Dans son oeuvre, Nobert Élias a insisté sur la nécessité de mettre un terme à
l’opposition historique entre société et individus. Pour lui, on ne retrouve pas d’une part des groupes constituants et d’autre part des individus indépendants de
la société. Tout comme il ne saurait y avoir de société sans une population, l’individu nécessairement en relation avec les
autres. Tout notre rapport aux autres est
éminemment social, tout comme notre tentative de nous en détacher, en mettant
l’accent sur le caractère hypothétiquement exclusif de notre identité. Nous vivons d’interactions
tout au long de notre vie. Nous sommes tous influencés par
nos interactions avec les autres. Par ses
travaux et son concept d’interpénétration, Élias pose un regard qui parvient
véritablement à cerner où se situe le solde de cette opposition entre individus
et sociétés. En identifiant non plus
l’individu ou la société, comme élément central sur lequel l’étude sociologique
doit s’appuyer, mais plutôt les relations qui existent entre ces individus et
la société, le sociologue allemand opère un basculement épistémologique qui permet de
dépasser cette dichotomie pourtant encore existante dans certaines sphères des
sciences humaines et sociales Élias tend donc à démontrer
que le tissu relationnel est le fondement de tous nos rapports et de
l’organisation sociétale dans laquelle un individu s’inscrit, mais aussi qu’il
façonne par sa propre présence. En ce sens, le concept d’interpénétration semble davantage porteur que ceux de reconnaissance,
interdépendance ou intersubjectivité qui sont parfois utilisés au niveau des
sciences sociales. Derrière cette idée d’interpénétration, le sociologue va plus loin
que s’il utilisait strictement le concept d’interdépendance, car ce dernier
sous-entend plutôt que les individus sont liés, mais dans un mode automatique,
implicite et indiscutable, dépourvu de reconnaissance et d’engagement. L’idée
d’intersubjectivité, pour sa part, se veut abstraite, mais sous-entend tout de
même la conception d’une certaine influence phénoménologique entre les
individus. Par contre, le concept d’interpénétration correspond davantage avec ce qui est relaté et observé au sein de nos
sociétés. Non seulement, les gens sont interdépendants, reliés, coresponsables,
mais l’évolution de chacun d’eux pénètre les autres individus de manière
implicite ou explicite, pour façonner leur devenir. Cela s’opère au niveau de
chacune des relations ou de chacun de ces liens entre individus, pour former
une mosaïque d’interpénétrations qui constitue la société. Celle-ci n’évolue
donc pas de manière mécanique, comme si un grand esprit organisait le
changement et l’évolution, mais plutôt de manière organique, perpétuelle et jamais
finie.
Référence:
Élias, N.
(1993). Qu’est-ce que la sociologie ? Paris : Éditions de l’aube. Première
édition parue en allemand en 1970.
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