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15 juin 2018

Le mal dont souffrent les universités


Entre le 2 et le 16 mai 2018, la direction de l'UQTR a mis ses 445 professeurs en lockout en raison de négociations houleuses avec le syndicat au sujet du renouvellement de la convention collective. Une fois le lockout levé à la suite des pressions exercées par le corps professoral, les négociations ont continué dans un climat acrimonieux, nécessitant une intervention du gouvernement québécois le 15 juin. Cette saga des négociations entre la direction et les professeurs de l’UQTR - toujours en cours au moment où je rédige ce billet -, si elle est bien entendu liée aux acteurs impliqués, prend avant tout racine dans un mal bien plus sournois et bien plus profond. Je m'explique. Depuis des décennies les idées dominantes en économie veulent que les principes régissant le marché doivent s’appliquer à toutes les sphères de la société et à toutes les institutions. Nos gouvernements, l’un après l’autre, ont adhéré à cette idéologie et ont ainsi exigé des institutions publiques qu’elles se comportent de plus en plus comme des entreprises privées. Tel est le cas des universités où le mode de financement force celles-ci à mener l’une contre l’autre une course à la « clientèle ». Une université aujourd’hui est une organisation en compétition sur un marché. Plus encore, les tendances néolibérales de nos politiques publiques ont permis que les CA de nos universités soient, pour l’essentiel, aux mains d’acteurs extérieurs à l’institution, des agents socio-économiques comme on les nomme. Les effets pervers sont nombreux et touchent tous les niveaux de l’institution. La recherche constante de clientèle pousse les universités à abaisser toujours davantage les exigences à l’admission; à tout le moins dans certains programmes. La recherche toujours plus grande de financement conduit à l’acceptation d’étudiants peu préparés et peu motivés et incite ces mêmes universités à mettre en place des dispositifs parfois onéreux de soutien afin que ces étudiants puissent cheminer et ne décrochent pas. Cette situation se traduit par le fait que nombre de professeurs sentent une pression à « faire passer tout le monde » car « on ne doit pas perdre de clientèle ». Entreprises en quête de marchés, les universités ont vu leurs effectifs de personnel affecté à des tâches autres que l’enseignement et la recherche croître à une vitesse grand V. La surcharge de travail pour les professeurs qui, par le fait même, nourrit l’augmentation du personnel administratif à l’université, diminue la liberté et le pouvoir du professeur. Se pensant comme une entreprise privée, l’université – à tout le moins sa direction – développe les mêmes réflexes que celle-ci, par exemple en adoptant des pratiques de « gouvernance » non collaboratrices avec ses employés. Ainsi, il est évident que les directions cherchent par tous les moyens à réduire les professeurs au simple rang d’exécutants. Autre effet pervers - et paradoxe pour le moins surprenant - les directions de nos universités, à toute fin pratique, ne valorisent que la recherche subventionnée (celle qui rapportent des sous). Ainsi, l’université en est venu à être un lieu où c’est moins la production intellectuelle qui importe que l’argent qu’elle peut rapporter. Un professeur productif scientifiquement mais sans subvention y est peu considéré. La liste des effets pervers pourrait continuer longtemps. En somme, les tensions que vit l’UQTR depuis des mois sont le fruit non seulement des acteurs en présence mais aussi de l’adoption d’une vision mercantile de l’université. Cette vision a profondément transformé nos universités qui, d’institutions de hauts savoirs, sont conduites à se comporter comme des usines à diplômés. L’entrée du néolibéralisme dans les universités se traduit par un mépris envers les étudiants (réduits à n’être que des sources de financement), les professeurs (dont l’expertise est de moins en moins considérée) et du savoir (ramené à une simple marchandise).

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