L’éducation est une entreprise
normative. C’est par le truchement des programmes et de la formation des
enseignants que cette entreprise se concrétise. Dans le cas des programmes,
ceux-ci mettent en scène tout un ensemble d’acteurs directement concernés par
l’éducation (Laurin, 2004). Parmi eux, on compte bien entendu les chercheurs et
formateurs universitaires (par conséquent, les didacticiens). Mais ces derniers
ne sont pas au cœur du processus de réforme d’un programme. Au Québec c’est au
ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport que revient la responsabilité
de l’élaboration et de l’implantation des réformes. La dernière réforme
majeure, celle réalisée autour du programme d’études de l’école québécoise et
initiée au début des années 2000, a fait l’objet de nombreuses critiques non
seulement en ce qui concerne les contenus des programmes mais aussi en ce qui a
trait au processus d’implantation (Vincent, 2004). Ces critiques sont venues de
partout, des médias, des syndicats d’enseignants, des associations
professionnelles ou de parents, des universitaires. Or, force est de constater
que le poids des didacticiens dans l’élaboration des programmes et le pilotage
de leur implantation fut bien mimine.
En tant que résultat de
négociation entre acteurs divers, les programmes ne relèvent que très
partiellement de la logique scientifique qui prévaut chez les universitaires.
On le sait, le projet des universitaires (par conséquent, des didacticiens) en
est un de production de connaissances et de critique de la « réalité ». Dans le
cas d’un programme scolaire, cette posture repose sur une capacité de
distanciation par rapport à celui-ci. Les autres acteurs impliqués dans une
réforme de programme ne répondent pas nécessairement (ou prioritairement) à
cette logique. Ainsi, les enseignants se mobilisent surtout autour des enjeux
de la réforme pour leurs pratiques professionnelles pendant que de son côté le
projet de l’État est de répondre à une logique sociopolitique axée sur la cohérence
et la cohésion du système (Vincent, 2004).
En fait, dès le début de la
réforme des programmes au Québec, les universitaires se sont vus confinés à un
rôle de second ordre (Vincent, 2004). Dans les circonstances, pas étonnant
qu’il ait été souligné fréquemment que les programmes comportaient de
nombreuses lacunes au plan de leurs assises scientifiques (Bissonnette,
Richard, Gauthier, 2005).
Références
Bissonnette, S., Richard, M.,
Gauthier, C. (2005). Échec scolaire et
réforme éducative. Quand les solutions proposées deviennent la source des
problèmes. Québec : Les Presses de l’Université Laval.
Laurin, S. (2004). La dynamique
de construction d’un programme. Le cas de la géographie au Québec (1998-2001).
Dans P. Jonnaert et A. M’Batika (dir.) Les
réformes curriculaires. Regards croisés, Québec : Presses de
l’Université du Québec, p. 229-253.
Vincent, S. (2004). Les discours
sur la réforme éducative au Québec. Une mise en débat des postures spécifiques
des différents acteurs concernés par les savoirs en éducation. Dans P. Jonnaert
et A. M’Batika (dir.) Les réformes
curriculaires. Regards croisés, Québec : Presses de l’Université du
Québec, p. 201-227.
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