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01 octobre 2011

Regard sur des penseurs de l'éducation

Ci-après, le lecteur trouvera une recension de l'ouvrage :
Baillargeon, N. (2005). Éducation et liberté. Anthologie. Tome 1. 1793-1918. Montréal : Lux.

Normand Baillargeon, professeur en fondements de l’éducation à l’UQAM, est bien connu du milieu de sciences de l’éducation pour ses prises de position fort critiques dans le cadre des controverses et des débats soulevés par la réforme des programmes scolaires au Québec. Il est aussi connu comme militant et penseur anarchiste. L’ouvrage Éducation et liberté est en quelque sorte le fruit de ce double champ d’intérêt : la chose éducative et la pensée anarchiste. Il s’agit en fait d’une anthologie de textes rédigés par neuf grandes figures du courant anarchiste. Ainsi, on peut y lire des extraits des écrits de William Godwin, Max Stirner, Pierre Joseph Proudhon, Michel Bakounine, Pierre Kropotkine, Sébastien Faure, Paul Robin, Fernand Pelloutier et Francisco Ferrer.

Ce livre, assez volumineux (390 pages), est divisé en deux grandes parties. La première, intitulée «Visions anarchistes de l’éducation», présente cinq penseurs (Godwin, Stirner, Proudhon, Bakounine, Kropotkine). Sont regroupées ici des réflexions théoriques sur l’éducation. La deuxième section, dont le titre est «Expériences anarchistes en éducation», rassemble les textes de Robin, Ferrer, Faure et Pelloutier qui relatent des expériences scolaires réalisées sur la base de principes libertaires. L’ouvrage compte aussi une introduction substantielle et éclairante de la main de Baillargeon ainsi qu’une bibliographie de 6 pages.

L’intérêt principal de cette entreprise est de mettre à la disposition des lecteurs un ensemble d’écrits dont la plupart étaient devenus sinon introuvables, à tout le moins fort difficiles à dénicher. Elle a aussi le mérite de nous mettre en contact avec des penseurs qui, tout en s’interrogeant sur l’organisation pratique des programmes, de l’enseignement ou des écoles, réfléchissent aussi aux fondements de l’éducation. Or, dans notre monde éducatif actuel, trop souvent obnubilé par le pragmatisme et l’utilitarisme, toute réflexion sur les principes de fond de l’intervention éducative fait plaisir à lire. À cet égard justement, on découvre que ces «pédagogues» des siècles passés concevaient l’éducation essentiellement comme un processus de libération de l’ignorance, processus permettant l’émergence de la Raison en vue de l’amélioration de la société pour le plus grand bien de tous. En fait, tous sont préoccupés, d’une manière ou d’une autre, par les inégalités sociales et conçoivent l’éducation comme un outil pour contrer les injustices. Combattant les institutions conservatrices ou réactionnaires de leur époque (au premier chef, l’État et l’Église), ses anarchistes proposent des conceptions de l’éducation qui annoncent le courant de la pédagogie nouvelle qui naîtra au début du 20e siècle : faire découvrir plutôt qu’apprendre par cœur; apprendre en faisant (learnig by doing); proposer des tâches signifiantes; recours à l’approche par problème; etc. En réalité, chacun des auteurs présentés ici, à sa manière, prône une éducation intégrale qui prend en compte autant les dimensions physiques, intellectuelles que morales de l’être humain. Si un dénominateur commun pouvait relier tous ces écrits, il se résumerait, à notre avis, dans l’énoncé suivant : contre l’endoctrinement et pour la liberté.

Les textes réunis par Baillargeon sont tous intéressants et permettent de se replonger à une époque de bouillonnement intense en éducation. Le lecteur se retrouve en présence de pensées complexes, nuancées, progressistes et, par leur truchement, il peut revivre une page de l’histoire du combat pour le triomphe d’idéaux éducatifs généreux (laïcité, gratuité scolaire, équité, droit à l’éducation pour tous, hommes et femmes, riches et pauvres, respect de l’enfant, etc.). À notre époque où le néo-conservatisme semble s’imposer un peu partout, on ne peut que constater que, si d’immenses progrès ont été accomplis, le combat est loin d’être terminé; ces anarchistes nous invitent à être vigilants. En somme, l’anthologie que nous donne à lire Baillargeon est un instrument fort utile pour qui souhaite approfondir sa connaissances de l’histoire des idées et des pratiques éducatives. Un deuxième tome est annoncé et on ne peut que s’en réjouir.

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