Dewey possède une conception à la
fois hégélienne, darwinienne du monde et de l’homme.
§
L’homme est un être en évolution constante,
cette évolution n’est pas le fait d’un être isolé, mais d’un être qui se situe toujours
dans une interaction et une coévolution avec un environnement dont il fait
intégralement partie. L’homme et le monde sont organiquement liés. Cet
environnement évolue aussi constamment.
Cette coévolution constante entre l’homme et l’environnement est la vie
elle-même. La philosophie de Dewey est une philosophie biologique ou vitaliste.
§
Chez l’homme, l’environnement n’est pas
seulement physique et biologique, il est aussi constitué d’autrui, de la
culture, de la société et du monde des significations (langages, arts, etc.).
L’expérience comporte deux sens
Qu’est-ce que
l’expérience? L’expérience semble présenter deux sens chez Dewey :
1)
À la base, l’expérience n’est rien d’autre que le
processus spontané et continue d’adaptation de l’homme à son environnement. En
ce sens, nous ne faisons pas des expériences et nous n’avons pas des
expériences : notre vie est expérientielle par essence.
2)
Ce processus peut être compris comme un
processus d’apprentissage spontané et il débute dès la plus prime enfance. Il
est continu et interactif par essence, car l’expérience présente une double
face : elle change l’homme, elle lui permet idéalement de croître et
s’adapter, et en même temps, elle change l’environnement au sein duquel elle
est réalisée. Ainsi, en termes
classiques, on pourrait dire le sujet et l’objet interagissent et coévoluent dans
et travers l’expérience, ce qui nous approche d’une certaine vision hégélienne
de la négativité.
Précisions :
1) Le sujet n’est pas le sujet de l’empirisme qui
enregistre passivement les données de son environnement à travers ses
sensations. Au contraire, l’homme est fondamentalement activité tournée vers le
monde. La pensée est elle-même une forme d’action intériorité (elle est une
sorte de synthèse vivante des expériences antérieures qui forment à la fois son
contenu et son orientation) ou tournée vers l’action dans le monde. Le
pragmatisme n’est donc pas une variante de l’empirisme. De plus, Dewey insiste
sur les significations de l’expérience vécue pour celui qui la vit.
L’expérience n’est donc pas une donnée brute, mais elle est médiatisée par le
sujet avec son langage, sa culture, etc.
2)
Cela dit, l’expérience, dans la mesure où elle
modifie l’homme, implique aussi une certaine forme de passivité en ce sens que l’homme
ne fait pas qu’agir sur le monde, il le subit aussi. Mais cette passivité n’est
pas celle de l’empirisme et du béhaviorisme où l’homme est en quelque sorte
façonné par l’environnement et la répétition des expériences.
3) Le sujet n’est pas non plus le sujet pensant
comme chez Descartes ou chez Kant. Les conceptions du sujet et de l’objet chez Dewey
soulèvent en effet une question importante : qu’en est-il de la pensée
humaine, de la subjectivité, de la cognition, de la connaissance et de la
vérité, si le sujet et l’objet coévoluent sans cesse dans une perpétuelle
adaptation à des problèmes nouveaux et à des formes nouvelles de vie? Il en
découle qu’il n’existe pas de connaissances fixes et définies une fois pour
toute (critique de la métaphysique de Platon à Kant et Hegel). La pensée humaine
n’est pas essentiellement représentationnelle ni théorique (au sens de voir),
elle est plutôt orientée vers l’action sur le monde (et le sujet comme partie
du monde) et, en ce sens, la vérité n’est rien d’autres que les conséquences
pratiques de la pensée sur le monde. Il en va de même des questions morales. Ainsi, Dewey ne pense
pas, contrairement à Kant, que la morale se fonde sur un devoir universel, un impératif
universel valable pour tout être raisonnable en tout temps et en tout lieu. La
vérité et la moralité de la pensée se mesure aux conséquences pratiques de nos
idées dans et sur le monde. Nous sommes
ici dans l’ordre, non de la représentation, mais d’une certaine manière de
l’efficacité.
4) Le monde n’est pas que phénoménale, il n’est pas
qu’un espace virtuel de l’action de l’homme, il n’est pas une simple
représentation. Il possède une objectivité : les problèmes que rencontre
l’homme sont des problèmes réels dans le monde. Ils ne sont pas une simple
création de son esprit. Le monde nous
soumet à des tests objectifs. Comme chez Darwin, l’environnement peut être vu
comme une série de problèmes posés aux êtres vivants qui doivent sans cesse s’y
adapter et donc changer eux-mêmes. Ceux qui ne changent pas disparaissent.
§
Dewey introduit une conception de l’expérience spécifique à l'être humain. Il s'agit d'un type
d’expérience sous le contrôle de la pensée. Ce type d’expérience puise son
inspiration directe dans la méthodologie générale des sciences
naturelles : c'est cela qu’on appelle l’expérimentation, c’est-à-dire une
expérience menée sous le contrôle de la pensée, de l’enquête.
LES CINQ PHASES DE L’ENQUÊTE
L’enquête
comprend cinq phases :
- 1. Identification du problème : l’antécédent de l’enquête,
situation indéterminée,
- 2. Définition du problème : l’institution,
- 3. Solutions possibles du problème : la
détermination,
- 4. Résultats envisagés : le raisonnement,
- 5. Mise à l’épreuve: la conséquence de l’enquête, la situation déterminée.
Finalement, on peut dire que, d’une
certaine manière, Dewey se rattache à la pensée des Lumières qui voit dans la
rationalité scientifique le modèle de rationalisation du monde.
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