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27 août 2015

Bref propos sur la pensée du philosophe américain John Dewey (1859-1952)

Dewey possède une conception à la fois hégélienne, darwinienne du monde et de l’homme.

§    L’homme est un être en évolution constante, cette évolution n’est pas le fait d’un être isolé, mais d’un être qui se situe toujours dans une interaction et une coévolution avec un environnement dont il fait intégralement partie. L’homme et le monde sont organiquement liés. Cet environnement évolue aussi constamment.  Cette coévolution constante entre l’homme et l’environnement est la vie elle-même. La philosophie de Dewey est une philosophie biologique ou vitaliste.
§    Chez l’homme, l’environnement n’est pas seulement physique et biologique, il est aussi constitué d’autrui, de la culture, de la société et du monde des significations (langages, arts, etc.).

L’expérience comporte deux sens

Qu’est-ce que l’expérience? L’expérience semble présenter deux sens chez Dewey :

1)               À la base, l’expérience n’est rien d’autre que le processus spontané et continue d’adaptation de l’homme à son environnement. En ce sens, nous ne faisons pas des expériences et nous n’avons pas des expériences : notre vie est expérientielle par essence.

2)               Ce processus peut être compris comme un processus d’apprentissage spontané et il débute dès la plus prime enfance. Il est continu et interactif par essence, car l’expérience présente une double face : elle change l’homme, elle lui permet idéalement de croître et s’adapter, et en même temps, elle change l’environnement au sein duquel elle est réalisée.  Ainsi, en termes classiques, on pourrait dire le sujet et l’objet interagissent et coévoluent dans et travers l’expérience, ce qui nous approche d’une certaine vision hégélienne de la négativité.

Précisions :

1)           Le sujet n’est pas le sujet de l’empirisme qui enregistre passivement les données de son environnement à travers ses sensations. Au contraire, l’homme est fondamentalement activité tournée vers le monde. La pensée est elle-même une forme d’action intériorité (elle est une sorte de synthèse vivante des expériences antérieures qui forment à la fois son contenu et son orientation) ou tournée vers l’action dans le monde. Le pragmatisme n’est donc pas une variante de l’empirisme. De plus, Dewey insiste sur les significations de l’expérience vécue pour celui qui la vit. L’expérience n’est donc pas une donnée brute, mais elle est médiatisée par le sujet avec son langage, sa culture, etc.
2)                  Cela dit, l’expérience, dans la mesure où elle modifie l’homme, implique aussi une certaine forme de passivité en ce sens que l’homme ne fait pas qu’agir sur le monde, il le subit aussi. Mais cette passivité n’est pas celle de l’empirisme et du béhaviorisme où l’homme est en quelque sorte façonné par l’environnement et la répétition des expériences.
3)         Le sujet n’est pas non plus le sujet pensant comme chez Descartes ou chez Kant. Les conceptions du sujet et de l’objet chez Dewey soulèvent en effet une question importante : qu’en est-il de la pensée humaine, de la subjectivité, de la cognition, de la connaissance et de la vérité, si le sujet et l’objet coévoluent sans cesse dans une perpétuelle adaptation à des problèmes nouveaux et à des formes nouvelles de vie? Il en découle qu’il n’existe pas de connaissances fixes et définies une fois pour toute (critique de la métaphysique de Platon à Kant et Hegel). La pensée humaine n’est pas essentiellement représentationnelle ni théorique (au sens de voir), elle est plutôt orientée vers l’action sur le monde (et le sujet comme partie du monde) et, en ce sens, la vérité n’est rien d’autres que les conséquences pratiques de la pensée sur le monde. Il en va de même des questions morales. Ainsi, Dewey ne pense pas, contrairement à Kant, que la morale se fonde sur un devoir universel, un impératif universel valable pour tout être raisonnable en tout temps et en tout lieu. La vérité et la moralité de la pensée se mesure aux conséquences pratiques de nos idées  dans et sur le monde. Nous sommes ici dans l’ordre, non de la représentation, mais d’une certaine manière de l’efficacité.
4)           Le monde n’est pas que phénoménale, il n’est pas qu’un espace virtuel de l’action de l’homme, il n’est pas une simple représentation. Il possède une objectivité : les problèmes que rencontre l’homme sont des problèmes réels dans le monde. Ils ne sont pas une simple création de son esprit.  Le monde nous soumet à des tests objectifs. Comme chez Darwin, l’environnement peut être vu comme une série de problèmes posés aux êtres vivants qui doivent sans cesse s’y adapter et donc changer eux-mêmes. Ceux qui ne changent pas disparaissent.

§    Dewey introduit une conception de l’expérience spécifique à l'être humain. Il s'agit d'un type d’expérience sous le contrôle de la pensée. Ce type d’expérience puise son inspiration directe dans la méthodologie générale des sciences naturelles : c'est cela qu’on appelle l’expérimentation, c’est-à-dire une expérience menée sous le contrôle de la pensée, de l’enquête.

LES CINQ PHASES DE L’ENQUÊTE

L’enquête comprend cinq phases :

  • 1. Identification du problème : l’antécédent de l’enquête, situation indéterminée,
  • 2. Définition du problème : l’institution,
  • 3. Solutions possibles du problème : la détermination,
  • 4. Résultats envisagés : le raisonnement,
  • 5. Mise à l’épreuve: la conséquence de l’enquête, la situation déterminée. 
Finalement, on peut dire que, d’une certaine manière, Dewey se rattache à la pensée des Lumières qui voit dans la rationalité scientifique le modèle de rationalisation du monde.

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