L’anthropologie est la discipline de base lorsqu’on pense à la culture (Mercier, 1966). Or, que nous apprend-t-elle ? Plusieurs
choses. D’abord que chaque culture a une valeur en elle-même car elle est unique
dans l’espace et le temps (Piette, 2006).
Mais cette unicité ne signifie pas homogénéité ni pureté. En effet, une culture
– même chez les peuples isolés – n’est jamais le fruit d’un développement
totalement endogène (Kilani, 1989). Les peuples sont en communication avec les
autres peuples dans l’espace et dans le temps. Cette communication entraîne des
emprunts multivoques et multidirectionnels (Laplantine, 1987).
Ainsi, on l’aura compris, pour l’anthropologie il ne saurait exister une telle
chose qu’une culture sans appropriation culturelle au sens où l’histoire
humaine est faite de rencontres heureuses ou malheureuses, de métissages, de
dialogues, de mise en commun mais aussi parfois de vols (Augé, 1994).
De son côté, la sociologie, plus sensible aux questions et aux enjeux
qui traversent les sociétés industrielles et post-industrielles, a regardé la
culture sous un angle quelque peu différent, à savoir que son analyse s’est davantage
portée vers les différences culturelles entre des groupes sociaux au sein d’une
même société (Ansard, 1990). Il s’agit alors moins d’analyser la
culture comme possession et emprunt, c’est-à-dire comme une chose que l’on a et
qu’on échange, que d’étudier la culture comme marqueur identitaire (Berger,
1986). Mais là aussi, tout comme pour
l’anthropologie, la sociologie n’a pu que constater le métissage qui nous
qualifie (Herman, 1988). En fait, elle a même constaté que ce
qui qualifie la modernité tardive que nous vivons actuellement c’est
précisément le brouillage des marqueurs et symboles culturels autrefois assez
stricts entre les classes. Les travaux de Bernard Lahire (1998) par exemple –
en critiquant les positions de Bourdieu – mettront bien en évidence que l’homme
est pluriel et que ses pratiques culturelles sont maintenant multiples,
bigarrées, faites d’emprunts à d’autres classes sociales, à d’autres groupes
ethniques, voire à d’autres sociétés.
Bref, tant l’anthropologie que la sociologie nous donnent à voir un
monde où la pureté culturelle n’existe pas et où l’emprunt est la règle. Plus
encore, leurs travaux sur nos sociétés actuelles mettent en évidence que
l’individu se sert de la culture comme d’un vêtement. Ce qui a fait dire à Abdallah-Pretceille et
Porcher (1996, 1998, 1999) que nous devrions plutôt parler de culturalité que
de culture dans nos sociétés modernes. Ainsi, faire usage du concept de culturalité : C’est prendre acte du métissage
de nos cultures, c’est refuser le mythe de la culture unitaire et homogène. C’est mettre l’accent sur la fluidité,
la complexité, le contradictoire, c’est refuser de réduire autrui à n’être
qu’un porteur de culture et le voir plutôt comme créateur de culture, comme
interprète de ce qui le constitue. C’est refuser la causalité culturelle
comme seule et unique explication des relations avec l’altérité. C’est passer d’une analyse en termes de
structures et d’états à une analyse en termes de processus. C’est se rendre compte que la
compréhension ne relève pas de l’ordre de l’inventaire (une description des
traits culturels demeure toujours réductrice). C’est enfin comprendre que si la culture
détermine dans une certaine mesure les comportements, en retour l’individu « utilise
» la culture pour « dire et se dire ».
Références
Abdallah-Pretceille, M. (1999). L’éducation
interculturelle. Paris : PUF.
Abdallah-Pretceille, M., Porcher, L. (1996). Éducation et communication interculturelle. Paris : PUF.
Ansard, P. (1990). Les
sociologies contemporaines. Paris : Seuil. 3e édition.
Augé, M. (1994). Pour une
anthropologie des mondes contemporains. Paris : Flammarion.
Berger,
P. L. (1986). Comprendre la
sociologie. Paris : Du Centurion. 2e édition.
Herman, J. (1988). Les
langages de la sociologie. Paris : PUF.
Kilani, M. (1989). Introduction
à l'anthropologie. Lausanne : Payot.
Lahire, B. (1998). L’Homme
pluriel. Les ressorts de l’action. Paris : Nathan.
Laplantine, F. (1987). L'anthropologie.
Paris : Seghers.
Mercier, P. (1966). Histoire
de l'anthropologie. Paris : PUF.
Piette, A. (2006). Petit
traité d'anthropologie. Charleroi : Socrate Éditions Promarex. Collection
«Science éphémère».
Porcher, L., Abdallah-Pretceille, M. (1998). Éthique
de la diversité et éducation. Paris: PUF.
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