À une certaine époque, il y eut dans nos sociétés quelque chose que nous appelions université, lieu de haut savoir, de recherche désintéressée, de liberté académique, lieu d'épanouissement de la pensée critique.
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31 août 2017
À une certaine époque, il y eut...
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
27 août 2017
Quand un grand dialogue avec d'autres grands
Rolland, Romain (1991). Correspondance entre Romain Rolland et
Maxime Gorki 1916-1936. Préface et notes de Jean Pérus. Cahier 28. Paris :
Albin Michel.
Rolland, Romain (1972). D’une rive à l’autre. Hermann Hesse et
Romain Rolland. Correspondance, fragments du journal et textes divers. Cahier
21. Paris : Albin Michel.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
25 août 2017
Une expérience en vase clos
Dans ce monde en proie au pragmatisme, nous ne concevons plus l'expérience humaine comme étant quelque chose qui repose sur la rencontre de l'altérité mais plutôt comme un «autoréférencement».
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Renoncer à comprendre le monde
En tant que théorie de la connaissance, le pragmatisme propose moins de «voir» le monde (chercher la «vérité») que de le manipuler en fonction de nos intérêts. En cela, ce courant de pensée est en phase avec le néolibéralisme.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Réductionnisme social
En sciences sociales, les approches inspirées du pragmatisme - telles l'ethnométhodologie, l'interactionnisme, la théorisation enracinée, etc. - ont fait disparaître de l'écran radar l'objectivité des médiations sociales des pratiques des sujets (ce qui se constitue en dehors d'eux dans des structures comme les institutions, la culture, le langage, etc.).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
24 août 2017
Réductionnisme postmoderne
Dans nos sociétés technologiquement avancées, toute connaissance est un simple instrument servant à agir et toute activité n'a comme objectif que la maximalisation de l'intérêt.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
23 août 2017
Erreur de perspective
Chez les positivistes et les néopositivistes, le sujet qui connaît (le chercheur) se réduit à la transparence des opérations qu'il met en place pour connaître et à la capacité perceptive des outils qu'il utilise pour étudier le monde. Ainsi, le sujet qui connaît n'a aucune consistance existentielle.
Voir à ce sujet les travaux de Michel Freitag.
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Un gros oubli
Nous nous sommes fait une représentation de l'économie et de la technologie comme étant des «choses» qui fonctionnent par elles-mêmes et selon leur propre logique, indépendamment de nous donc, oubliant ainsi que ce sont des créations humaines au service d'intérêts humains.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
22 août 2017
Destruction
L'esprit du marché a tout envahi et a tout pourri. Bien que des résistants se lèvent un peu partout, le rouleau compresseur qui ne pense qu'en termes de chiffres continue de détruire le monde physique et le monde social.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
18 août 2017
Naufrage
Dirigées comme des « Wal-Mart », réduites à être des industries à travailleurs diplômés et des fournisseurs de savoirs pour l'économie, nos universités sombrent dans la bêtise.
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Tristesse
Que c'est triste un peuple amnésique !
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17 août 2017
Effort
L'effort n'est plus quelque chose à la mode, on ne la valorise plus sauf dans les sports.
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Production universitaire
Les universités produisent de moins en moins de savants ou d'intellectuels, elles produisent plutôt des travailleurs pour un marché.
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Abandons
Nous avons abandonné la science pour la technique et la vérité pour l'efficacité.
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15 août 2017
Ce qui est vrai...
Dans un monde où la pensée marchande a tout englobé (même la science), ce qui est vrai est ce qui est bêtement efficace.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
12 août 2017
Un État devenu simple arbitre
Dans nos sociétés contemporaines où la vie politique n'est plus que le reflet d'une société civile éclatée, l'État a perdu toute légitimité sauf celle d'arbitrer les conflits d'intérêts entre groupes de pression. Dans cet arbitrage, l'État n'est pas neutre, il arbitre en fonction des influences auxquelles il est soumis.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
09 août 2017
Notes sur l'herméneutique de Gadamer
Hans-Georg Gadamer est un philosophe allemand né à Marbourg le 11 février 1900 et mort à Heidelberg le 13 mars 2002.
Disciple de Heidegger, il a développé une philosophie herméneutique
très riche.
Quelques notions clé de l'herméneutique gadamérienne
Situation herméneutique :
La compréhension d’un phénomène est fonction de notre situation présente où
s’expriment nos intérêts.
Horizon herméneutique :
Lorsqu’on tente de comprendre un phénomène, certaines questions ou
préoccupations sont évidentes alors que d’autres nous sont inaccessibles.
L’efficace de l’histoire :
L’histoire n’est pas neutre, elle a un effet dans le temps qui se fait sentir
et modèle notre manière de percevoir. «L’efficace de l’histoire» détermine
toujours d’avance ce qui sera pour moi objet de recherche et de questionnement.
Le préjugé :
On se comprend toujours, au départ, de manière spontanée et ce, avant toute
forme de réflexion. C’est pourquoi nos préjugés – plus que nos jugements –
constituent notre réalité. Ainsi, il n’y a pas d’être hors préjugé. Par
conséquent, l’horizon herméneutique – nos questions sur le monde – est formé de
préjugés. Ces derniers, parce qu’ils nous fournissent des questions, rendent
accessible ce qui est à comprendre. La compréhension départage les préjugés
féconds de ceux qui ne le sont pas.
La tradition :
Elle est une condition de la compréhension car je ne comprends quelque chose
qu’à partir d’une pré-compréhension, laquelle renvoie à mon inscription dans
une histoire, une culture. La tradition n’est pas un savoir figé mais peut être
envisagée comme des réponses à des problèmes vécus (dialectique
question/réponse).
Une certaine conception herméneutique de l'interprétation
Dans cette conception,
l'interprétation est conçue comme un parcours dans un texte ou une sorte de
performance sémiotique.
La conception herméneutique de l'interprétation accorde notamment de
l'importance à quatre facteurs plus ou moins ignorés par les conceptions
syntaxiques ou logico-sémantiques de l'interprétation :
1- un sujet qui interprète et qui est toujours situé socialement,
culturellement, historiquement;
2- une pratique sociale de l'interprétation qui est toujours historiquement
ancrée;
3- une temporalité de l'interprétant et de l'interprété;
4- donc, une interprétation qui est toujours située.
La notion de situation en phénoménologie
La notion de situation en
phénoménologie signifie : je suis né à une époque donnée et cela délimite mes
«pensables» et mes «possibles». En fait, la situation est autre chose qu'une
simple borne objective imposée à une conscience absolue. La situation est
plutôt condition de l'action ou, encore, condition de la compréhension. Dans
cette optique, pour la phénoménologie, il ne saurait exister quelque chose
comme une conscience absolue. Il y a plutôt une appropriation créatrice du sens.
Et, cette appropriation créatrice du sens constitue la conscience même
(laquelle ne saurait être en surplomb du monde mais est toujours imbriquée en
lui).
La compréhension a une structure herméneutique circulaire
Toute compréhension comporte une pré-compréhension, une structure
d'anticipation qui est à son tour pré-figurée par la tradition dans laquelle
vit l'interprète et qui modèle ses préjugés. Cette compréhension préalable peut
à son tour se déployer pour elle-même, se comprendre d'une manière explicite.
Cette explicitation d'une compréhension préalable, telle est la tâche de
l'interprétation. L'idée d'une compréhension comme articulation d'une
compréhension préalable correspond à la structure de ce qu’on appelle le cercle
herméneutique.
La compréhension s'enracine d'abord dans le passé
La tradition n'est pas une chose que nous pouvons mettre de côté. En vertu du
principe du «travail de l'histoire», nous appartenons d'abord à une tradition
historique et c'est à partir d'elle que nous abordons les choses. Par exemple,
notre connaissance de l'histoire, de l'art, de la science ou des lois morales,
notre compréhension de concepts tels que le bien, la vérité, l'objectivité,
bref la manière suivant laquelle nous comprenons et nous questionnons le monde,
tout cela relève d'abord d'une tradition historique et culturelle. Par
conséquent, nos interprétations ne sont jamais neutres mais toujours
conditionnées par la tradition dans laquelle nous vivons et qui forme la
substance de nos préjugés. La tradition est à la fois ce qui limite notre
compréhension et ce qui la rend possible, à la fois ce qui la contraint et ce
qui l'ouvre.
La compréhension est toujours linguistique
Si la compréhension est toujours conditionnée par une tradition historique,
celle-ci vient à nous à travers le langage. Le langage n'est donc pas un outil
neutre, extérieur à l'interprète, mais le véhicule même des traditions
interprétatives. La langue parle en nous et nous constitue comme patrimoine de
textes et de formes historiquement finies, comme ensemble de règles et comme
dialogue interpersonnel. Nous appartenons au langage comme nous appartenons à
l'histoire : ni devant, ni derrière, ni au-dessus, mais compris dans
l'histoire, et donc compris dans une tradition interprétative et langagière. En
ce sens, le «travail de l'histoire» à travers le langage n'est pas entièrement
transparent; il dépasse notre subjectivité, la limite et la rend possible. Si
l'interprétation est le ressort constitutif de toute activité cognitive et
pratique, le langage est le mode d'être privilégié de cette activité
interprétante.
La compréhension est toujours productive
La compréhension comporte une dimension productive qui se situe entre la
création ex nihilo et la pure reproduction. Si la compréhension s'enracine
d'abord dans une tradition interprétative qui la limite et la rend possible, en
revanche elle n'est pas que la simple reprise et reproduction de la tradition.
La compréhension s'enracine aussi dans le présent, dans les intérêts, les
questions et les préoccupations de l'interprète. En ce sens, la compréhension
ne loge ni du côté du sujet, ni du côté de l'objet ou de la tradition, mais
dans cet entre-deux où le dialogue se noue. Toute compréhension comporte donc
une production, à la fois une transformation de soi et de la tradition.
La compréhension comporte une application
Si la compréhension s'enracine aussi dans le présent, dans les questions, les
intérêts, les préoccupations et les attentes de sens de l'interprète, en
d'autres termes si l'interprète est constitutif de la vérité herméneutique c'est que la compréhension comporte un aspect
d'application à soi, une compréhension de soi. Comprendre c'est en quelque
sorte traduire dans ses propres termes, appliquer à sa situation présente,
trouver un éclairage pour sa vie. Comprendre veut dire avoir réussi à appliquer
un sens à notre situation, avoir trouvé réponse à nos questions. Cette
application n'a rien d'une application instrumentale; elle relève plutôt d'une
recherche de sens à partir de sa situation concrète, recherche de sens qui
implique une ouverture à l'autre, et donc la possibilité d'un dialogue
véritable.
La compréhension possède la structure logique du questionnement
L'être humain ne dispose pas d’une compréhension achevée et définitive sur le
monde; sa rationalité est toujours limitée. De sorte que sa compréhension préalable
est aussi un projet, une esquisse, un guide ouvert à des modifications et à des
développements. Cette ouverture de la compréhension a la structure logique de
la question. On pourrait le dire autrement. Si la compréhension comporte une
application à soi, une compréhension de soi, et que l'application consiste dans
la recherche d'un sens à notre situation actuelle, alors l'application obéit à
la dialectique de la question et de la réponse. Par le questionnement, on
s’ouvre à des nouveaux sens, à de nouvelles pratiques.
Dialogue
Pour les philosophes Gadamer (1996) et Ricoeur
(1986), le dialogue joue un rôle de premier plan dans toute recherche de
compréhension et de construction des savoirs, recherche qui ne peut jamais se
reposer sur la possession définitive d’une vérité, et qui, pour cette raison
même, implique une ouverture à l’altérité (que cette altérité s’incarne dans un
texte, une œuvre d’art ou une personne en chair et en os). En fait, la
compréhension humaine est essentiellement dialogique : dialogue entre moi
et l’autre, entre l’interprète et un texte, entre le présent et le passé. La
compréhension et le langage présentent ainsi la structure dialogique de la
question et de la réponse (Gadamer, 1996). La promotion d’un art du dialogue
est donc associée à une prise de conscience de la finitude de la compréhension
humaine et de l’impossibilité de parvenir à une connaissance définitive du
monde.
Le sens
La tradition de pensée
phénoménologique et herméneutique nous apprend qu'à proprement parler, nous ne
construisons pas de sens. Plutôt, nous le co-constituons en dialogue avec la
chose visée. Cette manière de comprendre le sens qui advient évite ainsi un
psychologisme naïf où l'ego apparaît comme souverain sur le monde. La tradition
de pensée phénoménologique et herméneutique met en évidence le fait que l'ego
est en dialogue avec une chose déjà porteuse de sens.
Références :
Gadamer, H.-G. (2006). Interroger
les Grecs. Études sur les Présocratiques, Platon et Aristote. Montréal
: Fides.
Gadamer, H.-G. (2003). L’héritage
de L’Europe. Paris : Payot. Traduit de l’allemand et préfacé par
Philippe Ivernel.
Gadamer, H.-G. (2002). Les
chemins de Heidegger. Paris : Librairie Philosophique
J. Vrin. Collection « Bibliothèque des textes philosophiques ».
Traduction, présentation et notes de Jean Grondin.
Gadamer, H.-G. (1996). Vérité
et Méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique.
Paris : Seuil. Collection «L’ordre philosophique». Paru originellement en
allemand en 1960.
Gadamer, H.-G. (1996). Le
problème de la conscience historique. Paris : Seuil. Collection
«traces écrites». Édition établie par Pierre Fruchon. Conférences prononcées en
1958.
Gadamer, H.-G. (1996). La
philosophie herméneutique. Paris PUF. Collection Épiméthée.
Ricoeur,
P. (1986). Du texte à l'action. Essais d'herméneutique générale, II. Paris:
Seuil.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
08 août 2017
Projet «totalitaire»
Adoptant une posture positiviste et privées de leur moment critique, les sciences humaines et sociales poursuivent en quelque sorte un projet que l'on pourrait qualifier de «totalitaire» au sens où, en participant de la gestion de la pratique humaine et en raison du type de savoir qu'elles produisent, elles participent littéralement à la production de leur objet (c'est-à-dire, qu'elles fournissent des outils de régulation de la pratique en transformant même cette pratique en vue de sa régulation).
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Confusion
Nous confondons de plus en plus connaissance scientifique d'un objet et contrôle exercé sur cet objet.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Des sciences dénaturées
Parce qu'elles ont un caractère non seulement cognitif mais aussi normatif, expressif et esthétique (en raison même de leur objet), les sciences humaines et sociales se dénaturent lorsque, singeant les sciences de la nature, elles se veulent uniquement projet de connaissance positive de leur objet.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Détournement d'un projet de connaissance
Les sciences humaines et sociales ont vu leur projet classique - comprendre de manière critique le monde de l'humain - détourné au profit d'un programme de gestion pragmatique du social. En ce sens, de sciences elles sont réduites à être des techniques.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
07 août 2017
Brève réflexion sur l'histoire et son enseignement
L’histoire est une discipline herméneutique,
c’est-à-dire une discipline qui vise à interpréter des événements du passé, à
leur donner du sens. Cette donation de sens se fait toujours en fonction de nos
interrogations présentes à savoir que celui qui questionne le passé le fait à
partir de son inscription dans le présent. Dit autrement, nos questions ne sont pas neutres,
elles reflètent nos intérêts (au sens large). Cependant, si elles s’inscrivent
dans nos intérêts présents, ces questions se rattachent aussi à une tradition
de questionnements, à une tradition d’interprétation. On peut se demander alors : À quels intérêts présents
et à quelle tradition interprétative notre enseignement de l’histoire
renvoie-t-il?
L’enseignement de l’histoire est donc plus que
l’enseignement de dates et de noms. Il est une construction du sens du passé.
C’est dire que cet enseignement présente un enjeu social majeur. Ainsi, le
contenu et la manière d’enseigner l’histoire sont une proposition de sens, une
interprétation de cette histoire. S’il s’agit, dans nos écoles secondaires, de
permettre aux élèves d’appréhender le passé en pratiquant la méthode
historique, la situation didactico-pédagogique qu’on leur propose n’est pas
neutre et leurs apprentissages en seront nécessairement teintés. Sommes-nous en
mesure de faire de nos élèves des interprètes compétents du passé ? Est-ce que
nous leur fournissons des outils de lecture de ce passé qui, tout en prenant
acte des questionnements du présent, s’inscrivent dans une tradition
interprétative féconde ? Et, en accord avec l’herméneutique, sommes-nous en
mesure développer chez eux la nécessaire pensée critique, consubstantielle de
tout approche herméneutique au sens où une tradition n’est jamais fixation mais
processus évolutif?
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
04 août 2017
Michel Freitag et l'informatisation du monde
Brève synthèse de la pensée du sociologue Michel Freitag (1935-2009) sur la place de l'informatique dans nos sociétés.
Dans
l’informatique, la conscience ne peut être qu’opératoire.
Au
projet d’une connaissance positive de la réalité – projet issu des Lumières –
se substitue un projet de maîtrise directe des effets produits artificiellement
par l’utilisateur – effets calculables et prévisibles – dans un environnement
spécifique.
Ainsi,
le monde n’est plus une totalité de ce qui est, il devient plutôt l’ensemble de
tout ce qui peut être fait par l’utilisateur i.e. tout ce qui peut être
contrôlé et
transformé dans un environnement donné.
Ce
monde est totalement centré sur la «puissance» d’agir de l’utilisateur; il en
est le résultat.
Or,
justement, cette puissance d’agir nous échappe dans la mesure où elle
s’objective et résulte de la production d’outils qui nous échappent.
S’efface
alors la différence entre réel et possible, entre l’imaginaire et l’objet en
soi.
Dans
l’informatique : «s’abolit la distinction entre connaître
et faire, entre la nature et la culture, entre l’objet et le sujet» (Freitag,
2002, p. 390).
L'informatisation entraîne donc des conséquences pour notre capacité à juger ...
Rappelons qu'un jugement est toujours en quelque sorte
synthétique par nature.
Dans tout jugement, la part processuelle
ne peut donc être détachée – sans dénaturer le jugement – de l’acte de juger
lui-même.
Or, l’informatique réduit le jugement une
«processualité
contrôlée» en soumettant tout à des algorithmes.
Dans ce cas, tout jugement synthétique
devient difficile voire impossible.
Ce qui s’affaiblit alors – ou même
disparaît – c’est l’engagement existentiel du sujet dans l’acte même de juger.
Sa conscience sensible, symbolique,
culturelle se trouve alors reportée en dehors de cette «processualité
contrôlée».
Ainsi,
l’ensemble des activités de communication – activités réduites à de
l’information par le contrôle informatique – n’est pas plus mesuré que de
manière opérationnelle.
«Ce
qui s’objective et s’extériorise dans l’informatique, c’est donc virtuellement
la totalité de l’ordre symbolique, qui comprend les dimensions de la
connaissance (le vrai et le faux), de la normativité (le juste et l’injuste, le
bien et le mal) et de l’expressivité (l’identité et la beauté)» (Freitag,
2002, p. 392).
Dans
nos sociétés, l’informatique ainsi est devenu le langage universel dans lequel
tout est décomposable analytiquement en paramètres opérationnels…ce qui veut
dire aussi que tout est recomposable de façon purement stratégique.
C’est
dire que l’informatisation participe de la réduction analytique de toute la
dimension représentative et synthétique essentielle au symbolique.
Contrairement
aux médiations culturelles issues du langage «naturel», l’informatique n’est
pas produite à travers une expérience du monde mise en commun mais par un
arbitraire technologique tourné vers l’efficacité et l’efficience.
Toute
finalité idéale doit désormais être traduite en objectif mesurable.
Tous
les principes généraux - parfois incommensurables - doivent se traduire en
procédures opérationnelles.
En
somme, il ne s’agit plus d’un «arraisonnement« du monde - comme Heidegger le
disait de la technique (de son temps) - mais bien d’un procès de
«transsubstantiation» des anciens langages et de la réalité que l’informatique
voulait justement représenter.
L’informatisation
participe donc de la désymbolisation
du social.
Elle
réalise une véritable «conversion» de notre mode d’être au monde.
RÉFÉRENCES:
•Freitag,
Michel (1995). Le naufrage de l’université. Et autres
essais d’épistémologie politique. Québec : Nuit blanche.
•Freitag,
Michel (2002). L’oubli de la société. Pour une théorie
critique de la postmodernité. Québec : Les Presses de l’Université
Laval. Avec la collaboration de Yves Bonny.
•Freitag,
Michel (2008). L’impasse de la globalisation. Une
histoire sociologique et philosophique du capitalisme.
Montréal : Écosociété.
Propos recueillis par Patrick Ernst.
•Freitag,
Michel (2011). L’abîme de la liberté. Critique du
libéralisme.
Montréal: Liber.
•Freitag,
Michel (2011). La connaissance sociologique.
Dialectique et société. Volume 1. Montréal : Liber. Première parution en 1986.
•Freitag,
Michel (2011). Introduction à une théorie générale du
symbolique.
Dialectique et société. Volume 2. Montréal : Liber. Première parution en 1986.
•Freitag,
Michel (2013). Culture, pouvoir, contrôle. Les modes de
reproduction formels de la société. Dialectique et société. Volume 3.
Montréal : Liber. Première parution en 1986.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
03 août 2017
Les prétentieux
Ils ne connaissent rien à l'anthropologie pas plus qu'à la sociologie. Ils ne fréquentent pas la philosophie ni les sciences politiques. Ils ne sont pas psychologues et ne sont pas historiens. Bref, leur niveau de connaissances en sciences humaines et sociales est près du zéro. Mais ils s'expriment partout, sur toutes les tribunes, au sujet de la société avec la prétention d'être des experts.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Diffuser la bêtise
Il suffit de regarder quelques instants nos chaînes généralistes de télévision pour mesurer l'abyssale bêtise de l'immense majorité de leur contenu.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
01 août 2017
Grande difficulté
Une chose vraiment très difficile : croire encore en l'être humain.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Bêtise
Il n'y a pas plus bête que celui qui se croit au-dessus de toute bêtise.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Cancer
La démagogie, c'est le cancer qui ronge nos sociétés.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Étrange aptitude
L'humain possède cette étrange aptitude à se tenir constamment entre le ciel et l'abîme.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
Fin des idéaux
Nous avons déjà été idéalistes mais les idéaux ont sombré dans l'horreur de sorte que nous renonçons maintenant à tout idéal nous contentant de l'éternel présent avec ses imperfections.
Professeur titulaire au département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières
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