Note de lecture du texte suivant :
Rinck, Fanny
(2010). L'ANALYSE LINGUISTIQUE DES ENJEUX DE CONNAISSANCE DANS LE DISCOURS
SCIENTIFIQUE. Un état des lieux. « Revue d'anthropologie des connaissances », Vol
4, n° 3, pages 427 à 450.
article disponible en ligne à l'adresse suivante :
https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2010-3-page-427.htm
Définition du discours
scientifique :
Le discours
scientifique est entendu ici au sens de discours produit dans le cadre de
l’activité de recherche à des fi ns de construction et de diffusion du savoir
(p. 428)
Ne pas gommer les
différences selon les disciplines :
« Le terme «
discours scientifique » gomme les différences de perspective dans les approches
» (…) (p. 428)
Perspective de l’auteure :
« Dans notre
perspective, il s’agit d’une part de pointer une dimension matérielle, d’ordre
sémiotique et linguistique, autrement dit des unités de la langue naturelle,
des langages formels, des schémas, des gestes qui sont mobilisés par les
chercheurs dans leurs interactions orales, les notes qu’ils griffonnent ou
encore les textes qu’ils publient. Ce sont ces unités signifiantes que la
description linguistique du discours scientifique prend comme objet. » (p. 428)
Discours
scientifique en tant que discours fermé :
« En analyse de discours,
le discours scientifique est considéré comme un discours « fermé » (Charaudeau
& Maingueneau, 2002, 261) car, dans un domaine donné, ceux qui en sont à
l’origine sont peu ou prou ceux auxquels il est adressé. » (p. 428)
Études des
sciences comme construction sociale :
« La sociologie
des sciences s’accorde à voir en L. Fleck (1934) un précurseur des « science
studies » et du constructivisme social. S’intéressant à la genèse et au développement
du fait scientifique, il introduit la notion de collectif de pensée. En
substance, l’idée est que les faits scientifiques ne sont pas objectivement donnés
mais collectivement créés ; la collectivité est partie prenante à travers les styles
de pensée, d’ordre socio-culturel, qui rendent conforme une explication en
regard d’une pensée dominante. Trois éléments sont ainsi mis en relation : le
contenu de la production scientifique, sa dimension sociale et les normes qui la
gouvernent. » (p. 430)
Évolution de la
sociologie de la science :
Les signes et les
textes sont peu à peu envisagés non pas comme de simples support de diffusion
mais plutôt comme des dispositifs matériels qui participent à la production des
savoirs scientifiques.
La science
analysée à travers le discours :
« Les études de la
science vont ainsi aborder l’activité scientifique à travers ses discours, avec
des questionnements variés qui concernent les dimensions institutionnelles, sociales
et cognitives de cette activité. » (p. 432)
Cette analyse se
fait à partir de 3 entrées différentes :
1-
le
rôle de l’éditorialisation dans la constitution des disciplines et
l’institutionnalisation des savoirs,
2-
les
fondements sémiotiques de la rationalité scientifique et son lien étroit avec
l’écrit;
3-
le
champ de la rhétorique de la science (l’accent sur les interactions en jeu à
travers les textes et sur la manière dont le discours scientifique doit
persuader ses destinataires du bien-fondé de ce qui est avancé)
Sur la question de
la rhétorique :
« En opposition à
une rhétorique qui serait en quelque sorte « ornementale », une approche plus
radicale est proposée, qui dépasse le cadre des sciences de la science et concerne
toute la rhétorique argumentative américaine. Reliant la rhétorique et
l’action, cette approche défend l’idée d’une rhétorique épistémique (Scott,1967),
attentive à la production du savoir à travers le discours. Dans cette perspective,
la sémiographie propre au discours scientifique, que l’on a évoqué précédemment,
est à intégrer à sa dimension rhétorique. » (p. 434)
La science en tant
que pratique prend en compte l’interaction individus et savoirs :
« […] à l’instar
de B. Latour et P. Fabbri (1977, p. 82), que la science, envisagée en tant que
pratique, recouvre deux aspects, celui des individus et celui des savoirs
produits. Leur mise en relation, défendue par ces deux auteurs, peut se faire à
travers l’étude des textes et des interactions produites dans et constitutives
des communautés de discours scientifiques et de leur activité. » (p. 434)
« La mise en
relation entre les acteurs de la science et le contenu de leur production est à
chercher du côté des formes et des conditions de la production située de connaissances
universelles. » (p. 435)
Analyses
linguistiques :
L’auteure se
centre sur le verbal et laisse de côté les études sur la pluri-sémioticité.
Dans la partie du
texte qui porte sur l’analyse linguistique, l’auteure cherche à :
« […] montrer ce
que les analyses linguistiques permettent de dire de l’activité scientifique et
de ses enjeux de connaissance en fonction des niveaux d’analyse concernés
(genres de textes, structure des textes, lexique, énonciation et
argumentation). » (p. 435)
Ces recherches sur
divisent en 2 grands types :
1-
celles
dont l’objectif est la description linguistique à proprement parler;
2-
celles
qui visent à cerner le fonctionnement les communautés discursives que sont les
communautés scientifiques en procédant à une analyse de leur discours.
À ces 2 grands
types s’ajoutent les recherches à visée didactique :
« Au sein des
approches didactiques, il s’agit à la fois d’identifier des patrons linguistiques
et d’interroger l’acculturation au monde académique et l’analyse des pratiques
des étudiants et apprentis-chercheurs s’associe alors à celle des pratiques
expertes. » (p. 436)
Consensus sur l’importance
de la notion de genre :
L’auteure souligne
en page 436 : « La sociologie des sciences rejoint les analyses de
discours et la didactique en montrant l’importance de cette notion ».
Définition de
genre :
« Les genres sont
définis comme des formes communicatives socio-historiquement construites et
relativement stables à une époque donnée. Ils renvoient à la dimension
collective de l’activité et représentent un héritage dans lequel se moulent nos
échanges, mais qui est amené à évoluer. » (436)
Le genre pensé
dans une optique spécifique :
L’idée de genre n’est
pas prise ici de manière générale (texte scientifique comme genre textuel)
mais dans une optique plus spécifique. Ainsi, l’article scientifique (RAC) est
un genre pendant que l’academic book review ou compte rendu de lecture
en est un autre.
Sur la question de
la structure des productions scientifiques :
« Les
différences culturelles (Connor, 1987 ; Lucas, 1994 ; Clyne, 1998) et les différences
entre oral et écrit (Carter-Thomas et al., 2001) dans la structure de l’information
permettent d’étayer les modes de raisonnement dans le discours scientifique,
autour notamment de la part de l’induction ou de l’analogie. Le rôle des temps
verbaux dans la structure des textes (Liddicoat, 2004) révèle quant à lui
comment la démarche de recherche est reconfigurée dans le discours, et quelle
part est faite au narratif ou à la prospective. » (p. 437)
À noter : La
structure est envisagée en lien avec des fonctions rhétoriques et pragmatiques
du texte.
En ce qui concerne
le lexique :
« Le lexique
occupe une place centrale dans les études du discours scientifique. Le domaine
de la terminologie est concerné au plus près, dans une perspective de
traduction, d’extraction des connaissances et de traitement de l’information
scientifique et technique. » (p. 438)
« […] il importe
de dépasser l’approche des mots pris isolément, favorisée par le développement
des analyses automatiques de corpus. Les patrons lexicaux fondés sur des
associations privilégiées de termes (ou collocations) trouvent ainsi leur
place, comme faire une hypothèse ou on peut supposer que) (Drouin,
2007 ; Gledhill, 2000 ; Tutin 2007 ; Williams,1999). » (p. 438)
Globalement, dans
les recherches, le lexique est traité dans une approche phraséologique. On s’intéresse
aussi aux opérations de désignation et de définition ainsi qu’aux reformulations.
« L’enjeu est de cerner les schématisations à l’oeuvre dans le discours
scientifique ou à travers ses reprises dans d’autres discours. De même que pour
les patrons lexicaux, le lien entre syntaxe et sémantique est essentiel et
permet de cerner la dimension pragmatique du discours. » (p. 439)
« Les modes de
construction des savoirs sont également au coeur des approches de la métaphore
et de son rôle heuristique. L’intérêt très fort pour la métaphore s’explique
par les débats qu’elle nourrit sur une vision idéaliste de la raison, ou l’idée
de vérités pré-établies et d’un langage transparent. En analyse des textes et
des discours, l’enjeu est de rompre avec la tentation ontologique des
terminologies basées sur des mots-clés pris isolément en tant que termes «
propres », au profit d’études qui restituent à la conceptualisation et aux
savoirs leur dimension dynamique, que ce soit dans les textes d’un même auteur
(Valette, 2006) ou dans l’intertexte d’un champ de recherches et de la communication
scientifique, au sens large proposé par D. Jacobi (1999). » (p. 439).
Les analyses
linguistiques s’intéressent aussi aux questions d’énonciation et de pragmatique :
« Au niveau de son
mode énonciatif, le discours scientifi que se rattache au discours théorique
prototypique tel qu’il a été mis en évidence à partir des typologies
énonciatives de textes (Bronckart et al., 1985). Il se caractérise par un
effacement énonciatif : discours désembrayé et objectivant, il s’autonomise par
rapport à la situation où il a été produit (Philippe, 2002 ; Rabatel, 2004). Il
faut ajouter à cela qu’il a un mode mimétique spécifique, puisqu’il s’agit d’un
discours qui vise le vrai (Bronckart, 1985 ; Rastier, 2005). » (p. 439)
Au-delà de la
question des manifestations pronominales de l’auteur, les recherches étudient
notamment les notions d’attitude, d’ethos, d’image de soi, de figure, de
posture, de position, d’autorité.
« Certains
phénomènes énonciatifs se révèlent ainsi particulièrement intéressants pour
analyser le statut épistémique des assertions, autrement dit les nuances («
hedges ») et les renforcements (« boosters ») permettant d’établir le certain
et l’incertain, ou le possible et le probable (Liddicoat, 1997 ; Clemen, 1998 ;
Hyland, 1998 ; Koutsantoni, 2004 ; Vold, 2008). À ce titre, les sources du
savoir (d’où le locuteur tient-il ce qu’il dit ?) sont essentielles. Deux
vastes champs abordent cette question dans le discours scientifique : 1) les
études de l’évidentialité (au sens d’« evidentality ») (Grossmann & Wirth,
2007) ; 2) les études de la citation et des références à d’autres travaux et
points de vue. » (p. 440)
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