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13 avril 2023

Intervention pour la table ronde sur l’excellence en recherche du 13 avril 2023

Permettez-moi d’abord de remercier les organisateurs de cette table ronde pour m’avoir invité à y intervenir. C’est avec grand plaisir que je me retrouve – même virtuellement – parmi vous ce midi.

Cela étant dit, je vais tout de suite aller au vif du sujet.

Dans les prochaines minutes, je vais vous proposer une petite réflexion personnelle basée sur l’intitulé et le descriptif de cette table ronde.

L’excellence en recherche, expression qui paraît au premier abord facile à comprendre mais dont l’incarnation concrète semble soumise à des défis pour ne pas dire à des dérives. Voyons d’abord le sens des mots !

En ce qui concerne l’excellence en elle-même, le dictionnaire nous apprend que c’est le degré éminent de qualité ou de valeur de quelqu'un, de quelque chose dans son genre. Donc, qualité et valeur.

« En recherche », pourrait semblée une expression assez simple à comprendre. Cela signifie tout à la fois effort pour trouver quelque chose ou encore effort de l’esprit vers la connaissance. Donc, effort et connaissance.

 L’expression « Excellence en recherche » devrait donc signifier le degré éminent de qualité et donc de valeur de quelqu'un dans ses efforts pour trouver – on peut aussi dire produire – quelque chose que l’on appelle la connaissance.

Tout un programme quand on y pense ! Posons-nous la question : est-ce toujours de cela dont on parle quand on évoque l’excellence en recherche ?

D’emblée, à partir de la définition que je viens de donner, on constate que l’excellence ne peut pas être quelque chose de distribué démocratiquement ou également. Comme nous le rappelle le philosophe Jean Grondin dans son plus récent ouvrage « L’esprit de l’éducation », l’excellence s’accorde assez mal avec l’idéal égalitaire.

En effet, si tous ont le même degré d’éminence dans la qualité, il n’y a plus d’excellence car celle-ci devient la norme. De la même façon, on s’accordera pour dire que toutes et tous ne font pas les mêmes efforts pour chercher, trouver et produire de la connaissance. L’effort est quelque chose qui n’est pas et ne peut être également distribué. L’excellence en recherche est donc par définition assez élitiste (j’ai conscience d’employer un gros mot ici).

Continuons ! Qualité et valeur, effort et connaissance avons-nous vu. L’excellence est donc aussi quelque chose qui s’apprécie qualitativement. En recherche, cela signifie que l’excellence repose sur la qualité de la connaissance produite par le chercheur. Il y a quelque chose d’important à retenir ici. L’excellence s’apprécie plus qu’elle ne se mesure.

Or, les tendances des dernières décennies en recherche ont été justement d’associer principalement excellence et quantité : quantité de subventions ou de bourses obtenues, quantité d’argent obtenu pour ces subventions ou ces bourses, quantité d’articles rédigés, « facteurs d’impact » (donc quantité de lecteurs et de citations) des revues où sont publiés ces articles, quantité d’étudiants dirigés et j’en passe. On me permettra de me référer une fois de plus au philosophe Jean Grondin, lorsqu’il nous rappelle dans son petit livre sur l’éducation que « l’obsession de la performance quantifiable peut faire oublier (l’) aspiration à la sagesse » (2022, p. 26). Il y a là, à n’en pas douter, quelque chose que l’on peut appeler une dérive quantitativiste qui n’entretient en somme que des liens au mieux indirectes avec l’excellence en recherche.

Dans un autre ordre d’idée, et ici je me réfère au descriptif de la thématique de cette table ronde, l’excellence en recherche peut-elle vraiment avoir à faire avec l’équité, la diversité et l’inclusion, valeurs égalitaires s’il en est ? Ces concepts sont en effet associés à des valeurs démocratiques, à des postures morales, au demeurant très louables. Par contre, l’excellence, comme je l’ai dit précédemment, ne saurait être démocratiquement distribuée car elle est essentiellement exception. Si elle ne si oppose pas frontalement, l’excellence est à tout le moins en tension avec les valeurs égalitaires.

En accord avec ce qui précède, on peut dire que protéger l’excellence en recherche exige de nous garder de son évaluation uniquement quantitative et de la tendance à vouloir en faire quelque chose de distribuer également. L’excellence n’est pas équitable. En fait, elle est plutôt scandaleuse. L’excellence de Mozart par rapport à Salieri n’a rien avoir avec la quantité d’opéra composés ni avec la distribution équitable ou égalitaire du savoir et des compétences. Mozart est excellent, scandaleusement excellent par rapport à Salieri et ses autres contemporains.

Pour revenir à la recherche, l’excellence de Fernand Dumont ou de Michel Freitag, deux éminents sociologues québécois aujourd’hui décédés, ne reposait pas sur les subventions obtenues, sur le nombre d’articles publiés (bien qu’ils en aient produit énormément) ou sur les « facteurs d’impact » des revues où ils publiaient. Leur excellence (qui n’avait rien d’égalitaire car elle était en fait plutôt exclusive) reposait sur la qualité de leur production intellectuelle, fruit de leur effort pour élaborer de la connaissance.

En revenant au descriptif de cette table ronde, je terminerai en disant ceci. L’équité, la diversité et l’inclusion pour certains groupes de personnes comme les femmes, les personnes ayant des besoins particuliers, les membres des Premières Nations, celles et ceux issus de la communauté LGBTQ2S+, les personnes venant de l'international n’a pas à voir d’abord avec l’excellence en recherche mais a plutôt à voir avec des valeurs d’égalité, avec la démocratisation de l’accès aux études supérieures (un projet commencé dans les années 1960 et toujours inachevé) et aussi, bien entendu, avec la non-discrimination. Il faut favoriser l’accès aux études au plus grand nombre car nous vivons en démocratie et nous tenons à certaines valeurs dont celle de l’égalité des chances. Personne ne devrait subir de discrimination pour entrer aux études supérieures ou durant son cheminement universitaire, pas plus que durant sa carrière. Il faut donc donner les chances à tous et à toutes d’atteindre l’excellence en y mettant les efforts nécessaires. Toutefois, peu importe ce que nous ferons (et ici est-il besoin de rappeler que depuis 50 ans le Québec a fait beaucoup pour démocratiser l’accès aux études supérieures) l’excellence en recherche demeurera l’apanage d’une minorité et donc, pour le dire autrement, d’une élite.

Merci de votre attention

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