RÉFÉRENCE : Edwin M. Bridges (1992). The Incompetent Teacher : Managerial Responses. Washington D.C. : The Falmer Press.
Bien qu'il «date» et qu'il s'inscrit dans une certaine mouvance de la droite managériale, cet ouvrage n'est pas sans intérêt, loin de là, car il présente le grand mérite de faire réfléchir sur un sujet tabou.
Ce livre est le résultat de 3 études sur la manière dont les administrateurs scolaires en Californie réagissent en regard des cas d’enseignants incompétents.
L’auteur a conduit près de 200 entrevues auprès d’administrateurs d’établissements scolaires.
Il semblerait qu’environ 5 % des enseignants peuvent être identifiés comme incompétents (p. 2).
Ce problème n’est pas totalement inconnu bien qu’il ait été peu étudié. Ainsi, à venir jusqu’à maintenant, les réformateurs du système d’éducation aux États-Unis ont proposé les solutions suivantes afin de remédier au problème :
1) éliminer les enseignants incompétents de la profession;
2) augmenter l’attractivité de la profession enseignante en accroissant les salaires;
3) restreindre l’admission dans la profession en usant de tests évaluant les compétences;
4) accroître la qualité de la formation dispensée aux futurs enseignants en adoptant des programmes basés sur les compétences (competency-based preparation programs);
5) fournir des incitations à l’enseignement de qualité en instituant des bonus au mérite.
(voir p. 3)
L’auteur constate que le concept d’incompétence est imprécis (p. 4).
En raison du manque de législature et de standards clairs pour juger l’incompétence des enseignants, chaque établissement (ou chaque commission scolaire) établit lui-même ses critères, ce qui a pour résultat que les standards varient grandement d’un endroit à l’autre. Par conséquent, les administrateurs doivent jugés eux-mêmes des critères à adopter pour juger les cas.
Lors de procédures prises contre un enseignant incompétent, le fardeau de la preuve repose sur la partie «accusatrice».
Généralement, le renvoi d’un enseignant incompétent repose sur la capacité d’un administrateur (par exemple, le directeur d’école) à convaincre un tiers parti qu’il a fourni les preuves nécessaires et irréfutables.
D’après les décisions d’administrateurs étudiées par l’auteur, l’incompétence semble signifier un ou plusieurs échecs persistants parmi la liste suivante :
1) incapacité à maintenir la discipline;
2) incapacité à traiter les élèves de manière appropriée;
3) incapacité à transmettre efficacement la matière;
4) incapacité à accepter les avis venant de supérieurs et concernant l’enseignement;
5) incapacité à maîtriser les contenus à enseigner;
6) incapacité à produire les resultats attendus et désirés dans la classe.
(voir p. 5)
Le type d’incapacité le plus fréquemment mentionné est la faiblesse dans le maintien de la discipline (p. 5).
L’incompétence se manifeste généralement moins par un incident particulièrement grave que par la succession d’incidents de moindre gravité mais qui deviennent récurrents.
Ainsi, l’incompétence apparaît comme un «pattern» de comportements répétés (p. 6).
Étant donné le flou quant à la définition de l’incompétence et des critères pour la distinguer, on constate que des enseignants peuvent être jugés incompétents dans certains établissements alors même qu’ils ne le seraient pas dans d’autres. Cela est d’autant plus vrai que le jugement sur l’incompétence repose la plupart du temps sur une comparaison implicite ou explicite avec d’autres enseignants. Par conséquent, la qualité de l’enseignement des collègues d’un enseignant qui fait face à des accusations d’incompétence jouera un rôle dans l’évaluation que fera un administrateur de la pertinence ou non de ces accusations.
Selon l’auteur, la vaste majorité des écoles utilisent au moins trois différents moyens pour identifier les enseignants incompétents.
Ces trois moyens se retrouvent parmi les quartre suivants qui sont les plus fréquemment utilisés:
- les observations menées par un superviseur,
- les plaintes de parents ou d’élèves,
- les plaintes venant d’autres enseignants,
- les résultats des élèves à des tests.
On peut identifier 3 grandes catégories de causes aux difficultés qu’éprouve un enseignant incompétent :
1) les défauts (shortcomings) personnels de l’enseignant liés à l’emploi;
2) les défauts (shortcomings) du superviseur ou de l’organisation en général;
3) les problèmes personnels de l’enseignant relevant de causes extérieures à l’emploi (divorce, problèmes financiers, etc.)
L’auteur constate cependant que les causes de l’incompétence apparaissent la plupart du temps nombreuses.
Généralement, les administrateurs identifient plus d’une cause à l’incompétence d’un enseignant:
a) Dans la majorité des cas, les administrateurs attribuent les causes de l’incompétence au manque de savoir-faire et d’habiletés de l’enseignant (p. 11).
b) Parfois, ils pointent plutôt des causes liées au manque d’effort. Cependant, cette raison est moins fréquemment évoquée.
c) Dans presque la moitié des cas relevés par l’auteur, l’incompétence était attribuée à des troubles personnels : détresse émotive; burn-out; problèmes de santé (ces causes sont identifiées comme étant relativement communes (p. 12).
En chapitre 2, l’auteur précise que la tolérance et la protection sont les 2 réactions les plus courantes des administrateurs face aux cas d’incompétence. Ainsi, ce sont seulement les cas les plus graves qui conduisent à des procédures.
Cette tolérance s’explique par plusieurs facteurs :
1) facteurs liés au contexte (les droits des enseignants, les difficultés à évaluer la compétence en classe); 2) facteurs personnels des administrateurs (le désir d’éviter les conflits et les situations inconfortables).
La sécurité d’emploi dont jouissent beaucoup d’enseignants est un incitatif à tolérer l’incompétence : les procédures pour prouver l’incompétence et renvoyer un enseignants sont longues, complexes et coûteuses (voir p. 20-23).
L’enseignement est un métier qui s’évalue mal (par exemple, les portes closes de la classe). Par ailleurs, dans le cas des administrateurs, l’évaluation ne venant pas toujours de quelqu’un qui possède le savoir nécessaire, elle perd ainsi de sa légitimité.
Le “California Education Code” fournit une liste de 4 critères pour évaluer les enseignants :
1) le progrès des élèves selon des standards établis en fonction de la réussite attendue pour chaque niveau et chaque matière;
2) les techniques et stratégies d’enseignement;
3) l’adhésion aux objectifs du programme;
4) l’établissement et le maintien d’un environnement d’apprentissage selon les responsabilités de l’enseignant.
(voir p. 24)
Les réponses des administrateurs qui manifestent de la tolérance et de la protection :
1) utiliser les visites en classe comme occasions de féliciter l’enseignant;
2) le double langage : l’usage d’un langage qui présente les critiques de telle manière qu’elles s’en trouvent diminuées (mettre l’emphase sur le besoin de perfectionnement professionnel, faire des suggestions constructives, etc.)
3) la sur-évaluation (gonflement de l’évaluation);
4) échapatoires (escape hatches) : tranfert dans une autre école; attribution d’une tâche d’enseignement particulière (par exemple, enseignement à domicile); assignation à des tâches administratives;
5) utilisation minimale des sanctions (usage rare du licenciement).
Trois facteurs peuvent contribuer à diminuer la potentialité inhibitrice venant de la sécurité d’emploi, de l’ambiguité de l’évaluation et du désire des administrateurs d’éviter les conflits :
1) importance attachée à l’évaluation des enseignants par la commission scolaire;
2) les plaintes formulées par les parents;
3) une baisse des inscriptions d’élèves.
(les 2 derniers ont d’autant plus d’effet qu’ils surviennent dans une commission scolaire de petite importance et en contexte de difficultés financières).
(voir p. 34-45)
Lorsqu’un administrateur décide de confronter un enseignant incompétent, ses actions prennent généralement la forme de l’une ou l’autre des 2 attitudes suivantes :
1) comment sauver l’enseignant ? (presque toujours la 1ère réaction)
2) comment se débarrasser de lui, s’il échoue à s’améliorer ?
L’auteur constate que les tentatives de “sauvetage” donnent rarement des résultats probants et les enseignants incompétents le demeurent (c’est tout particulièrement le cas chez les vétérans).
Ce n’est généralement qu’après une période de sauvetage que l’administrateur envisage de se débarrasser de l’enseignant. En effet, si l’enseignement de ce dernier ne montre pas d’amélioration, l’administrateur se trouvera alors devant la nécessité d’agir. En ce cas, il possède 2 options :
1) tenter de licencier l’enseignant;
2) amener celui-ci à démissionner ou à prendre sa retraite.
(voir chapitre 4)
Selon les cas étudiés par l’auteur, amener un enseignant à démissionner ou à prendre une retraite précoce n’est pas une mince affaire et demande généralement d’intenses pressions de la part de l’administration (p. 84).
Très intéressant. Comment se procurer de l'intégralité de l'article?
RépondreSupprimerBonjour, Je ne sais pas comment il est possible de se procurer cette référence aujourd'hui. J'ai pour ma part l'ouvrage depuis sa parution en 1992.
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