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24 janvier 2023

La sociologie de l’éducation

L’émergence de la sociologie de l’éducation remonte, en gros, aux travaux de Durkheim qui, le premier, en a fait un objet d’étude (1938, 1966). Ce n’est cependant qu’après le deuxième grand conflit mondial que ce champ de la sociologie prend véritablement son envol. En effet, dans la foulée du projet socio-politique qui se met en place en Occident autour du développement économique, l’éducation devient un enjeu social important (Dandurand et Ollivier, 1987). Cette importance accrue de l’éducation comme élément clé du développement économique – mais aussi de la justice sociale – propulse les systèmes scolaires européens et nord-américains dans une spirale de changements et d’expansion effrénée. Cela se vérifie tout particulièrement dans l’enseignement secondaire et dans l’éducation universitaire. Le champ est alors libre pour un essor et une institutionnalisation de la sociologie de l’éducation. Que ce soit aux États-Unis, en France ou en Grande Bretagne, la sociologie de l’éducation connaît en effet des développements importants au fil des années 1950 à 1980. Ces développements portent tout autant sur les objets d’étude, les méthodologies que sur les cadres théoriques. Par exemple, on pense aux États-Unis aux travaux de Bowles et Gintis ou de Coleman, en France à ceux de Bourdieu et Passeron mais aussi de Boudon et en Angleterre à ceux de Bernstein ou de Young et Whitty. Durant cette période, que ce soit à partir des théories fonctionnalistes, des théories critiques (notamment marxiste et néo-marxiste), des théories de la reproduction, de celles de la résistance ou d’une approche inspirée de la sociologie compréhensive, la sociologie de l'éducation analyse essentiellement les origines et les destinations sociales des élèves en tant que déterminants de leurs cheminements scolaires et professionnels (Sever, 2012). Elle étudie donc les populations scolaires, leur flux au travers des diverses institutions éducatives, leurs taux de réussite ou d'échec, leur répartition entre les sections et les niveaux du système d'enseignement ainsi que les pourcentages de diplômés. La sociologie oscille alors entre une vision de l’éducation comme instance de progrès et d’émancipation et une autre qui la comprend comme une instance de contrôle symbolique de la reproduction sociale. Néanmoins, indépendamment des divergences de points de vue, les décennies de recherches démontrent l'importance de la prédestination et de la détermination sociales des cheminements. Même si les sociologues ne s’entendent pas sur les causes et les processus impliqués, la sociologie de l’éducation met donc en évidence la force des mécanismes de reproduction en jeu tant à l'intérieur et qu’à l'extérieur du système d'éducation. À partir des années 1980, on observe toutefois un renouvellement des problématiques, des méthodologies et des paradigmes, renouvellement qui ne va pas sans un certain éclatement des objets d’analyse. Les recherches quantitatives, adoptant une posture macrosociologique et cherchant l’explication causale, perdent de leur importance au profit d’une posture microsociologique qui, bien qu’elle donne un second souffle à la recherche, présente toujours le risque de l’enfermement dans le local tout en répondant fort imparfaitement à l’exigence de la généralisation. En dépit de ces faiblesses et à la faveur du « retour de l’acteur », les recherches qualitatives se penchent davantage sur ce qui se passe dans les institutions d’éducation et de formation et, plus spécialement, dans les classes elles-mêmes. Dynamique entre le professeur et ses élèves, exercice de l’autorité, stratégies d’adaptation aux exigences institutionnelles, aspirations professionnelles des étudiants font, entre autres, parties du regard sociologique. Or, même si les anciennes thématiques demeurent, depuis une vingtaine d’années, de nouveaux objets se sont encore greffés à ceux existants : relations interethniques à l’école, rapport école-communauté, rapports des élèves et des étudiants aux savoirs scolaires et académiques, les handicaps et l’inclusion, les études sur le genre et l’éducation, la sociologie de l’enseignement à distance, etc. Bref, la sociologie de l’éducation est plus variée que jamais au risque, peut-être, de perdre ce qui en faisait l’originalité et la spécificité. On ne saurait toutefois passer sous silence un champ de recherche et de réflexion fort important qui, à partir des années 1990, n’a cessé de s’imposer : la professionnalisation. La sociologie du travail enseignant et des autres professions de l’éducation est en effet devenue un domaine d’investigation florissant à la faveur de la montée de la question de la professionnalisation des emplois et de leur formation (Maubant et Martineau, 2012). Comment un métier se professionnalise-t-il ? Quel rôle joue la formation dans ce processus ? Pourquoi certains emplois se professionnalisent-ils plus facilement que d’autres ? Quels sont les changements qu’un statut professionnel reconnu induit dans la pratique et dans la formation ? Cette problématique a ainsi généré une pléthore de publications (Martineau et Simard, 1997) inspirées notamment du fonctionnalisme, des théories critiques ou de l’interactionnisme (Martineau, 1999). Dans les années 2000, cette question de la professionnalisation s’est aussi étendue à d’autres corps d’emplois que ceux de l’éducation; on pense notamment au travail social ou au nursing, etc. Mais surtout, elle continue d’alimenter nombre de recherches qui abordent des sujets aussi divers que la formation en alternance, l’identité professionnelle, l’insertion au travail, le décrochage professionnel ou encore la déprofessionnalisation, etc.

Références

 

Bernstein, B. (1971). Class, Codes, and Control Vol.1, Theoretical Studies towards a Sociology of School Knowledge. London: Routledge.

 

Bowles, S., & Gintis, H. (1976). Schooling in Capitalist America. New York: Basic Books.

 

Boudon, R. (1973). L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles. Paris : Armand Colin.

 

Bourdieu, P., Passeron, J.-C. (1970). La reproduction : éléments pour une théorie du système d'enseignement. Paris : Minuit.

 

Bourdieu, P., Passeron, J.-C. (1964). Les héritiers : les étudiants et la culture. Paris: Minuit.

 

Coleman, J. (1968). The Concept of Equality of Educational Opportunity. Harvard Educational Review, 38(1), 7-22.

 

Dandurand, P.; Ollivier, É. (1987). Les paradigmes perdus : essai sur la sociologie de l’éducation et son objet. Sociologie et sociétés, 19(2), 87–102. https://doi.org/10.7202/001164ar

 

Durkheim, É. (1938). Évolution pédagogique en France. Paris : PUF.

 

Durkheim, É. (1966). Éducation et sociologie. Paris: PUF.

 

Martineau, S. (1999). Un champ particulier de la sociologie : les professions. Dans Pour ou contre un ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec, M. Tardif et C. Gauthier (dir.), p. 7-20, Québec : Les Presses de l'Université Laval.

 

Martineau, S., Simard, D. (1997). La professionnalisation de l'enseignement et les modèles sociaux du travail. Pédagogie Collégiale, 11(2), 11-13.

 

Maubant, P., Martineau, S. (2012). Professionnaliser les acteurs de l’éducation et de la formation : entre construction identitaire et logiques de déprofessionnalisation (note de synthèse). Revue Phronesis, 1(2), 89-92.

 

Sever, M. (2012). A critical look at the theories of sociology of education. International Journal of Human Sciences. 9:1. http://www.insanbilimleri.com/en

 

Young, M., Whitty, G. (1977). Society, State and Schooling. London: The Falmer Press.

 

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