est pas sans
présenter un défi. L’absence de consensus au sujet de la socialisation rend en
effet son opérationnalisation difficile. Dès 1986, Fisher fait remarquer qu’au
moment où il écrit, non seulement les recherches
sur la socialisation professionnelle ont donné lieu à un faible nombre d’études
empiriques mais, surtout, que les mesures – lorsqu’elles existent – portent sur
des indicateurs indirects. En fait, les recherches mesurent les conséquences
attendues de la socialisation professionnelle. Ces premières recherches
utilisent donc les indicateurs suivants : satisfaction, engagement,
performance. Des recherches ultérieures ont essayé de dépasser le relatif simplisme des premières études en se centrant
sur l’identification de conséquences plus directes de la socialisation
professionnelle. Elles ont donc tenté d’identifier les éléments qui devraient
être maîtrisés à l’issue du processus de socialisation au travail. Ces
recherches ont eu le mérite d’étudier le contenu même de la socialisation et
d’établir des indicateurs spécifiques au concept. D’autres recherches encore,
en privilégiant une analyse du processus même de la socialisation professionnelle,
ont défini différents stades que le travailleur traverse durant sa
socialisation professionnelle. Nous y reviendrons plus loin.
b. Quelques définitions du concept
Bien des chercheurs se sont penchés sur cette
question de la socialisation professionnelle en particulier dans divers corps
d’emploi allant des enseignants aux entraîneurs sportifs en passant par les
gardiens de prison. Ces chercheurs ont alors proposé différentes définitions de
la socialisation professionnelle. À titre indicatif voyons-en brièvement
quelques unes.
Selon Dixon
(2005, 14): « Professionnal socialization is a continous process of
adaptation to and personalization of one’s environment ». Quant à Helm (2004, 76), il soutient :
« The process through which individuals gain the knowledge, skills, and
value necessary for entry into a professional career an advanced level of
specialized knowledge and skills ». Clark (1997, 442) va un peu dans le
meme sens: « acquisition of the knowledge, skills, value, roles, and
attitudes associated with the practice of a particular profession ». Pour
ce qui est de Klossner (2004, 12), il propose ce qui suit: « process by
which individuals learn the roles and responsibilities of their profession and
become emerging members of the professional culture ». Pour leur part,
Dunn, Linda and Seff (1994, 375) diront que la socialisation professionnelle
est un processus : « by which individuals acquire the attitudes,
beliefs, values and skills needed to participate effectively in organized
social life ». Spécifiquement, en ce qui a
trait aux enseignants, Lacey (1994, 6122) affirme que la socialisation
professionnelle : « refers to the process of change by which
individuals become members of the teaching profession and then take on
progressively more mature roles, usually of higher status, within the
profession ».
Au delà des différences de définitions plusieurs
caractéristiques communes ressortent de ce bref tour d’horizon. D’abord, la
socialisation professionnelle est un processus continu (Hébrard, 2004) dont la
fin, ultimement, n’est envisageable qu’au moment
où l’employé quitte l’organisation (par exemple, à la retraite). Ce processus
est complexe et comprend des aspects tant cognitifs, affectifs qu’interactifs
(Dubar, 2000 ; Gundry, 1993). Il prend forme dans l’interaction entre
l’acteur et son environnement physique et social de travail (Adler & Adler, 2005 ; Shamatov,
2005). Il se traduit par l’acquisition d’une sorte de culture de l’institution
(ou de l’organisation) vérifiable notamment à travers le rapport à certaines
valeurs, la possession de certaines connaissances et la mobilisation de
certaines compétences (Allen & Meyer, 1990 ; Ashford & Saks, 1996 ;
Dixon, 2005). C’est dire que la socialisation professionnelle se vérifie
notamment dans l’attitude et la pratique du travailleur (Høivik, 2005 ; Keith & Moore, 1995). Enfin, la socialisation
professionnelle comporte des incidences certaines sur l’identité
professionnelle de l’acteur (Klossner, 2004 ; Martineau, 2008). En cela,
elle est un processus de changement identitaire où le sujet se définit par
rapport à son groupe professionnel (Langlois, 2000 ; Osiek-parisod, 1995).
3. Le développement professionnel
Après ce bref rappel des questions entourant la
problématique de la socialisation professionnelle, jetons un œil sur le
développement professionnel. Il s’agit d’un concept qui a émergé d’abord dans
les recherches de type managérial et dont la popularité a été croissante, ces
dernières décennies, au fur et à mesure que le marché du travail s’engageait
dans une restructuration majeure axée notamment sur la polyvalence de la
main-d’œuvre et sa responsabilisation face à la qualité du travail fourni
(Bryant, 2007). C’est dans cette même optique, par
exemple, que le concept de compétence a pris le pas sur celui de
qualification. Il en existe plusieurs définitions. Killion (2002, 11) soutient ainsi que le
développement professionnel est « …the planned, coherent actions and
support systems designed and implemented to develop knowledge, skills,
attitudes, aspiration, and behaviors to improve student achievement ». Pour sa part, Guskey (2000, 16)
précise que le développement professionnel inclut : « …those
processes and activities designed to enhance the professional knowledge,
skills, and attitudes of educators so that they might, in turn, improve the
learning of students ». Ou encore, pour Nault (2005,
30) : « Le développement professionnel est la somme des
apprentissages effectués de façon formelle ou informelle au cours de la
carrière, de ses débuts jusqu’à la retraite ». Nous pourrions citer ici
encore bien des auteurs. Disons pour le moment que s’il y a un relatif
consensus pour faire du développement professionnel un processus dans lequel le
travailleur s’engage afin d’en arriver à un niveau de maîtrise et de
compréhension supérieur de sa pratique (Uwamariya & Mukamurera, 2005), on
constate également des divergences quant à la manière de définir ce processus.
Ces divergences vont porter sur l’ampleur du processus : transformation
des seuls savoirs et compétences ou modification également des attitudes voire
des aspirations professionnelles. Elles vont porter aussi sur la manière dont
le développement est assuré : d’aucuns soutiennent que le développement
professionnel ne saurait se faire de manière informelle pendant que d’autres
vont jusqu’à inclure l’apprentissage informel comme modalité de développement
(Nault, 2005 ; Day, 1999). Enfin, certains vont insister sur la dimension
collaborative du processus (Speck & Knipe, 2001) pendant que d’autres
mettront l’accent sur l’engagement personnel (Guillemette, 2006).
4. La socialisation professionnelle dans le
développement professionnel
D’entrée de jeu, disons d’emblée qu’il va de soi
que nous ne pourrons qu’esquisser ici les liens entre ces deux processus.
D’abord, soulignons que, selon nous, la socialisation professionnelle est un
processus qui semble plus global que celui de développement professionnel. En
effet, tout acteur au travail s’inscrit dans un processus de socialisation où
il est à la fois réceptacle des influences et agent de socialisation à son
tour. On le sait, l’homme ne peut entrer en relation avec autrui, agir dans un
contexte donné ou inscrire son activité professionnelle dans un cadre
particulier, sans que de « la socialisation ne s’en suive ». En ce
sens, la socialisation professionnelle est un processus qui englobe tout ce qui
permet de maîtriser un rôle en milieu de travail, assure une certaine
compréhension de la culture d’une organisation ou encore, définit un certain
rapport identitaire à une organisation (Martineau & Presseau, 2007). Quant
au développement professionnel, il renvoie essentiellement, comme on la vu plus
haut, à un apprentissage formel ou informel visant la plus grande maîtrise de
l’agir professionnel. On peut dire alors que son horizon est finalisé :
accroître l’efficacité et l’efficience de l’acteur dans son milieu de travail.
Ainsi, si le concept de socialisation professionnelle peut, à la limite, se
conjuguer tout autant dans le sens de l’intégration que de la distance (voire
l’hostilité) aux objectifs de l’organisation - car on peut imaginer une
socialisation délinquante, des comportements d’évitement « appris »,
un « monde parallèle » des travailleurs à l’abris des supérieurs - on
imagine mal un développement professionnel qui conduirait le travailleur à
moins de bien-être au travail, à moins d’efficacité, à moins de
professionnalisme.
On l’aura alors compris, les recherches, à
majorité anglo-saxonnes, qui portent sur la socialisation professionnelle
envisagent en général ce processus sous le seul angle de ce que nous pourrions
considérer comme le développement professionnel. En effet, la grande majorité
de ces recherches conçoivent la socialisation professionnelle dans une optique
qu’il est possible de qualifier de normative au
sens que la socialisation y est présentée sous l’angle de la meilleure
intégration du travailleur à l’organisation. Cette orientation générale est
directement liée aux origines managériales de ces recherches.
Avant de conclure cette section, il s’avère
nécessaire de mieux spécifier en quoi la socialisation peut être un indicateur
du développement professionnel. Au sens fort du terme, la socialisation est un
processus de transformation du sujet qui s’approprie une culture donnée (en
contexte de travail, la culture organisationnelle). La conséquence la plus
saillante de la socialisation est de rendre relativement stables certaines
dispositions (manière de sentir, de penser, d’agir). Or, la socialisation, bien
qu’elle soit un processus individuel (chacun en fait une expérience personnelle
et originale) conduit les sujets d’une communauté (de travail ou non) à un plus
ou moins grand partage de valeurs, de règles, de normes, de représentations. En
tant d’instrument de régulation sociale, la socialisation permet en outre
l’économie de la surveillance et des sanctions externes au sens où les acteurs
conforment leurs comportements aux attentes du groupe.
Ajoutons que dans le cadre d’une organisation de
travail, lorsqu’elle s’oriente vers une certaine conformité à la culture
organisationnelle, la socialisation professionnelle peut être vue comme un
facteur de développement professionnel dans la mesure où le sujet acquiert une
capacité à « lire les situations », à se mouvoir adéquatement dans
l’organisation, à adopter les bons comportements aux bons moments (en cela, il
devient donc en quelque sorte plus efficace et plus efficient). On comprendra
alors que toute organisation de travail gagne à abriter en son sein des acteurs
« bien socialisés ». Mentionnons toutefois que le lien entre
socialisation professionnelle et développement professionnel est loin d’être
simple et automatique. En effet, on peut imaginer qu’une trop grande conformité
aux normes et aux règles de l’organisation puisse conduire à des comportements
ritualisés peu efficaces et qui laissent peu de place à l’innovation. Au fond,
la socialisation professionnelle participera du développement professionnel
dans la mesure où elle n’enfermera pas le sujet dans des rôles et des statuts
stéréotypés mais lui permettra de développer un rapport réflexif à son travail.
Malheureusement, nous ne pouvons ici développer plus avant ces quelques
considérations et nous sommes conscients d’en rester à un niveau de généralité
très élevé.
5. Critères d’analyse d’un instrument de
mesure en sciences humaines et sociales
Notre questionnement de
fond, rappelons-le, porte ici sur les indicateurs de la socialisation
professionnelle. Plus spécifiquement, à partir d’une analyse de la littérature
francophone et anglo-saxonne, analyse qui, il va sans dire, ne saurait être
exhaustive, nous souhaitons réfléchir sur les instruments de mesure de la
socialisation professionnelle. En effet, parler d’indicateurs renvoie immédiatement
à leur opérationnalisation. En somme, nous nous posons la question suivante :
les instruments mesurent-ils bien le concept de socialisation professionnelle ?
On le sait, le social ne saurait se mesurer comme
les objets physiques (Freitag, 2002). Les phénomènes sociaux sont complexes et
les acteurs qui y participent en ont déjà une interprétation (Dumont, 1968).
Giddens (2005) dirait qu’ils possèdent une conscience réflexive sur le monde
qu’ils habitent. Par ailleurs, souvent les mesures
ne peuvent être répétées dans le même contexte puisque les recherches ne se
mènent pas en laboratoire. En fait, le problème central qui se pose aux
chercheurs est d’identifier des indicateurs observables qui restituent le plus
fidèlement possible les caractéristiques du concept (Cohen, Manion &
Morrisson, 2000). Or, pour mesurer le degré auquel les indicateurs retenus dans
la littérature représentent le concept de socialisation professionnelle, il
semble nécessaire d’utiliser quatre principales notions :
- la fiabilité : l’indicateur est déterminé davantage par le concept
que par le hasard ;
- la validité : l’indicateur mesure bel et bien ce qu’il est supposé
mesurer ;
- la faisabilité : le nombre d’indicateurs ne doit pas être trop
élevé et ceux-ci doivent être compréhensibles ;
- la sensibilité : l’indicateur est-il capable d’enregistrer des
variations assez fines du concept.
Dans un premier temps, nous nous attarderons aux
critères en usage pour déterminer le niveau de socialisation de l’acteur. Dans
un deuxième temps, nous nous pencherons – trop rapidement nous en convenons
déjà – sur la manière dont le temps est pris en compte dans la mesure de la
socialisation professionnelle. Précisons que cette
partie de notre exposé doit énormément au travail synthèse effectué par
Catherine Fabre du Laboratoire Interdisciplinaire de recherche
sur
les Ressources Humaines et l'Emploi (LIRHE, Unité mixte de recherche
CNRS/UT1 Université des Sciences Sociales, Toulouse). Nous
empruntons donc sensiblement les mêmes
chemins que ceux de cette chercheure.
6. Les indicateurs de la socialisation
professionnelle
Tout d’abord, nous allons présenter les
indicateurs qui représentent les conséquences attitudinales de la
socialisation. Ensuite, nous nous attarderons aux indicateurs qui traduisent
les conséquences de la socialisation en termes de maîtrise des domaines de
socialisation. Enfin, nous analyserons les indicateurs donnant à voir l’aspect
dynamique de la socialisation professionnelle.
6.1 Typologie et caractéristiques des mesures
effectuées
La très grande majorité des mesures de la
socialisation professionnelle porte sur les conséquences de la socialisation.
En fait, on analyse directement l’effet de cet indicateur sur d’autres
variables telles la satisfaction au travail, l’engagement professionnel, le
projet de quitter son emploi, le rôle professionnel, etc. Ces dernières
variables sont censées représenter fidèlement le niveau de socialisation
professionnelle du travailleur.
À l’instar de Fabre (2005), on peut alors se poser
deux questions : 1- Dans quelle mesure les conséquences sont-elles
réellement corrélées à la socialisation professionnelle ? 2- Est-il
suffisant de mesurer les conséquences de la socialisation professionnelle ?
Expliquons brièvement. La première question renvoie au problème suivant :
considérer implicitement que l’insertion professionnelle dépend uniquement de
la socialisation professionnelle. Or, des recherches en ce domaine démontrent
bien que ce n’est pas le cas (Martineau, Vallerand, & Bergevin, 2008 ;
Portelance, Mukamurera, Martineau & Gervais, 2008 ; Vallerand &
Martineau, 2006). Bien des indicateurs interviennent : formation
antérieure, type de contrat d’embauche, type de poste occupé, etc. On serait en
droit de s’attendre à ce qu’un instrument de mesure de la socialisation
professionnelle puisse indiquer clairement ce qui relève du processus de
socialisation et ce qui relève d’autres facteurs. La deuxième question, quant à
elle, renvoie au fait que le processus de socialisation professionnelle est à
toute fin pratique considéré comme une boîte noire. En effet, les recherches ne
mesurent pas ce qui se passe à l’intérieur du processus mais seulement ses
résultats : satisfaction au travail, engagement professionnel, maîtrise
des savoirs et des compétences, etc. Comme le souligne pertinemment Fabre
(2005, 7) à la suite de Chao, O'Leary-Kelly, Wolf, Klein et Gardner (1994) :
« En effet, ces indicateurs sont en mesure d’établir des liens de
corrélation entre un facteur et un degré de réussite de la socialisation
professionnelle, mais ils sont incapables d’expliquer les causes de succès ou
d’échec et d’identifier les problèmes à résoudre. Constater des corrélations
sans les expliquer ne permet pas d’analyser une situation, d’établir un
diagnostic et des prescriptions ».
6.2. La socialisation professionnelle mesurée
par des variables de résultat
Dans la grande majorité des recherches menées à ce
jour, les variables expliquées par la socialisation professionnelle sont en
fait utilisées comme des indicateurs (par exemple, la satisfaction au travail,
l’intention de demeure en poste, l’engagement), des variables manifestes de ce
concept. La mobilisation de ces indicateurs relativement éloignés du concept de
socialisation professionnelle permet, il faut bien le dire, la multiplication
des mesures empiriques. C’est la raison de leur emploi fréquent. Le problème
vient du fait que peu à peu la mesure se substitue au concept lui-même (Allen &
Meyer, 1990, Ashford & Saks, 1996 ; Jones, 1986). Force est de
constater que les variables de type « attitudes » (comme celles que
nous venons de mentionner) ne sont reliées que de manière fort imparfaite à la
socialisation professionnelle. Par ailleurs, pour chacune il faut également
identifier des indicateurs précis. En combinant ces variables pour atteindre la
socialisation professionnelle et en identifiant leurs indicateurs, on multiplie
les approximations dans les mesures. On peut donc se demander si l’emploi de
telles variables est une pratique vraiment pertinente. En somme, compte tenu de
ce qui précède, on peut se demander si ce qui est mesuré ainsi est réellement
en adéquation avec le concept. En l’absence de la certitude
que les variations des variables expliquées (intention de changer d’emploi,
satisfaction au travail, engagement professionnel, etc.) sont effectivement
expliquées par la variation de la variable indépendante (ici, la socialisation
professionnelle), il est impossible d’affirmer que ce qui devrait être mesuré
l’est bel et bien. En termes de validité donc, on ne peut que constater la
faiblesse des outils de mesure.
6.3. La socialisation professionnelle mesurée
au moyen de domaines de socialisation
Afin d’éliminer ou de réduire les lacunes
identifiées plus haut, Chao et al. (1994) ont élaboré une mesure spécifique du
construit théorique de la socialisation professionnelle. En effet, leur échelle
se compose de six dimensions partiellement indépendantes : la maîtrise des
compétences, le développement de relations sociales, l’acceptation de la
culture organisationnelle, la maîtrise du langage de la profession et du jargon
organisationnel, la capacité à utiliser les structures de pouvoir formelles et
informelles, la connaissance historique de l’organisation. À l’inverse de
Fisher (1986), les travaux de Chao et al. (1994) laissent cependant de côté la
construction d’une identité professionnelle (ce que nous déplorons). L’échelle
ainsi créée (comprenant en tout 34 items) a été testée et améliorée et
présenterait un bon niveau de fiabilité et de validité interne. Selon ce qu’en
rapporte notamment Fabre (2005), la variance expliquée par les six dimensions
extraites lors de l’analyse en composantes principales serait de 58%, et
restituerait les dimensions construites théoriquement. Il semblerait que cette
échelle de mesure soit capable de saisir plus finement le phénomène de la
socialisation professionnelle que les variables de résultat. On peut toutefois
souhaiter que cette échelle soit enrichie par une variable comme l’identité
professionnelle qui est, selon bien des chercheurs, associée à la socialisation
professionnelle (Bauer, Morrison & Callister, 1998). Par ailleurs, les
instruments de mesure de la socialisation devraient notamment permettre de
discriminer différents phénomènes. On pense ici, entre autres, au fait de
comprendre son milieu de travail (par exemple, savoir qui fait quoi) et au fait
d’adhérer aux valeurs du milieu (par exemple, partager le projet de son école).
Signalons que d’autres chercheurs ont également élaboré des échelles du même
type. On pense notamment aux travaux de Taormina (1994, 1997, 2004). Compte
tenu de l’espace qui nous est imparti, il ne saurait être question ici de les
présenter.
En somme, si certains travaux apportent plus de
précisions dans la mesure des indicateurs de socialisation professionnelle,
nous sommes encore loin de posséder des outils parfaits. On notera surtout que
les items qui mesurent le degré de compréhension, ceux qui mesurent le degré d’adhésion
et, enfin, ceux qui mesurent le processus comme tel, semblent insuffisamment
discriminés.
6.4. La socialisation professionnelle mesurée
par son processus
Les études que nous venons d’évoquer se centrent
essentiellement sur les conséquences attendues de la socialisation
professionnelle. À aucun moment le processus même de la socialisation
professionnelle est réellement décrit. Toutefois, quelques chercheurs se sont
penchés sur la question (Feldman, 1976 ; Louis, 1980 ; Schein, 1978).
Bien que leurs travaux datent déjà de presque trois décennies, leur pertinence
apparaît encore évidente (à tout le moins dans
l’univers de la recherche de la mesure). Ces chercheurs ont tenté de
décrire le plus précisément possible les étapes que traverse un acteur lors de
sa socialisation au travail. Il y aurait ainsi trois grandes étapes de
socialisation : la socialisation anticipée, la confrontation à la réalité,
l’adaptation.
Ces travaux nous paraissent intéressants dans la
mesure où ils se centrent sur ce que vit l’acteur et ont recours à différents
concepts pour le faire : les attentes envers le milieu professionnel, une
vision réaliste du milieu de travail, les conflits d’identité, le changement,
l’adaptation à de nouvelles valeurs, la perception et l’interprétation de
l’information. Par contre, ces travaux n’expliquent pas les mécanismes de
passage entre les différentes étapes, ce qui est une lacune importante sur le plan de la compréhension du
processus de socialisation professionnelle. Par ailleurs, les écrits de ces chercheurs demeurent fort peu explicites quant
à la durée des étapes de socialisation (et donc sur les raisons expliquant
cette durée).
7. Le temps dans la mesure de la socialisation
professionnelle
Bien qu’il semble aller de soi que le temps joue un
rôle significatif dans le processus de socialisation professionnelle, cet
indicateur a été étonnamment négligé par les recherches. En effet, même si de
nombreuses études longitudinales ont été menées depuis deux décennies sur la
socialisation professionnelle (Bauer et al. 1998), elles ont généralement
laissé le facteur temps dans une sorte d’arrière plan théorique (Shuval &
Adler, 1977). Il semble pourtant nécessaire d’inclure l’effet du temps dans la
mesure de la socialisation au travail (Fabre, 2005). Les recherches
longitudinales soulèvent ainsi un certain nombre de questions :
Doivent-elles se limiter à la seule première année d’embauche (Hill 1992) ?
Et, dans ce cas, comment peuvent-elles prendre en compte le type de lien
d’emploi (par exemple, les enseignants à temps partiel, ceux à contrat d’une
durée limitée, les enseignants à la leçon, etc.). Sachant que la socialisation
professionnelle est un processus irrégulier (Fabre, 2005; Pinder &
Schroder, 1987), comment les dispositifs de recherche longitudinale
peuvent-ils, sur le plan méthodologique, prendre en compte cette irrégularité ?
Force est de constater alors que notre
compréhension du processus de socialisation professionnelle est encore à
parfaire. Ainsi, si on sait que les attitudes et les perceptions prennent forme
assez tôt dès l’entrée au travail et même avant (Portelance, Mukamurera,
Martineau & Gervais, 2008), on en sait encore trop peu
sur la façon réelle dont ces dernières se construisent et selon quelle
temporalité. Comme nous le rappelle Fabre (2005, 15) : « Il semble
également nécessaire d’étudier le processus de socialisation en profondeur,
pour trouver un modèle explicatif de la dynamique temporelle de la
socialisation et comprendre les déterminants du progrès, les évènements qui
peuvent accélérer ou au contraire freiner la progression ». Les recherches
menées à ce jour ont trop tendance à présenter le processus de socialisation
professionnelle d’une manière linéaire (Langley, 1999). Pourtant, la
construction théorique de Dubar (2000), laisse bien voir que le processus de
socialisation ne saurait être conçu en tant que processus continu et linéaire.
Au contraire, la socialisation professionnelle semble aussi faite de moments de
discontinuité, de tensions, de contradictions voire même de ruptures
(Mintzberg, Raisinghani & Théorêt, 1976 ; Perier, 2004 ;
Schwenk, 1985 & Tremblay, 1998). Qu’on nous permette une fois de plus de
citer un peu longuement le texte de Fabre (2005, 16) : « Actuellement,
les données longitudinales sont prélevées alors que l’on ne maîtrise pas la
dynamique du processus. Ainsi, dans l’hypothèse où les différents domaines de
socialisation ne progressent pas au même rythme, et où l’on prélèverait des
données à un moment où l’individu ressent un retour en arrière dans l’un des
domaines, les résultats ne signifieraient absolument rien. Par conséquent, il
serait intéressant d’intégrer, au sein d’un modèle unique, théories de la
variance et théories du processus ».
Des recherches qualitatives semblent nécessaires
ici afin de raffiner notre compréhension du processus de socialisation
professionnelle. Ces recherches pourraient fournir des pistes intéressantes
pour la construction d’indicateurs plus fins tant en ce qui concerne les
résultats du processus qu’en ce qui a trait au processus lui-même. Par
ailleurs, les recherches qualitatives pourraient également aider les chercheurs
à élaborer des approches méthodologiques mieux ajustées à la complexité du
processus analysé. On ne peut que déplorer qu’à ce jour (comme c’est souvent le
cas dans nombre de domaines en sciences humaines et sociales), les recherches
dites qualitatives (à tendance phénoménologique, interactionniste ou
ethnométhodologique, pour ne nommer que ces approches) et les recherches disons
plus quantitatives (faisant usage d’échelles standardisées) aient été menées
dans une relative ignorance mutuelle.
8. Mais, en fin de compte, est-il pertinent de
mesurer la socialisation professionnelle ?
On le sait, « l’épistémologie de la mesure »[1] (ou, si l’on préfère, le courant hypothético-déductif) possède une
longue tradition et, malgré bien des faiblesses, a développé des outils
méthodologiques souvent performants qui ne sont pas sans intérêt (comme on a pu
le voir plus haut). Or, nos propos précédents ont porté sur les aspects
essentiellement méthodologiques des outils de mesure de la socialisation
professionnelle laissant volontairement de côté la question des fondements
épistémologiques. C’est de cet aspect du problème dont il sera question dans
cette section. On nous excusera de la brièveté de notre réflexion, l’espace qui
nous est imparti étant relativement restreint.
Les tensions entre les approches positivistes et
les approches interprétatives traversent toute l’histoire des sciences humaines
et sociales et ce, par exemple, dès les productions pionnières en sociologie de
Durkheim et de Weber (Delas & Milly, 2005 ; Simon, 1991). En la
matière, Vérité et méthode de Gadamer
(1996, paru originellement en 1960) a bien montré non seulement les limites
mais aussi les risques d’une « importation » des approches des
sciences naturelles dans les sciences humaines et sociales. Plus encore, le
grand philosophe allemand nous a mis en garde contre une conception
substantialiste des concepts car le langage ne donne pas à voir un monde ontologique
préexistant mais fait plutôt apparaître dans l’unité du « vouloir dire »
le monde qu’il constitue. En fait, plus spécifiquement, pour comprendre les
phénomènes humains, il faut comprendre le sens que leur attribuent les sujets
concernés. C’est dire qu’il faut tenir compte des fins poursuivies par les
sujets (Schutz, 1987). Le sujet est alors considéré comme une unité psychique,
un ensemble compréhensible, qui possède une structure, une certaine permanence
dans le temps et en qui on peut voir à l’œuvre des processus intelligibles
(Watier, 2002). Ajoutons que l’approche interprétative
accorde une grande importance à certains facteurs généralement ignorés par les
conceptions hypothético-déductive au chapitre desquels on note : 1- un sujet
qui interprète et qui est situé socialement, culturellement, historiquement ;
2- une pratique sociale de l’interprétation qui est historiquement ancrée ;
3- une action nécessairement située ; 4- non seulement l’interprété mais
aussi l’interprétant sont marqués par la temporalité. Qu’en est-t-il
dans les approches présentées plus haut ? Au regard d’une épistémologie
interprétative, on l’aura deviné, les approches de la mesure de la
socialisation professionnelle posent plusieurs problèmes.
Elles se sont globalement développées en dehors de
toute réflexion sérieuse sur la place et le rôle du chercheur. Les recherches
de la mesure de la socialisation professionnelle n’ont pas donné lieu à un
questionnement sur leur ancrage historique (par exemple, en quoi
participent-elles d’un courant néo-libéral de gestion de la main-d’œuvre et de
la gouvernance des organisations ?). Elles semblent travailler à partir
d’une définition a priori du concept,
définition qui fige le concept qu’elles investiguent. Elles découpent en outre
le processus en différents facteurs qu’elles analysent plus ou moins séparément
sans prendre en compte le cadre herméneutique où évoluent les sujets ;
nous sommes loin ici d’une approche holistique.
De plus, comme nous l’avons indiqué dans une section précédente, elles ne
tiennent pas (ou peu) compte du facteur temps. En effet, la socialisation est
un processus qui se déroule dans un laps de temps relativement long que les
approches de la mesure peuvent difficilement prendre en compte. Par ailleurs,
elles font l’impasse sur les dimensions conflictuelles, les tensions, les
rapports stratégiques entre les acteurs donnant plutôt à voir un phénomène
essentiellement linéaire.
En fin de compte, quelle réponse donnée à
l’intitulé de cette section ? Ici, nous sommes tentés d’adopter une
position similaire à celle de Ricœur (1969 ; 1983,
1986) face à la controverse entre les tenants de l’explication et ceux
de la compréhension en sciences humaines et sociales à savoir que devant les
phénomènes humains, l’explication de processus (sur un mode
hypothético-déductif) peut contribuer à améliorer la compréhension que nous en
avons au sens où, par exemple, la connaissance que j’ai de certains processus
cognitifs du cerveau peut m’aider à mieux comprendre la situation d’apprentissage
de tel ou tel élève. Si les phénomènes humains, pour être intelligibles,
nécessitent la prise en compte du sens construits par les acteurs (posture
compréhensive), ils n’impliquent pas un rejet complet et systématique de toute
visée explicative. Chacune des approches comporte des limites. En somme, les
recherches sur la mesure ne sont pas sans intérêt pour l’explication de la
socialisation professionnelle, elles permettent de mettre au jour différentes
dimensions en jeu dans ce processus. Toutefois, au-delà de leurs lacunes
méthodologiques (leur relative incapacité à mesurer réellement le processus),
leur posture épistémologique leur interdit de prendre en compte les raisons
d’agir, les motifs, les logiques des acteurs et, en cela, leur portée explicative
s’en trouve limitée.
Conclusion
Ce tour d’horizon est bien entendu trop bref et ne
saurait rendre toutes les subtilités du champ de recherche présenté. Mais,
malgré ces limites indéniables, ce texte permet, nous le croyons, de faire
ressortir certaines caractéristiques de la recherche sur la socialisation
professionnelle conduite à partir d’outils de mesure.
Il ressort donc de notre présentation que les
indicateurs mobilisés pour étudier la socialisation sont passablement
imparfaits. En fait, certains ne sont même pas liés au concept, tandis que
d’autres manquent singulièrement de rigueur. On peut donc s’interroger sur la portée
des résultats obtenus à partir de tels outils imparfaits. Il apparaît alors
nécessaire de développer des instruments appropriés pour comprendre non
seulement la réussite ou l’échec de la socialisation, mais également pour
juger, par exemple, de l’efficacité des programmes et des dispositifs
d’insertion professionnelle en milieu scolaire (Martineau & Portelance,
2005). Pour ce faire, une étude approfondie du processus même de socialisation
professionnelle dans un esprit interprétatif et par le biais de méthodologies
qualitatives nous semble une avenue nécessaire. En somme, au-delà des faiblesses
méthodologiques, c’est l’esprit même dans lequel sont menées les recherches de
la mesure qui est questionnable. En effet, celles-ci adoptent une posture
plutôt positiviste qui nous semble réductrice et peu compatible avec la
complexité du phénomène.
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Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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