Le sujet de la modernité tardive ne
s'inscrit plus désormais dans un ordre qui le dépasse, qui lui donne place et
sens dans la direction de sa vie. À chaque nouvelle étape, à chaque nouveau
carrefour, le sens de la vie peut faire l'objet d'une remise en question
fondamentale. Chaque pas est une nouvelle aventure qui peut conduire le sujet
vers des horizons insoupçonnés. Rien n'est totalement donné, rien n’est acquis,
le sujet est un devenir sans fin. La désacralisation des institutions
(mais aussi de la raison et des valeurs) met à mal le sens du social et, dans
une certaine mesure, laisse le sujet relativement solitaire devant l’obligation
de donner du sens aux événements, aux phénomènes, aux faits, à son expérience.
Le sujet se révèle ainsi dans la distance à l’expérience. Parce que la société
n’a plus de centre, parce que l’action ne répond plus à une seule logique,
parce que les institutions sont affaiblies, le sujet se construit à travers la
recomposition significative de son expérience personnelle.
Bienvenue
Pour me rejoindre :
Stemar63@gmail.com
26 juin 2019
Le sujet de la modernité tardive
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Posture épistémologique
Nous refusons de
la coupure épistémologique typique du positivisme et de son avatar actuel le
post-positivisme. Nous considérons que les faits collectés ne sont essentiellement
que des réponses à des questions (le positivisme l'oublie toujours). Ainsi, la
réalité va toujours au-delà des réponses qu'on se donne. Par ailleurs, selon nous, il n’y a
pas de démarcation radicale entre science et sens commun. Conséquemment, les
savoirs issus des recherches se déploient dans le même champ ontologique que
les autres pratiques sociales. Ce qui ne conduit pas à
annuler la spécificité du regard du chercheur. L’interprétation basée
sur des savoirs savants n’est toutefois pas en extériorité par rapport à la
pratique de sorte que la théorie est un moment de la praxis.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
25 juin 2019
À l'école des anciens
Pour comprendre trois grands penseurs de l'Antiquité :
Salem, Jean (2013). Les Atomistes de l’Antiquité. Démocrite. Épicure, Lucrèce. Paris :
Flammarion. Collection champs essais. Édition revue et corrigée de l’originale
parue en 1997.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
19 juin 2019
Filiation et transfert d’objets scientifiques dans les écrits de recherche
Note de lecture
Référence
électronique :
Francis Grossmann,
Agnès Tutin et Pedro Paulo Garcia Da Silva, « Filiation et transfert d’objets
scientifiques dans les écrits de recherche », Pratiques [En ligne],
143-144 | 2009, mis en ligne le 19 juin 2014, URL : http://pratiques.revues.org/1447
La notion de filiation scientifique :
« Parler de filiation
scientifique conduit à établir l’existence d’une lignée, s’établissant sur
la base d’affinités ou de courants plus ou moins institutionnalisés, et qui
incluent un auteur dans une communauté. » (p. 187)
« Le marquage de
la filiation s’effectue en référence à un paradigme épistémologique ou à un
courant de pensée (l’intuitionnisme, le constructivisme, le behaviorisme,
etc.), un domaine scientifique pré-construit, qui peut avoir des frontières
plus ou moins larges (la linguistique de l’énonciation, la psychologie
cognitive, les neurosciences, etc.). Elle peut aussi renvoyer à un
auteur particulier, ou à un groupe – équipe de recherche, école de pensée –,
avec lesquels le chercheur a des affinités, ou auquel il emprunte tout ou
partie de son cadre théorique ou de la démarche méthodologique mise en oeuvre.
» (p. 187)
« Dans notre
approche, la notion de filiation est limitée aux cas bien précis dans lesquels
l’auteur du texte scientifique, en se référant à un auteur, ou à un courant théorique,
ou encore à une école de pensée fortement attachée à un auteur ou groupe
exprime explicitement à leur égard une forme de dette intellectuelle.» (p. 188)
Son importance :
« Pour
l’apprenti-chercheur, il s’agit là d’un aspect important, parce que
l’explicitation de la filiation le conduit à mieux cerner sa propre identité de
chercheur. » (p. 187)
Fait à noter au
sujet des doctorants :
« Dans un travail
antérieur (Rinck, Boch & Grossmann, 2007), nous avons pu montrer que les
doctorants se réfèrent moins que les auteurs confirmés à différents points de
vue, mobilisent moins de noms d’auteur, et se réfèrent moins à des courants
particuliers, étiquetés sous des formes telles que le structuralisme,
les fonctionnalistes, etc. Ce déficit s’explique principalement par la
difficulté qu’éprouvent les nouveaux entrants dans le champ académique à
trouver les moyens d’une véritable affiliation, permettant leur propre
positionnement. » (p. 187)
Objet d’analyse
des auteurs :
« Nous nous
intéresserons donc quant à nous préférentiellement au geste d’inscription
explicite, à la fois pour des raisons pratiques (limité généralement au cadre
de l’énoncé, il est plus facile à repérer), et pour des raisons théoriques (en
tant qu’acte assumé il nous semble plus significatif, et il engage un
positionnement plus net). Il reste qu’il serait également très intéressant
d’étudier la forme implicite, qui est sans doute maniée plus habilement par les
experts. » (p. 189)
Méthodologie
utilisée par les auteurs :
« La manifestation
de la forme explicite de la filiation scientifique et des transferts de
connaissance dans les articles scientifiques présuppose les quatre catégories
suivantes :
- La place
énonciative correspondant à la figure de l’auteur, producteur de contenu
scientifique, dont on peut observer les traces énonciatives à travers les
indices personnels (nous, je, on...) et/ou des substituts
lexicaux de l’auteur (notre/mon/ce travail, article, approche...)
;
- Un processus
d’appropriation/reprise qui se traduit lexicalement à travers des expressions
verbales telles que se situer dans (la lignée de), utiliser, mobiliser, reprendre,
recourir à, se référer à, prolonger ; ou se marque par des locutions
prépositives : à la suite de X.
-
L'
« objet » scientifique repris : modèle,
idée, définition, concept, terme, théorie,
méthodologie...
- L’auteur convoqué
ou ses substituts (école, approche, etc.), à qui est parfois prêté, mais
pas obligatoirement (5) un certain contenu énonciatif.» (p. 189)
Corpus de textes
analysés
:
« Notre corpus,
issu du corpus KIAP, se compose d’un sous-corpus de 50 articles en linguistique
(286.000 mots) et d’un sous-corpus de 50 articles en économie (374.500 mots).
Le corpus de linguistique est constitué d’articles de linguistique générale et
de sémantique, tirés des revues suivantes : Langue Française (13
articles de 2001–2002), Marges Linguistiques (2 articles de 2001), Revue
de Sémantique et Pragmatique (17 articles de 1999–2001), Travaux
de Linguistique (18 articles de 2001–2002). Le corpus d’économie se
décompose de la façon suivante : Annales d’Économie et de Statistique (34
articles de 1998 à 2001), Économie Appliquée (7 articles de 2000 et de
2001), Revue Économique (9 articles de 2000 et 2001). Le corpus
d’économie est formé de revues également plutôt généralistes, et bien connues
dans le domaine francophone, les revues les plus prestigieuses en économie
étant toutes anglophones. » (p. 189-190)
Résultats :
Différences selon
les disciplines…
« Nous avons
rencontré 60 occurrences de la filiation et du transfert dans le sous-corpus
d’articles en économie et 30 occurrences dans le sous-corpus de linguistique.
Ce résultat indique une différence de portée du phénomène dans ces deux
disciplines, nettement plus représenté dans le sous-corpus d’économie […] ».
(p. 190)
Prépondérance du
on et du nous…
« C’est pour
l’auteur producteur de contenu scientifique que la variété des formes est la plus
limitée. Dans cette catégorie, on observe la forte prépondérance des on
et nous, et bien plus rarement je. » (p. 190)
Marquage et
instanciation…
« Notons que le
marquage de la filiation peut se passer des formes on ou nous (voire
je) en se référant plus directement à l’article scientifique donné à
lire (par exemple : cet article s’inscrit dans la théorie de X).
D’après nos observations en corpus, ce cas de figure n’est cependant pas
si fréquent, et apparaît moins que les formes correspondantes avec on
et nous ou avec des groupes nominaux accompagnés de
possessifs qui renvoient à l’auteur (ou aux auteurs) comme dans notre
approche. L’article lui-même est souvent instancié grâce à des
déictiques comme ici. Ainsi, en (2), (3) et (4) l’auteur est représenté
par on ou par nous mais une localisation s’effectue grâce au
terme ici. » (p. 190)
Argument
d’autorité…
« Il faut rappeler
que l’argument d’autorité continue à avoir une certaine importance, dans les
sciences contemporaines, si l’on considère le caractère cumulatif du travail
scientifique: puisqu’il faut s’appuyer sur les travaux antérieurs, les critères
de reconnaissance académique et l’autorité des publications reconnues
continuent, généralement à bon droit, de justifier l’appui sur les pairs et les
prédécesseurs. Cependant la place principale est donnée, en principe, aux
appuis empiriques, et ce dans tous les domaines de la connaissance, ce qui
invalide le procédé par lequel certains étudiants et néophytes dans la
recherche l’utilisent comme une « roue des secours » permettant de pallier un
manquement empirique. » (p. 192)
Remarque
personnelle sur le texte :
En somme, ce que
le texte fait ressortir c’est que, bien qu’ayant des points communs, les
pratiques sont spécifiques aux disciplines.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Standardisation et variation dans le champ des discours scientifiques
Note de lecture
Référence
électronique
Francis Grossmann,
« Pourquoi et comment cela change ? Standardisation et variation dans le champ
des discours scientifiques », Pratiques [En ligne], 153-154 | 2012, mis
en ligne le 16 juin 2014, consulté le 19 décembre 2014. URL: http://pratiques.revues.org/1976
Postulat de départ
de l’auteur
:
« […] le postulat
de départ développé ici est qu'une prise en compte de la variation est le seul
moyen de préserver l'unité d'une macro-catégorie discours scientifique (désormais
DS), subsumant les différences disciplinaires et méthodologiques qui clivent
les formes d'écritures scientifiques. »
(p. 141)
Ce qu’englobe le
terme de variation :
« Le terme de
variation englobe deux aspects qu'il vaut mieux différencier : j'opposerai
ainsi la diversité liée aux différences de genres, de langues, de
cultures, de disciplines, de paradigmes, de méthodologies à la variation
interne qui concerne les marges qui peuvent être autorisées – où que
certains s'autorisent – par rapport aux normes au sein d'un même genre et au
sein d'une même discipline. » (p. 141)
Thèse soutenue par
l’auteur dans son texte :
« – les approches
comparatives, notamment dans le courant de la « rhétorique constrastive » («
contrastive rhetoric ») malgré leurs apports, ont jusqu'à présent
peu pris en compte la variation interne, ce qui les conduit, de fait, à
renforcer les normes existantes en généralisant des tendances observées au
sein de certaines cultures ou au sein de certaines disciplines ;
– corollairement,
la diversité générique et disciplinaire a été étudiée, parfois de manière assez
fine, mais les chercheurs ont eu tendance à considérer disciplines, genres,
langues comme des pré-construits ; d'où également le caractère faiblement
explicatif des différences observées : les différences semblent relever d'une «
nature » intrinsèque des disciplines et/ou des langues/cultures, sans que
soient suffisamment pris en compte l'évolution historique des disciplines et
des genres, les poids des institutions, le jeu des influences entre
disciplines, et même les parcours individuels. Le point de vue adopté se veut
donc essentiellement critique et programmatique, ce qui semble nécessaire au
stade actuel. » (p. 141-142)
Les fondements
d'une approche unificatrice des discours scientifiques :
«
Traditionnellement, les études de la science (Science Studies) ont
privilégié les sciences exactes, parce qu'il est entendu que celles-ci
incarnent, de la manière la plus typique, les procédés de démonstration et de
preuve mis en œuvre dans les démarches que l'on cherche à analyser, dans une
optique qui considère que la scientificité se mesure à la capacité à reproduire
les mêmes résultats à partir des mêmes prémisses ou à partir des mêmes données
expérimentales. » (p. 142-143)
« La priorité
accordée aux sciences exactes a eu comme corollaire l'idée que leurs procédures
se situaient en dehors du champ social. Les normes qui se sont progressivement
imposées aux textes scientifiques semblent reposer sur un postulat d'unicité,
fondamentalement lié à l'universalité du raisonnement scientifique, ou plus
largement encore, à l'existence des principes généraux régissant la cognition
humaine […]. » (p. 143)
Cette conception
conduit à postuler qu’il n’existe qu’un seul modèle de l'activité scientifique,
lequel s’identifie aux représentations caractéristiques des sciences
expérimentales. Toutefois, les différences entre disciplines ne peuvent être
ignorées. Ce qui a conduit à les regrouper par familles disciplinaires. Émerge
alors deux principales familles de modèles de scientificité :
- les modèles de
prédiction (ex. physique)
- les modèles
herméneutiques (ex. histoire)
« À chacun de ces
deux types correspondent des formes de validation spécifiques, les caractéristiques
de l'écrit produit dépendant en partie du modèle de scientificité implicite ou
explicite adopté par le chercheur. » (p. 144)
« Si l'on adopte
cette vision à la fois holistique et variationniste de l'activité scientifique,
le prototype qui peut asseoir une représentation commune et unificatrice de
l'activité scientifique, peut s'énumérer en quatre points :
– Existence d'un
raisonnement (raisonnement hypothético-déductif et/ou inductif);
– Existence d'un
dispositif méthodique permettant le recueil et le traitement d'informations
et/ou de données, quelle que soit par ailleurs la nature de ce dispositif ;
– Existence d'un
système de preuve : ces preuves, qui peuvent elles-aussi
être de nature
très différentes, requièrent un système argumentatif visant l'adhésion du
public scientifique ;
– Existence de
résultats et communication de ces résultats au sein d'une communauté de pairs
sous des formes standardisées. » (p. 144-145)
Ce que cette
approche laisse de côté :
- - le questionnement,
- - l'intuition,
- - l'imagination,
- - la création
À propos d'un style scientifique « universel » :
« Il est donc
difficile, à partir de tels critères, de définir un style scientifique
universel, sans doute proprement introuvable. Cela n'empêche pas de reconnaître
la tendance au rapprochement des formes discursives scientifiques, ni à nier
les influences réciproques liées à la mondialisation de la science, au
développement de normes, qui se traduisent par certaines tendances communes,
comme l'effacement énonciatif, ainsi que la mobilisation d'un lexique «
transdisciplinaire » propre à toute communication scientifique. L'utilisation
d'un tel lexique commun, par exemple l'utilisation de mots-clés tels que postulat,
hypothèse (Cavalla & Grossmann, 2005) par différentes disciplines ne
garantit évidemment pas que l'on parle des mêmes choses. Il y a un cependant un
air de famille entre ces différents emplois, qui colore l'ensemble des discours
scientifiques. » (p. 144-145)
Cette universalité
est contestée par les chercheurs qui s’inscrivent dans le courant de la
rhétorique contrastive.
La standardisation de l'écriture scientifique et ses limites :
« On peut observer
un double mouvement contradictoire : d'une part, dans certaines disciplines,
notamment en Sciences Humaines et Sociales, ainsi que dans certaines traditions
qui ne recouraient pas aux marques personnelles (comme en France), il y a une «
personnalisation » apparente de l'écrit scientifique, avec l'utilisation plus
grande de formes personnelles (pronoms de la 1re personne, y compris
le « je ») et donc un « effet de présence » de l'auteur. Mais inversement, le
développement du plan IMRaD, dans les disciplines scientifiques d'abord, mais
aussi dans certaines sciences humaines et sociales, conduit aussi à accentuer
la dépersonnalisation (déjà souvent présente à travers l'effacement énonciatif
classiquement évoqué pour l'écrit scientifique). » (p. 146)
Le courant de la rhétorique
contrastive :
Ce courant de
recherche est né du constat des limites de la linguistique générale qui ne
prenait pas en compte les stratégies textuelles. Les chercheurs l'idée que,
dans la mesure où l'écrit est fondamentalement un phénomène culturel, son
organisation est conditionnée par les caractéristiques culturelles spécifiques,
relevant du contexte propre à la société qui les a produites. Ce courant ne
peut pas toujours échapper aux reproches d'ethnocentrisme dans la mesure où «
[…] la variation est renvoyée à des spécificités culturelles globales, au lieu
d'être analysée en fonction de facteurs historiques, sociologiques, ou à partir
d'une étude fine des contextes de production, ainsi qu'à partir d'une analyse
circonstanciée des traditions orientant la réception. » (p. 149)
Les recherches sur le métadiscours :
Ces recherches,
essentiellement anglo-saxonnes, s’intéressent à l'usage différencié dans les
disciplines de certains types de marques. Le terme de métadiscours renvoie
à « l'ensemble des marques impliquant une forme de réflexivité du scripteur
dans le cadre de la négociation de l'interaction avec les lecteurs appartenant
à une communauté spécifique. » (p. 149)
Un des auteurs
phares de ce courant est l'anglais Ken Hyland.
Bien que contesté de nos jours, ces
recherches se sont basées sur l’idée qu’il y a deux macrofonctions du langage,
l'une appelée « textuelle », l’autre « interpersonnelle ».
métadiscours
textuel :
permet le développement de stratégies rhétoriques du scripteur ce qui permet en
retourt la mise en texte de l'expérience de manière cohérente; c'est à partir
de lui que se construit la structure textuelle.
métadiscours
interpersonnel :
concerne les aspects interactionnels et évaluatifs de la présence de l'auteur
dans son discours; c’est ici que se construit plus spécifiquement la figure de
l'auteur.
« Les recherches
récentes ont cependant tendance à relativiser cette opposition, à partir du
constat que l'aspect interactionnel est central dans la définition du
métadiscours, et que les buts rhétoriques ne peuvent être distingués clairement
de cet aspect interpersonnel. » (p. 149)
En fin de texte,
l’auteur ébauche un modèle
multidimensionnel pour analyser la variation des discours scientifiques :
Principes de base d'une approche variationniste :
1) privilégier
une approche descriptive en évitant les termes globalisants (ex. « styles
intellectuels »), chargés idéologiquement ou comportant des
jugements de valeur (« reader friendly », etc.);
2) démarche
comparative basée sur corpus de textes vraiment comparables;
3) la prise en
compte des rapports de force et des formes d'inégalité (entre langues, entre
disciplines) de manière à pouvoir comprendre les phénomènes de domination,
d'interactions et d'influence, de censure, etc.;
4) fonder
l'approche sur un paramétrage suffisamment fin qui va au-delà de la comparaison
des disciplines…à ce propos, l’auteur soutient :
« – mieux
considérer le lien entre disciplines et institutions, pour comprendre comment
une discipline est structurée, au niveau international ou national, en la
situant dans son histoire ; ajoutons que cette histoire institutionnelle ne
trouve son sens qu'en fonction des évolutions scientifiques et épistémologiques
des disciplines elles-mêmes ;
– se placer au
niveau (sous-)disciplinaire le plus précis possible, comprenant déjà des
déterminations de démarche ou d'objet : non pas « la linguistique » mais, par
ex. « la phonétique expérimentale » ; non pas « la sociologie » mais « la
sociologie des institutions », etc. » (p. 155)
Précaution
méthodologique :
« Concluons, pour
finir, sur les précautions méthodologiques que doit prendre le chercheur pour
éviter d'hypertrophier indûment un facteur de variation au détriment des autres
; il est essentiel, en effet, de ne pas considérer de manière univoque un facteur
explicatif quelconque de la variation des discours scientifiques, sans le
mettre en perspective en le considérant au sein de sous-systèmes complexes
(linguistiques, historiques, épistémologiques). Une approche
multidimensionnelle implique des collaborations pluridisciplinaires, prenant en
compte trois grandes familles de paramètres […] » (p. 156)
- - les paramètres
liés aux systèmes linguistiques;
- - les paramètres
liés aux systèmes culturels et aux normes éditoriales;
- - les systèmes
d'élaboration de la connaissance;
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Justice divine selon Levinas
«La justice divine ne signifie rien d’autre que cet effort incessant du moi pour effacer l’offense faite à autrui – être souffrant mais exigeant réparation ».
Martin, Kurt (2016). Le face à face chez Emmanuel Levinas. Publication électronique d’une
thèse de doctorat en philosophie soutenue à l’Université Laval en décembre
1998.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
L'ANALYSE LINGUISTIQUE DES ENJEUX DE CONNAISSANCE DANS LE DISCOURS SCIENTIFIQUE
Note de lecture du texte suivant :
Rinck, Fanny
(2010). L'ANALYSE LINGUISTIQUE DES ENJEUX DE CONNAISSANCE DANS LE DISCOURS
SCIENTIFIQUE. Un état des lieux. « Revue d'anthropologie des connaissances », Vol
4, n° 3, pages 427 à 450.
article disponible en ligne à l'adresse suivante :
https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2010-3-page-427.htm
Définition du discours
scientifique :
Le discours
scientifique est entendu ici au sens de discours produit dans le cadre de
l’activité de recherche à des fi ns de construction et de diffusion du savoir
(p. 428)
Ne pas gommer les
différences selon les disciplines :
« Le terme «
discours scientifique » gomme les différences de perspective dans les approches
» (…) (p. 428)
Perspective de l’auteure :
« Dans notre
perspective, il s’agit d’une part de pointer une dimension matérielle, d’ordre
sémiotique et linguistique, autrement dit des unités de la langue naturelle,
des langages formels, des schémas, des gestes qui sont mobilisés par les
chercheurs dans leurs interactions orales, les notes qu’ils griffonnent ou
encore les textes qu’ils publient. Ce sont ces unités signifiantes que la
description linguistique du discours scientifique prend comme objet. » (p. 428)
Discours
scientifique en tant que discours fermé :
« En analyse de discours,
le discours scientifique est considéré comme un discours « fermé » (Charaudeau
& Maingueneau, 2002, 261) car, dans un domaine donné, ceux qui en sont à
l’origine sont peu ou prou ceux auxquels il est adressé. » (p. 428)
Études des
sciences comme construction sociale :
« La sociologie
des sciences s’accorde à voir en L. Fleck (1934) un précurseur des « science
studies » et du constructivisme social. S’intéressant à la genèse et au développement
du fait scientifique, il introduit la notion de collectif de pensée. En
substance, l’idée est que les faits scientifiques ne sont pas objectivement donnés
mais collectivement créés ; la collectivité est partie prenante à travers les styles
de pensée, d’ordre socio-culturel, qui rendent conforme une explication en
regard d’une pensée dominante. Trois éléments sont ainsi mis en relation : le
contenu de la production scientifique, sa dimension sociale et les normes qui la
gouvernent. » (p. 430)
Évolution de la
sociologie de la science :
Les signes et les
textes sont peu à peu envisagés non pas comme de simples support de diffusion
mais plutôt comme des dispositifs matériels qui participent à la production des
savoirs scientifiques.
La science
analysée à travers le discours :
« Les études de la
science vont ainsi aborder l’activité scientifique à travers ses discours, avec
des questionnements variés qui concernent les dimensions institutionnelles, sociales
et cognitives de cette activité. » (p. 432)
Cette analyse se
fait à partir de 3 entrées différentes :
1-
le
rôle de l’éditorialisation dans la constitution des disciplines et
l’institutionnalisation des savoirs,
2-
les
fondements sémiotiques de la rationalité scientifique et son lien étroit avec
l’écrit;
3-
le
champ de la rhétorique de la science (l’accent sur les interactions en jeu à
travers les textes et sur la manière dont le discours scientifique doit
persuader ses destinataires du bien-fondé de ce qui est avancé)
Sur la question de
la rhétorique :
« En opposition à
une rhétorique qui serait en quelque sorte « ornementale », une approche plus
radicale est proposée, qui dépasse le cadre des sciences de la science et concerne
toute la rhétorique argumentative américaine. Reliant la rhétorique et
l’action, cette approche défend l’idée d’une rhétorique épistémique (Scott,1967),
attentive à la production du savoir à travers le discours. Dans cette perspective,
la sémiographie propre au discours scientifique, que l’on a évoqué précédemment,
est à intégrer à sa dimension rhétorique. » (p. 434)
La science en tant
que pratique prend en compte l’interaction individus et savoirs :
« […] à l’instar
de B. Latour et P. Fabbri (1977, p. 82), que la science, envisagée en tant que
pratique, recouvre deux aspects, celui des individus et celui des savoirs
produits. Leur mise en relation, défendue par ces deux auteurs, peut se faire à
travers l’étude des textes et des interactions produites dans et constitutives
des communautés de discours scientifiques et de leur activité. » (p. 434)
« La mise en
relation entre les acteurs de la science et le contenu de leur production est à
chercher du côté des formes et des conditions de la production située de connaissances
universelles. » (p. 435)
Analyses
linguistiques :
L’auteure se
centre sur le verbal et laisse de côté les études sur la pluri-sémioticité.
Dans la partie du
texte qui porte sur l’analyse linguistique, l’auteure cherche à :
« […] montrer ce
que les analyses linguistiques permettent de dire de l’activité scientifique et
de ses enjeux de connaissance en fonction des niveaux d’analyse concernés
(genres de textes, structure des textes, lexique, énonciation et
argumentation). » (p. 435)
Ces recherches sur
divisent en 2 grands types :
1-
celles
dont l’objectif est la description linguistique à proprement parler;
2-
celles
qui visent à cerner le fonctionnement les communautés discursives que sont les
communautés scientifiques en procédant à une analyse de leur discours.
À ces 2 grands
types s’ajoutent les recherches à visée didactique :
« Au sein des
approches didactiques, il s’agit à la fois d’identifier des patrons linguistiques
et d’interroger l’acculturation au monde académique et l’analyse des pratiques
des étudiants et apprentis-chercheurs s’associe alors à celle des pratiques
expertes. » (p. 436)
Consensus sur l’importance
de la notion de genre :
L’auteure souligne
en page 436 : « La sociologie des sciences rejoint les analyses de
discours et la didactique en montrant l’importance de cette notion ».
Définition de
genre :
« Les genres sont
définis comme des formes communicatives socio-historiquement construites et
relativement stables à une époque donnée. Ils renvoient à la dimension
collective de l’activité et représentent un héritage dans lequel se moulent nos
échanges, mais qui est amené à évoluer. » (436)
Le genre pensé
dans une optique spécifique :
L’idée de genre n’est
pas prise ici de manière générale (texte scientifique comme genre textuel)
mais dans une optique plus spécifique. Ainsi, l’article scientifique (RAC) est
un genre pendant que l’academic book review ou compte rendu de lecture
en est un autre.
Sur la question de
la structure des productions scientifiques :
« Les
différences culturelles (Connor, 1987 ; Lucas, 1994 ; Clyne, 1998) et les différences
entre oral et écrit (Carter-Thomas et al., 2001) dans la structure de l’information
permettent d’étayer les modes de raisonnement dans le discours scientifique,
autour notamment de la part de l’induction ou de l’analogie. Le rôle des temps
verbaux dans la structure des textes (Liddicoat, 2004) révèle quant à lui
comment la démarche de recherche est reconfigurée dans le discours, et quelle
part est faite au narratif ou à la prospective. » (p. 437)
À noter : La
structure est envisagée en lien avec des fonctions rhétoriques et pragmatiques
du texte.
En ce qui concerne
le lexique :
« Le lexique
occupe une place centrale dans les études du discours scientifique. Le domaine
de la terminologie est concerné au plus près, dans une perspective de
traduction, d’extraction des connaissances et de traitement de l’information
scientifique et technique. » (p. 438)
« […] il importe
de dépasser l’approche des mots pris isolément, favorisée par le développement
des analyses automatiques de corpus. Les patrons lexicaux fondés sur des
associations privilégiées de termes (ou collocations) trouvent ainsi leur
place, comme faire une hypothèse ou on peut supposer que) (Drouin,
2007 ; Gledhill, 2000 ; Tutin 2007 ; Williams,1999). » (p. 438)
Globalement, dans
les recherches, le lexique est traité dans une approche phraséologique. On s’intéresse
aussi aux opérations de désignation et de définition ainsi qu’aux reformulations.
« L’enjeu est de cerner les schématisations à l’oeuvre dans le discours
scientifique ou à travers ses reprises dans d’autres discours. De même que pour
les patrons lexicaux, le lien entre syntaxe et sémantique est essentiel et
permet de cerner la dimension pragmatique du discours. » (p. 439)
« Les modes de
construction des savoirs sont également au coeur des approches de la métaphore
et de son rôle heuristique. L’intérêt très fort pour la métaphore s’explique
par les débats qu’elle nourrit sur une vision idéaliste de la raison, ou l’idée
de vérités pré-établies et d’un langage transparent. En analyse des textes et
des discours, l’enjeu est de rompre avec la tentation ontologique des
terminologies basées sur des mots-clés pris isolément en tant que termes «
propres », au profit d’études qui restituent à la conceptualisation et aux
savoirs leur dimension dynamique, que ce soit dans les textes d’un même auteur
(Valette, 2006) ou dans l’intertexte d’un champ de recherches et de la communication
scientifique, au sens large proposé par D. Jacobi (1999). » (p. 439).
Les analyses
linguistiques s’intéressent aussi aux questions d’énonciation et de pragmatique :
« Au niveau de son
mode énonciatif, le discours scientifi que se rattache au discours théorique
prototypique tel qu’il a été mis en évidence à partir des typologies
énonciatives de textes (Bronckart et al., 1985). Il se caractérise par un
effacement énonciatif : discours désembrayé et objectivant, il s’autonomise par
rapport à la situation où il a été produit (Philippe, 2002 ; Rabatel, 2004). Il
faut ajouter à cela qu’il a un mode mimétique spécifique, puisqu’il s’agit d’un
discours qui vise le vrai (Bronckart, 1985 ; Rastier, 2005). » (p. 439)
Au-delà de la
question des manifestations pronominales de l’auteur, les recherches étudient
notamment les notions d’attitude, d’ethos, d’image de soi, de figure, de
posture, de position, d’autorité.
« Certains
phénomènes énonciatifs se révèlent ainsi particulièrement intéressants pour
analyser le statut épistémique des assertions, autrement dit les nuances («
hedges ») et les renforcements (« boosters ») permettant d’établir le certain
et l’incertain, ou le possible et le probable (Liddicoat, 1997 ; Clemen, 1998 ;
Hyland, 1998 ; Koutsantoni, 2004 ; Vold, 2008). À ce titre, les sources du
savoir (d’où le locuteur tient-il ce qu’il dit ?) sont essentielles. Deux
vastes champs abordent cette question dans le discours scientifique : 1) les
études de l’évidentialité (au sens d’« evidentality ») (Grossmann & Wirth,
2007) ; 2) les études de la citation et des références à d’autres travaux et
points de vue. » (p. 440)
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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