Référence :
Simard,
D., Martineau, S., Gauthier, C. (2001). La spécialisation des savoirs et la perspective
culturelle dans l’enseignement : une approche herméneutique. Dans L’éducation
au tournant du nouveau millénaire, sous la direction de G. Lemoyne et C.
Lessard, Université de Montréal : Les Publications de la Faculté des
sciences de l’éducation. p. 223-242.
Introduction
À l’instar des autres pays industrialisés, le Québec a procédé à une
réforme en profondeur de ses programmes d’études aux niveaux primaire et
secondaire. Ramenée à l’essentiel, et au moins depuis un avis du Conseil
supérieur de l’éducation (1994)[1], cette réforme tourne résolument le dos
à la «logique subjective» des programmes d’études actuels axés sur la
croissance personnelle et la créativité et met l’accent sur le rehaussement
culturel du curriculum d’études et sur le développement des habiletés
cognitives. Le Rapport final de la Commission des États généraux (1996) sur
l’éducation a confirmé cette tendance de fond que le Rapport du Groupe de
travail sur la réforme du curriculum (1997a) s’est chargé de préciser et de
développer en de multiples volets (perspective culturelle dans le choix des
matières, approche culturelle dans l’enseignement, connaissance des productions
culturelles, etc.). Le mot d’ordre est clair : c’est la perspective
culturelle qui doit désormais présider à l’orientation générale des programmes
d’études. Or, privilégier ainsi une perspective culturelle, c’est concevoir
l’éducation comme l’appropriation d’un patrimoine de connaissances, de valeurs
et de symboles qui permet à chacun de mieux comprendre le monde, d’y vivre et d’y
répondre d’une manière active, créatrice et autonome. En d’autres termes, parce
que le monde dans lequel nous vivons est le résultat de productions humaines,
connaître les plus significatives d’entre elles permet de se situer dans
l’histoire et dans son identité humaine. L’Énoncé
de politique éducative (1997b) ne fera qu’entériner cette réhabilitation de
la culture dans les programmes d’études. En cela, il participe d’une tendance
générale qui s’est affirmée aussi bien dans le reste du Canada (Commission royale
d’enquête de l’Ontario, 1994) qu’aux États-Unis (Department of Education, 1997)
et en Europe. En France, notamment, le Rapport Morin (1998) dessine le
programme d’un «nouvel humanisme», intégrant la culture des humanités et la
culture scientifique. En un mot comme en mille, c’est la culture qui est la
source, la finalité et le contenu substantiel de l’éducation, pour reprendre au
passage les termes de Forquin (1989). L’éducation est plus qu’une activité
sociale, économique et politique; elle est d’abord et avant tout une activité
culturelle inscrite au cœur même de la mission essentielle de l’école.
Cependant, nous sommes bien loin du consensus et des
divergences surgissent dès qu’il s’agit de préciser les contenus de culture à
transmettre et les moyens à mettre en œuvre pour faire de l’école un véritable
lieu de culture (Audet, St-Pierre, 1997). Comment, en effet, articuler l’école
à la culture de nos jours ? Comment penser l’école comme lieu de culture ?
Comment raviver la dimension pédagogique et plus largement éducative de la
culture ? Comment peut-on penser et assumer, en enseignement, la perspective
culturelle ? Que devons-nous transmettre et comment ? Au regard de ces
questions, la récente demande ministérielle de rehaussement culturel des programmes
d’études est certes une voie prometteuse, mais elle demeure pour le moins
ambiguë (Chené, Saint-Jacques, 1999). En effet, le concept de culture n’y est
pas clairement défini et les propositions concrètes qui appuient les énoncés de
principes sont le plus souvent imprécises, voire contradictoires
(Saint-Jacques, Chené, 1998). De plus, et au-delà des énoncés généraux sur la
place et l’importance de la culture à l’école, il nous faut bien admettre que
nous en savons encore très peu sur le savoir culturel des enseignants, sur le
fonctionnement réel, le rôle et la place des références culturelles dans
l’enseignement et leur impact sur l’apprentissage des élèves. Ce bref rappel
donne à penser que la question des rapports entre l’éducation et la culture est
plus que jamais à l’ordre du jour et qu’elle pose un défi pédagogique
fondamental qui concerne chaque éducateur. Ce texte se situe dans ce procès de
questionnement. De façon plus précise, et à partir d’une approche
herméneutique, nous souhaitons contribuer à la clarification d’un enseignement
qui désire s’inscrire dans une perspective culturelle. Cette clarification,
nous la ferons autour de la question de la grande disjonction entre la culture
scientifique et la culture des humanités à laquelle s’ajoute la spécialisation
des savoirs. Nous terminerons ce texte par quelques considérations
pédagogiques. Mais avant, quelques mots sur l’herméneutique.
1. L’herméneutique en bref
On parle beaucoup d’herméneutique de nos jours. Cette formidable
extension de l’herméneutique n’est sans doute pas étrangère à la prise de
conscience de plus en plus aiguë de la relativité de toutes les conceptions du
monde et de l’historicité de tout présent (Gadamer, 1996). Le perspectivisme
généralisé, amorcé depuis Nietzsche, est une donnée essentielle de la pensée
contemporaine qui propulse à l’avant-scène le problème de l’interprétation.
Mais, si l’on parle abondamment d’herméneutique, il ne faut pas croire pour
autant que l’herméneutique est récente. Au contraire, l’herméneutique est une
«vieille affaire» qui remonte aux origines de la pensée grecque. Elle est donc
bien antérieure à l’apparition du terme latin hermeneutica, introduit par Dannhauer au XVIIe siècle, et à l’idée
d’une science méthodique telle que la modernité l’a développée (Gadamer, 1991).
De manière générale, l’herméneutique désigne traditionnellement l’art, la
technique ou la méthode de l’interprétation des textes sacrés, puis des textes
profanes et juridiques ensuite. Pour la plus grande partie de son histoire,
l’herméneutique est essentiellement une discipline technique et normative qui
s’exerce sur les terrains de l’exégèse biblique, de la philologie classique et
de la jurisprudence. Au cours du XIXe siècle, et sous l’influence décisive de
Schleiermacher, l’herméneutique s’est présentée comme une réflexion
méthodologique sur la pratique interprétative à l’intérieur de ces disciplines
(Grondin, 1990). À partir du XXe siècle, l’herméneutique fait son entrée sur la
scène philosophique. Chez Heidegger, l’ontologie s’identifie en effet à
l’herméneutique. Avec Gadamer et Ricoeur par la suite, nous assisterons à
l’émergence de ce qu’on peut appeler avec Greisch (1993) une «philosophie
herméneutique».
Depuis Heidegger et la publication de l’opus magnum de Gadamer, Vérité et méthode, l'herméneutique s'est
déplacée d'une signification technique et normative à une signification
philosophique. Il existe maintenant une philosophie herméneutique qui occupe
une place centrale dans le paysage philosophique, intellectuel et culturel de
notre époque, place qui justifie pleinement de lui accorder le titre de prima philosophia (Grondin, 1993a), que
ce soit sous les espèces d'un «âge herméneutique de la raison» (Greisch, 1985),
d'un «paradigme herméneutique de la raison» (Greisch, 1993), d'un «horizon
herméneutique de la pensée contemporaine» (Grondin, 1993a), ou encore d'une «koinè philosophique» (Vattimo, 1991).
Dans les dernières décennies, l'orientation s'est enrichie et complexifiée,
tantôt nouant des liens fertiles avec d’autres disciplines (le droit, la
littérature, la théologie, la musicologie), tantôt donnant lieu à de vigoureux
débats internes. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner ces relations et le détail
de ces débats[2].
On précisera seulement que pour des raisons qui tiennent à la fois de la
sensibilité et d’une certaine conception de la raison et de l’éducation, nous
nous inspirons davantage de l’herméneutique représentée par Gadamer et Ricoeur.
Afin de bien comprendre la suite de notre propos, on nous permettra de
présenter brièvement quelques-uns des grands principes de cette approche
herméneutique[3].
Principe 1. La
compréhension a une structure herméneutique circulaire
Avec Heidegger, et par la suite Gadamer, la
compréhension cesse d'être un phénomène exclusivement épistémique; elle est un
mode d'être, une possibilité de s'orienter dans le monde à partir de sa
situation concrète, un projet[4].
Toute compréhension comporte une pré-compréhension, une structure
d'anticipation qui est à son tour pré-figurée par la tradition dans laquelle vit
l'interprète et qui modèle ses préjugés (Gadamer, 1996). L'existence humaine se
caractérise donc par son «interprétativité» (Grondin, 1993b). Cette
compréhension préalable peut à son tour se déployer pour elle-même, se
comprendre d'une manière explicite. Cette explicitation d'une compréhension
préalable, telle est la tâche de l'Auslegung,
de l'interprétation. L'idée d'une compréhension comme articulation d'une
compréhension préalable correspond à la structure de ce que Heidegger appelle
le cercle herméneutique (Heidegger, 1985; Vattimo, 1985).
Principe 2. La
compréhension s'enracine d'abord dans le passé
Comme le dit si bien Grondin (1990, p. 1132), la
compréhension est toujours enracinée «dans
une tradition porteuse de sens». La tradition n'est pas une chose que nous
pouvons mettre de côté. En vertu du principe du «travail de l'histoire» (Wirkungsgeschichte), nous appartenons
d'abord à une tradition historique et c'est à partir d'elle que nous abordons
les choses. Ainsi, notre connaissance de l'histoire, de l'art, de la science ou
des lois morales, notre compréhension des concepts tels que le bien, la vérité,
l'objectivité, bref la manière suivant laquelle nous comprenons et nous
questionnons le monde, tout cela relève d'abord d'une tradition historique et
culturelle. Par conséquent, nos interprétations ne sont jamais neutres mais
toujours conditionnées par la tradition dans laquelle nous vivons et qui forme
la substance de nos préjugés. La tradition est à la fois ce qui limite notre
compréhension et ce qui la rend possible, à la fois ce qui la contraint et ce
qui l'ouvre.
Principe 3. La
compréhension est toujours linguistique
Si la compréhension est toujours conditionnée par une
tradition historique, celle-ci vient à nous à travers le langage. L’herméneutique
comprend l’existence humaine dans son rapport au monde comme interprétation,
c’est-à-dire comme une expérience qui se réalise sur le mode d’une échange
dialogique au sein d’une langue (Vattimo, 1991). Le langage n'est donc pas un
outil neutre, extérieur à l'interprète, mais le véhicule même des traditions
interprétatives. La langue parle en nous et nous constitue comme patrimoine de
textes et de formes historiquement finies, comme ensemble de règles et comme
dialogue interpersonnel (Vattimo, 1991). Nous appartenons au langage comme nous
appartenons à l'histoire : ni devant, ni derrière, ni au-dessus, mais compris
dans l'histoire, et donc compris dans une tradition interprétative et
langagière. En ce sens, le «travail de l'histoire» à travers le langage n'est
pas entièrement transparent; il dépasse notre subjectivité, la limite et la
rend possible. Si l'interprétation est le ressort constitutif de toute activité
cognitive et pratique, le langage est le mode d'être privilégié de cette
activité interprétante (Grondin, 1993a).
Principe 4. La
compréhension est toujours productive
La compréhension comporte une dimension productive qui
se situe entre la création ex nihilo
et la pure reproduction (Gallagher, 1992). Si la compréhension s'enracine
d'abord dans une tradition interprétative qui la limite et la rend possible, en
revanche elle n'est pas que la simple reprise et reproduction de la tradition.
La compréhension s'enracine aussi dans le présent, dans les intérêts, les
questions, les besoins, les attentes de sens et les préoccupations de
l'interprète. En ce sens, la compréhension ne loge ni du côté du sujet, ni du
côté de l'objet ou de la tradition, mais dans cet entre-deux où le dialogue se
noue (Charlot, 1997). «La compréhension, aiguillée par des questions qui lui
sont propres, n'est pas un acte seulement reproducteur, (...) mais toujours
aussi, parce que jaillissant d'une application, un comportement productif»
(Grondin, 1993b, p. 176-177). Toute compréhension comporte donc une production,
à la fois une transformation de soi et de la tradition interprétative et
langagière.
Principe 5. La
compréhension comporte une application
Si la compréhension s'enracine aussi dans le présent,
dans les questions, les intérêts, les préoccupations et les attentes de sens de
l'interprète, en d'autres termes si l'interprète est constitutif de la vérité
herméneutique dans son rapport à l'histoire, au texte ancien ou à l'oeuvre
d'art, c'est que la compréhension comporte un aspect d'application à soi, une
compréhension de soi, un Sichverstehen.
Comprendre le passé, un texte, une oeuvre d'art, c'est en quelque sorte le
traduire dans ses propres termes, l'appliquer à sa situation présente, y
trouver un éclairage pour sa vie. «Dans les termes de Gadamer, comprendre veut
dire avoir réussi à appliquer un sens à notre situation, avoir trouvé réponse à
nos questions» (Grondin, 1993b, p. 176). Et cette application n'a rien d'une
application instrumentale; elle relève plutôt d'une phronèsis, c'est-à-dire d'une recherche de sens à partir de sa
situation concrète, recherche de sens qui implique une ouverture à l'autre
(Porcher et Abdallah-Pretceille, 1998), et donc la possibilité d'un dialogue
véritable (Aubenque, 1986 ; Brihat, 1966, Grondin, 1993b). À ce propos,
Rey écrit : «Ni le monde, ni le positionnement rationnel vis-à-vis de
celui-ci n’ont de sens s’il n’y a pas autrui. L’idée même de sens exige
l’intersubjectivité» (1996, p. 193).
Principe
6. La compréhension possède la structure logique du questionnement.
L'être humain ne dispose pas d’une compréhension
achevée et définitive sur le monde; sa rationalité est toujours limitée dirait
Schütz (1987). L'être-là est pouvoir-être; son existence possède ce caractère
d'ouverture et de possibilité. De sorte que sa compréhension préalable est aussi
un projet, une esquisse, un guide ouvert à des modifications et à des
développements (Vattimo, 1985). Cette ouverture de la compréhension à la
structure logique de la question, de sorte que «la compréhension s'éprouve ici
comme le résultat du jeu dialogique de la question et de la réponse» (Grondin,
1993b, p.179). On pourrait le dire autrement. Si la compréhension comporte une
application à soi, une compréhension de soi, et que l'application consiste dans
la recherche d'un sens à notre situation actuelle, alors l'application obéit à
la dialectique de la question et de la réponse[5].
Par le questionnement, le Dasein
(l’être-là heideggérien) s'ouvre à d'autres possibilités et d'autres sens au
sujet du monde.
2.
Quel défi culturel ?
Société de
l’information, société cognitive, économie du savoir, informatisation
croissante, formation continue, etc., ces expressions laissent entrevoir de
formidables défis d’éducation, de culture et de civilisation. Au-delà de la
rhétorique d’usage, elles donnent à penser que cette fin de millénaire se
déroule sous le sceau de la prolifération de l’information et de
l’accroissement exponentiel des savoirs (Morin, 1998). Mais cette explosion
remarquable présente aussi des revers. L’homme du 21e siècle –
«branché» sur les journaux, la radio, la télévision câblée, les cd-rom,
internet - croule littéralement sous la masse des informations que jour après
jour il doit interpréter, comprendre et décoder. Ne pouvant plus compter sur un savoir acquis une fois pour toute, il
doit constamment renouveler son réservoir de connaissances (Schütz, 1987) afin
de répondre aux sollicitations nombreuses et souvent contradictoires d’un
environnement social et culturel perpétuellement renouvelé. Et comme si ce
n’était pas assez, cette prolifération des connaissances s’accompagne aussi de
leur extrême dispersion. Chacun, d’une certaine manière, se trouve donc renvoyé
à la sphère étroite de sa spécialisation, devenant plus ignorant de la totalité
(Morin, 1986), plus impuissant à intégrer, à globaliser et à comprendre les
problèmes de son époque dans toute leur complexité (Morin, 1998).
Cette
prolifération/spécialisation des savoirs n’est pas sans rejaillir sur notre
enseignement lorsque nous nous proposons, comme éducateur, de faire en sorte
que les savoirs ne demeurent pas à l’extérieur des élèves, comme des entités
abstraites et achevées que l’on ne soumet plus au doute, à la réflexion et à
l’intégration personnelle. Comment faire pour que les savoirs deviennent
l’objet d’une appropriation personnelle et significative par les élèves ?
Comment faire pour les intégrer à un contexte plus large et à leur propre vie ?
Comment faire pour que notre enseignement devienne l’occasion d’une démarche de
culture, d’une transformation de ses représentations et de ses savoirs ? Le
caractère de plus en plus cognitif de
toutes les activités humaines, l’abondance et la spécialisation des savoirs
posent donc un défi de taille à la pédagogie. Pour relever ce défi, nous
pensons que le développement d’une compétence à s’approprier et à intégrer les
savoirs est d’une importance de premier plan. Ainsi se dessine l’un des mandats
de l’éducation à venir : fournir des outils qui permettent à chacun de
s’approprier, d’intégrer et d’organiser les connaissances en un tout cohérent,
original et personnel.
3. La spécialisation des savoirs :
pertinence de l’herméneutique
Nous sommes les enfants d’un siècle remarquable au
chapitre du progrès des connaissances. Dans tous les domaines nous avons
réalisé des progrès étonnants et les prouesses techniques n’ont pas fini de
nous surprendre.
Mais cette réussite remarquable comporte aussi ses revers : la
science présente un visage de plus en plus morcelé. L’éclatement des
connaissances affecte non seulement «la possibilité d’une connaissance de la
connaissance mais nos possibilités de connaissance sur nous-mêmes et sur le
monde» (Morin, 1986, p. 13). La spécialisation de la science, son développement
de plus en technique et bureaucratique fait qu’elle ne peut plus penser ou
réfléchir son objet. Cette spécialisation détruit les grandes questions types
de la culture humaniste. À la limite, on n’a plus besoin de l’idée d’homme ou
de vie dans les sciences (Morin, 1984). Comme le disait Vattimo (1991, p. 39),
le formidable développement des sciences et leur spécialisation croissante «se
paye de la possibilité toujours moindre de se donner une image unitaire
praticable du monde». Éclatement, disjonction, morcellement, insularisation des
connaissances, disciplinarité close sont les termes qui reviennent le plus souvent
pour qualifier le divorce entre la science et la culture, amorcée depuis la
modernité, et la spécialisation croissante des savoirs.
Quand on quitte le terrain de ces généralités pour examiner l’expérience
scolaire, on se rend compte que les enseignants, pour toutes sortes de raisons,
cautionnent en quelque sorte ce divorce entre la science et la culture, cette
ghettoïsation des savoirs, cet éclatement de la culture où nous retrouvons d’un
côté les mathématiques, la science et la technologie, puissantes et
prestigieuses, et de l’autre côté la culture, dont on ne sait plus très bien ce
qu’elle est devenue, ce qu’elle signifie, tantôt une sagesse dérisoire d’un
monde révolu, tantôt une activité artistique, tantôt un divertissement ou une
forme de loisir qui déride un instant, le temps de refaire ses forces avant de
revenir à la «vraie vie».
Il s’en suit que la formation est elle-même divisée entre deux types
d’éducation sans communication réciproque : d’un côté les mathématiques,
la science et la technologie, utiles et efficaces, assurant les carrières,
aisément échangeables sur le marché de l’emploi, et de l’autre la culture,
c’est-à-dire un saupoudrage de connaissances sans liens entre elles, et dans
l’esprit de plusieurs une éducation artistique qui ne cesse elle-même de perdre
du terrain au profit de l’anglais et de l’informatique. Il en résulte une
hiérarchie des enseignants et des matières, un cloisonnement disciplinaire où
chacun s’enferme pour défendre son petit jardin, une spécialisation prématurée.
Dans ce contexte, comme le notait Michel de Certeau (1980), il ne faut pas
s’étonner du caractère kaléidoscopique de la culture des jeunes, non pas pauvre
mais anomique, et, en cela, reflet de l’enseignement reçu et de l’éclatement
des disciplines. Alors la pédagogie peut-elle restaurer certaines passerelles
entre les savoirs, rétablir certains liens entre les divers champs de
l’activité humaine, ou doit-elle se résigner à se voir confiner à l’ordre des
moyens et à n’être plus que la modeste servante d’une spécialisation aussi
abusive que prématurée ? Par ailleurs, sur quelle base établir cette recherche
de continuité de nos jours ? Et quel éclairage l’herméneutique peut apporter à
ces questions ?
Cette continuité est possible selon Gadamer si nous reconnaissons
l’enracinement contextuel de toute compréhension. Expliquons-nous. Comme nous
l’avons vu, Gadamer reprend la découverte heideggérienne de la structure
préalable. Toute compréhension comporte une pré-compréhension (principe 1)
selon Heidegger. Mais pour Gadamer, cette pré-compréhension est à son tour
pré-figurée par la tradition dans laquelle vit l’interprète et qui modèle ses
préjugés (principes 2 et 3).
Or, cette structure préalable, cette structure d’engagement pratique,
cette structure a priori ou encore
cette structure de préjugés, on la retrouve non seulement à l’œuvre dans
l’interprétation textuelle et historique, non seulement dans les sciences
humaines, mais aussi dans les sciences naturelles. Qu’est-ce à dire? Tout
simplement que les savoirs scientifiques sont également issus de traditions
interprétatives au sein desquelles des normes, des méthodes, des critères de
validité et de falsification se sont progressivement élaborés. Toute science
objective présuppose une communauté de recherche où se pratique une
compréhension intersubjective, c’est-à-dire que les acteurs de la science
doivent aussi s’entendre sur les pratiques, les termes, les critères à partir
desquels ils jugeront les résultats. C’est en ce sens que nous pouvons parler
de l’enracinement contextuel de toute compréhension. Ainsi comprise, toute
compréhension suppose une structure de préjugés qui est conforme à une
tradition interprétative et langagière, à un paradigme interprétatif pour
reprendre ici un terme de l’épistémologie contemporaine. L’herméneutique
gadamérienne nous libère donc du rêve positiviste d’un langage descriptif
neutre sur le monde, rêve qui devait d’ailleurs assuré aux sciences humaines la
même objectivité que les sciences naturelles. Charlot (1997) dira quant à lui
que le savoir n’est pas un «en soi» mais un rapport à soi, aux autres et au
monde.
Sur ce point d’ailleurs, l’épistémologie contemporaine rejoint
l’herméneutique. Nous devons à des auteurs comme Quine, Kuhn et Feyerabend
d’avoir montré que la théorie oriente toujours l’observation et que la part du
sujet dans la construction de la connaissance est importante. Pour le dire
d’une manière rapide, la science a découvert l’ordre interprétatif. Alors pour
nous qui sommes sur le terrain de l’éducation, qui essayons de penser
l’éducation dans une perspective culturelle, l’épistémologie a montré que la
science fait aussi partie de la culture. La science aussi est une institution
humaine comme toutes les institutions humaines, une construction humaine
progressivement élaborée, historiquement conditionnée, et donc inséparable de
toute une série de facteurs aussi bien philosophiques et religieux,
qu’économiques et politiques (Latour et Woolgar, 1989; Thuillier, 1983).
Il n’existe donc pas quelque chose comme une réalité objective, un
critère absolu, une métathéorie ou un métalangage qui nous permettrait de
mesurer en toute sécurité l’adéquation d’un paradigme à la réalité; il n’existe
donc pas de fondation ultime, de point d’Archimède du savoir (Hannoun, 1996). Ce
qui existe plutôt, ce ne sont que des phénomènes interprétés diversement selon
des grilles paradigmatiques et symboliques différentes. Pour l’herméneutique,
le monde est une réalité construite, fabriquée. Et cette construction découle
toujours de significations qui ont pris forme au sein de traditions
interprétatives et langagières (Bruner, 1996).
Nous pensons qu’il en résulte une autre conception de la science, du
savoir et de la culture[6].
Si nous pouvons identifier une continuité entre les savoirs, si une telle
recherche de continuité est possible, c’est dans l’affaiblissement de l’idée de
fondation (Vattimo, 1991), dans l’expérience communautaire c’est-à-dire
langagière et extra-méthodique qu’il faut la chercher (Gadamer, 1996). Dans
cette perspective, il n’y a pas d’un côté la science, de l’autre la culture,
d’un côté un pur discours sur la réalité qui a le monopole de la vérité, de
l’autre l’espace irrationnel et informe de la subjectivité humaine. Ce qui
existe plutôt, ce ne sont toujours que des savoirs partiels sur le monde, une
diversité de points de vue, d’interprétations possibles, et nous ajouterions
une histoire des savoirs, c’est-à-dire des polémiques où ils s’inscrivent, des
débats et des enjeux, des réponses aux questions que les hommes se posent sur
le monde. À notre avis, c’est de ce côté qu’il faut chercher si nous voulons
inscrire notre activité éducative dans une perspective culturelle et ainsi
créer des liens, des passerelles et des zones de communication entre les deux
grands pôles de notre culture, celui de la culture des humanités et celui de la
culture scientifique.
4. Considérations pédagogiques
Quelles sont les conséquences de ce qui vient d’être dit sur la
pédagogie? Première conséquence : si la réalité est une réalité construite
à travers des significations qui prennent forme au sein de traditions
interprétatives et langagières, alors il importe d’aider les jeunes à apprendre
et à maîtriser les langages, c’est-à-dire les outils par lesquels nous
construisons du sens et la réalité (Bruner, 1991). Ces outils, ce sont d’abord
les outils de la pensée, en particulier la maîtrise de sa langue maternelle et
les outils de la logique pour exposer ses idées de façon claire et cohérente.
Ce sont aussi les outils de l’histoire qui permettent de faire des liens, de
mettre en forme des événements et de faire apparaître du sens. Nous pensons
encore à la connaissance de la méthode expérimentale, dont la place est si
importante de nos jours dans l’élaboration de notre savoir et la compréhension
de notre monde, et à la connaissance du langage mathématique en raison de son
importance dans un grand nombre de disciplines. Nous pensons enfin à la
connaissance des langages artistiques, à toutes ces formes symboliques
perceptibles de la réalité humaine subjective, et à ces discours qui nous
rendent sensibles à la dimension éthique qui traverse toute vie humaine. Mais
il y a plus. En effet, dans une perspective herméneutique, il ne suffit pas
d’apprendre les langages (scientifique, mathématique, historique, artistique,
éthique), mais encore les processus par lesquels ils se construisent. Quelles
sont les expériences, les besoins, les intérêts, les problèmes et les questions
auxquels ils répondent ? Est-il possible de reconduire les langages au sein des
problèmes qui dans l’histoire des hommes les ont fait surgir ? Ce faisant, nous
replacerions l’accent sur les processus par lesquels nous trouvons des
solutions à des problèmes et nous construisons la réalité, plutôt que sur le
seul langage achevé. Au fond, il s’agit de montrer que derrière les livres où
se dépose notre savoir, derrière ce bel objet patiemment constitué, derrière la
représentation commune d’un processus linéaire d’élaboration progressive et
cumulative du savoir, se cache une prodigieuse aventure humaine, l’aventure des
hommes aux prises avec eux-mêmes et avec le monde, l’aventure des hommes où le
hasard vient à la rencontre de la recherche obstinée, l’aventure des hommes,
c’est-à-dire des expériences déterminantes et des questions fondatrices, des découvertes
fulgurantes, des combats et des conquêtes, des ruptures et des rencontres
aussi, où le cœur s’emmêle à la raison, l’imagination à la rigueur. Dans cette
perspective herméneutique, il nous faudrait donc donner la priorité à la
question sur la réponse si nous acceptons la proposition suivant laquelle nous
ne comprenons bien un savoir que dans la mesure où nous remontons à la question
à laquelle il répond.
Deuxièmement, et de façon complémentaire à cette première remarque,
reconnaître l’historicité de la compréhension humaine, c’est reconnaître
l’appartenance de la compréhension à des traditions interprétatives et
langagières. Or ces traditions font partie de l’expérience éducative. Enseigner
et apprendre, c’est s’inscrire dans la continuité de communautés de recherche
et d’interrogation où se sont progressivement constituées des langages, des
concepts et des méthodes, c’est reprendre pour son propre compte les questions
et les démarches, les débats et les polémiques où s’inscrivent toujours les
savoirs (Gallagher, 1992). Quand j’apprends la géométrie, j’apprends la
géométrie dans un contexte défini par une tradition scientifique. Mais je ne
fais pas qu’apprendre des formules, implicitement j’apprends l’histoire de la
géométrie. Dans la mesure où le principe du «travail de l’histoire» correspond
à l’expérience éducative, dans la mesure où les traditions font partie de
l’expérience éducative, alors il est clair qu’une partie de l’enseignement
devrait consister à devenir conscient de la force de la tradition sur notre
compréhension (Gallagher, 1992). À partir d’une telle proposition, il est
évident que la prise de conscience du «travail de l’histoire» sur notre
compréhension déborde l’histoire comme discipline spécifique. En d’autres
termes, il faut amener l’histoire à la conscience, ce qui exige d’enseigner
dans une perspective historique, c’est-à-dire non seulement d’enseigner
l’histoire mais d’enseigner l’histoire des disciplines. Si, comme nous l’avons
vu, le passé est toujours compris dans nos interprétations, si les traditions
interprétatives et langagières sont inscrites dans l’expérience éducative,
alors enseigner, dans une perspective herméneutique et culturelle, cela ne peut
plus seulement consister à transmettre des connaissances, mais plus encore, c’est
aider l’élève à prendre conscience de la profondeur historique de ce qui lui
est transmis. En particulier sur ce point, il est intéressant de noter que
Gadamer rejoint une proposition de Dumont (1971) où il nous invitait à donner
le pas à la perspective historique dans l’enseignement. Il nous faut former des
héritiers et des critiques disait-il. Ainsi, l’élève retrouverait un fondement
à sa culture et le sens du passé. Alors comment amener l’histoire à la
conscience ? L’histoire vient à nous à travers le langage, lequel est pensé
selon la dialectique de la question et de la réponse, et donc à partir du
dialogue. Comment amener l’histoire à la conscience ? Par le dialogue
répondrait simplement Gadamer.
Si toute compréhension appartient à l’histoire, alors les questions que
l’élève pose sur le monde et les réponses qu’ils trouvent, ce ne sont pas des
questions et des réponses qui lui appartiennent en propre, mais des réponses et
des questions qui appartiennent aussi à des traditions interprétatives et langagières.
Les questions que pose l’élève sont importantes (principe 6) car elles sont
l’occasion de renouer avec les questions que d’autres avant lui ont posé et les
réponses qu’ils ont tenté d’apporter, de renouer avec le dialogue dont la
culture est l’écho, l’occasion de faire parler les textes et les savoirs à
partir de sa situation d’interprète (principes 4 et 5). La compréhension
s’éprouve donc ici comme le résultat d’un jeu dialogique de la question et de
la réponse. Enseigner selon notre perspective, ce n’est pas seulement
expliquer, exposer, rendre clair, expliciter les savoirs afin que les élèves
puissent appréhender leurs contenus de vérité, ce n’est pas seulement faire
connaître aux élèves les productions culturelles les plus significatives, mais encore
les restituer au sein des questions, des problèmes et des besoins qui dans
l’histoire et la culture des hommes ont rendu possible leur élaboration. C’est
à notre sens une approche qui permet de « défossiliser », de
« dépétrifier » et de décloisonner les savoirs (Meirieu, 1995), de
les rendre à la vie en quelque sorte et de les dégager de leur neutralité
scolaire en les réinscrivant dans leur contexte d’émergence, dans l’histoire et
les questions de ceux et celles qui ont cherché à comprendre.
Nous pouvons enfin ajouter que si un «savoir n’a de sens et de valeur
qu’en référence aux rapports qu’il suppose et qu’il produit avec le monde, avec
soi-même, avec les autres» (Charlot, 1997, p. 74), en conséquence c’est sur le
rapport au savoir qu’il faut travailler auprès des élèves. Il s’agit alors de
les amener à s’inscrire dans un rapport à soi, aux autres et au monde où les
savoirs proposés par l’école ne sont pas exclus. Plus encore, si le savoir est
avant tout un rapport, c’est donc sur le processus qui conduit à adopter «un
rapport de savoir au monde» (Charlot, 1997) que le pédagogue doit agir et non
pas sur une simple accumulation encyclopédique de connaissances.
Conclusion
En somme, enseigner dans une perspective herméneutique et culturelle
c’est faire en sorte que les savoirs deviennent la propriété des élèves. Plus
encore, enseigner dans une telle perspective c’est faire de notre enseignement
l’occasion d’une démarche de culture individuelle et collective. Et cette
démarche de culture réside essentiellement dans l’élaboration d’un rapport au
monde. Or, cette élaboration, c’est l’autre nom d’une
appropriation/intégration/organisation de la culture qui résulte du jeu
dialogique de la question et de la réponse. Appropriation, c’est-à-dire la
capacité à faire sienne la culture, à la traduire dans ses propres mots, ses
images, à la faire parler aux questions que nous lui posons; intégration,
c’est-à-dire la capacité de faire des liens entre les contenus de culture et
leur contexte d’émergence, de faire des liens entre les contenus de culture
eux-mêmes et de faire des liens entre ma compréhension préalable et de nouveaux
contenus; organisation, c’est-à-dire la capacité à les resituer les uns par
rapport aux autres, à les mettre en forme, à les structurer et à en voir la
cohérence interne. La culture ne réside pas simplement dans des savoirs, mais
dans l’élaboration d’un rapport au monde personnel à partir de ses questions,
de ses besoins, de ses intérêts et de ses attentes de sens, et où il devient
possible de saisir et d’entrevoir la signification que la culture peut revêtir
pour soi-même.
Bibliographie
Aubenque, P. (1986). La prudence chez Aristote. 3e édition. Paris : PUF.
Audet, C. et Saint-Pierrre, D. (dir.) (1997). École et culture : des liens à tisser. Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.
Brihat, D. (1966). Risque et prudence. Paris : PUF.
Bruner, J. (1991). …car la culture donne forme à l’esprit (Trad. Y. Bonin). Paris : Eschel.
Bruner, J. (1996). L’éducation, entrée dans la culture (Trad. Y Bonin). Paris : Retz.
Certeau, M. de (1980). La culture au pluriel. Paris : Christian Bourgois.
Charlot, B. (1997). Du rapport au savoir. Éléments pour une théorie. Paris : Economica.
Chené, A. et Saint-Jacques, D. (1999). Le rehaussement culturel à l’école : une réforme gigogne. Communication présentée le 12 mai au 67e Congrès de l’Acfas à l’Université d’Ottawa.
Commission royale sur l’éducation (1994). Pour l’amour d’apprendre. Rapport de la Commission royale sur l’éducation. Toronto : Gouvernement de l’Ontario.
Conseil supérieur de l’éducation (1994). Rénover le curriculum du primaire et du secondaire. Québec : Conseil supérieur de l’éducation.
Department of Education (1997). President Clinton’s call to action for American Educationin the 21st century. http://www.edgov/updates/inits 1998/overwiew/html#2.
Dumont, F. (1971). Le rôle du maître : aujourd’hui et demain. Action pédagogique, 17, 50-61.
Forquin, J.-C. (1989). École et culture. Le point de vue des sociologues britanniques. Bruxelles : De Boeck-Wesmael.
Gadamer, H.-G. (1991). L’art de comprendre. Écrits II. Herméneutique et champ de l’expérience humaine (Trad. I. Julien-Deygout, P. Forget, P. Fruchon, J. Grondin, J. Shouwey). Paris : Aubier.
Gadamer, H.-G. (1996). Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique (Trad. P. Fruchon, J. Grondin, G. Merlio). Paris : Seuil.
Gallagher, S. (1992). Hermeneutics and Education. New York : State University of New York Press.
Gouvernement du Québec (1996). Les États généraux sur l’éducation 1995-1996. Rénover notre système d’éducation : dix chantiers prioritaires. Rapport final de la commission des états généraux sur l’éducation. Québec : Gouvernement du Québec.
Gouvernement du Québec (1997a). Réaffirmer l’école. Rapport du Groupe de travail sur la réforme du curriculum. Québec : Gouvernement du Québec.
Gouvernement du Québec (1997b). L’École, tout un programme. Énoncé de politique éducative. Québec : Gouvernement du Québec.
Greisch, J. (1985). L’âge herméneutique de la raison. Paris : Cerf.
Greisch, J. (1993). Herméneutique et métaphysique. Dans J. Greisch (dir.), Comprendre et interpréter. Le paradigme herméneutique de la raison (p. 403-433). Paris : Beauchesne.
Grondin, J. (1990). Herméneutique. Encyclopédie philosophique universelle. Les notions philosophiques, 2, 1129-1134. Paris : PUF.
Grondin, J. (1993a). L’horizon herméneutique de la pensée contemporaine. Paris : Vrin.
Grondin, J. (1993b). L’universalité de l’herméneutique. Paris : PUF.
Hannoun, H. (1996). Les paris de l’éducation. Paris : PUF.
Heidegger, M. (1985). Être et temps. traduction E. Martineau. Paris : Authentica.
Latour, B., Woolgar, S. (1989). La vie de laboratoire : la construction des faits scientifiques. Paris : La Découverte.
Meirieu, P. (1995). La pédagogie entre le dire et le faire. Paris : ESF.
Morin, E. (1984). Sociologie. Paris : Fayard.
Morin, E. (1986). La méthode. La connaissance de la connaissance. Paris : Seuil.
Morin, E. (1998). Pourquoi et comment articuler les savoirs. Rapport d’Edgar Morin, Président du comité scientifique. http://www.cndp.fr./colloquelycee/morin_final.htm.
Porcher, L., Abdallah-Pretceille, M. (1998). Éthique de la diversité et éducation. Paris : Presses universitaires de France.
Rey, B. (1996). Les compétences transversales en questions. Paris : ESF.
Ricoeur, P. (1986). Du texte à l’action. Essais d’herméneutique générale, II. Paris : Seuil.
Saint-Jacques, D. et Chené, A. (1998). La demande ministérielle de rehaussement culturel du curriculum. Communication présentée sous forme d’affiche au congrès de l’AQUFOM en novembre 1998.
Schütz, A. (1987). Le chercheur et le quotidien. Paris : Méridiens Klincksieck.
Simard, D. (1999). Postmodernité, herméneutique et culture : les défis culturels de la pédagogie. Thèse de doctorat. Université Laval. Sainte-Foy.
Thullier, P. (1983). Les savoirs ventriloques. Paris : Seuil.
Vattimo, G. (1985). Introduction à Heidegger (Trad. J. Rolland). Paris : Cerf.
Vattimo, G. (1991). Éthique de l’interprétation (Trad. J. Rolland). Paris : Seuil.
Warnke, G. (1991). Herméneutique, tradition et raison (Trad. J. Colson). Bruxelles : De Boeck-Wesmael.
[1]
C’est dans cet avis, Rénover le
curriculum du primaire et du secondaire, que le Conseil signalait les
sérieuses lacunes du curriculum d’études actuel en matière de culture.
[2]
Pour en savoir beaucoup plus long sur ces débats, on lira avec profit Atkins
(1988), Gallagher (1992), Greisch (1993), Grondin (1993a, 1993b), Ricoeur
(1986), Vattimo (1991), Warnke (1991).
[3]
Pour une présentation quelque peu différente des ces principes, voir en
particulier Gallagher (1992), p. 188-191 et 348-350.
[4]
Dans le domaine de la sociologie, Schütz ne dira pas autre chose et pour lui la
compréhension (verstehen) «est donc
avant tout non pas une méthode utilisée par le chercheur en sciences sociales,
mais la forme expérientielle particulière selon laquelle la pensée courante
s’approprie le monde socio-culturel par la connaissance» (1987, p. 75). Or,
cette appropriation du monde se fait en fonction des motifs de l’acteur :
«les objets sociaux sont compréhensibles à la seule condition que l’on puisse
les ramener à des activités humaines; et ces dernières ne sont compréhensibles
que si l’on met en évidence leurs motifs en-vue-de ou leurs motifs parce-que»
(1987, p. 99). Il poursuit un peu plus loin : «Le prototype de toute
relation sociale est une liaison intersubjective de motifs. Si j’imagine,
lorsque je projette mon acte, que vous le comprendrez et que cette
compréhension vous incitera à réagir d’une certaine manière, j’anticipe que les
en-vue de mon propre agir deviendront des parce-que de votre réaction, et vice
versa» (1987, p. 100).
[5] Grondin (1993b, p. 178) écrit: «Si
comprendre signifie appliquer un sens à notre situation, c'est parce qu'on a su
y déceler une réponse à des questions actuelles. "Nos" questions,
faut-il le préciser, dans la mesure où elles ont elles-mêmes été reprises d'une
tradition et métamorphosées sous la pression d'une situation déterminée. Un
texte ne devient parlant qu'à la lumière des questions que nous lui posons
aujourd'hui. Il n'est pas d'interprétation qui ne soit une réponse à une question
ou à une recherche d'orientation, d'autant que la compréhension s'accompagne
nécessairement d'une rencontre avec soi».
[6]
Une conception qui est en rupture avec une conception empiriste et objective de
la science.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire