Les rapports qu’entretiennent les individus
avec la sphère de l’affectivité, viennent délimiter leur niveau
d’autonomie. S’inspirant des travaux de
Winnicott relatifs au rapport entre mère et enfant et d’Erikson, en ce qui a
trait à l’estime personnelle, il identifie ce rapport à l’affectivité comme le
centre de l’équilibre personnelle. Toutes les atteintes à cette sphère de la reconnaissance de soi
affectent l’intégrité de la personne. Du côté de la reconnaissance
juridique, il est plutôt question de cet autrui généralisé, voire objectivé,
tel que présenté par Mead. Il d’ailleurs
remonter la généalogie de ce concept jusqu’à Hegel, duquel il prit inspiration
dans Principes de la philosophie du
droit. Il est donc ici question des
rapports juridico-normatifs qui permettent aux individus d’accéder à des
conditions ou des configurations de vie qui sont justes, au regard des règles
normatives universelles. Finalement, la
sphère de la reconnaissance sociale, elle, s’inscrit dans le rapport à la
collectivité et à la participation citoyenne et démocratique. Il y est donc question d’un certain respect
libéral du pluralisme axiologique, de la complexité du vivre-ensemble, et de la
reconnaissance de l’individu comme étant un être socialisé et membre à part
entière de sa communauté. Le manque
d’une telle forme de reconnaissance mène naturellement à la stigmatisation.
Mépris
En ce qui a trait au concept de mépris,
il s’inspire des travaux de la Théorie critique et tente de recenser bon
nombre de formes sociales du mépris. Il
illustre comment la logique opérationnelle derrière le libéralisme
tend à isoler les individus, à les individualiser, en
plus de stratifier notre lecture du monde, afin d’entretenir des cloisons
difficilement franchissables entre les castes ou classes abstraites.
Pathologie
Il reprend non
seulement la lecture critique hégélienne, mais il se réapproprie bon nombre de
concepts propres à la sociologie, comme scission, réification, aliénation,
nihilisme, perte de communauté, désenchantement, dépersonnalisation,
marchandisation et névrose collective.
Bref, il entre sous ce concept tout ce qui semble « maladif »
et qui meuble nos configurations contemporaines.
Réification
Concept central chez
Honnet, il représente l’un des piliers de son édifice théorique,
puisque la quête de reconnaissance, d’une part, porte les individus à
marchander leurs rapports sociaux.
Ainsi, ils se présentent sous leur forme la plus enviable socialement,
tout comme il attendent obtenir les plus grands bénéfices possibles au sein de
leurs diverses relations.
Auto-réification
Pendant plutôt individuel de la réification,
l’autoréification fait penser à cette quête du néosujet, qui détient comme
ressource ultime sa propre personne, qu’il devra donc inscrire dans les sphères
de l’empowerment et du management de soi.
Les gens, en quelque sorte, en viennent à se « prostituer »
moralement, afin d’obtenir de plus grands bénéfices de leur propre personne.
Liberté
La liberté se réalise au sein
des relations interpersonnelles, au sein de la participation sociale à
l’économie de marché, puis au sein de l’engagement démocratique. Cependant, sa vision semble quasi naïve,
alors qu’il est toujours question de relations interpersonnelles relativement
simples, qui ne tiennent pas compte des familles reconstituées, ni des nouveaux
types de relations à genres multiples et complexes, pas plus qu’avec le
caractère réifié du monde de l’emploi et des amitiés, qui fait en sorte qu’il
n’y a plus véritablement de relations engagées, mais plutôt des relations
intéressées. Du côté du marché, Honneth
accorde une importance significative à l’univers du droit, comme régulateur
suffisant aux interactions économiques entre les individus. En ce qui a trait à la réalisation de la
liberté par l’engagement démocratique, Honneth fait état du côté libéral et
« ouvert » des démocraties occidentales. Toutefois, il ne fait pas allusion aux
déséquilibres du pouvoir causés par la force des capitaux détenus par un
individu. De plus, il n’accorde pas
d’importance à la compétence électorale ou à la nécessité d’être instruit
politiquement afin de légitimer la valeur du vote citoyen.
Pouvoir
Le pouvoir prend deux
formes : la grande marche de l’histoire et la marche populaire ou
citoyenne. Il y a donc une lutte entre
grands acteurs et, parallèlement, des mouvements d’opposition citoyenne. Il y a une version plus formelle du pouvoir
et une formule plutôt organique et sociétale.
Il prend appui chez des auteurs comme Adorno, Horkheimer, Habermas et
Sartre.
Bibliographie
Honneth, A.
(2000). La lutte pour la reconnaissance, trad. Pierre Rush ;
Paris : Les Éditions du Cerf (éd. originale allemande 1992), 347 pages.
_____.
(2007). La réification : Petit traité de Théorie critique, trad.
Stéphane Haber, Paris : Gallimard (éd. originale allemande 2005), 141
pages.
_____.
(2006). La société du mépris. Vers une
nouvelle Théorie critique, trad. Olivier Voirol, Pierre Rush et Alexander
Dupeyrix, Paris : La Découverte, coll. « La Découverte/Poche »,
349 pages.
_____.
(2008). Les pathologies de la liberté : Une réactualisation de la
philosophie du droit de Hegel, trad. Franck Fischbach, Paris : La
Découverte (éd. originale allemande 2001), 127 pages.
_____.
(2013). Un monde de déchirements, trad. Pierre Rusch et Olivier Voirol,
Paris : La Découverte, 299 pages.
_____.
(2013). Ce que social veut dire : 1. Le déchirement du social, trad.
Pierre Rusch, Paris : Gallimard (éd. originale allemande 1990 &
1999 ; 2007 ; 2010), 334 pages.
_____.
(2015). Ce que social veut dire : 2. Les pathologies de la raison,
trad. Pierre Rusch, Paris : Gallimard (éd. originale allemande 1990 &
1999 ; 2007 ; 2010), 379 pages.
_____.
(2015). Le droit de la liberté : Esquisse d’une éthicité démocratique,
trad. Frédéric Joly et Pierre Rusch, Paris : Gallimard (éd. originale
allemande 2011), 596 pages.
_____. (2015). L’éducation en démocratie : un
chapitre négligé de la philosophie politique, Christophe Bouton, Guillaume
Le Blanc (dir) Capitalisme et démocratie. Autour de l’œuvre d’Axel
Honneth, p. 18-19.
_____.
(2017). Critique du pouvoir. Michel Foucault et l’École de Francfort,
élaborations d’une théorie critique de la société, trad. Pierre Rusch et
Olivier Voirol, Paris : La Découverte, 384 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire