Rappelons ici brièvement quelques aspects essentiels de
l’herméneutique (principalement gadamérienne). La conception herméneutique de l'interprétation accorde de
l'importance à quatre facteurs : 1- un sujet qui interprète et qui est toujours
situé socialement, culturellement, historiquement; 2- une pratique sociale de
l'interprétation qui est toujours historiquement ancrée; 3- une temporalité de
l'interprétant et de l'interprété; 4- donc, une interprétation qui est toujours
située. La compréhension d’un phénomène est fonction de notre situation
présente où s’expriment nos intérêts (situation herméneutique). Lorsqu’on tente
de comprendre un phénomène, certaines questions ou préoccupations sont
évidentes alors que d’autres nous sont inaccessibles (horizon herméneutique). L’histoire
n’est pas neutre, elle a un effet dans le temps qui se fait sentir et modèle
notre manière de percevoir. «L’efficace de l’histoire» détermine toujours
d’avance ce qui sera pour moi objet de recherche et de questionnement (l’effet
de l’histoire). C’est ainsi que Gadamer proposera de réhabiliter le concept de
préjugé. On se comprend toujours, au départ, de manière spontanée et ce,
avant toute forme de réflexion. C’est pourquoi nos préjugés – plus que nos
jugements – constituent notre réalité. En fait, il n’y a pas d’être hors
préjugé. Par conséquent, l’horizon herméneutique – nos questions sur le monde –
est formé de préjugés. Ces derniers, parce qu’ils nous fournissent des
questions, rendent accessible ce qui est à comprendre. C’est par la
compréhension que l’on départage les préjugés féconds de ceux qui ne le sont
pas.
Dans ce cadre, la tradition est conçue comme une condition de la
compréhension car on ne comprend quelque chose qu’à partir d’une
pré-compréhension, laquelle renvoie à notre inscription dans une histoire, donc
une culture. La tradition n’est alors pas un savoir figé mais doit être
envisagée comme des réponses à des problèmes vécus (dialectique
question/réponse). Ajoutons que, selon la tradition de pensée phénoménologique
et herméneutique, nous ne construisons pas de sens, plutôt, nous le
co-constituons en dialogue avec la chose visée (ici l’histoire). Cette manière
de comprendre le sens qui advient évite ainsi un psychologisme naïf où l'ego
apparaît comme souverain sur le monde. Je comprends un monde qui a déjà été
compris et, le comprenant, je me comprends davantage participant alors d’une
compréhension renouvelée du monde (cercle herméneutique) car, comme le souligne
Gadamer (1996), dès que l’on comprend, on comprend autrement.
Référence :
Gadamer, H.-G. (1996). Vérité
et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique.
Paris : Seuil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire