Introduction
À
l’image de plusieurs professions, l’identité professionnelle des enseignants
n’est plus un donné immuable mais plutôt une construction toujours à refaire.
Cela s’explique en partie par le contexte de crise des institutions dans laquelle
nos sociétés sont plongées. On peut alors se demander : quelle sont les
caractéristiques et le mode de structuration de l’identité professionnelle des
enseignants dans le contexte actuel ? Cette contribution présente les résultats
d’une recherche soutenue par le Conseil de Recherches en Sciences Humaines du
Canada (CRSH). Les données ont été recueillies à partir d’entrevues conduites
auprès de vingt et un enseignants d’écoles secondaires de la Mauricie accompagnés
pendant trois ans.
1.
Problématique
Pendant des siècles, l’enseignant a construit son identité
professionnelle sur la base de sa qualification et de son affiliation à une
institution (Berthier, 1996). L’école lui conférait à la fois un rôle et un
statut socialement reconnus de tous. Il n’en va plus de même aujourd’hui. En
effet, les qualifications, les savoirs et les compétences nécessaires pour
enseigner ne vont pas de soi (Martineau, 1997), les classes sont désormais
hétérogènes et les élèves ne respectent plus automatiquement l’autorité de
l’enseignant incarnée dans son statut et ses compétences. C’est ce qui fait
dire à Develay (1995, p. 11) :
«Hier, un professeur
enseignait à des élèves sélectionnés, acquis aux normes d’une culture scolaire
empreinte de tradition et dont l’appropriation pouvait les promouvoir
socialement. Aujourd’hui, un professeur enseigne à des élèves souvent étrangers
par leur vécu familial aux normes du collège ou du lycée et vivant parfois le
temps scolaire comme une contrainte sans contrepartie. La réussite sociale ne
leur semble plus aussi nettement dépendre de la réussite scolaire. L’identité
professionnelle d’un professeur se confondait hier avec l’enseignement de sa
discipline. L’identité professionnelle d’un enseignant se caractérise
aujourd’hui par sa capacité à faciliter pour
ses élèves l’apprentissage de sa discipline ».
Ainsi, il n’y a que quelques décennies encore, l’identité professionnelle des enseignants
était relativement stable car elle pouvait compter sur un contexte favorable,
des manières traditionnelles de faire la classe, une population étudiante
soigneusement sélectionnée et homogène, des valeurs et des normes communément
partagées notamment au regard des savoirs valorisés et des règles d’autorité
et, enfin, une formation essentiellement pratique (étroitement liée aux besoins
et aux intérêts du métier) dispensée dans les écoles normales (Martineau et Gauthier, 2000). Tout
cela n’est plus et nous vivons actuellement une période où, aux dires de
plusieurs (Legault, 1999 et 2003; Tardif et Lessard, 1999), les professions
traversent une crise majeure. Celle-ci se présente sous différentes
formes : crise de l’expertise, crise de la formation professionnelle,
crise du pouvoir des professions, crise de l’éthique professionnelle. Dans le
cas de l’enseignement, cette crise se vit en même temps qu’un vaste mouvement de
réforme des programmes scolaires et de formation des maîtres qui a notamment
remis à l’ordre du jour la question de la professionnalisation de
l’enseignement (Gauthier et Martineau, 1998; Gauthier et Tardif, 1999;
Martineau, 1998; Martineau et Simard, 1997). Or, on sait, par exemple, que les
périodes de transformation en profondeur peuvent désorganiser l’identité d’un
sujet (Tap, 1986). Au Québec, la réforme des programmes scolaires a suscité beaucoup
d’inquiétude chez les enseignants et notamment chez ceux oeuvrant au niveau
secondaire. Dans ce contexte, il est permis de poser les questions suivantes :
En quoi le contexte de crise que nous traversons se répercute dans le discours
identitaire ces enseignants ? Quelles sont les caractéristiques du discours
identitaire des enseignants oeuvrant dans les écoles secondaires au Québec ?
2.
Cadre de référence
La problématique rapidement esquissée plus haut laisse
entrevoir que l’identité professionnelle ne peut plus compter sur des bases
institutionnelles solides et permanentes pour se construire. Cette section tente
d’ancrer notre réflexion sur l’identité professionnelle dans le cadre plus
vaste d’une crise généralisée de la société (Legault, 2003), elle reprend, en
les élargissant, nos propos antérieurs (Martineau et Presseau, 2005).
2.1 Une crise des institutions
Nous nous inspirons ici des travaux de Simard (1995 et 2004)
et de Simard et Martineau (1996, 1997, 1998). Plusieurs ouvrages parus depuis
deux décennies soutiennent que nos sociétés et nos cultures sont en
crise : crise des savoirs et crise des valeurs (Balthazar et Bélanger,
1989; Bloom, 1987; De Romilly, 1984; Finkielkraut, 1987; Grand’Maison, 1999;
Guth, 1981; Henry, 1987). À la suite de ces travaux (sans toutefois souscrire à
la vision défaitiste de certains de ces essayistes), ce que nous soutenons ici c’est
que ce que nous appelons la crise des institutions prend racine dans une double
crise, celle des savoirs (la raison) et celle des valeurs, car les institutions
reposent sur ceux-ci.
2.1.1. Crise de la raison
Jolibert (1987), analysant la crise de l’école, avance que
celle-ci laisse entrevoir une crise bien plus grave : la crise du savoir.
Alors que les sciences de l'homme voient se retourner contre elles l'appareil
critique de leurs approches, les sciences de la nature ont vu peu à peu
s'effriter le socle de leurs anciennes évidences. Edgar Morin (1986) va dans le
même sens. La crise des fondements en philosophie liée à la crise des fondements
dans la connaissance scientifique mènent selon lui à «la crise ontologique du réel» (p. 15). La science découvre peu à
peu ses insuffisances. D'abord, insuffisance de la «vérification (...) pour assurer la vérité d'une théorie scientifique»
(Morin, 1986, p. 15) comme le démontrait Popper (1991). Pour ce dernier, le
«faillibilisme» est «le propre de la
scientificité d'une théorie» (Morin, 1986, p. 15). Ensuite, à
l'insuffisance de la logique de l'induction s'ajoute celle de la logique
déductive. Avec l’effritement des savoirs philosophiques et scientifiques,
l’ensemble des savoirs sociaux devient plus incertain ce qui fragilise
grandement les institutions (Freitag, 2002).
2.1.2 Crise des valeurs
Selon Bloom (1987), le relativisme des valeurs est devenu un
idéal de la pensée contemporaine. Ce relativisme serait, avec l'ouverture
d'esprit, la seule valeur que l'éducation primaire, depuis plus de cinquante
ans, s'efforcerait de transmettre aux élèves (p. 24). La tolérance — et
l'ouverture qui l'accompagne — est le credo de l'heure (du moins en Occident).
Au même moment, la recherche de la vérité devient un leurre. La tyrannie de
l'indifférencié évince les anciennes hiérarchies. La finalité, l'unité et la
vérité sont des catégories reléguées dans l'oubli d'un monde ancien (Freitag,
2002). Sous l'effet de ce nivellement massif, la grande Culture est ensevelie
dans le cimetière des plus hautes valeurs (Simard, 2004). Parmi les causes à la
base de cette situation figurent le nihilisme nietzschéen, l'impact de la
science sur la conscience, les conduites et la raison, aussi l'idéal de la
liberté et de l'égalité si cher à l'Amérique.
Pour une certaine part — mais d'un ton beaucoup moins
pathétique — l'analyse de Taylor rejoint la pensée de Bloom. Dans son ouvrage Grandeur
et misère de la modernité (1992), Taylor soutient que le relativisme
ambiant issu de l'individualisme est une erreur fondamentale. Il s’en suit une
perte de référence des anciens horizons moraux, sociaux ou spirituels. L’être
humain ne s'inscrit plus désormais dans un ordre qui le dépasse, qui lui donne
place et sens dans la direction de sa vie (Freitag, 2002). À chaque nouvelle
étape, à chaque nouveau carrefour, le sens de la vie peut faire l'objet d'une
remise en question fondamentale. Chaque pas est une nouvelle aventure qui peut
conduire le sujet vers des horizons insoupçonnés. Rien n'est totalement donné,
rien n’est acquis, l’être humain est un devenir sans fin. Sur ce point, la
position de Lyotard (1979, 1988) est proche de celle de Taylor. S'appliquant à
décrire la postmodernité, Lyotard devait dire qu'elle se caractérise par une
sorte d'incrédulité à l'égard de ce qu'il appelle les «métarécits»,
faisant ici référence à ces récits totalisants qui ont marqué la modernité : le
récit de l'émancipation progressive de la raison et de la liberté, le récit de
l'émancipation du travail, ou encore le récit de l'épanouissement, de
l'enrichissement de l'humanité par les progrès réalisés dans le domaine de la
technoscience, et même le christianisme qui réalise le salut des âmes grâce à
la conversion des coeurs dans le Christ (Lyotard, 1988, p. 36). Pour Lyotard, en
accord en cela avec Lipovetsky (1993), l'impossibilité où se trouve l'homme de
recourir aux «métarécits» caractérise sa condition postmoderne. Le
projet légitimant de réalisation universelle d'une Idée tourne désormais à
vide. Et l'homme, face à lui-même, doit s'inventer et se donner ses propres
critères pour juger de sa situation (Freitag, 2002).
2.1.3 Une crise du sens
La
crise des institutions (de la raison et des valeurs) met à mal le sens du
social et, dans une certaine mesure, laisse l’acteur relativement solitaire devant
l’obligation de donner du sens aux événements, aux phénomènes, aux faits, à son
expérience. Bien entendu, cet acteur ne vit pas dans un vide social et les
grilles de lecture qu’il construit ou qu’il emprunte sont alimentées par la
société, la communauté, les groupes auxquels il appartient; certains vont même
jusqu’à déplorer en la matière le retour d’un certain «tribalisme» (Fleury,
2005). En fait, l’individu trouve dans la vie de tous les jours un «stock de
connaissances disponibles» (Schütz, 1987) qui lui sert de schème
d’interprétation de ses diverses expériences passées ou présentes. Le stock de
connaissances disponibles détermine également les anticipations de l’individu
sur les événements à venir. Par conséquent, l’individu dépend de l’information
pour interpréter et est tributaire des autres pour son information. De la
sorte, il interprète l’univers qui l’entoure à partir de l’information qui lui
a été transmise par les autres. Donc, il interprète le monde au moyen d’une
information socialement déterminée et en ayant recours à une information
incomplète. Or, justement, dans le contexte actuel le sujet peut de moins en moins
se reposer sur des interprétations toutes faites et consensuelles (Beillerot,
1998). Les systèmes d’action ne renvoient plus à une seule logique,
l’interprétation de l’expérience n’est plus donnée par l’institution, la
construction du sens de l’expérience se fait donc sur un mode herméneutique
(Grondin, 2003a et 2003b). Certains, comme Ehrenberg (1995), diront que
l’individu contemporain est confronté à un double problème de distance :
face à lui-même et à son intériorité et face à autrui et aux relations
interpersonnelles. L’individu aurait de plus en plus de difficulté à se situer,
à trouver la bonne distance à l’égard de lui-même et à l’égard des autres. Cela
s’expliquerait par la pression de plus en plus grande à la réussite, à la
performance et par la perte des repères tant traditionnels que familiaux ou
culturels. D’autres, comme Bindé (2003) vont parler d’une juvénilisation des
individus, processus qui se caractériserait par : un refus de l’initiation
et du pouvoir du passé; une acception inconditionnelle du présent; une
éducation sans fin et centrée sur l’adaptation au changement continuel.
2.2 Le social traversé de logiques multiples
Les
sociétés sont de moins en moins des systèmes unifiés (Freitag, 2002). Elles
apparaissent en fait comme une juxtaposition de groupes et d’intérêts divers
dont le lien social ne semble pas allez de soi (Bouvier, 2005). En fait, selon
certains, nous vivons à l’ère du relativisme, de l’individualisme (Dumont,
1983; Lipovetsky, 1993; De Koninck 2000; Finkielkraut, 1987; Grand’Maison,
1999). De son côté Dubet (1994) dira que la société est essentiellement
composée de trois systèmes : a) d’intégration (qui renvoie aux
communautés); b) de compétition (qui renvoie aux marchés); c) d’action
historique (qui renvoie à la dimension culturelle ou aux historicités). Ces
trois systèmes sont liés quant à eux à trois logiques d’action : une
logique d’intégration liée à l’appartenance à une communauté; une logique
stratégique présente sur le marché (notamment de l’emploi) et, enfin, une
logique de subjectivation (c'est-à-dire une appropriation personnelle de la
culture, qui peut être la culture professionnelle). Chaque acteur doit alors recomposer
un sens à son action en regard de logiques souvent en tension. Dans ces
circonstances, l’identité est plus un «problème qu’un être» (Dubet, 1994). De
la même manière, le sujet est moins un donné constant qu’un «travail» en
continuel devenir (Dubet, 1994, p. 177-200). Le sujet se révèle ainsi dans la
distance à l’expérience. Parce que la société n’a plus de centre, parce que
l’action ne répond plus à une seule logique, le sujet se construit à travers la
recomposition significative de son expérience personnelle (Lahire, 1998).
2.3
Conséquences pour l’identité professionnelle des enseignants
La crise qui caractérise nos sociétés n’est pas sans
incidences sur l’éducation (Petrella, 2000) et sur l’identité professionnelle
des enseignants (Berthier, 1996; Legault, 2003). Ainsi, parlant des sociétés
modernes où les acteurs sont obligés de produire eux-mêmes les orientations de
leurs actions, Dubet affirme (2000, p. 78) : «L’affaiblissement des
institutions place les individus devant des épreuves nouvelles. Le sens de leur
action et de leur expérience ne leur est pas «donné» par les institutions, il
doit être construit par les individus eux-mêmes». Devant composer avec des logiques d’action variables, ces derniers ne
peuvent plus s’en remettre à un rôle clairement défini et à un statut sans
ambiguïté pour construire leur identité professionnelle (Martineau et Presseau,
2005). Celle-ci s’édifie plutôt sur la base d’un travail d’interprétation
constant des expériences personnelles vécues (Dubet, 1994).
Les paramètres traditionnels de définition de soi sur le plan
professionnel ont littéralement explosé : rapport prioritaire à la matière
enseignée, vision de l’enseignement comme transmission d’un corpus culturel,
autorité presque assurée sur les élèves, valorisation sociale du métier, etc.
(Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau, Simard, 1997; Durand, 1996). On observe
ainsi une prolifération et une fragmentation des savoirs, une autorité des
enseignants fortement questionnée, une hétérogénéité de la clientèle scolaire,
une formation souvent dénoncée comme trop distante de la pratique, etc.
(Lessard et Tardif, 2003; Tardif et Lessard, 1999). Les enseignants, comme
groupe professionnel, n’ont d’autre choix alors que de renégocier leur identité
à partir des situations concrètes d’exercice de leur métier où chaque acteur,
individuellement, se voit contraint de recharger de sens son engagement au
travail à partir de son expérience (Dubet, 1994; Jutras, Desaulniers, Legault,
2003).
L’identité
professionnelle des enseignants n’est donc plus une donnée stable et immuable
et nombre d’auteurs s’entendent sur ce point : Azzi et Klein, 1998;
Baugnet, 1998; Blin, 1997; Cohen-Scali, 2000; Fraisse, 2000; Gohier et Alin,
2000; Gohier et Schleifer, 1993; Lang, 1999;
Lessard, 1986; Malet, 1998; Moessinger, 2000. Elle apparaît plutôt comme un
processus dynamique et interactif (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau,
Chevrier, 2001; Martineau, 2005). C’est en effet dans l’action que se
structurent et se valident les représentations de soi, les représentations
d’autrui, les représentations du travail (Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau,
Chevrier. 1997, 1999; Sainsaulieu, 1977; Turner, Oakes et Haslam, 1994) à la
base de l’identité professionnelle. En d’autres termes, l’identité
professionnelle émerge en quelque sorte des expériences du sujet et des
interactions produites dans le contexte de travail (Cooper et Olson, 1996;
Kerby, 1991). Ici, vécu subjectif et contraintes objectives se conjuguent
(Allouche-Benayoun et Pariat, 2000; Dubar, 1996). C’est dire que l’identité
professionnelle, non seulement varie d’un groupe à l’autre, mais également d’un
individu à l’autre (Gohier et al., 2001; Tap, 1986; Turcot, 1991). Dans ce contexte, l’identité professionnelle apparaît
avant tout comme un construit expérientiel (qui peut être mis en discours),
toujours mouvant, plutôt qu’un statut hérité, stable (Beijaard, Verloop,
Vermunt, 2000). Selon Maclure (1993), l’identité peut alors se définir comme étant
«something that they (les enseignants) use, to justify, explain and make sense
of themselves in relation to other people, and to the contexts in which they
operate» (p. 312).
2.4 La mise en récit de soi
La crise des institutions et la multiplicité des logiques du
social, ne laissent d’autre choix aux acteurs que de créer du sens à partir de
leur propre expérience. Cette création de sens s’avère alors être un processus
de mise en récit de soi, création personnelle ayant pour finalité la mise en
ordre de l’expérience. C’est Ricoeur (1986) qui fournit ici des pistes pour
comprendre ce phénomène. Dans son ouvrage Du contexte à l’action, il
situe l’herméneutique par rapport à la question du temps. Le temps échappe
toujours à toutes les tentatives pour le conceptualiser. On ne peut
conceptualiser le temps, il fuit, il s’échappe sans arrêt. Subséquemment,
comment rendre le temps qui passe cohérent ? Comment éviter de se sentir noyé
dans le flot des événements privés de sens ? Comment donner sens au temps ?
Ricoeur répond : par l’intrigue !
Une intrigue c’est ce qui permet de transformer le
flot des événements multiples en une suite cohérente de faits. L’intrigue
c’est la mise en récit de soi dans le temps, c’est rendre le temps
intelligible, c’est identifier un départ, un développement, une fin au récit.
Chaque étape du déroulement de l’intrigue devient un élément qui participe du
sens du récit et conduit d’une manière cohérente à la fin. Si on suit la pensée
de Ricoeur, on en arrive à dire que le sens d’une action n’est pas un donné
immédiat mais un construit a posteriori. Alors, l’acteur, qui agit au
travers de logiques souvent contradictoires dans des institutions, s’il
souhaite «faire du sens» avec ses expériences, n’a d’autre option que de
construire un récit de soi. Dans ce cas, comprendre une pratique (comme celle
de l’enseignement) c’est nécessairement l’interpréter et la situer par rapport
à d’autres pratiques ou à la pratique des autres. Plus encore, comprendre sa
pratique c’est aussi se comprendre comme acteur et donc se construire une
identité (en contexte de travail, une identité professionnelle).
2.5 La question du sens
On peut rapidement identifier deux manières d’approcher la
question du sens : analyser les processus cognitifs en jeu dans la pensée
qui donne sens au monde : démarche cognitive; comprendre comment ce qu’un
acteur a vécu prend sens pour lui : démarche herméneutique. Ces deux
approches renvoient à deux types de sujets différents : un sujet
épistémique (démarche cognitive qui vise à saisir les processus mentaux à
l’œuvre dans la création de sens); un sujet héroïque (démarche herméneutique
qui vise à comprendre le sens que le sujet attribue au monde). On l’aura
compris, c’est à l’intérieur du deuxième type d’approche portant sur le sujet
héroïque que s’inscrit notre démarche réflexive. Comment advient donc le sens ?
Le sens dans l’action vient la plupart du temps «après coup».
Il n’est donc pas immédiat mais attribué a posteriori par une
interprétation. Donner du sens est ainsi, comme on l’a dit plus haut, une
activité herméneutique. Plus précisément, le sens est une construction mentale
qui s’effectue à l’occasion d’une expérience, laquelle est mise en relation
avec des expériences antérieures. En schématisant et en simplifiant, il est
possible d’identifier quelques caractéristiques du processus de construction de
sens (Barbier et Galatanu, 2000): il est tout autant cognitif qu’affectif;
il se réalise sur la base d’une certaine tradition interprétative; il implique
une mise en relation des représentations préalables avec des nouvelles; il
implique aussi une opération de qualification des nouvelles expériences au
regard des anciennes; il conduit à une transformation des représentations; pour
aboutir à une modification de l’identité de l’acteur qui construit du sens.
Enfin, il s’appréhende dans le discours par la mise en récit de l’expérience.
3. Méthodologie
On
l’aura saisi à partir de ce qui précède, notre approche a consisté pour
l’essentiel à donner la parole à des enseignants afin qu’ils puissent mettre en
récit leur expérience professionnelle. Ainsi, une cohorte de vingt et un
enseignants, onze hommes et dix femmes, des écoles secondaires de la région de
la Mauricie au Québec a été suivie pendant trois années (2001-2004). Ces
enseignants, dont la moyenne d’âge était de 42 ans avaient entre 3 ans et 32
ans d’expérience pour une moyenne de dix-sept années. Ils avaient obtenu leur
diplôme d’enseignement entre 1966 et 1999 et enseignaient les différentes
matières scolaires présentes dans les programmes d’enseignement de écoles secondaires
: anglais langue seconde, biologie, chimie, français, géographie, histoire,
mathématiques, sciences physiques. Les données reposent sur des entrevues individuelles
de type semi-dirigé. Chaque rencontre durait environ une heure quinze. Les
entrevues ont été enregistrées et transcrites, puis codifiées à partir d’une
grille semi émergente. L’analyse thématique (Paillé et Mucchielli, 2003) du
discours des enseignants a été menée à l’aide du logiciel N’VIVO et
validée en ayant recours à la méthode du co-codage (Laperrière, 1997; Van der
Maren, 1999).
4. Présentation
et discussion des résultats
Cette section est divisée en six parties qui s’inscrivent en
lien de cohérence avec les diverses parties de notre cadre de référence. Nous y
rendons compte des résultats des entrevues que nous avons menées auprès des
vingt et un enseignants.
4.1 L’identité
professionnelle au regard de la crise de l’institution scolaire
Pour nos répondants, l’école ne semble plus avoir les moyens
de son ambition. La scolarisation obligatoire jusqu’à seize ans puis, plus
récemment, le mot d’ordre de la réussite pour tous, exercent une pression énorme
sur leurs épaules au moment même où ils perçoivent que l’État leur enlève peu à
peu leurs moyens d’agir : coupures budgétaire qui se traduisent notamment
par des ressources professionnelles spécialisées limitées. Malgré les efforts
déployés, peu d’enseignants perçoivent l’école comme «un milieu moral organisé»
pour reprendre l’expression consacrée de Durkheim. En effet, les initiatives
pour faire de l’école «un milieu de vie qui a du sens pour tous» reposent
rarement sur un mouvement collectif et sont en fait le fruit de démarches
privées d’enseignants. L’enseignant se sent un peu comme un entrepreneur privé
et son lien avec le reste de l’école est souvent ténu. Cela se vérifie, entre
autres, dans le discours des enseignants au sujet de leurs directions d’établissement
qu’ils perçoivent plus souvent qu’autrement plutôt négativement (manque de
sensibilité à la réalité des enseignants, centration exclusive sur les
dimensions administratives plutôt que pédagogiques de la gestion de l’école,
etc.). Écoutons notre sujet 16 : «on avait un
directeur qui était épouvantable, qui ne supportait pas ses enseignants, qui
prenait pour les élèves et avait peur des parents, fait que c’était toujours
les enseignants qui avaient tort. J’ai trouvé ça abominable enseigner et être
obligé de me rebâtir une réputation dans ces conditions là. J’ai failli, à la
fin de l’année, abandonner l’enseignement».
4.1.1
L’identité professionnelle au regard de la crise de la raison
Les enseignants semblent placés devant le dilemme de la hiérarchie
des savoirs et de leur validité. D’une part, leur discours laisse en effet
entrevoir une tension importante entre la mission éducative d’instruire les
élèves pour des savoirs jugés «vrais» et le contexte social général de remise
en question constante des certitudes. Cette tension se traduit notamment par
une remise en cause de la définition traditionnelle de l’enseignant au
secondaire comme «spécialiste des savoirs».
D’autre part, les enseignants déplorent la prolifération des savoirs,
leur éclatement, leur manque de cohésion. Tout se passe comme si tous les
savoirs devenaient valables pour un apprentissage scolaire. Ils ont la nette
impression que la société demande trop à l’école en exigeant qu’elle enseigne
«tout et n’importe quoi» : «on doit tout faire à la place des autres»
(sujet 14). Dans ce contexte, les enseignants ont bien du mal à se percevoir
comme des professionnels détenant une expertise particulière.
4.1.2
L’identité professionnelle au regard de la crise des valeurs
La crise des valeurs est vécue passablement durement par les
enseignants. Ils la décrivent principalement sur la base de «rapports
intergénérationnels problématiques». Selon eux, la société a sapé les assises
sur lesquelles les enseignants pouvaient asseoir leur autorité, condition
nécessaire à la mise en place d’un climat propice à l’apprentissage. Élèves et
enseignants partagent trop souvent peu de choses en commun : «J’ai très
souvent de la difficulté à les comprendre [parlant des élèves]» (sujet 9).
Incivilité, violence, attitudes négatives envers le travail scolaire, autant de
termes qui ressortent lorsque les enseignants décrivent une bonne partie de
leurs élèves. Pour eux, ces comportements et ces attitudes sont des
manifestations d’un certain échec de la société à transmettre son patrimoine culturel :
«Des fois j’ai l’impression que le monde extérieur défait ce que nous, les
enseignants, on essaie de faire» (sujet 18). Ce rapport de force avec des
élèves peu ou pas du tout acquis au métier d’élève interpelle les enseignants
dans leur identité. D’une part, en tant qu’adultes ils semblent constamment
remis en question par les jeunes qui les interrogent quant à la cohérence de
leurs positions et quant à leur légitimité. D’autre part, en tant
qu’enseignants, ils se sentent contraints de «faire le travail des parents» (sujet
2) pour socialiser les élèves.
4.1.3
L’identité professionnelle au regard de la crise du sens
L’expérience scolaire a perdu ces dernières années beaucoup
de sa signification pour nombre de jeunes. Cela n’est pas sans incidence sur le
travail enseignant. Dans leurs pratiques, les praticiens cherchent désormais
des moyens «d’accrocher les jeunes», de les «séduire», de les «embarquer dans
le voyage de l’apprentissage» (sujet 6). Placés devant des classes hétérogènes
où les niveaux de rendement et de motivation sont extrêmement variables, les
enseignants se sentent obligés, non seulement d’enseigner les contenus
scolaires propres à leur discipline mais aussi de proposer une sorte de
méta-discours sur le sens de l’expérience scolaire. Sur le plan de l’identité
professionnelle cela se traduit par l’endossement de multiples rôles (guide,
motivateur, personne ressource) dans la pratique ce qui en complexifie
grandement l’accomplissement. Et, les enseignants se définissent moins par opposition à d’autres
professions que par inclusion des rôles de celles-ci dans leur propre tâche
(polyvalence comme exigence d’un métier complexe). Être enseignant apparaît
alors comme être tout à la fois psychologue, sociologue, travailleur social,
infirmière, en plus d’être pédagogue, didacticien et expert de la matière.
4.2 L’identité
professionnelle au regard de l’action dans des logiques multiples
Nous l’avons précisé dans notre cadre de référence, les
institutions sont des environnements d’interactions traversés par des logiques
multiples au même titre que la société tout entière. Ces logiques, parfois
contradictoires, se reflètent dans le discours des enseignants. Ainsi, dans
l’optique d’une logique de subjectivation (Dubet, 1994), on constate que
l’enseignement est essentiellement défini comme une prestation devant et avec
les élèves où le savoir d’expérience acquis auprès d’eux est la source de la
professionnalité [comprise comme la maîtrise des situations de travail
(efficacité et efficience)]. L’enjeu semble être de se créer un «style personnel dans sa pratique» (sujet
5). En fait les enseignants rencontrés
tiennent en quelque sorte une double discours au regard de ce que nous
définissons comme logique de subjectivation. D’abord, ils affirment quelque
chose comme : «Je partage les savoirs et les compétences propres à ma
profession mais j’ai mon «style» qui repose sur ma personnalité, laquelle
teinte tout mon enseignement» (processus d’identisation selon Gohier et ses
collaborateurs, 2001, 1999, 1997). Ensuite, ils soutiennent : «En tant
qu’enseignant du secondaire, je suis un spécialiste de la matière contrairement
à ceux qui interviennent au primaire et en adaptation scolaire» (processus
d’identification dans les termes de Gohier et ses collaborateurs, 1997, 1999,
2001).
Dans une
logique d’intégration (Dubet, 1994), les enseignants tiennent un discours
identitaire caractérisé par les particularités suivantes : dévaloriser la formation initiale et survaloriser
l’expérience (la qualification contre la compétence); respecter et perpétuer –
tout en la déplorant – la «culture individualiste» du monde scolaire; reproduire
le discours sur le peu de reconnaissance des enseignants et l’accroissement de
la complexité et des difficultés du métier. Cette logique d’intégration se
vérifie aussi dans une mise en récit où le nous enseignants devient subitement
prégnant : «Nous les enseignants, on n’est pas reconnu à notre juste
valeur» (sujet 11). Devenir enseignant c’est ici être reconnu par autrui et au
premier chef par ses collègues. C’est justement dans le sens d’une logique
d’intégration que l’on peut comprendre, en partie, le discours critique de la
formation initiale en enseignement et la valorisation extrême du savoir
d’expérience. Ce savoir constitue un pôle identitaire fort.
Enfin, dans une logique
stratégique (Dubet, 1994), nos sujets semblent avoir développé des stratégies
de survie et d’adaptation au milieu de travail qui est le leur. Ces stratégies
se résument en quelques éléments. En début de carrière, tout prendre, tout
accepter afin de ses «faire un nom» et de «faire ses heures» pour l’obtention
d’un poste permanent. Toujours en début de carrière, trouver un «mentor» et
apprendre sur le mode artisanal. Dans sa pratique quotidienne, tant devant les
élèves, les collègues, la direction que devant les parents, éviter de montrer
ses faiblesses ou ses doutes. Dans le
même esprit, il faut protéger «le secret» de sa pratique. Les
enseignants graduent aussi leurs priorités professionnelles. D’abord il faut
s’impliquer auprès des élèves, ensuite, mais venant bien plus loin, s’impliquer
auprès des nouveaux enseignants, collaborer avec la direction, travailler avec
une équipe professorale. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier «de se
ménager, de prendre soin de soi, car sans ça tu craques c’est pas long» (sujet
17). Toujours, dans l’esprit d’une logique stratégique, on constate que les
enseignants, même s’ils oeuvrent dans une carrière «à plat» (on commence enseignant
et, si on ne quitte pas la profession, on finit enseignant), établissent des
distinctions entre collègues; lesquelles sont aussi des hiérarchies. Les
principales catégories établies sont : celles ayant traits au statut de
l’enseignant (débutant/expérimenté; statut précaire/permanent), celles ayant
trait à la valeur du savoir dispensé (enseignant des matières
fondamentales/enseignant des matières secondaires), celles portant sur une
évaluation des compétences des enseignants (travaillant/paresseux).
4.3
Construire
le sens de sa pratique
Le sens
de la pratique des enseignants rencontrés paraît se construire sur la base
d’une mise en relation des expériences concrètes de travail, notamment avec les
élèves, et de ce qu’ils appellent leur «personnalité». En effet, dans la
définition de soi comme enseignant, les sujets mettent constamment en avant des
traits de personnalité qu’ils considèrent jouer un rôle majeur dans leur
pratique professionnelle : «sévère, démocrate, dynamique, patient,
conciliant, ouvert, etc.». Ces traits de personnalité sont arrimés à des savoirs d’expérience acquis essentiellement
dans le travail auprès des élèves. Et, ces savoirs se conjuguent à des
attitudes : «croire dans l’éducabilité des élèves (sujet 4), «aimer les
jeunes» (sujet 10), «aimer sa matière» (sujet 13), «aimer son métier» (sujet
19). Certaines réalisations professionnelles participent aussi de la
construction de l’identité professionnelle : produire du matériel
pédagogique, organiser un festival de théâtre, relever le défi d’enseigner une
matière pour laquelle on n’est pas formé et y exceller. Par ailleurs, certaines expériences,
que nous qualifions d’incidents critiques – entendu ici comme un événement marquant, au sens
phénoménologique, qui transforme l’enseignant dans l’une ou l’autre des
dimensions complexes de sa pratique et de son identité professionnelle – sont venues à transformer
l’identité professionnelle des enseignants (Martineau, Presseau, Bergevin,
2006). Ces moments charnières de la carrière représentent des occasions de
remise en question profonde de soi en tant que personne et en tant
qu’enseignant. On peut dire que ce que je suis comme personne est en adéquation
avec ce que je fais en classe avec les élèves. Pour atteindre cette congruence
(Gohier et al. 1997, 1999, 2001), il faut attendre quelques années et
passer par des expériences de travail significatives (négatives ou positives).
Toutefois, lors de ces moments, près de la moitié des participants à cette
étude ont songé sérieusement à quitter la profession enseignante.
Conclusion
Le discours des
enseignants du secondaire démontre une certaine difficulté à se définir sur le
plan professionnel moins en ce qui a trait à leurs caractéristiques
personnelles qu’en ce qui concerne les spécificités de la profession (Lang,
1999). À ce propos, Dubar (1996) parlerait d’une identité à la foi autonome et
incertaine. Ce discours laisse clairement entrevoir que, chez les enseignants,
le processus de définition de soi sur le plan professionnel repose sur la mise
en relation des expériences de travail
avec ce qui est perçu comme étant des caractéristiques personnelles (qui
peuvent être évolutives); ce qui va à nouveau, en partie, dans le sens des
travaux de Dubar (1996). La société et l’institution scolaire semblent ici
représenter davantage des obstacles ou des contraintes à surmonter que des
socles sur lesquels construire son identité d’enseignant. Dans ce cas, et
nonobstant ce que soutient Dubet (1994), il apparaît légitime de parler de
crise du professionnalisme. Dans ce contexte la mise en récit de soi représente
une sorte de stratégie pour «garder le cap sur l’essentiel» (sujet 20) d’autant plus que nos
sujets ressentent un faible sentiment de partage avec les autres si ce n’est
celui de vivre une même solitude et dans un contexte individualiste (Lessard et
Tardif, 2003). À cet égard, les récentes injonctions, issues de la réforme des
programmes, qui visent à transformer l’organisation «cellulaire» du travail
enseignant (un enseignant, une classe) en vue d’une prise en charge et d’une
responsabilité plus collective envers les élèves, pourraient, si elles se
réalisent vraiment «sur le terrain», modifier quelque peu cette perception.
Dans un autre ordre d’idées, les approches réflexives – où l’enseignant a le
loisir de «se mettre en mots» – peuvent être vues comme des dispositifs de
soutien non seulement à l’amélioration des pratiques mais à la construction de
l’identité professionnelle.
En somme, face à une
institution affaiblie (qu’est-ce que l’école aujourd’hui ? quelle en est sa
mission véritable ?), face à des savoirs éclatés (qu’est-ce qui est digne
d’être appris en contexte scolaire ?), face à la multiplicité et à la
relativité des valeurs (en quoi croyons-nous vraiment ?), les enseignants
rencontrés dans le cadre de cette recherche vivent une certaine crise
identitaire. En effet, la
vocation, qui autrefois constituait la pierre angulaire de la profession
enseignante n’a pas été totalement remplacée par quelque chose d’autre; la
professionnalisation de l’enseignement qui pourrait en tenir lieu est un processus
inachevé.
Par ailleurs, les enseignants semblent ballottés dans une sorte de valse
hésitation entre la fierté, «on fait un métier essentiel, capital, pour la
société» (sujet 8), et un certain embarras, «est-ce qu’on est une vraie
profession ou pas?» (sujet 12). Nous constatons aussi une certaine transformation
des bases de l’identité professionnelle des enseignants au secondaire liée à la
réforme en cours tant en formation à l’enseignement que dans les programmes
scolaires. Ainsi, la définition de soi sur une base disciplinaire (Lessard et
Tardif, 2003) semble légèrement en perte de vitesse et on assiste à l’émergence
de la référence à la maîtrise du processus enseignement / apprentissage (la dimension
didactico-pédagogique) comme assise identitaire (Develay, 1995; Gauthier et
Martineau, 2002). Construire son identité professionnelle semble alors être un
processus qui repose essentiellement sur l’évaluation (l’interprétation) de
l’efficacité de l’action auprès des élèves et donc des savoirs et des compétences
que cette action mobilise. L’expérience en classe auprès des élèves représente ainsi
à la fois le milieu et le moment les plus signifiants dans l’expérience de
travail des enseignants (Tardif et Lessard, 1999); l’expérience en classe est
au centre de la mise en récit de soi en tant qu’enseignant. En quelque sorte, les
compétences et les savoirs développés à cette occasion sont le socle sur lequel
se construit l’identité professionnelle des enseignants. Dans ce contexte,
l’identité est davantage un «problème qu’un être» (Dubet, 1994). Elle requiert
un «travail» incessant de recomposition de l’expérience.
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Vraiment intéressant! NG
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