La recherche présentée ci-après s'est déroulée sous la direction de la professeure Annie Presseau du département des sciences de l'éducation de l'UQTR. J'y étais co-chercheur.
1. Mise en contexte
Dès le début des
années 1970, des instances au sein de Premières Nations, devant le constat d’un
taux d’abandon scolaire évalué à près de 96%, publient une déclaration de
principes dans laquelle sont affirmées les orientations éducatives des
Premières Nations afin de contrer l’abandon scolaire (Fraternité des Indiens du
Canada, 1972). S’appuyant sur ce document,
les différentes communautés autochtones prennent progressivement en charge leur
éducation en transférant notamment des écoles fédérales et publiques vers des
écoles de bandes ou les écoles des territoires conventionnés (Ministère de l’Éducation
du Québec (MEQ), 2004). En 2001-2002, la concentration de la scolarisation au
sein des communautés indique que 87,8% des élèves amérindiens et inuits sont
formés dans le réseau scolaire autochtone (op.cit.,
p. 7). C’est
précisément au sein de deux établissements scolaires dont la scolarisation est
dispensée au sein d’une communauté établie au Québec que porte ce chapitre.
Même si le taux d’abandon
scolaire en milieu autochtone n’est plus aussi élevé qu’en 1972, on constate
néanmoins encore un écart important entre le taux d’obtention d’un diplôme de
niveau secondaire des élèves allochtones et celui des élèves autochtones
canadiens. En référence aux données du MAINC
(2003), seulement 30,7% des élèves autochtones vivant sur des réserves et
inscrits en classes de 12e et 13e années en 2000-2001 ont
obtenu un diplôme d’études secondaires à la fin de leurs études, ce qui
représente une proportion deux fois moins élevée que le taux que l’on retrouve
en milieu allochtone. À l’échelle québécoise, la situation est similaire. Si,
en 2001-2002, le retard scolaire touche 25,2% des jeunes québécois de 5e
secondaire, ce taux s’élève à 70,3% chez la population autochtone du Québec (MEQ,
2004, p. 13). C’est donc dire que la situation des jeunes Autochtones est
considérablement préoccupante, même si l’on sait qu’il existe des écarts d’une
communauté à l’autre. En ce qui concerne la communauté étudiée dans le cadre de
cette recherche, le taux de décrochage est de 88%. Sachant que les jeunes de
moins de vingt ans constituent plus de 55% de cette communauté, il ne fait nul
doute qu’un faible taux d’obtention du diplôme d’études secondaires compromet à
la fois l’insertion sociale et professionnelle des jeunes et l’avenir de la
communauté.
Comment expliquer
un tel phénomène? Plusieurs auteurs, dont Tardif et Presseau (2000), ont déjà
cherché à déterminer les causes de l’abandon scolaire[1].
Langevin (1999) souligne pour sa part que les principaux facteurs en jeu
peuvent être regroupés en trois catégories. Il s’agit de facteurs liés aux
contextes extrascolaires dans lesquels évoluent les élèves, à d’autres étant
plutôt d’ordre scolaire, et enfin de facteurs personnels. Les recherches menées,
tant au Canada qu’aux États-Unis et qui portent sur cette thématique en milieu
autochtone, pointent généralement du doigt les difficultés scolaires que vivent
les élèves des Premières Nations ainsi que leur faible engagement scolaire. Il
semble donc pertinent de se pencher sur les pratiques d’enseignement qui sont
mises en place auprès de ces élèves.
Plusieurs études
tentent de décrire, voire de comprendre, ce qui nuit à la réussite et à la
persévérance scolaires des jeunes des Premières Nations (Gauthier, 2005;
Pinette, 1996). D’autres travaux adoptent pour leur part une vision normative
de l’intervention éducative en milieu autochtone[2].
En revanche, il semble que l’on connaisse relativement peu de chose sur les pratiques effectives d’enseignement et
sur les savoirs des enseignants qui travaillent dans ce milieu.
Précisément, mieux connaître les
pratiques d’enseignement en milieu autochtone ainsi que les caractéristiques
des savoirs enseignants constituent l’objectif général de recherche que
nous poursuivons ici.
2. Cadre de référence
En raison du
caractère particulier de la dynamique enseignant-élèves ayant cours dans la
communauté étudiée, à savoir un enseignement dispensé en majeure partie par des
allochtones à des groupes d’élèves constitués exclusivement d’Autochtones, une
attention particulière est premièrement prêtée aux dimensions culturelle et
interculturelle de l’enseignement. Le deuxième domaine abordé est celui des
pratiques d’enseignement. Il est notamment la question des pratiques d’enseignement
en milieu autochtone. Dans un troisième temps, nous traitons de la question des
savoirs enseignants.
2.1. Dimension culturelle et interculturelle
dans l’enseignement
De nombreuses
recherches, notamment en sociologie (Forquin, 1989) et en ethnographie (Ogbu,
1978) ont clairement démontré l’importance de tenir compte des facteurs
socioculturels des élèves et des communautés en matière de programmes scolaires
et de pratiques enseignantes. C’est
le cas, entre autres, lorsque la culture d’origine des enseignants est
différente de celle des élèves. Des travaux menés dans d’autres contextes
(Bergeron et Maheux, 2001; Gomez, 2001), mais où la population étudiante
provient souvent d’une culture différente de celle des enseignants indiquent
que plusieurs des difficultés vécues en classe tirent leur origine de problèmes
de communication interculturelle (Abdallah-Pretceille, 2003; McAndrew, 2001) où la question de la maîtrise de
la langue joue parfois un rôle non négligeable (Presseau, Martineau, Bergevin,
2006). Les travaux d’Aguilera (2003) mettent quant à eux en évidence l’importance
que l’enseignant allochtone qui intervient auprès d’une population autochtone
fasse preuve d’une certaine sensibilité culturelle se caractérisant par le
respect ainsi que la mise en valeur des différences et par l’évitement
systématique de la dévalorisation de la culture des Premières Nations. Ces
travaux démontrent aussi qu’une faible reconnaissance de la culture et de l’identité
autochtone a des incidences négatives sur la réussite scolaire de ces jeunes.
Afin de mieux
circonscrire l’univers de la scolarisation des élèves autochtones, Gauthier
(2005) propose une typologie critique basée sur la nécessaire prise en compte
de la dimension anthropologique dans la relation existant entre les deux
entités culturelles qui caractérise l’intervention éducative en milieu
autochtone québécois. Gauthier (2005) dresse un portrait de trois positions
théoriques utilisées par les différents auteurs pour traiter de la question
autochtone et adopte, à leur endroit, une perspective critique à laquelle nous
souscrivons d’ailleurs: (1) la perspective déficitariste, (2) la perspective
discontinualiste et, enfin, (3) la perspective conflictualiste. Nous proposons
ensuite une quatrième perspective, dite compréhensive.
2.1.1.
Perspective déficitariste
La perspective
déficitariste aborde le problème sous l’angle des lacunes adaptatives des
Autochtones en regard du processus de scolarisation formelle[3]
(Gauthier, 2005, p. 20). Dans la même veine, Ogbu parle de théorie de la
«déprivation» qui, en tant que théorie du handicap socioculturel d’une minorité
devant le système éducatif, met l’accent sur le handicap de l’élève à savoir ce
qui manque à l’enfant ou à l’adolescent pour réussir sur le plan scolaire
(Ogbu, 1978). Ce serait « […] un système de valeurs et de pratiques entretenu
au sein de ces communautés, qui proscrirait l’émancipation culturelle et
socioéconomique de ses membres, les contraignants au perpétuel état de misère
dans lequel ils se trouvent.» (Gauthier, 2005, p. 24). En fait, ce qu’il faut
comprendre c’est que les mauvaises habitudes de vie telle la consommation d’alcool
ou de drogue ou, encore, des situations comme la violence familiale ou même l’abus
sexuel ne constituent en rien des traits culturels autochtones comme le
laissent paraître certaines interprétations de ce courant. Gauthier (2005)
mentionne qu’il faut faire attention aux abus d’interprétation en induisant des
rapports de causalité directe entre certains facteurs ponctuellement mis en
corrélation comme des conduites sociales problématiques et le décrochage
scolaire. Au Québec, pour déterminer les causes des problèmes de scolarisation,
trois grandes catégories reviennent, dont les facteurs familiaux. De telles
données renseignent sur le contexte social entourant le phénomène du
décrochage. Toutefois, il ne faut pas leur attribuer un trop grand potentiel
explicatif, comme le font les tenants de la thèse déficitariste qui relèvent,
toujours selon Gauthier (2005), d’une position ethnocentrique.
2.1.2.
Perspective discontinualiste
La perspective
discontinualiste, en lien avec le courant anthropologique, se développe et se
positionne contre la perspective ethnocentrique et «insiste au contraire sur
les difficultés du système scolaire formel à fournir un contexte favorable à
l’intégration et au développement des jeunes autochtones» (Gauthier, 2005, p.
21). De son côté, Ogbu (1978) parlera de la théorie de la «déficience
institutionnelle» où le handicap de l’élève est en fait un désavantage produit
par l’institution scolaire elle-même dans sa façon de traiter le jeune. Au lieu
de parler de déficit culturel, on parle de choc des cultures. En ce sens, « […]
les difficultés scolaires relèveraient non pas de lacunes cognitives ou
éducationnelles mais plutôt d’une méconnaissance réciproque des traits
culturels, des méthodes d’enseignement et d’apprentissage ainsi que des codes
de communication et d’échange propres à chaque culture.» (Gauthier, 2005, p.
32).
Deux types d’écrits
scientifiques en découlent, d’abord ceux mettant l’accent sur la spécificité
culturelle des jeunes Autochtones (style d’apprentissage) et ceux montrant l’insensibilité
culturelle des institutions scolaires. L’auteur fait la même mise en garde qu’il
avait énoncée concernant l’approche déficitariste, c’est-à-dire que bien
souvent ces recherches utilisent des études factorielles à partir desquelles
des relations de causalité sont inférées quand il s’agit souvent de facteurs
simplement corrélés.
2.1.3.
Perspective conflictualiste
Dans la perspective
conflictualiste (Gauthier, 2005) ou du conflit culturel (Ogbu, 1978), le
handicap de l’élève – qui provient d’une minorité ou de milieu autochtone – consiste
essentiellement dans le désavantage qu’il subit lorsque sa culture familiale ou
communautaire ne s’accorde pas à celle censée nécessaire pour réussir à l’école.
En ce sens, les deux cultures, celle de l’école et celle des élèves
autochtones, entretiennent des rapports conflictuels. À ce propos, Gauthier
précise: « […] la nature et l’origine des problèmes de scolarisation des
Autochtones sont à comprendre au-delà de leurs aspects purement pédagogiques et
cognitifs, puisqu’ils s’insèrent dans un rapport de force historique dont
l’enjeu est la domination économique, idéologique, sociale et culturelle d’un
groupe sur l’autre.» (Gauthier, 2005, p. 44).
Cette approche
diminue l’impact de l’approche discontinualiste et réaffirme l’importance de l’approche
sociohistorique.
2.1.4.
Perspective compréhensive
Les trois approches
brièvement exposées ci-dessus ne sont pas sans mérites. Toutefois, elles ne
sont pas le fin mot de l’histoire et semblent souvent assez limitées quant à
leur capacité à rendre compte réellement de l’expérience concrète des acteurs.
C’est pourquoi Gauthier (2005) propose d’adopter une approche compréhensive. En
nous référant pour notre part aux travaux de Abdallah-Pretceille (1999, 2003) et
de Abdallah-Pretceille et Porcher (1996) en matière d’éducation
interculturelle, nous pouvons préciser que cette approche compréhensive met l’accent
sur le fait que la culture n’est pas une chose inerte et que les acteurs ne
sont pas d’abord des porteurs de traits culturels, mais des interprètes de leur
culture. En conséquence, la culture apparaît comme un construit non seulement
collectif (de la part de la communauté), mais aussi un construit personnel
(vécu individuellement) qui participe de l’élaboration de l’identité du sujet.
Or, cette identité se construit quant à elle au contact d’autrui; dit
autrement, l’acteur construit son identité en bonne partie en réaction aux
autres. Dans ce cas, les signes culturels que je fais miens, ceux que j’utilise
pour «me dire» deviennent des marqueurs identitaires. La culture apparaît alors
comme un marqueur identitaire qui colore mes expériences de vie et mes rapports
intersubjectifs. Plus spécifiquement, elle est une «mise en scène de soi» au
sens où l’entend Goffman (1968, 1988).
Dans ce contexte,
Abdallah-Pretceille et Porcher (1996) parleront non pas du concept de culture,
mais de culturalité. Ce concept met l’accent sur la fluidité, la complexité, le
contradictoire dans l’identité culturelle. L’approche compréhensive refuse en
quelque sorte de réduire autrui à n’être qu’un porteur de culture et le
considère aussi comme un créateur de culture, comme un interprète de ce qui le
constitue sur le plan culturel. Elle refuse aussi la causalité culturelle comme
mode d’explication des relations avec l’altérité. L’approche compréhensive met
ainsi l’accent non pas sur les structures et les déterminismes, mais sur les
dynamiques entre acteurs, sur leurs échanges, sur leurs représentations et sur
les transactions qu’ils entretiennent en vue de négocier leurs rapports. En
fait, pour le dire rapidement, adopter une approche compréhensive en ce qui
concerne le rapport des Autochtones au monde scolaire, c’est prendre acte que
si la culture détermine dans une certaine mesure les comportements, les acteurs
en retour utilisent la culture pour «dire et se dire».
2.2.
Pratiques d’enseignement
Ce deuxième volet
du cadre se subdivise en deux principales parties. La première propose une
clarification conceptuelle tandis que la seconde rend compte de pratiques d’enseignement
en milieu autochtone que nous avons recensées dans les écrits.
2.2.1.
Clarification conceptuelle
Dans la littérature
spécialisée, les notions de «pratiques
enseignantes», «pratiques professionnelles de l’enseignement» et de «pratiques
d’enseignement» sont souvent confondues ou considérées comme des
synonymes (Martineau, 1997). Pour notre part, nous souhaitons établir ici une
distinction entre elles de manière à bien circonscrire notre objet d’analyse.
Précisons immédiatement que ces distinctions n’ont aucune prétention à l’universalité
et qu’elles doivent être comprises uniquement comme de simples outils de
classification permettant de faciliter le travail des chercheurs. Nous nous
sommes inspirés ici de quelques auteurs: Bru (2001); Gillet (1986);
Lebrun, Lenoir, Oliveira, Chalghoumi (2005).
Commençons d’abord par la notion de
pratiques enseignantes. Celles-ci renvoient à l’ensemble des activités
réalisées dans l’exercice du travail enseignant. En cela, elles dépassent les
seuls gestes et actions que l’enseignant réalise en classe. Par exemple, les
pratiques enseignantes englobent les tâches de préparation de leçons, de
correction d’examens, de rencontres avec les parents et de surveillance dans
les aires communes de l’école (corridors, salle de détente des élèves, etc.).
Dans un certain sens, on pourrait dire que les pratiques enseignantes recoupent
la notion de travail enseignant (Tardif et Lessard, 1999). En fait, les
pratiques enseignantes sont les manifestations concrètes de la réalisation de
la tâche enseignante (au sens où peut l’entendre l’ergonomie cognitive de
tradition française).
Voyons maintenant la notion de pratiques
professionnelles de l’enseignement. Elle revêt pour nous un sens normatif c’est-à-dire
qu’elle renvoie à un idéal de la pratique: un enseignement professionnel. Plus
précisément, les pratiques professionnelles de l’enseignement regroupent l’ensemble
des pratiques d’enseignement qui font montre d’un professionnalisme
(Bourdoncle, 1991, 1993). Ici, on l’aura compris, c’est le qualificatif «professionnel»
qui a le plus d’importance.
Enfin, examinons notre troisième notion,
celle de pratiques d’enseignement. Sur la base de ce qui précède, nous limitons
son usage à ce que fait l’enseignant dans sa classe avec ses élèves. En ce cas,
à la différence du sens donné aux pratiques enseignantes, les autres activités
de l’enseignant réalisées en dehors de la classe ne sont pas considérées et,
par conséquent, ne sont pas analysées. Autrement dit, les pratiques d’enseignement
ne sont pas le tout du travail enseignant. Par ailleurs, contrairement à la
notion de pratiques professionnelles de l’enseignement, celle de pratiques d’enseignement
ne comporte pas de dimension normative à priori qui renverrait à un idéal de
professionnalisme. Ainsi, dans l’acception qui est la nôtre, pratiques d’enseignement
est un terme plus restrictif que celui de pratiques enseignantes et moins
normatif que celui de pratiques professionnelles de l’enseignement. En
terminant, soulignons encore que nos distinctions n’ont aucune prétention à
faire l’unanimité et n’ont comme seule utilité que de permettre de délimiter
notre objet d’analyse.
2.2.2.
Pratiques d’enseignement auprès des élèves autochtones
Cette section traite de deux facettes des
pratiques d’enseignement auprès des élèves autochtones. D’abord, il est
question des aspects des pratiques d’enseignement qu’apprécient
particulièrement les élèves autochtones selon les écrits consultés, pour
ensuite examiner la question de l’importance accordée à la dimension culturelle
dans les pratiques en milieu autochtone.
2.2.2.1. Aspects des pratiques d’enseignement
recherchés par les élèves autochtones
À l’instar de
plusieurs recherches en sciences de l’éducation, celles menées auprès de jeunes
Autochtones démontrent que ceux-ci ont des préférences quant aux pratiques d’enseignement.
En amont de ces pratiques, il semble particulièrement important pour les élèves
autochtones, même ceux de niveau secondaire, qu’une relation significative soit
établie entre les enseignants et eux (Anderson, 1995). C’est cette relation qui
permet, par la suite, que l’enseignement puisse être dispensé. Certains auteurs
dont Hains (2001), Peacock (2002) et Turner (1997) vont jusqu’à évoquer que la
qualité de cette relation peut influer sur la décision de plusieurs jeunes de
demeurer ou non à l’école.
Friel (1998) et
White (2001) soulignent quant à eux que les élèves autochtones apprécient
grandement que leurs enseignants mettent en place une approche d’apprentissage
holistique et centrée sur un rapport concret à la matière. Il semble également
important, pour ces élèves, que les pratiques d’enseignement accordent une
place de choix à la collaboration. Cette dernière est identifiée comme un
facteur qui favorise l’engagement (Friel, 1998; Iwamoto, 1998; Larimore, 2000;
Turner, 2000). Pour leur part, Iwamoto (1998), Pinette (1996) et Sarrazin
(1998), s’attardent à l’inadéquation de certaines stratégies pédagogiques
fréquemment utilisées auprès des jeunes des Premières Nations. Ces auteurs font
notamment référence aux pratiques d’enseignement magistral et à celles qui
mettent l’accent sur la compétition entre les élèves.
Comme le soulignent toutefois Klug et Whitfield (2003), les différences
culturelles entre les diverses nations autochtones sont parfois très grandes.
En ce sens, il semble judicieux de prêter une attention particulière au danger
d’attribuer à tous les élèves autochtones les mêmes caractéristiques, sans
tenir compte de leur appartenance culturelle à l’une ou l’autre des nations.
2.2.2.2.
Place de la dimension culturelle dans les pratiques d’enseignement en milieu
autochtone
C’est toutefois la
dimension culturelle qui semble le plus faire couler d’encre. En effet, la
plupart des travaux auxquels nous nous sommes référés – à caractère normatif –
font ressortir la nécessité de proposer aux élèves un contenu scolaire axé sur
des valeurs se rapprochant de la culture traditionnelle des différentes nations
autochtones (Aguilera, 2003; Giroux, 1997; Hains, 2001; Peacock, 2002). En un
sens, cette perspective véhicule l’idée que l’école doit s’adapter aux
préférences et aux particularités des élèves autochtones qui la fréquentent,
pris à la fois comme membres d’une collectivité identitaire et comme des
individus ayant une expérience singulière.
Selon Hains (2001),
le fait d’inclure ou non des éléments de culture dans les cours influence l’intérêt
des élèves pour l’école et, par extension, leur désir de persévérer. Ainsi,
comme le suggère Aguilera (2003), il serait important de développer à l’école
une interrelation entre d’une part les valeurs traditionnelles et actuelles de
la communauté, et, d’autre part, les apprentissages visés afin de permettre aux
élèves de percevoir le sens des activités proposées. Klug et Whitfield (2003)
mentionnent quant à eux que les recherches menées en milieu autochtone tendent
à démontrer que les écoles sensibles à ces questions semblent davantage en
mesure de susciter l’engagement des élèves à l’école et d’intégrer efficacement
leur communauté d’origine à la vie de l’école. Une
telle démarche permet en outre de réduire les écarts entre le milieu scolaire
et l’expérience des familles autochtones par la construction de liens entre ces
deux cultures (Aikenhead et Huntley, 1999).
2.3.
Savoirs enseignants
Le champ des
recherches sur les savoirs en enseignement s’est enrichi au cours des deux
dernières décennies de multiples publications et d’innombrables débats (Gervais
et Portelance, 2005; Gauthier, Mellouki et Tardif, 1993; Gauthier, Desbiens,
Malo, Martineau et Simard, 1997; Martineau, 1997; Tardif, Lessard et Lahaye,
1991). Ainsi, on en arrive à identifier des savoirs de diverses natures et
organisés en fonction d’une variété de typologies (Carter, 1990; Martineau,
1997; Munby, Russel et Martin, 2001) qui peuvent reposer sur différents
critères: fondements épistémologiques des savoirs, provenance de ces savoirs
(institutions ou acteurs qui les élaborent et les valident), rapport à la
pratique enseignante, etc. Gervais et Portelance (2005), quant à elles, font
référence aux savoirs construits par d’autres qu’ils distinguent du savoir d’expérience.
D’autres écrits s’attardent plutôt à rendre compte de la diversité des
dimensions des savoirs enseignants (Lebrun et
al., 2005).
Tout enseignant a
acquis dans sa formation ou au cours de son travail certains savoirs professionnels;
il est ainsi en possession d’un corpus de savoirs relatifs à l’école que la
plupart des citoyens ordinaires et des membres des autres professions ne
connaissent pas (Gauthier et Martineau, 2002). C’est un savoir professionnel
spécifique qui peut ne pas concerner directement l’action pédagogique, mais qui
lui sert, comme aux autres membres de sa profession qui ont été socialisés de
la même manière, de toile de fond ou de cadre interprétatif. Ces savoirs
construits par d’autres, notamment des sciences de l’éducation et des champs
disciplinaires, renvoient aux théories, aux concepts et aux stratégies d’intervention
proposés dans les recherches en didactique ou en psychopédagogie, par exemple.
Ils renvoient également aux disciplines pour lesquelles un enseignement sera à
dispenser et à l’épistémologie de ces disciplines. L’enseignant trouve dans ces
recherches des éléments de réflexion pertinents quant à sa pratique enseignante
(Martineau, Gauthier, Simard,
Tardif, 1995).
Pour Martineau et
Presseau (2004) le savoir d’expérience s’acquiert dans l’expérience quotidienne
de l’enseignement en classe. Chaque jour, l’enseignant crée une sorte de «jurisprudence»
faite d’astuces, de stratagèmes et de manières de faire dont il éprouve
progressivement la validité (Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau, Simard,
1997). En référence aux travaux de Tardif et Lessard (1999), il s’agit d’un «savoir
ouvragé», soit un savoir lié aux tâches de travail, exploité dans la pratique
et acquis dans l’action à l’école en général et dans la classe en particulier.
C’est un «savoir pratique» en ceci que son utilisation est fonction de son
adéquation aux tâches concrètes que requiert l’enseignement, aux problèmes que
l’enseignant rencontre et aux situations qu’il vit (Martineau, Presseau, Bergevin, Dragon, 2005). Le savoir tiré d’expériences
est, par ailleurs, un «savoir syncrétique, pluriel et hétérogène» qui ne repose
pas sur une base de connaissances unifiée et cohérente. Donc, c’est un savoir «faiblement
formalisé» qui est moins une connaissance sur le travail qu’une connaissance
dans le travail.
Les savoirs peuvent
également avoir d’autres caractéristiques, par exemple être tacites ou
explicites. Dans le cadre de cette recherche, ne sont considérés comme savoirs
que ceux pour lesquels les enseignants sont capables de formuler des arguments
rationnels: justifier, expliquer (Martineau, 1997). Les savoirs en question
peuvent être construits par d’autres acteurs que les enseignants ou émerger de
l’expérience de ces derniers.
Enfin, principalement
en référence aux travaux de Lebrun, Lenoir, Oliveira, et Chalghoumi (2005), de
même qu’à ceux de Lenoir (2006) les savoirs relèvent de diverses dimensions.
Dans le cadre de ce chapitre, nous en retenons neuf que nous décrivons très
brièvement. La dimension contextuelle concerne le rapport des enseignants au
milieu social, culturel, économique et politique. La dimension
psychopédagogique réfère, pour sa part, aux rapports des enseignants avec les
élèves, aux caractéristiques de ces derniers ainsi qu’à leurs modes de
fonctionnement. La dimension organisationnelle a trait aux rapports des
enseignants à la gestion du temps, de l’espace, de la discipline et des
routines. La dimension socioaffective interpelle quant à elle le rapport à l’identité
professionnelle, à la motivation et aux visées personnelles des enseignants. La
dimension éthique renvoie essentiellement aux rapports à des systèmes de
valeurs (Desaulniers et Jutras, 2006) tandis que la dimension curriculaire réfère
aux rapports des enseignants aux finalités éducatives, à la place et à la
fonction des savoirs. La dimension disciplinaire interpelle les rapports aux
savoirs issus de différents champs, au-delà des savoirs à enseigner. La
dimension didactique nous ramène aux rapports aux savoirs à enseigner, alors
que la dimension épistémologique réfère aux rapports des enseignants au savoir
et au processus d’accession au savoir.
Le survol des
écrits que nous venons de réaliser nous permet de cibler des questions de
recherche plus spécifiques. En lien avec notre objectif général, il apparaît
ainsi important de répondre aux questions suivantes: 1) Quelles pratiques d’enseignement
sont mises en place dans l’intention de soutenir la réussite et la persévérance
scolaires chez les élèves autochtones? 2) Quelles sont les caractéristiques des
savoirs des enseignants en jeu lors d’interventions éducatives auprès d’élèves
autochtones?
Rappelons ici le
caractère exploratoire de cette recherche et, par conséquent, la prudence avec
laquelle en aborder les résultats.
3. Méthodologie
Cette section rend
compte des procédures mises en place pour atteindre l’objectif général de
recherche ainsi que répondre aux questions posées. Nous présentons d’abord les
caractéristiques des participants, puis les outils de collecte de données, pour
terminer avec les méthodes d’analyse et de validation utilisées.
3.1. Choix des sujets
Trois catégories de
sujets volontaires participent au volet de la recherche présenté dans ce
chapitre: a) des intervenants éducatifs du primaire et du secondaire, b) des
élèves et c) des parents d’élèves. Le tableau ci-après présente les principales
caractéristiques des intervenants éducatifs.
Portrait des sujets ayant participé à la
collecte des données
Autochtone
|
Allochtone
|
♂
|
♀
|
TOTAL
|
|
Élèves
|
59
|
0
|
28
|
31
|
59
|
Parents
|
3
|
0
|
1
|
2
|
3
|
Enseignants du primaire
|
0
|
3
|
1
|
2
|
3
|
Enseignants du secondaire
|
1
|
5
|
2
|
4
|
6
|
Aide spécialisée[4]
|
0
|
5
|
2
|
3
|
5
|
Directions d’établissements
|
2
|
2
|
1
|
3
|
4
|
GRAND TOTAL
|
65
|
15
|
35
|
45
|
80
|
Les jeunes Autochtones qui ont participé
à la recherche ont été recrutés au sein de l’établissement d’enseignement
secondaire de la communauté[5].
Au total, 59 des 107 élèves de l’école ont participé à la recherche. La
majorité (40) fréquente des classes régulières, tandis que 19 sont inscrits en
classe spéciale.
3.2. Collecte des données
Les données
provenant des intervenants scolaires (enseignants du primaire et du secondaire,
aides spécialisées et directions d’établissements) ainsi que des parents ont
été recueillies au moyen d’entrevues. Les entretiens portaient principalement
sur leurs conceptions à l’égard de la réussite et de la persévérance scolaires
des élèves autochtones. Plusieurs sous-thèmes ont été abordés: caractéristiques
des élèves autochtones, la réussite, l’école et le bon élève, l’échec et l’effort,
la motivation, l’apprentissage, le bon intervenant. Les enseignants et les
aides spécialisées concernées étaient aussi invités à décrire leurs pratiques d’enseignement
et à rendre compte des savoirs sur lesquels ils appuyaient leurs pratiques. Ainsi,
notre analyse porte donc principalement sur les pratiques déclarées. Toutefois,
vingt observations non participantes en classe ont également été effectuées, la
plupart du temps par deux chercheurs simultanément. En accord avec une certaine
tradition en ethnographie (Affergan, 1999), aucune grille n’a été utilisée, et
ce, dans le but de rendre compte de la manière la plus élargie possible des
pratiques des enseignants et de la dynamique créée dans les classes.
Les élèves ont
quant à eux été soumis à un questionnaire. Ce dernier consiste en une
adaptation du questionnaire ASOPE, ainsi que de celui de Viau (1994) pour le
volet spécifique à la motivation scolaire.
3.3. Traitement des données et validation
des résultats
D’abord
enregistrées puis transcrites intégralement, les entrevues ont été analysées à
l’aide du logiciel NVivo. Une codification mixte a été privilégiée. Une analyse
thématique des données a été réalisée, permettant ainsi de faire ressortir les
liens entre les différents thèmes, par exemple, mais aussi des liens entre les
conceptions des sujets et ce que livrent les écrits scientifiques sur ces
questions. Si l’élaboration d’un cadre de référence a permis, au départ, d’orienter
les entrevues, les données fournies par les sujets ont amené les chercheurs à l’enrichir
de nouveaux concepts, à le nuancer. Une procédure de validation par les
chercheurs (Savoie-Zajc, 2000), dans le cas présent par intra ou inter codeur,
a été appliquée à 20% du corpus afin d’en arriver dans chaque cas à un accord d’au
moins 85%. Les réponses aux questionnaires ont été traitées à l’aide du
logiciel Excel afin d’en faire ressortir la proportion de sujets ayant choisi
chaque élément, ainsi que de mesurer la dispersion des données pour chacune des
réponses. Finalement, le fait que les mêmes thèmes aient été abordés auprès de
différentes catégories de sujets (élèves, parents et divers acteurs scolaires)
constitue également un mode de triangulation par les sources. Il en est de même
pour les observations des pratiques d’enseignement. Ces dernières, après avoir
été transcrites, ont été codifiées puis analysées. Les données recueillies par
observation sont ponctuellement mises en relation avec les pratiques d’enseignement
déclarées, constituant ainsi un autre moyen de triangulation des sources.
4. Présentation et discussion des résultats
Les résultats sont présentés de
manière à favoriser le dialogue entre les données qui proviennent des entrevues
réalisées auprès des intervenants éducatifs, des parents et celles qui émergent
des questionnaires administrés aux élèves, et ce, en tenant compte à la fois de
l’objectif général poursuivi et des questions de recherche.
Que ce soit à l’égard des pratiques
d’enseignement ou des savoirs, une première caractéristique émerge des données:
les préoccupations d’ordre linguistique et culturel qui leur sont
sous-jacentes. C’est de cela qu’il est d’abord question. Par la suite, nous
nous penchons sur l’aspect relationnel entre enseignants et élèves. Une
attention particulière est prêtée aux adaptations de l’enseignement dans un
troisième temps, pour terminer avec des résultats spécifiquement liés à la
dimension socioaffective des savoirs enseignants, lesquels teintent l’ensemble
des savoirs et des pratiques d’enseignement dont il est question dans ce
chapitre.
4.1.
Préoccupations linguistiques et culturelles
La question de la
prise en considération de la culture autochtone dans l’école occupe un espace
important du discours des divers acteurs. Pour les parents et les intervenants
scolaires autochtones, il apparaît clair que l’école doit jouer un rôle central
pour permettre la transmission de la culture aux jeunes. Toutefois, il ne
ressort pas clairement quelles sont les pratiques d’enseignement effectivement
mises en place, ni lesquelles devraient l’être pour que langue et culture
fassent partie intégrante des apprentissages réalisés dans le cadre scolaire.
En amont des
pratiques d’enseignement, les directions autochtones voient dans l’intégration
à l’école de la culture autochtone et dans l’apprentissage de la langue
traditionnellement parlée dans la communauté un moyen de rehausser l’estime de
soi des élèves et leur motivation. Il est question, notamment, d’élaborer un
nouveau programme de formation axé cette fois sur le vécu de l’élève autochtone
et sur les valeurs traditionnelles. L’un d’eux s’explique: «Retourner aux
sources. Je pense que tout l’historique de nos ancêtres, les enfants ne le
connaissent pas nécessairement. Comment le village a été développé. Ils (ne)
savent pas leur histoire. Je pense que si l’on retournait en arrière un peu […]
ça pourrait quand même développer l’estime de soi. Tsé, se connaître comme
nation pis être fier de sa nation». Dans ce cadre, un partenariat entre les
enseignants et des gens de la communauté pour certains apprentissages serait
important. Un intervenant autochtone souligne toutefois que la participation d’acteurs
de la communauté extérieurs à l’école pose problème étant donné «l’indian time».
Comme le mentionnent des Autochtones eux-mêmes, les populations des Premières
Nations ont un rapport au temps qui peut rendre difficile l’organisation
systématique de telles activités. Il paraît donc nécessaire de profiter sur-le-champ
des moments où ces gens sont présents.
Les directions
autochtones, qui se font également les porte-parole des parents, estiment que
ces derniers déplorent que l’école accorde si peu d’importance à la culture
autochtone. Deux des parents interviewés vont dans ce sens. Pour l’un d’eux, ce
qui l’attriste c’est le constat que la langue est de moins en moins maîtrisée
par les jeunes. Pour l’autre, considérablement plus préoccupé par la place de
la culture à l’école, le problème se situe ailleurs. Pour ce parent, le
fonctionnement général de l’école serait à revoir pour être en harmonie avec
leur culture traditionnelle. Il ne suffit pas d’ajouter quelques heures de
culture ou de langue, mais plutôt, par exemple, de consacrer une semaine par
mois pour vivre des expériences liées aux saisons, comprendre les signes du «Créateur»
et ainsi reprendre contact avec «l’âme de la communauté». L’enseignement de la
culture traditionnelle, dans ce cadre, ne peut être dispensé que par des
membres de la communauté.
Les intervenants
scolaires allochtones ne constituent pas un groupe homogène quant à leur vision
de l’intégration de la culture à l’école, ni quant aux pratiques d’enseignement
mises en place ou à privilégier. Certains considèrent que la culture doit s’enseigner
à la maison ou dans la communauté, mais pas à l’école. Ils renvoient
systématiquement cette responsabilité aux parents. Quelques-uns mentionnent d’ailleurs
qu’ils la connaissent peu. Pour d’autres intervenants éducatifs, c’est à
travers la façon d’aborder certaines disciplines que des possibilités sont
offertes. Dans les cours d’histoire, un intervenant mentionne qu’il change d’approche
pour davantage valoriser le rôle des Amérindiens, par exemple. D’autres,
encore, relativement peu nombreux, sont convaincus que faire référence à la
culture dans leur enseignement est bénéfique pour les élèves. «Tsé à la minute
que tu parles de leur vécu pis que tu sors des livres pis du local, là, tu les
accroches».
Du côté des élèves,
il semble y avoir quelques paradoxes. Plus de 60% des élèves ayant répondu au
questionnaire estiment qu’un bon enseignant s’intéresse à la culture
autochtone. Par contre, moins de 30% d’entre eux affirment que les cours de
langue et de culture figurent parmi leurs trois disciplines favorites. Les
directions autochtones nous informent que les élèves veulent davantage de
langue et de culture, mais lorsqu’ils obtiennent ce qu’ils demandent, ils n’y
trouvent pas leur compte. Ce propos rejoint ceux d’un autre acteur qui
intervient en langue et culture autochtone. Selon lui, les élèves ont un
vocabulaire restreint et ne semblent pas particulièrement motivés à faire de
tels apprentissages. Le problème avec la culture, toujours selon cet
intervenant, c’est de présupposer que les élèves ont les bases et qu’ils y sont
intéressés. Cela ne semble pas toujours aller de soi.
Au regard
spécifiquement des savoirs enseignants, il ressort que ces savoirs des
enseignants sont essentiellement des savoirs d’expérience, des savoirs
ouvragés. Si une part de ces savoirs est partagée entre enseignants – notamment
entre «anciens» et «nouveaux» –, il n’en demeure pas moins que ces savoirs ont
été initialement construits dans le milieu scolaire et par la pratique. Il est
en effet frappant de constater à quel point les références à des savoirs issus
de la recherche sont rarissimes et, lorsqu’ils le sont, c’est pour dénoncer
leur inadéquation à leur réalité qui est celle d’enseigner à de jeunes Autochtones
qui vivent généralement des difficultés scolaires importantes.
En ce qui concerne
les dimensions des savoirs, la dimension contextuelle, plus spécifiquement
entendue ici comme le rapport des enseignants au milieu social, culturel,
économique et politique des élèves autochtones à qui ils enseignent, occupe une
place de choix dans le discours des divers acteurs. Chez les enseignants et
chez les autres intervenants éducatifs, ces savoirs peuvent servir différentes
fins. À titre d’exemples, décider de transformer des pratiques ou non, critiquer
certains modes de vie ou choix de société et déplorer d’avoir l’impression de
devoir en assumer les conséquences dans leur enseignement. Des enseignants font
aussi état de leur manque de savoirs liés à la dimension contextuelle: certains
prennent conscience que leur connaissance culturelle des jeunes auxquels ils
enseignent est limitée et insuffisante.
C’est toutefois
surtout dans le discours des autres acteurs, dont plusieurs représentants de la
communauté autochtone, que des préoccupations liées à la dimension culturelle
des savoirs enseignants ressortent le plus. De manière générale, il s’agit de
critiques, plus ou moins voilées selon le cas, du manque de prise en compte des
dimensions culturelles dans l’enseignement, lesquelles pourraient référer
simultanément à des dimensions curriculaire, par l’élaboration de nouveaux
programmes, psychopédagogique, lorsqu’il est question de la motivation à
accroître chez les jeunes au regard de la langue et de la culture,
disciplinaire et didactique, par des modifications des pratiques attendues
liées à l’enseignement de la langue et de la culture autochtone et même
épistémologique, par exemple lorsqu’il est question de revoir en profondeur la
façon d’amener les jeunes à s’approprier leur langue et leur culture. Ces
savoirs, cependant, comme nous l’avons souligné, ne sont pas des savoirs
mobilisés par les enseignants qui interviennent auprès des élèves autochtones,
mais bien ceux que divers acteurs souhaiteraient que les enseignants maîtrisent
pour enseigner à leurs jeunes.
Les écrits sur la
question de la culture traditionnelle semblent assez unanimes quant à son
importance et au rôle qu’elle peut jouer sur la motivation et la persévérance
des jeunes Autochtones (Aguilera, 2003; Giroux, 1997; Hains, 2001; Peacock,
2002). Si les intervenants éducatifs autochtones abondent dans ce sens dans une
très large mesure, prônant ainsi l’adaptation de l’école aux élèves
autochtones, il ne semble pas que cette vision soit partagée de façon
unilatérale par les intervenants scolaires allochtones, qui déplorent d’ailleurs
que même les gens de la communauté vivent peu en harmonie avec ces valeurs.
Quant aux jeunes, ils paraissent osciller entre deux visions du monde.
Peut-être cela s’explique-t-il par le fait qu’ils ne sont pas qu’Autochtones,
mais également des jeunes, tout simplement. Un intervenant scolaire autochtone
établit d’ailleurs cette distinction. À cette période du développement, il est
normal que les jeunes cherchent à se distancier des valeurs véhiculées par les
parents, par la communauté. Il vaudrait sans doute la peine d’explorer cette
éventualité. De même, il serait intéressant de distinguer le principe de s’approprier
une langue et une culture traditionnelle, des manières de se les approprier.
Peut-être le bât blesse-t-il davantage au niveau des pratiques d’enseignement
de la langue et de la culture qui sont mises en place.
4.2.
Aspect relationnel entre enseignants et élèves
Les parents
semblent particulièrement préoccupés par la dimension relationnelle. Un parent
mentionne, par exemple, qu’il trouve tout à fait compréhensible d’être en
retard à un rendez-vous si une personne de la communauté a besoin d’aide. Pour
ce parent, la relation interpersonnelle prime sur d’autres engagements. Dans le
contexte scolaire, deux des parents considèrent, par exemple, qu’il revient aux
enseignants d’aller chercher les élèves qui décrochent. Ces deux mêmes acteurs
déplorent les préjugés qu’auraient certains enseignants à l’égard des enfants
et des parents autochtones. L’un d’eux trouve les enseignants trop sérieux, ce
qui nuit à la relation qu’ils peuvent établir avec les jeunes: «y a un manque d’approche
avec l’élève. Ils ne prennent pas le temps.» Plusieurs intervenants scolaires
mentionnent également qu’il faut du temps pour créer des liens avec les élèves.
Certains évoquent qu’il faut deux ans, et encore davantage pour en créer avec
les parents. En revanche, un intervenant scolaire fait valoir que certains
élèves retournent à l’école grâce à un enseignant, avec lequel ils ont
développé une relation significative.
De façon générale,
le discours des intervenants scolaires est peu teinté par la dimension
relationnelle comparativement à celui des parents. Ils insistent davantage sur
l’importance de voir le potentiel des jeunes, en dépit des difficultés qu’ils
vivent. Un intervenant insiste sur le fait qu’ils doivent investir
considérablement de temps et d’énergie à démontrer aux jeunes qu’ils sont
capables de réussir, à rehausser leur estime de soi qu’ils évaluent très
faible. Pour 75% des élèves, un bon
enseignant est de bonne humeur et juste avec ses élèves. D’autres critères tels faire confiance à ses élèves (70%), les encourager
dans leurs apprentissages (90%) et donner une chance aux élèves qui éprouvent
des difficultés (85%) ressortent aussi comme étant des éléments d’ordre
relationnel fort importants pour les jeunes. Si 50% des jeunes estiment qu’un
bon enseignant prend le temps de jaser avec ses élèves, seulement 8,5%
considèrent qu’une des caractéristiques d’un bon enseignant est de s’intéresser
à sa vie personnelle. Nous observons donc un certain écart entre les doléances
des parents et les attentes exprimées par les élèves eux-mêmes à l’égard des
enseignants. Il ressort néanmoins que 33% des jeunes attribuent certains de
leurs échecs à une mauvaise relation avec un enseignant.
En référence aux
dimensions des savoirs proposées par Lebrun, Lenoir, Oliveira, et Chalghoumi
(2005), ainsi qu’à ceux de Lenoir (2006), la composante relationnelle serait l’une
des composantes de la dimension psychopédagogique. Le discours des parents à
cet égard est clair: ils considèrent que les enseignants ont des lacunes. Le
discours des élèves et des enseignants fait toutefois ressortir d’autres
composantes de cette même dimension comme étant plus importantes, notamment des
composantes en lien avec l’estime de soi des élèves et leur motivation. En
somme, s’il y a désaccord entre les catégories de sujets sur les composantes
les plus importantes de la dimension pédagogique, il ressort néanmoins sans
équivoque que cette dimension joue un rôle crucial quand il s’agit de soutenir
la réussite et la persévérance des élèves autochtones.
En lien avec les
écrits auxquels nous nous sommes référés antérieurement au sujet de l’importance
de la dimension relationnelle entre élèves et enseignants, il semble donc y
avoir certains points de convergence, notamment en ce qui a trait à la qualité
de la relation qui peut avoir un impact sur la décision d’abandonner ses
études, mais aussi, dans le cas présent, de «raccrocher». Par ailleurs, ni les
intervenants scolaires ni les jeunes ne semblent accorder à la dimension
relationnelle une importance aussi grande que ce que nous ont livré, par
exemple, les travaux de Anderson (1995), de Hains (2001) ou de Peacock (2002).
4.3. Adaptation des pratiques d’enseignement
pour davantage soutenir la réussite et la persévérance scolaires
Dans la partie 4.1.,
des critiques étaient clairement formulées par plusieurs intervenants éducatifs
autochtones à l’endroit des autres acteurs scolaires, à l’effet que la culture
se trouvait insuffisamment intégrée dans les classes. Dans la partie suivante,
les critiques concernaient plutôt leur relation avec les jeunes, jugée trop
distante. Cette troisième partie des résultats s’attarde tout particulièrement
aux choix que font les divers intervenants éducatifs d’adapter ou non leurs
pratiques d’enseignement à la réalité de leurs élèves autochtones et aux
manières de s’y prendre, le cas échéant. La question des savoirs sous-jacents à
ces pratiques est aussi examinée de près.
On constate d’abord
qu’il ne semble pas y avoir de consensus chez les intervenants éducatifs
allochtones quant à la pertinence d’adapter les pratiques d’enseignement aux
élèves autochtones. Pour certains, qui travaillent surtout au primaire, il est
essentiel de s’y prendre comme ils le feraient avec les élèves allochtones. Un
intervenant du primaire mentionne d’ailleurs explicitement que ce n’est pas à
lui de s’adapter, mais bien aux élèves de le faire, essentiellement en raison
de la pression du temps: «ils ont comme pas le choix de suivre mon beat, c’est eux autres qui s’adaptent à
moi. Si je m’adaptais avec eux autres ça me prendrait trois ans (rires du
sujet) à leur enseigner». Toutefois, enseigner sans s’adapter spécifiquement à
la dimension autochtone ne signifie pas ne pas se préoccuper des élèves. En
matière d’adaptation de l’enseignement, des intervenants du primaire mentionnent,
par exemple, le fait d’enseigner par projets, de partir du vécu des élèves, de
proposer des situations d’apprentissage contextualisées et de chercher à
favoriser la réutilisation des apprentissages faits en classe à d’autres
situations. D’autres intervenants encore font état de pratiques qui
fonctionnent bien avec leurs élèves. Il est question de mettre les jeunes en
compétition, de les rendre actifs, de leur proposer des activités
intéressantes. En fait, les principales adaptations évoquées, outre celles
mentionnées ci-haut afin d’établir des liens avec la culture autochtone, ont
trait à une variété de préoccupations liées au temps, aux modes d’apprentissage
et à l’encadrement. Voyons brièvement ces adaptations une à une.
4.3.1.
Adaptations liées au temps
Pour certains
intervenants éducatifs, un aspect de leurs pratiques qui requière des
adaptations a trait au rapport des élèves autochtones au temps. Certains
soulignent que les jeunes arrivent fréquemment en retard en classe, ce que nous
avons d’ailleurs pu observer régulièrement. Dans certains cas, ce constat est
accompagné de mesures qui tendent à être plus coercitives. Plus de 60% élèves
reconnaissent d’ailleurs ne pas remettre toujours leurs travaux au moment
demandé. Plusieurs intervenants relèvent l’importance de tenir compte du rythme
des élèves autochtones. D’autres expliquent qu’ils voient la nécessité d’accorder
davantage de temps aux élèves pour compléter un examen, par exemple, pratique
dont nous avons été témoins. Des intervenants relatent avoir observé une perte
de concentration lorsque le délai accordé pour réaliser une activité est trop
long. Finalement, aux dires d’un intervenant, des projets de longue haleine
exigent beaucoup trop de préparation pour être entrepris avec les élèves autochtones.
La lecture qu’en font des parents rejoint en quelque sorte celle des
intervenants scolaires quant aux rapports différents qu’ont les Autochtones et
les allochtones à la dimension temporelle. Ainsi qu’en témoigne un parent: «Eux
autres (les allochtones) c’est… il faut qu’ils changent vite, ils vont vite
mais nous autres on aime ça prendre notre temps. Le temps de vivre, le temps d’étudier,
le temps d’apprendre aussi».
Bien que peu
documentée dans notre recension des écrits sur les pratiques d’enseignement en
milieu autochtone, la question du rapport au temps est directement concernée
lorsqu’il est question de réussite scolaire chez ces élèves (Miller Cleary et
Peacock, 1998; Sarrazin, 1998), notamment au regard de leurs habiletés de
planification.
4.3.2.
Adaptations liées aux modes d’apprentissage
Les quelques
adaptations de pratiques relatées par les intervenants éducatifs sont le plus
souvent basées sur leurs conceptions des modes d’apprentissage des élèves
autochtones. Certains affirment que les apprentissages concrets sont
particulièrement appréciés, ce que confirment d’ailleurs certains écrits
(Friel, 1999; White, 2001). Selon un intervenant autochtone, les populations
des Premières Nations ont des modes d’apprentissage particuliers: «parce que
nous autres ont est comme kinesthésiques, on a besoin de voir, puis on a besoin
de toucher puis on a besoin d’être rassurés». «Parce que nous autres on apprend
par observation puis des fois on essaye avec la personne, on a la personne
autochtone en face de nous. Je pense que ça prend beaucoup d’interactions…».
Cette vision semble partagée par des parents: «J’pense que les profs, ils
comprennent pas qu’ils (les élèves autochtones) sont des visuels. Faut toucher.
[…] Il faut qu’ils touchent […] pour qu’ils comprennent.» Certains déplorent
notamment que les différents styles des élèves ne sont pas vraiment respectés: «Tout
est la même chose pour tout le monde, tout le temps.» Les observations que nous
avons réalisées dans les classes nous amènent à un constat semblable. Dans l’ensemble,
les intervenants semblent proposer une tâche unique à leurs élèves, sans égards
particuliers à leur mode d’apprentissage spécifique. Mises à part quelques
exceptions, notamment dans le domaine de l’enseignement des arts, les pratiques
d’enseignement dont nous avons été témoins étaient somme toute assez semblables
à celles que nous observons dans le cadre d’autres recherches, cette fois en
milieu allochtone. En d’autres termes, le discours des parents invite à
repenser l’intervention éducative de manière à ce qu’elle se rapproche
davantage de leur conception de l’éducation dispensée aux enfants selon un mode
traditionnel. Essentiellement, on met en évidence un mode d’appréhension du
réel marqué davantage par le recours au toucher et à la vue. Toutefois, l’idée
selon laquelle les intervenants scolaires adapteraient peu leur enseignement
aux spécificités autochtones n’est pas incohérente en soi dans la mesure où,
comme nous l’avons fait remarquer antérieurement (Presseau et Martineau, 2004),
ils expliquent rarement les échecs et l’abandon scolaire des jeunes Autochtones
par des pratiques d’enseignement inadaptées, mais davantage par les problèmes
psychosociaux et familiaux qu’ils vivent. Si plus de 67% des élèves semblent
convaincus qu’ils réussiraient mieux si des enseignants autochtones leur
enseignaient, il serait intéressant de cerner si c’est parce qu’ils
bénéficieraient davantage de pratiques d’enseignement adaptées à eux.
Parmi les autres
traits que des intervenants scolaires attribuent aux élèves autochtones,
mentionnons celui de préférer écrire plutôt qu’écouter, ce qui amène certains à
conclure que les cours magistraux ne fonctionnent pas bien avec ces jeunes,
surtout si l’enseignant n’est pas dynamique et n’arrive pas à susciter l’intérêt
des élèves. Cette prise de conscience ne se traduit pas pour autant de façon
systématique en pratiques d’enseignement qui laissent de côté cette stratégie
pédagogique. Comme dans d’autres milieux scolaires où nous avons fait des
observations, les enseignants de la communauté recourent régulièrement à l’enseignement
magistral.
Plusieurs
intervenants éducatifs, allochtones et autochtones, mentionnent finalement que
le travail en équipe ne fonctionne pas bien avec les jeunes de la communauté.
La conception du travail en équipe qui prévaut consiste, pour l’essentiel, à
permettre à des élèves de travailler deux à deux, à échanger. Un intervenant
précise que, selon lui, les élèves apprécient davantage travailler seuls qu’en
groupe lorsqu’ils savent quoi faire. Pourtant, d’autres intervenants évoquent l’efficacité
du parrainage d’élèves de première année par ceux de sixième, ainsi que l’entraide
entre les plus faibles et les plus forts. Un parent abonde d’ailleurs
explicitement dans ce sens, soulignant qu’il souhaiterait que ses enfants
fréquentent des classes régulières plutôt que des classes spéciales afin que
des élèves plus forts puissent les aider.
Ces derniers
constats (liés à l’adaptation aux modes d’apprentissage) semblent davantage
rejoindre les propos tenus à l’intérieur des études auxquelles nous nous sommes
référés dans le cadre précédemment exposé (notamment Iwamoto, 1998; Larimore,
2000), lesquelles tendent à valoriser la collaboration comme facteur d’engagement
chez les élèves autochtones.
4.3.3.
Adaptations liées à l’encadrement
C’est surtout dans
le discours des intervenants éducatifs qui travaillent au niveau secondaire que
la question de l’adaptation de l’encadrement ressort le plus clairement, même
si les intervenants du primaire déplorent quasi unanimement le manque d’encadrement
des enfants par les parents. Plusieurs intervenants considèrent que les
nombreux problèmes psychosociaux que vivent ces élèves nuisent à leur
fréquentation, à leur réussite et à leur persévérance scolaires, ce qui
explique à leurs yeux l’importance de fournir à ces jeunes un encadrement
adéquat. Pour eux, c’est essentiellement dans le but de compenser ce que les
parents ne font pas, ou n’arrivent pas à faire, que l’enseignant doit
intervenir de la sorte auprès de l’élève: «Les parents, ils sont dépourvus. Ils
ne savent pas quoi faire quand leurs enfants écoutent pas». Les élèves ne
paraissent toutefois pas apprécier que des mesures conséquentes avec ces
conceptions soient mises en place dans le milieu scolaire. Ils sont 70% à
trouver qu’un bon enseignant n’est pas sévère et près de 50% à penser qu’un tel
enseignant ne donne pas de punitions ni de devoirs. Ils sont par ailleurs 56%
qui estiment qu’un enseignant qui laisse beaucoup de liberté n’est pas un bon
enseignant. Chose étonnante, à peine 54% trouve qu’un bon enseignant ne crie
pas après ses élèves. Cependant, ces mêmes élèves mentionnent, dans une
proportion de 68%, que leurs parents interviennent lorsqu’ils obtiennent des
notes insatisfaisantes, la plupart (75%) au moyen d’une discussion sérieuse.
Donner des punitions en raison de résultats scolaires insatisfaisants ne semble
être que très rarement (dans 3% des cas seulement) un moyen utilisé par les
parents. Près de la moitié des jeunes mentionnent toutefois qu’ils obtiennent
toujours des notes qui satisfont leurs parents. Sachant que le taux d’échec
scolaire et de redoublement est particulièrement élevé dans cette communauté,
cet élément du discours dégagé des questionnaires auprès des jeunes nous
interpelle. Si nous mettons ces données en relation avec le discours des jeunes
au sujet des règlements qui sont imposés à la maison, nous constatons une
certaine cohérence. En effet, 77% des jeunes affirment ne pas avoir de
restrictions quant à l’heure de rentrée le soir et la fin de semaine tandis que
58% affirment ne pas avoir de règles à suivre quant au temps à consacrer aux
travaux scolaires et quant à l’heure du lever et du coucher (ce taux atteignant
79% chez les garçons).
Nous pouvons
dégager du discours des enseignants que leurs savoirs liés à l’adaptation sont
essentiellement des savoirs qu’ils ont construits au sein du milieu scolaire et
qu’il s’agit de savoirs pratiques. Comme c’était le cas précédemment, les
allusions extrêmement rares aux savoirs scientifiques, étaient faites
principalement dans le but de déplorer leur utilité, à une exception près. En
lien avec les diverses dimensions des savoirs dont la présentation a été
esquissée dans le cadre d’analyse, il ressort que deux dimensions se démarquent
clairement par leur omniprésence lorsqu’il est question des adaptations des
intervenants scolaires aux particularités des élèves autochtones: les
dimensions psychopédagogique et organisationnelle. En effet, le discours des
enseignants est fortement teinté de préoccupations liées à l’adaptation de
leurs pratiques à la situation des jeunes Autochtones. Ces préoccupations se
manifestent à travers des choix relatifs à la gestion de classe, mais aussi
plus spécifiquement à des stratégies pédagogiques particulières au détriment d’autres
qui leur paraissent moins pertinentes pour ce type d’élèves en fonction de
leurs modes d’apprentissage, de leurs préférences, par exemple. Dans une
moindre mesure, la dimension éthique semble aussi abordée lorsqu’il est
question des systèmes de valeur à l’origine des choix psychopédagogiques ou
organisationnels que les enseignants sont amenés à faire à l’endroit de leurs
élèves autochtones. Qu’il s’agisse d’accorder plus de temps, de revoir l’organisation
de la classe ou de suggérer qu’un élève fréquente une classe spéciale plutôt
que de poursuivre un cheminement régulier, des savoirs liés à ces trois
dimensions sont mobilisés par les enseignants qui interviennent auprès d’élèves
autochtones. Nous considérons également que la dimension contextuelle des
savoirs des enseignants teinte aussi leurs pratiques. En effet, à de nombreuses
reprises, en arrière-plan des décisions prises par les enseignants, nous
dégageons de leur discours l’adoption d’une perspective déficitariste, en
référence à Gauthier (2005), à l’endroit des jeunes à qui ils enseignent.
4.4.
Dimension socioaffective des savoirs enseignants en tant que trame de fond
La dimension socioaffective,
en référence aux travaux de Lebrun et al.
(2005), renvoie au rapport des enseignants à leur identité professionnelle, à
leur motivation et à leurs visées personnelles. C’est en abordant avec les
divers acteurs la question des facteurs qui influencent, selon eux, la réussite
et la persévérance scolaires des élèves autochtones, que nous avons été à même
de constater que chacun des groupes tend à accorder une prévalence à certains
facteurs plus qu’à d’autres. Les tensions qui en découlent entraînent
inévitablement des répercussions sur la motivation des enseignants à s’engager,
sur leurs visées professionnelles ainsi que sur leur identité. Ces
répercussions se manifestent également à travers les pratiques qu’ils mettent
en place ainsi que les savoirs qu’ils mobilisent. Pour mieux cerner ce
phénomène, il convient d’examiner plus attentivement les rapports entretenus
entre plusieurs enseignants et des acteurs de la communauté.
Pour une majorité d’enseignants,
intervenants scolaires et certains membres des directions d’établissements, la
plupart des difficultés scolaires des élèves - et des moyens pour y
remédier -
sont liées à ce qu’ils se représentent comme étant un «handicap socioculturel»
(Gauthier, 2005). À titre d’exemples, mentionnons qu’un accent est mis sur les
difficultés des élèves liées à la langue d’enseignement, sur le manque de stimulation
en bas âge, sur les problèmes personnels et sociaux qu’ils vivent (violence,
consommation d’alcool et de drogues, etc.), lesquels se traduisent, dans le
milieu scolaire, selon eux, par un manque d’intérêt et d’engagement, par de
fréquentes absences et, ultimement, par le décrochage scolaire. Dans cette
logique, les solutions aux échecs répétés et au décrochage se trouvent dans l’atténuation
des chances estimées inégales au départ par des mesures éducationnelles. Plus
précisément, dans le cadre de cette recherche, parmi les principales solutions
envisagées par ces acteurs, nous notons celles de combler les lacunes des
élèves au niveau de la langue, de les stimuler davantage pour qu’ils aient déjà
été «mis à niveau» lors de leur entrée à l’école. La différence des élèves
autochtones par rapport au groupe de référence (allochtones) semble ici perçue
surtout comme un problème devant lequel on se sent démuni et pour lequel il
paraît essentiel de bénéficier d’un soutien accru, de services complémentaires.
Toujours dans l’esprit d’une perspective déficitariste, il ressort que les
acteurs avaient assez peu tendance à mettre en perspective leurs
représentations, somme toute assez convergentes, des déficits culturels des
Autochtones avec le contexte sociohistorique dans lequel ils ont évolué. Ils
avaient, en général, plutôt tendance à responsabiliser les communautés pour les
problèmes scolaires vécus. Nous constatons aussi que les acteurs avaient
parfois tendance à établir des rapports de causalité directe entre certains
facteurs (pauvreté, difficultés personnelles, problèmes sociaux) et les échecs
et le décrochage scolaire, sans établir de distinctions claires entre des
habitudes de vie jugées malsaines, par exemple, et des traits culturels
typiquement autochtones. Cette perspective peut être considérée comme ethnocentrique.
Mentionnons, au passage, que certains élèves et parents autochtones s’inscrivent
également dans cette perspective, attribuant aux problèmes personnels, au
manque de modèles de réussite ou encore au manque d’engagement de certains
parents, les difficultés scolaires que vivent certains jeunes.
Toutefois, il
importe de prendre en compte le contexte particulier dans lequel se déroule la
scolarisation des jeunes de la communauté étudiée, contexte qui contribue, dans
une certaine mesure, à l’émergence de telles représentations. En effet,
précisons que les élèves de la communauté dont il est question dans ce
chapitre, même s’ils relèvent d’une école de bande, donc de juridiction
fédérale, suivent le Programme d’études du ministère de l’Éducation du Québec
(MEQ, 2001). Ce contexte ne nous paraît pas étranger à une lecture plus
ethnocentriste des difficultés que vivent les jeunes au cours de leur
scolarisation puisque ces élèves sont continuellement «comparés», même si tel n’est
pas le mandat de l’école, à d’autres élèves n’ayant pas, dès le début de leur
scolarité, des difficultés de divers ordres, dont celles liées à la langue d’enseignement.
Même si, quotidiennement, les élèves de la communauté ne côtoient pas d’élèves
allochtones, il n’en demeure pas moins que le programme qu’ils suivent est
prévu pour des élèves qui, à leur entrée dans le milieu scolaire, maîtrisent de
façon satisfaisante la langue d’enseignement. La comparaison est ainsi
constamment en la défaveur des élèves autochtones dans la mesure où le groupe
de référence ne présente pas les mêmes caractéristiques - notamment linguistiques - à
son entrée à l’école.
Alors que, comme
nous l’avons vu antérieurement, plusieurs acteurs allochtones s’inscrivent dans
une perspective déficitariste, une majorité d’acteurs autochtones de cette
communauté adhère plutôt à une perspective dite discontinualiste. Cette
dernière renvoie, pour l’essentiel, au choc des cultures, plus particulièrement
sous l’angle des difficultés du système scolaire à permettre une pleine
intégration des élèves autochtones. Ils expliquent en effet la plupart des
difficultés scolaires vécues par les élèves par le manque d’adaptation de l’institution
scolaire à leur culture, à leurs modes d’apprentissage, dénonçant le recours à
des stratégies pédagogiques peu adaptées aux élèves autochtones. Les
décrocheurs et certains parents sont ceux qui se reconnaissent le plus dans
cette perspective. Ses tenants proposent comme principale solution aux
difficultés rencontrées, l’adaptation de l’enseignement aux caractéristiques
des élèves autochtones. Leurs représentations à cet égard soulignent des
différences marquées par rapport aux allochtones: rythme différent, mode de vie
différent, style d’apprentissage différent, culture et langue différentes, etc.
Cette perspective rejoint celle de plusieurs auteurs auxquels nous nous sommes
déjà référés dans ce texte. Cette perspective responsabilise donc en quelque
sorte l’institution scolaire et ses acteurs des échecs et du décrochage qui
touchent plusieurs jeunes de la communauté. Les solutions qui s’inscrivent dans
un lien de cohérence avec cette perspective se retrouvent du côté du
réaménagement de l’organisation scolaire, des contenus, du matériel scolaire,
mais aussi des manières d’enseigner et de faire apprendre.
Il semble toutefois
important de souligner que même au sein de cette perspective, il ne se dégage
pas une vision unifiée des moyens à prendre en compte, dans la mesure où
plusieurs Autochtones paraissent avoir un rapport ambigu à la langue et la
culture. Les acteurs les plus traditionalistes déplorent le peu d’intérêt
manifesté par les gens de la communauté pour la culture ancestrale et décrient
le mode de vie actuel, trop éloigné des valeurs de base insufflées par cette
culture. Pour ces acteurs, très marginaux au sein de la communauté, accorder
une plus grande place à la langue et à la culture ancestrale constituerait une
solution au décrochage scolaire, notamment en raison du rehaussement du
sentiment identitaire et de l’estime de soi qui en découlerait. Cela impliquerait
toutefois des modifications majeures à l’organisation scolaire actuelle et,
vraisemblablement, ne pourrait être compatible avec une éducation dispensée en
milieu autochtone, mais par des allochtones.
Ainsi que l’ont
laissé entrevoir certains résultats que nous avons déjà esquissés, ces derniers
trouvent aussi écho dans une troisième perspective présentée par Gauthier
(2005), à savoir la perspective conflictualiste. Il semble clair, en effet, que
se jouent dans la réussite scolaire des jeunes de cette communauté, de même que
dans les rapports qu’entretiennent les divers acteurs intervenant dans le
milieu scolaire, des enjeux d’abord liés à la domination d’un groupe sur l’autre.
Les deux groupes semblent ainsi profondément marqués par des rapports de force,
rendant pour ainsi dire le dialogue et la collaboration sinon impossibles, à
tout le moins ponctuelles et rarissimes. Il paraît en découler un faible
sentiment identitaire, un sentiment flou, dans la mesure où les écoles de cette
communauté ne se trouvent être, aux yeux d’aucun sous-groupe d’acteurs, qui
plus est pour les enseignants qui y interviennent, «leur école».
Si ces perspectives
se côtoient la plupart du temps sans réellement entrer en dialogue, il importe
de souligner que certains acteurs adoptent finalement, comme le propose
Gauthier (2005), une quatrième perspective dite compréhensive. Ces acteurs
reconnaissent que plusieurs jeunes Autochtones vivent des difficultés scolaires
potentiellement imputables à des difficultés relatives à la langue d’enseignement,
à des problèmes personnels et sociaux, etc., mais interprètent ces difficultés
de manière plus «anthropologique», en tenant davantage compte du contexte
sociohistorique dans lequel elles s’inscrivent, en prenant en compte que d’autres
enjeux se jouent à travers la réussite scolaire de plusieurs jeunes, et qu’en
tant qu’enseignants, intervenants éducatifs ou directeurs, ils peuvent faire
une différence en adaptant certaines de leurs pratiques. La difficulté qu’ont
les acteurs à adopter une approche compréhensive tient peut-être du fait qu’elle
peut être confondue avec une approche psychologisante et culpabilisante. Or tel
n’est pas le cas. Si elle présente l’acteur comme «responsable», ce n’est pas
au sens où l’entend une certaine philosophie du sujet qui fait de celui-ci un
être libre, exempt de déterminisme, mais en ce qu’il est un acteur (et donc
actif) en rapport avec autrui et que cet espace intersubjectif est un espace de
négociation.
Conclusion
Rappelons d’abord
que l’objectif général poursuivi ici consistait à mieux connaître les pratiques d’enseignement en milieu
autochtone ainsi que les caractéristiques des savoirs enseignants. Rappelons
également que les données évoquées ici, bien que partielles, s’inscrivent à l’intérieur
d’une recherche plus vaste impliquant une autre communauté. Il convient aussi
de spécifier que, comme le souligne judicieusement Hains (1999), ce n’est qu’avec
une extrême prudence que l’on peut se hasarder à généraliser des résultats
provenant d’une communauté à l’ensemble des Premières Nations. Néanmoins, nos
résultats mettent en évidence quelques constats qui peuvent s’avérer utiles
pour la conduite de recherches ultérieures dans d’autres communautés
autochtones, au Québec à tout le moins.
Nous avons ainsi pu
constater que le discours entourant les savoirs enseignants et les pratiques d’enseignement
auprès des élèves autochtones n’est pas consensuel. Les parents, les élèves,
les directions, le conseil de bande, les intervenants éducatifs autochtones et
allochtones ne parlent pas d’une même voix. Le milieu éducatif ne semble pas
pouvoir se reposer sur une vision commune à la fois des «spécificités» de la
population étudiante autochtone, des modalités de mise en place des pratiques d’enseignement
susceptibles de favoriser la persévérance et la réussite scolaires, pas plus
que des dimensions des savoirs enseignants les plus importants. Toutefois, le
lieu privilégié de la construction des savoirs est sans contredit le milieu de
pratique, les savoirs issus de la recherche n’occupant qu’une très mince part
du discours de ces acteurs.
En fait, il semble
que la communauté autochtone concernée par cette recherche n’est pas en mesure
de traduire ses «différences» en programme concret d’éducation et de gestion
des conduites des élèves qui fournirait les lignes directrices de pratiques
spécifiques d’enseignement (Presseau, Martineau, Bergevin, 2006). Il apparaît
somme toute que l’évocation de ces différences est évasive et imprécise. Cette
situation laisse les intervenants éducatifs un peu à eux-mêmes et les oblige à
construire des conceptions personnelles des «différences autochtones»… Certains
choisiront alors de modifier leurs pratiques d’enseignement en fonction de
leurs conceptions des caractéristiques spécifiques des Autochtones, alors que d’autres
décideront de ne rien changer à leurs pratiques.
Nous constatons
aussi que lorsqu’il est question de pratiques d’enseignement auprès d’élèves de
la communauté étudiée, la dimension autochtone paraît parfois surdimensionnée[6],
au détriment d’autres traits qui les caractérisent, notamment leurs importantes
difficultés scolaires. Dans ce cadre, il serait sans doute pertinent d’avoir
recours plus systématiquement à des approches éprouvées pour l’intervention
auprès des élèves en difficulté. Le «reste», c’est-à-dire le rapport à la
différence culturelle semblerait, dans ce contexte, moins une affaire de
pratique d’enseignement qu’une question d’attitudes et de valeurs liées aux
principes d’intervention en éducation interculturelle (Martineau, 2005).
Quant aux savoirs,
si, comme nous l’avons vu, ils sont essentiellement des savoirs d’expérience,
construits dans la pratique quotidienne de la classe auprès de jeunes Autochtones,
ils relèvent aussi de plusieurs dimensions. Néanmoins, certaines dimensions
ressortent davantage que d’autres. C’est le cas des dimensions
organisationnelle et psychopédagogique particulièrement, mais surtout de la
dimension socioaffective. Cette dernière, notamment en raison des perspectives
interculturelles adoptées de part et d’autre, colore l’ensemble des pratiques d’enseignement
et de leurs savoirs.
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NOTES
[1]Compte tenu de l’espace qui nous est imparti, nous ne pouvons présenter
ces causes, nous référons donc le lecteur au texte de Tardif et Presseau
(2000).
[2]Pour une présentation détaillée de ces recherches nous
référons le lecteur à notre rapport de recherche: Presseau, A., Martineau, S.,
Bergevin, C. (2006). Contribution à la
compréhension du cheminement et de l’expérience scolaires de jeunes autochtones
à risque ou en difficulté en vue de soutenir leur réussite et leur persévérance
scolaires. Trois-Rivières: Rapport de recherche présenté au Fonds québécois
de recherche sur la société et la culture (FQRSC). Avec la collaboration de
Jean-François Dragon, 270 pages.
[3]Le processus de scolarisation formelle réfère aux conditions
d’obtention du DES du programme de formation de l’école primaire et secondaire
du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (MELS).
[4]Par aide spécialisée, nous entendons les services d’orthopédagogie, de
psychoéducation, d’information et d’orientation professionnelle, et de
conseiller pédagogique.
[5]Pour ce faire, nous avons reçu l’aval de la direction de l’éducation du
Conseil de bande de la communauté. En raison de la difficulté à joindre les
parents, le Comité de déontologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières
nous a autorisés à interroger les élèves de 14 ans et plus sans nécessairement
avoir obtenu l’autorisation parentale. Ces autorisations englobaient tant la collecte
des données auprès des jeunes, leur analyse, que la diffusion des résultats
ainsi obtenus.
[6]Le discours sur la culture autochtone a d’ailleurs
tendance à la réifier et à «l’ontologiser», oubliant en cela qu’elle est soumise
à la mouvance de ceux qui la portent. Dans ce cas justement, les jeunes
pourraient être vus – sur le plan culturel – comme des «métis» (au sens où
l’entend par exemple Abdallah-Pretceille), à savoir qu’ils sont aussi des Québécois
et des jeunes, et participent par le fait même de ces cultures. L’histoire de
l’éducation auprès des populations des Premières Nations a même entraîné une
dépossession de la culture ancestrale par les nouvelles générations. Ainsi, les
jeunes rencontrés voient – dans une certaine mesure bien entendu – leur culture
autochtone comme une culture «étrangère» ou à tout le moins ils peuvent la
percevoir comme la culture des aînés, déconnectée de la réalité d’aujourd’hui.
Leur culture à eux c’est celle de la communauté dans l’ici et le maintenant… ce
qui a peu à voir avec la culture traditionnelle autochtone… c’est celle qui
prend davantage racine dans une construction complexe issue à la fois de la
tradition, de l’histoire d’une rencontre culturelle qui a mal tourné et de
l’enfermement qui s’en est suivi.
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