Introduction
Ce court
texte s’attarde aux représentations que de futurs
enseignants ont de la collaboration, entre les différents membres de
l’équipe-école et l’enseignant débutant, et des conditions afférentes. Il rend
compte des résultats préliminaires d’une partie des données d’une des recherches
menées par l’équipe du laboratoire
d’analyse de l’insertion professionnelle enseignement (LADIPE, UQTR). Les données qui suivent proviennent d’un
questionnaire administré aux finissants de trois programmes de formation à
l’enseignement à l’UQTR. Au total, 267 étudiants des cohortes de 2004-2005 et
2005-2006 y ont répondu, dont 111 du baccalauréat en éducation préscolaire et
enseignement primaire (BÉPEP), 88 du baccalauréat en enseignement secondaire
(BES) et 68 du baccalauréat en adaptation scolaire et sociale (BASS). Précisons
que cette recherche s’est continuée en 2006-2007 et se continuera encore en
2007-2008.
Mise en contexte
On sait que
le soutien offert à l’enseignant durant ses premières années d’exercice de la
profession joue un rôle crucial dans sa capacité à construire son efficacité
professionnelle. On sait aussi que la contribution du débutant aux activités
d’une équipe enseignante peut représenter une condition favorable à son
insertion professionnelle. La question de la collaboration entre l’enseignant
novice et ses collègues expérimentés s’avère ainsi d’un intérêt particulier et
il est pertinent de s’interroger sur les
représentations qu’ont les futurs enseignants de la collaboration dans le
contexte de l’entrée dans la profession. Le concept de collaboration fait ici
référence à un investissement dans ses relations interprofessionnelles. La
collaboration est plus exigeante que la collégialité, spontanée ou contrainte. Elle
se manifeste dans son rapport au travail et aux collègues, elle exclut la
concurrence et la compétition tout autant que l’indifférence (Portelance et
Durand, 2006).
Quelques résultats
Les étudiants conçoivent la
collaboration entre novice et expert comme un partage de connaissances,
d’informations et d’expériences. Les futurs enseignants du secondaire précisent
que les connaissances partagées portent « sur les stratégies et les contenus
d’enseignement, de même que sur le fonctionnement de la classe et de l’école »
(BES 11[1]).
Pour l’ensemble des participants, collaborer signifie partager son expérience «
dans les deux sens » (BASS 17), « partager sa vision de certaines situations »
(BASS 36), « accepter le partage des projets que l’on crée » (BASS 32). Dans
cette dynamique de partage, l’expert apporte avant tout son expérience et le
novice des idées nouvelles. Mais ce partage ne s’effectue pas à parts égales puisque
le statut de l’expert diffère de celui du novice. En effet, l’expert est
considéré comme une personne qui guide, soutient, conseille, aide et encourage
le novice et lui transmet des rétroactions sur son enseignement.
Parmi les gestes jugés essentiels à l’intégration du novice
dans une équipe pédagogique, mentionnons l’accompagnement, la supervision et
l’encadrement par l’enseignant expérimenté ainsi que sa disponibilité, mais
aussi son ouverture aux idées et aux essais du débutant et une certaine
reconnaissance de son bagage professionnel. Les étudiants considèrent que les
enseignants facilitent l’insertion du débutant en « le laissant prendre sa
place » (BASS 11), « lui faisant confiance » (BÉPEP 1), « le prenant comme un
collègue » (BASS 3), « reconnaissant ses compétences » (BÉPEP 16). Une attitude
d’écoute, de compréhension et de respect est souhaitée pas les étudiants du
BASS. Inversement, certains gestes du novice rendent moins difficile son
insertion professionnelle, comme l’apport d’idées novatrices et de nouveaux
savoirs sur les méthodes d’enseignement ainsi qu’une attitude d’ouverture aux
suggestions, aux critiques et aux conseils des autres. Les futurs enseignants
jugent important de s’impliquer dans le milieu, de « participer à tout ce qui
se présente » (BASS 10), de « s’investir pleinement » (BASS 15), de prendre des
initiatives, de « démontrer de l’autonomie par rapport à ce qui est implanté
dans l’école » (BÉPEP 14). Les finissants du BES considèrent avantageux d’être
respectueux de la culture du milieu.
Selon les étudiants, les directions d’établissement
scolaire et les enseignants expérimentés souhaiteraient, avant tout, que le
novice s’implique au sein du milieu scolaire en participant aux diverses
activités, mais aussi en apportant des idées nouvelles, ce qu’un stagiaire
imagine comme la réponse à un besoin de « nouveau souffle » (BASS 17).
Également, elles attendraient des nouveaux enseignants qu’ils agissent de
manière compétente, professionnelle et éthique. Les directions d’école
préféreraient des débutants coopératifs et capables de prendre des initiatives,
capables de s’adapter et qui démontrent de la motivation et du dynamisme.
Notons ici que les attentes du milieu scolaire à l’égard de l’enseignant débutant
à savoir, la connaissance de la matière, l’habileté à créer un climat
d’apprentissage et la capacité d’analyse, ne figurent pas de manière explicite
parmi les principaux éléments de réponses des futurs enseignants.
Les
attentes à l’égard du milieu scolaire ne semblent pas toutes faciles à combler.
En effet, les finissants souhaitent être considérés comme de véritables
enseignants, acceptés tels qu’ils sont, traités d’égal à égal. Ils veulent « se
sentir à part entière dans l’équipe-école » (BES 10). Par ailleurs, ils
apprécieraient aussi être guidés, soutenus, épaulés et encouragés par les
enseignants experts. Ces deux attentes peuvent paraître paradoxales. Toutefois,
les expériences agréables de collaboration avec un enseignant associé
permettent généralement au futur enseignant d’imaginer un agencement entre le
fait d’être guidé et soutenu par un enseignant et celui d’exprimer ses idées et
d’argumenter pour les défendre. En ce sens, les deux attentes ne s’opposent
pas, elles s’harmonisent.
Les étudiants croient qu’ils se révéleront innovateurs en
ce qui concerne la conception de l’enseignement, la modélisation des stratégies
d’apprentissage, les connaissances sur la réforme scolaire, les manières
d’enseigner et l’utilisation des technologies de l’information et de la
communication. Ils apporteront « une vision nouvelle et fraîche » (BASS 32) et
« de nouvelles idées et du nouveau matériel pédagogique » (BES 19). Cette
vision d’eux-mêmes s’inscrit en cohérence avec leurs conceptions de la
collaboration entre novice et expert, leurs représentations des attitudes
favorables à une insertion professionnelle réussie et leurs perceptions des
attentes du milieu scolaire à leur égard. On y retrouve l’expression d’une
grande valeur accordée aux idées nouvelles à transmettre, un apport enrichi
d’une forte dose d’énergie, de dynamisme et d’enthousiasme, de la « fraîcheur »
(BASS 19), et même de la « fougue » et de la « passion » du débutant (BES 2).
Les futurs praticiens ne semblent pas s’imaginer que leurs tentatives
d’innovation et leur volonté de s’impliquer activement pourraient être freinées
par certaines contraintes quotidiennes qui les placeraient dans des conditions
de survie plutôt que de satisfaction professionnelle ou qui les forceraient à
délaisser leurs idéaux relatifs à l’apprentissage pour les remplacer par la
préoccupation de maintenir un climat de classe convenable. Ils anticipent
pourtant les difficultés des débuts. Parmi les principaux obstacles à une
insertion professionnelle réussie, ils indiquent surtout l’enseignement d’une
discipline qui ne correspond pas à son profil de formation, l’enseignement à
des élèves en situation scolaire particulière, un statut d’emploi précaire et
le travail avec des élèves d’un ordre d’enseignement différent de celui pour
lequel ils sont préparés. À ceci, ils ajoutent les nombreuses heures de
planification des cours, le manque de matériel didactique, l’appartenance à une
équipe pédagogique peu intéressée au travail d’équipe. En somme, les étudiants
prévoient que leur insertion professionnelle pourrait ressembler à un parcours
semé d’embûches. Sauront-ils rechercher l’aide dont ils auront besoin ou seront-ils
portés à éviter d’en demander? Seront-ils enclins à envisager l’insertion sous
un angle quelque peu fataliste, considérant que la seule stratégie pour surmonter
les problèmes consiste à attendre qu’ils passent (Martineau et Presseau, 2003)
ou décideront-ils de changer leur choix de carrière?
Conclusion
Les futurs enseignants semblent porteurs d’un
véritable désir de collaboration avec les autres acteurs scolaires. De plus,
ils se font une image assez juste des exigences de la collaboration, insistant
sur la nécessité de la reconnaissance de leur apport possible au milieu. En
fait, les futurs enseignants semblent se percevoir comme des agents de
changement. Cependant, cette vision ne prend pas suffisamment en compte les
contraintes du milieu. Enfin, les répondants font preuve d’un certain réalisme
lorsqu’ils identifient les obstacles qu’ils pourraient rencontrer au cours de
leur insertion professionnelle. En somme, cette recherche laisse entendre que
les futurs enseignants ont su développer, tout au long de leur formation, une
vision somme toute assez juste de ce qui les attend sur le terrain.
Références
Martineau,
S. et Presseau, A. (2003). Le sentiment d’incompétence pédagogique des
enseignants débutants et le soutien à l’insertion professionnelle :
phénomènes de système et logiques d’acteurs. In N. Delobbe, G. Karnas et C.
Vandenberghe (éds.). Développement des
compétences, investissement professionnel et bien-être des personnes, tome
1. Louvain-la-Neuve : Presses Universitaires de Louvain, 359-368.
Portelance, L. et Durand, N. (2006). La collaboration entre novice
et expert en enseignement : nature, modalités et impacts perçus, Journal of the Canadian Association for
Curriculum Studies, vol. 4, no 2, 77-99.
[1] Le numéro accolé au
programme d’enseignement indiqué en majuscules, comme BES 11, correspond au
numéro attribué à l’étudiant qui a répondu au questionnaire. Ce numéro a été
attribué de façon aléatoire.
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