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31 mai 2013

Les objets dans la formation

Adé, D., de Saint Georges, I. (dirs.) (2010).  Les objets dans la formation. Usages, rôles et significations. Toulouse : Octarès Éditions.
Ce livre est une production collective qui regroupe dix-sept auteurs provenant de la France, de la Suisse romande et du Luxembourg.  Outre l’introduction et la conclusion, nous retrouvons ici neuf chapitres regroupés en trois grandes sections (trois chapitres par section) : 1- la construction située et la dynamique des significations de l’objet; 2- le rôle des objets dans l’articulation entre les activités individuelles et collectives; 3- les transformations conjointes des individus, des objets et des environnements de formation. Les contributions abordent toutes d’une manière ou d’une autre la question de la place et de l’usage des objets dans les situations de formation. C’est dire qu’il s’agit là d’une thématique relativement peu connue et ce, même si elle repose déjà sur un certain nombre de productions devenues canoniques (on pense notamment aux travaux de Rabardel). Ainsi, le néophyte en la matière aura l’occasion de découvrir un champ de recherche fort intéressant. Pour ceux qui s’y connaissent déjà, l’ouvrage sera aussi d’un grand intérêt car il présente des recherches récentes qui s’alimentent à divers courants (approches situées de l’apprentissage et didactique professionnelle pour ne nommer que les deux plus influentes). Les deux responsables de l’ouvrage – David Adé et Ingride de Saint-Georges – ont rédigé une introduction remarquable de clarté, laquelle situe bien à la fois l’historique de ce champ de recherche, les principaux courants de pensée qui le traversent ainsi que les enjeux et les questionnements actuels. Ainsi, sont posées des questions telles : Quel est le statut ontologique de l’objet ? Quels objets prendre en considération dans une recherche ? Sur quelles traces s’appuyer pour mener une analyse du rôle des objets ? Quelles sont les fonctions réellement jouées par les objets dans les situations de formation ? On notera aussi la pertinence du premier chapitre (section un de l’ouvrage) signé par Bernard Blandin. Ce texte présente succinctement, mais de manière rigoureuse, l’objet tel que pensé dans différentes disciplines : anthropologie, philosophie, technologie, sociologie, psychologie cognitive, psychanalyse, sémiologie. Un tour d’horizon rapide mais captivant. De la même manière, l’ouvrage bénéficie d’une excellente conclusion signée par Christian Brassac. Celle-ci reprend les principaux éléments vus au fil des chapitres et pose de façon limpide la problématique du triptyque «formant-objet-apprenant» au cœur des recherches sur la place, l’usage et la signification de l’objet en formation. Il s’agit ni d’un ouvrage grand public, ni même d’un livre pour les professionnels des milieux scolaires. Les contributions regroupées par Adé et de Saint-Georges s’adressent à un public savant de chercheurs en sciences de l’éducation et dans les disciplines connexes. Ceux-ci trouveront matière à alimenter leurs réflexions sur les situations de formation.

30 mai 2013

Genève : creuset des sciences de l'éducation

Hofstetter, Rita (2010). Genève : creuset des sciences de l’éducation (fin du XIXe siècle – première moitié du XXe siècle). Genève: Librairie Droz.
Cet ouvrage est «costaud»! Il fait 686 pages, ce qui n’est pas rien. Mais, bien que son ampleur puisse rebiffer plus d’un lecteur, son contenu est néanmoins accessible. Comme son titre le laisse entendre, ce livre brosse un tableau de la naissance des sciences de l’éducation dans la ville de Genève de la fin du 19e siècle jusqu’au milieu du 20e siècle. L’oeuvre est divisée en trois grandes parties qui couvrent chacune des périodes charnières des sciences de l’éducation à Genève. La première partie se penche sur la période allant de 1890 à 1911 et comprend quatre chapitres. On y découvre les premiers balbutiements des sciences de l’éducation avec notamment la création de la première chaire de pédagogie à l’Université de Genève. Les sciences de l’éducation sont alors rattachées aux sciences morales. On y constate aussi que, très tôt, des chercheurs comme Claparède voudront plutôt «sortir» les sciences de l’éducation du giron des sciences morales pour les associer à la psychologie expérimentale. La partie deux est, quant à elle, découpée en six chapitres et analyse la période allant de 1912 à 1929. C’est l’époque de la création l’Institut Rousseau (1911-1912). Cette partie scrute à la loupe aussi les rapports qu’entretient cet Institut avec les milieux de pratique et avec le mouvement de l’Éducation nouvelle. Nous y découvrons également les tensions entourant le rattachement de l’Institut (au départ indépendant) à l’Université de Genève. Enfin, pour l’essentiel, la troisième partie (1930-1948) – comportant quatre chapitres – analyse deux processus : celui de l’intégration de l’Institut Rousseau à l’Université et celui de la diversification des objets de recherches et de ce que l’auteure appelle la professionnalisation de la recherche en sciences de l’éducation, professionnalisation qui conduira notamment à la création de la faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève. Ce travail a été mené de main de maître. D’abord, sur le plan de sa structure, l’ouvrage est d’une grande cohérence. Ensuite, l’écriture est limpide et sait toujours éviter le jargon inutile. L’auteure a fait un travail remarquable de fouilles dans les archives universitaires et gouvernementales et les férus de données précises trouveront ainsi en annexes une multitude de renseignements allant de la liste de tous les enseignants de l’Institut Rousseau, aux thèses soutenues en sciences de l’éducation, en passant par les titres des revues dans lesquelles les chercheurs genevois publient, etc. Le lecteur pourra aussi côtoyer des noms qui sont restés célèbres dans l’histoire. Outre Claparède déjà mentionné plus haut, on pense à Dottrens, Ferrière, Bovet et, bien entendu, à Piaget. En définitive, il s’agit d’un livre de qualité qui plaira à quiconque est intéressé par les débuts des sciences de l’éducation, débuts qui ont vu naître des tensions qui, rappelons-le, sont toujours présentes aujourd’hui : discipline / profession; science / militance.

29 mai 2013

Ce qui transcende les cultures

Contre les adeptes purs et durs du relativisme culturel, il faut soutenir et démontrer qu'il existe des structures d'action et de pensée qui transcendent les particularités culturelles. Dit autrement, nous partageons une sémantique commune.

Référence :
Pharo, P. (1997). Sociologie de l'esprit. Conceptualisation et vie sociale. Paris : PUF. Collection sociologies.

La liberté

La liberté c'est moins faire ce que l'on veut - cela relève avant tout de la licence - que respecter les principes de justice et de vérité. Donc, être libre ce n'est pas vivre sans contrainte mais vivre sous la contrainte de la justice et de la vérité.

Mal et responsabilité

En société, plus la source du mal est protéiforme, moins on se sent responsable.

27 mai 2013

Inégalités

Le néolibéralisme - mais pas seulement lui - nous dit qu'il est impossible d'éradiquer les inégalités sociales. Peut-être est-ce vrai. Mais cela ne signifie aucunement que le statu quo soit acceptable. Car, même si les inégalités sociales sont inévitables, cela ne nous dispense aucunement de nous interroger afin de statuer sur lesquelles sont humainement acceptables.

Le meilleur et le pire

L'histoire semble nous apprendre que, lorsque l'on veut réaliser le meilleur, on provoque le pire. Peut-être alors est-il préférable, plus modestement, de simplement chercher à éviter le pire.

26 mai 2013

Modestie

Je suis modeste...Je suis le plus modeste de tous dit-il avec conviction.

23 mai 2013

Gouvernement

Si le gouvernement des philosophes est une utopie, le gouvernement des médiocres et des fourbes est, quant à lui, bel et bien une réalité...pour notre plus grand malheur.

22 mai 2013

Où allons-nous ?

Toutes les civilisations dans l'histoire ont connu un essor et un déclin puis ont disparu. Le déclin de l'Occident a fait couler bien de l'encre - et chauffer bien des claviers - depuis quelques décennies. Il n'y a pas consensus en la matière et si certains annoncent la mort de notre civilisation, d'autres en exaltent la capacité à se renouveler. Qui a raison ? Qui a tort ? Bien malin celui qui saurait le dire. Néanmoins, force est de constater que l'Occident - et le reste du monde avec lui - se transforme rapidement et en profondeur. Et, nul ne sait exactement où tout cela va nous mener. On peut donc dire, au moins, que cette incapacité à prévoir de manière assez certaine ce que sera notre futur est une caractéristique de notre modernité tardive (que certains veulent postmoderne) et que cette incertitude produit son lot d'angoisses. 

Brève discussion à partir de Max Weber

Le sociologue allemand Max Weber (1864 – 1920) - un des pères de la sociologie - rejetait  tant le positivisme que l’idéalisme comme paradigmes pour les sciences humaines et sociales (SHS). Il les considérait tous les deux comme inadéquats. Pour lui, le positivisme se trompait parce qu'il réduit la science à une explication causale calquée sur celles de la physique. Explication simpliste lorsque l'on se penche sur les phénomènes humains. De son côté, l'idéalisme lui apparaissait comme peu pertinent en raison de son manque de relation avec les faits empiriques.
Max Weber a donc cherché à dépasser ces deux courants. Pour ce faire, il a mis de l'avant la question de la compréhension du sens. La connaissance en SHS consisterait donc, selon lui, à établir des relations de sens pour une saisie significative des actions sociales, historiques et culturelles. Ainsi, les phénomènes humains peuvent être compris en fonction des valeurs et des sentiments subjectifs qui les motivent.

21 mai 2013

Être à la hauteur

Nous sommes rarement - sinon jamais - à la hauteur de ce que nous pouvons devenir mais nous devrions toujours essayer de gagner les sommets de notre être.

Droit et mondialisation

Amato Mangiameli, Agata C. (2009). Dans un monde post-national. Québec: PUL. Collection Dikè. Traduit de l’italien par Charlotte Baskousche.

Livre difficile bien que relativement court (172 pages) en raison notamment de très nombreuses notes en bas de page en italien, allemand, anglais et français. On se demande pourquoi les notes en italien et en allemand n'ont pas été traduites puisque le livre est édité ici aux Presses de l'Université Laval. L'ouvrage est toutefois fort intéressant pour la vue d'ensemble qu'il donne sur les questions de droit que soulève l'émergence d'un monde «post-national». 

Mme Amato Mangiameli est professeure à l'Université Rome 2 - Tor Vergata et spécialiste de la philosophie du droit.

19 mai 2013

Développement professionnel, curriculum, enseignement


Référence
Shawer, S. (2010). Classroom-level teacher professional development and satisfaction : teachers learn in the context of classroom-level curriculum development, Professional Development in Education, 36(4), 597-620.
Définition du concept de développement professionnel
Le développement professionnel constitue l’amélioration continue du savoir et des compétences professionnelles tout au long de la carrière. Il inclut tous les types d’apprentissages professionnels effectués par les enseignants à partir de la formation initiale (Craft, 1996). En enseignement, le développement professionnel est considéré comme un apprentissage qui s’effectue tout au long de la carrière, c’est pourquoi l’on parle de développement professionnel continu. (Anderson and Olsen 2006, Christie and Kirkwood 2006). Le développement professionnel inclut des activités d’apprentissage formelles et informelles qui permettent aux enseignants d’améliorer leurs pratiques.
Concepts associés au développement professionnel
Le développement professionnel est lié au curriculum
L’approche du curriculum adoptée par l’enseignant va influencer à la fois l’enseignant, les élèves, le curriculum, le développement de l’école et le développement professionnel de l’enseignant (Randolph et al. 2007, Shawer et al. 2008). À l’inverse, le développement professionnel va également influencer l’implantation du curriculum et l’apprentissage des élèves (Lee et al. 2008). Ainsi, le curriculum enseignant et le développement professionnel sont interdépendants (Shawer et al. 2008) : un développement professionnel efficace et des enseignants qualifiés favorisent l’implantation et le développement du curriculum et, d’un autre côté, les enseignants qui s’engagent dans des activités de développement du curriculum améliorent leurs compétences professionnelles (Shawer et al. 2009). Les activités de développement du curriculum offrent ainsi des expériences d’apprentissages intéressantes pour les enseignants qui peuvent favoriser le développement de connaissances et de compétences liées à la connaissance de leur sujet d’enseignement, à la prise de décisions, à la pensée critique et aux habiletés pédagogiques (Edge and Wharton, 1998).
Cadre théorique du développement professionnel
Le développement professionnel au niveau de la classe (classroom-level teacher professional development (CTPD)
Il s’agit d’une approche de développement professionnel qui est définie comme suit : « a process through which teachers continue to broaden and improve their professional competence through curriculum developments at the classroom level. » (p. 598). Ce processus de développement du curriculum inclut des activités telles que : développement de matériel en lien avec le curriculum, création d’un nouveau curriculum au niveau de la classe (adaptation du curriculum formel, ajouts, retraits, ajustements selon le contexte et les élèves, etc.). Le CTPD inclut également des activités de création du curriculum telles que : écriture des objectifs du curriculum, sélection du contenu, utilisation de stratégies d’enseignement et d’évaluation, etc.  Pour sa part, le processus de transmission du curriculum consiste en l’implantation du curriculum formel (implique une fidélité au guide, au plan d’enseignement et offre peu de possibilités de développement).
Selon West (1998) (de même que : Craig , 2006; King ,2002 et Kwakman, 2003), les activités de développement du curriculum contribuent au développement de l’enseignement mieux que certaines activités plus traditionnelles. De même, les activités de CTPD ont un impact positif sur la satisfaction professionnelle des enseignants (Edge and Wharton 1998, Ben-Peretz et al. 2003, Brewer et al. 2008).
Éléments méthodologiques
Il s’agit d’une recherche qualitative portant sur l’impact du développement professionnel au niveau de la classe (CTPD : incluant développement du curriculum et création du curriculum) et de la transmission du curriculum (teacher curriculum transmission) sur le développement professionnel et la satisfaction des enseignants. L’étude a été effectuée auprès d’enseignants d’anglais langue seconde et de leurs élèves de trois écoles de Manchester au Royaume-Unis.
Les données proviennent de l’observation des enseignants en classe (entre 12 à 26 fois sur un total d’un semestre complet). Ces enseignants ont été classés en trois catégories :
1) Créateurs de curriculum : 3 enseignants qui ont évalué les besoins de leurs élèves et ont construit leur curriculum à partir de l’évaluation de ces besoins.
2) Développeurs du curriculum : 5 enseignants qui complètent et adaptent le curriculum formel en ce qui concerne le matériel et les sujets à enseigner.
3) Transmetteurs du curriculum : 2 enseignants qui suivent de près leurs manuels.
Des entrevues semi-structurées ont été réalisées auprès de chacun des enseignants afin de découvrir l’impact de leur approche du curriculum quant à leur développement professionnel. Une entrevue pré-observation et post-observation (durée entre 3 à 10 minutes) ont également été réalisées afin de clarifier certains concepts et de valider les données observées. Une entrevue de groupe a été effectuée afin de dresser les conclusions de l’étude et de valider les données collectées. Les entrevues ont été enregistrées, retranscrites et codées.
Résultats
Développement professionnel et CTPD
Les développeurs du curriculum ont acquis différentes habiletés, en ce sens que l’adaptation du curriculum (ajouts, retraits, ajustements, etc.) leur a permis de se familiariser avec différentes techniques, approches et matériel d’enseignement. Ainsi, le développement du curriculum agit positivement quant au développement professionnel continu des enseignants.
Le CTPD constitue une formation à vie, puisque, à la fois les développeurs et les créateurs du curriculum, sont placés dans un contexte d’apprentissage continu (application de nouvelles méthodes et approches pédagogiques, création de matériel, etc.). Par contre, les transmetteurs du curriculum, qui ne font qu’appliquer ce qui est prescrit dans les guides et les manuels, ne se développent pas vraiment professionnellement.
Développement d’habiletés d’enseignement génériques et CTPD
Les développeurs et les créateurs du curriculum développent leurs habiletés d’enseignement générales, pouvant être employées pour enseigner n’importe quelle matière  lorsqu’ils adaptent le contenu d’enseignement, qu’ils découvrent de nouvelles manières de transmettre ce contenu à leurs élèves, qu’ils expérimentent du nouveau matériel ou de nouvelles méthodes d’enseignement, etc.
Les développeurs du curriculum utilisent trois techniques de rétroaction avec la classe :
1) Poser des questions qui demandent des réponses spécifiques : afin de tester les connaissances des élèves.
2) Poser des questions à réponses multiples : afin de vérifier la compréhension des élèves (questions commençant par « pourquoi » ou « comment »).
3) Poser des questions qui encouragent la discussion : afin d’encourager les débats d’opinions, les nouvelles idées, etc.
Les créateurs du curriculum utilisent beaucoup l’apprentissage social (interactions, discussions, apprentissage coopératif, tutorat, brainstorming, jeux de rôles, résolution de problèmes, etc.).
Les transmetteurs du curriculum utilisent surtout la transmission d’informations, la lecture et la prise de notes, alors que les développeurs ou les créateurs du curriculum utilisent des stratégies d’enseignement plus variées. 
Développement d’habiletés quant à l’enseignement de la matière (anglais langue seconde) et CTPD
Les développeurs et les créateurs du curriculum ont développé des habiletés quant à l’enseignement de l’anglais langue seconde, par exemple : méthode audio-linguistique, stratégies d’enseignement didactiques, enseignement de la communication, méthodes inductives (enseignement implicite de différents éléments liés au langage), etc. Les transmetteurs du curriculum axent davantage sur l’enseignement structurel (règles, grammaire, etc.) et utilisent rarement l’apprentissage social.
Connaissance du sujet d’enseignement et CTPD
Les développeurs du curriculum (et les créateurs) améliorent leur connaissance quant au sujet d’enseignement en allant au-delà de ce qui se trouve dans le manuel (adaptation des activités, recherches supplémentaires, approfondissement). Par contre, les transmetteurs du curriculum n’améliorent pas leur connaissance du sujet puisqu’ils ne consultent pas d’autres sources que leur manuel.
Compétences quant au curriculum et CTPD
Les développeurs du curriculum développent des habiletés au niveau macro et micro du curriculum. Au niveau macro, il s’agit de stratégies quant à l’ensemble du curriculum, telles que : intégration du contenu, évaluation du matériel, planification du curriculum, changement du curriculum (enrichissement et adaptation), expérimentation du curriculum, conception du curriculum, création de matériel, etc. Au niveau micro, ils développent différents habiletés spécifiques telles que l’adaptation des manuels. Par contre, les transmetteurs du curriculum ne développent aucune habileté en ce sens et ils utilisent des micro-stratégies qui peuvent s’avérer négatives : enseignement unité par unité, leçon par leçon (morcellement), de même que des macro-stratégies négatives : séquences linéaires, contenu prédictible, suivi intégral du manuel, etc.
Satisfaction professionnelle et CTPD
Le CTPD a une influence positive sur la satisfaction professionnelle des enseignants. Il contribue a avoir une image positive de la profession et il augmente le respect de soi, le sentiment d’accomplissement, la satisfaction au travail, le sens de la créativité, la confiance en soi et la motivation. Les développeurs du curriculum et les créateurs du curriculum apprécient le fait de ne pas seulement suivre ce qu’il y a dans les manuels car les adaptations, créations de matériel et ajouts d’activités leur permettent de demeurer motivés et de faire preuve de créativité. À l’inverse, les transmetteurs du curriculum démontrent des signes d’insatisfaction au travail, une faible motivation, un sentiment de dépendance envers les manuels et les guides et un manque de confiance en soi. Les élèves des créateurs ou des développeurs du curriculum sont également plus motivés en classe que les élèves des transmetteurs du curriculum.
L’influence du CTPD sur le développement professionnel des enseignants
Le CTPD (développement du curriculum ou création du curriculum) entraîne un développement professionnel significatif chez les enseignants, notamment en ce qui concerne  la connaissance du sujet, les habiletés pédagogiques et la compétence quant au curriculum. À l’inverse, la transmission formelle du curriculum permet rarement d’améliorer la connaissance du sujet, les habiletés pédagogiques ou la compétence quant au curriculum. Cette transmission entraîne plutôt des effets négatifs : enseignement morcelé (leçon par leçon), séquence trop linéaire, planification de leçon trop statique, etc.
Conclusion
Puisque le CTPD a un impact positif a la fois sur le développement et sur la satisfaction professionnelle des enseignants, Shawer le recommande en tant que stratégie de développement professionnel  continu efficace. « By supplying missing important curriculum elements, adapting curriculum topics and materials, and skipping over irrelevant curriculum elements, teachers broaden their professional skills and improve curriculum implementation, student learning and schools. » (p. 615).
Shawer souligne que les enseignants pourraient être évalués chaque semestre quant à leur contribution au développement du curriculum : adaptations et révisions apportées quant aux objectifs du curriculum, stratégies d’enseignement, développement de cours  et d’habiletés, évaluation des élèves, etc.
Références
  • Anderson, L. and Olsen, B., 2006. Investigating early career urban teachers’ perspectives on and experiences in professional development. Journal of teacher education, 57 (4), 359–377.
  • Ben-Peretz, M., Mendelson, N., and Kron, F.W., 2003. How teachers in different educational contexts view their roles. Teaching and teacher education, 19 (2), 277–290.
  • Brewer, E.W., Lim, D.H., and Cross, M.E., 2008. Job satisfaction and employee perception of the learning environment in the health care management industry. Journal of leadership studies, 1 (4), 37–50.
  • Christie, D. and Kirkwood, M., 2006. The new standards framework for Scottish teachers: facilitating or constraining reflective practice? Reflective practice, 7 (2), 265–276.
  • Craft, A., 1996. Continuing professional development: a practical guide for teachers and schools. London: Routledge.
  • Craig, C.J., 2006. Why is dissemination so difficult? The nature of teacher knowledge and the spread of curriculum reform. American educational research journal, 43 (2), 257–293.
  • Edge, J. and Wharton, S., 1998. Autonomy and development: living the materials world. In: B. Tomlinson, ed. Materials development in language teaching. Cambridge: Cambridge University Press, 295–310.
  • King, M.B., 2002. Professional development to promote school-wide inquiry. Teaching and teacher education, 18 (3), 243–257.
  • Kwakman, K., 2003. Factors affecting teachers’ participation in professional learning activities. Teaching and teacher education, 19 (2), 149–170.
  • Lee, O., Maerten-Rivera, J., Penfield, R.D., LeRoy, K., and Secada, W.G., 2008. Science achievement of English language learners in urban schools: results of a first-year professional development intervention. Journal of research in science teaching, 45 (1), 31–52.
  • Randolph, D., Duffy, E., and Mattingly, K., 2007. The 3 P’s of curriculum redesign: principles, personal qualities and process. Independent school, 66 (3), 86–92.
  • Shawer, S., Gilmore, D., and Banks-Joseph, S., 2008. Student cognitive and affective development in the context of classroom-level curriculum development. Journal of the scholarship of teaching and learning, 8 (1), 1–28.
  • Shawer, S., Gilmore, D., and Banks-Joseph, S., 2009. Learner-driven EFL curriculum developments at the classroom level. International journal of teaching and learning in higher education, 20 (2), 125–143.
  • West, M., 1998. Quality in schools: developing a model for school improvement. In: A. Hargreaves, A. Lieberman, M. Fullan, and D. Hopkins, eds. International handbook of educational change. Part 2. Dordrecht, The Netherlands: Kluwer Academic Publishers, 786–789.

17 mai 2013

Gouvernement ou gouvernance ?

Quand l'État conçoit son rôle prioritairement en terme de gestion des coûts, des services (ceux qui ne sont pas donnés au privé) et des ressources humaines, peut-on encore parler de gouvernement ou n'est-il pas mieux de parler simplement de gouvernance ?

Peuple

Lorsque le peuple est pensé comme une simple pluralité de sujets individuels, l'intérêt commun s'efface devant les intérêts particuliers.

Quand des politiques administratives nuisent à l'enseignement


Référence
Mensah, F. M. (2010). Toward the mark of empowering policies in elementary school science programs and teacher professional development, Cultural Studies of Science Education, 5, 977-983.
Résumé
Mensah démontre comment les politiques administratives véhiculées dans deux différents contextes auprès d’enseignants du primaire ont influencé négativement, de manière similaire, le développement professionnel des enseignants et l’apprentissage des élèves en sciences. Les nouvelles politiques adoptées ont nui aux pratiques sur lesquelles les enseignants travaillaient préalablement.
Cadre théorique du développement professionnel
L’enseignement des sciences et le développement professionnel :
Les enseignants de sciences à l’élémentaire ont besoin de développement professionnel et ce pour plusieurs raisons :
1) Les sciences sont souvent mises en marge car elles ne sont pas considérées comme centrales dans le curriculum.
2) La majorité des enseignants de science au primaire ne sont pas des experts en science. Ils ne sont pas toujours à l’aise quant au contenu scientifique et à la manière de l’enseigner aux élèves.
3) Un programme élémentaire de sciences bien construit permet aux élèves d’avoir les connaissances et les compétences de base pour les programmes de sciences plus avancés. 
Contexte aux États-Unis :
Avec l’application du No Child Let Behind Act (NCLB), qui met l’accent sur l’enseignement des matières de base (langue et mathématiques), l’enseignement des sciences est parfois limité. Mensah rapporte le cas d’une enseignante ayant voulu effectué une formation professionnelle de cinq jours en sciences et dont la direction a refusé puisqu’elle voulait que les enseignants se centrent sur les standards d’évaluation du NCLB  à atteindre. Mensah souligne toutefois qu’elle comprend la pression qui repose sur les épaules des administrateurs mais elle est tout de même déçue que les politiques administratives nuisent à l’accès à certaines expériences de développement professionnel chez les enseignants.
L’auteure reprend certains résultats de l’étude de Rodriguez (voir recension de Rodriguez pour plus de détails) pour démontrer comment certaines politiques administratives sont venues limiter les efforts de développement professionnel d’un enseignant du primaire, en sciences. En effet, dans cette étude, l’enseignant, qui avait participé à un projet de développement professionnel en sciences, et qui faisait des sciences à chaque jour avec ses élèves,  a dû limiter le temps alloué aux sciences pour se concentrer davantage sur l’enseignement de la langue (en raison d’une politique administrative faisant suite au NCLB).
Dans une autre recherche, effectuée par Carlone, Haun-Frank and Kimmel (pas citée dans la bibliographie de l’article…), un groupe de 13 enseignants a également dû diminuer le temps passé à enseigner les sciences dû aux politiques liées au NCLB. Ils se sont alors centrés sur l’enseignement de standards en sciences, de façon plus magistrale.  Les auteurs de cette étude soulignent que le problème ne vient pas des enseignants mais plutôt des politiques en place.
Dans les deux études, les enseignants avaient instauré des changements quant à leur façon d’enseigner les sciences, afin de mieux rejoindre les élèves et de favoriser leur réussite. Toutefois, une fois les nouvelles politiques mises en place, la diminution du temps alloué à l’enseignement des sciences a fait en sorte qu’ils ont changé leur façon d’enseigner pour revenir à des méthodes plus traditionnelles (diminution de la qualité et du temps) et cela a également nuit à leur développement professionnel. Les politiques administratives découlant du NCLB sont alors perçues comme à la fois oppressives et régressives :  « These types of policies subvert rather than uphold innovative teaching, learning and professional development in many schools left paralyzed by national, state, district, local or school-based ‘‘opp(regre)ssive’’ policies, such as No Child Left Behind, on elementary science education. » (p. 980).
Mensah souligne que l’apprentissage des sciences constitue un droit civil (Tate, 2001), mais que les politiques en place à l’élémentaire, telle que le NCLB, font en sorte qu’il est difficile d’inclure l’apprentissage des sciences en tant que sujet prioritaire au sein du curriculum. Ainsi, les élèves du primaire n’ont pas accès à un enseignement de sciences de qualité et les enseignants n’ont pas accès à des opportunités de développement professionnel en sciences afin d’améliorer leur connaissance du contenu et leurs manières d’enseigner les sciences. L’auteure ajoute que le fait que les sciences ne constituent pas une priorité à l’élémentaire, tant au point de vue de la formation des élèves que du développement professionnel des enseignants risque d’avoir des répercussions quant à la préparation des élèves pour les programmes de sciences plus avancés (au secondaire ou au collégial). Elle ajoute que les enseignants ne seront alors pas à blâmer, puisqu’ils appliquent les politiques qui leur sont demandées.
Sans avoir un mandat formel, Mensah indique qu’elle en fait beaucoup quant à la promotion des sciences au sein d’une école de New York depuis les cinq dernières années : communication avec la direction, placement de stagiaires au sein de l’école, développement d’une culture de sciences au sein de l’école, création de jours de la science au sein de l’école, conférence en sciences accompagnée par une des enseignantes, soutien et mentorat à une enseignante en sciences, etc. Ainsi, même si certaines politiques agissent comme des contraintes, Mensah et les enseignantes de cette école ont mis en place des politiques d’empowerment  qui favorisent la réussite des élèves et le développement professionnel des enseignants en sciences.
Références
  • Rodriguez, A., J. (2010). Exposing the impact of opp(reg)ressive policies on teacher development and on student learning, Cultural Studies of Science Education, 5, 923-940.
  • Tate, W. (2001). Science education as a civil right: Urban schools and opportunity-to-learn considerations. Journal of Research in Science Teaching, 38, 1015–1028.

16 mai 2013

Savoir d'expérience des enseignants

Le savoir d’expérience des enseignants, selon Tardif et Lessard (1999), est un “savoir ouvragé” c’est-à-dire qu’il est lié aux tâches de travail, mobilisé dans la pratique et acquis dans l’action à l’école en général et dans la classe en particulier. C’est un “savoir pratique”, en ceci que son utilisation est fonction de son adéquation aux tâches concrètes que requiert l’enseignement, aux problèmes que l’enseignant rencontre et aux situations qu’il vit. C’est aussi un “savoir interactif” en ce sens qu’il est mobilisé et façonné dans le cadre des interactions entre l’enseignant et les autres acteurs en éducation (élèves, collègues, membres de la direction, parents, etc.). Le savoir d’expérience est par ailleurs un “savoir syncrétique, pluriel et hétérogène” qui ne repose pas sur une base de connaissances unifiée et cohérente. Donc, c’est un savoir “faiblement formalisé” qui est moins connaissance sur le travail que connaissance au travail enseignant. Il peut aussi être qualifié de “complexe et non analytique”, c’est-à-dire qu’il imprègne tout autant les conduites du praticien que sa conscience discursive. C’est un savoir “ouvert, dynamique, personnalisé et existentiel” car il permet l’intégration d’expériences nouvelles, il se transforme en fonction de la socialisation au métier, il porte en outre la marque de la personnalité de l’enseignant et il est lié non seulement à l’expérience de travail mais également à l’histoire de vie du sujet. Enfin, le savoir d’expérience est un “savoir social” en ce sens qu’il conduit l’enseignant d’une part, à prendre position vis-à-vis les autres types de savoirs et ceux qui en sont les porteurs, et, d’autre part, à établir une hiérarchie des savoirs selon l’analyse du travail qu’il effectue.
référence
Tardif, M., Lessard, C. (1999). Le travail enseignant au quotidien. Contribution à l’étude du travail dans les métiers et les professions d’interactions humaines. Québec, Les Presses de l’Université Laval.

15 mai 2013

Que les États redeviennent des États

Dans les prochaines années, saurons-nous ramener nos États à être autre chose que les gardiens des droits du commerce et de la finance ?

Universel, particulier, altérité

Il n'y a de l'universel qu'à travers le particulier. Et, il n'y a du particulier que parce qu'il y a de l'altérité.

Sens commun

Le sens commun de nos jours se réduit trop souvent à une doxa produite par les médias.

14 mai 2013

Le meilleur des mondes?

L'interprétation techno-scientifique de l'expérience humaine et sa régulation pharmacologique nous conduiront-elles au meilleur des mondes tel qu'Aldous Huxley l'avait imaginé ?

13 mai 2013

Devoir de mémoire


Bref journal d'une jeune adolescente juive polonaise, disparue à Auschwitz en août 1943, suivi, en complément, de deux textes fort intéressants. Lecture bouleversante. 
Laskier, R. (2008). Le journal de Rutka : janvier-avril 1943. Suivi de «Ma sœur Rutka» par Zahava Laskier Sherz et de «Les juifs et la Pologne» de Marek Halter. Paris : Robert Laffont.

Lecture pour comprendre notre monde actuel

Fossaert, Robert (2003). Civiliser les États-Unis. Édition électronique. Collection «Les classiques des sciences sociales. http://classiques.uqac.ca/
Un document produit en version numérique par Robert Fossaert, économiste marxiste
Courriel: robert.fossaert@wanadoo.fr
Également disponible à l'adresse suivante :

Besoin de catastrophes ?

Je me demande si nos sociétés ne fonctionnent pas aux catastrophes. Par exemple, il aura fallu la Grande Dépression pour que l'État intervienne vraiment et autrement dans l'économie, ouvrant ainsi la porte à l'État providence des «trente glorieuses», il aura fallu la 2e Guerre Mondiale pour que le racisme soit véritablement discrédité à grande échelle. Peut-être nous faudra-t-il des catastrophes économiques et climatiques majeures pour que nous dépassions les pensées consumériste et technico-économique et le capitalisme financier qui les soutient. Ce n'est peut-être qu'à ces occasions que les discours aliénants cessent - pour un temps - de faire effet.

12 mai 2013

La folie d'une époque

Chaque époque a connu sa folie, sa démesure. La nôtre s'appelle capitalisme financier.

11 mai 2013

Des manières de voir le monde

Il y a ceux qui nous disent que le monde est à prendre tel qu'il est. Ceux-là s'accommodent bien des inégalités et des injustices. Il y a aussi ceux qui nous disent que le monde peut et doit être changé. Parmi  eux, il y a ceux qui le veulent plus inégal et plus injuste. Pour eux, les mots solidarité et bien commun n'existent pas. Enfin, il y a ceux qui veulent un monde plus juste, plus égalitaire, plus solidaire. Ceux-là désespèrent des deux premiers groupes.

10 mai 2013

Garde-fous nécessaires

Après les dérapages de 2007-2008 et l'inaction qui a suivi (malgré les belles paroles), on se demande quels séismes économiques nous faudra-t-il pour que les États élaborent des garde-fous contre la folie de la spéculation sur les marchés.

Sentiment d'efficacité professionnelle


Référence
Marcel, J.-F. (2009). Le Sentiment d’Efficacité Professionnelle, un indicateur pour connaître le développement professionnel des « nouveaux » professeurs de l’enseignement agricole français. Questions Vives, état de la recherche en Sciences de l’éducation : Le développement professionnel : Quels indicateurs ?, 5(11), 161-176.
Définition du concept de développement professionnel
Selon Barbier, Chaix et Demailly (1994), le développement professionnel consiste en « l’ensemble  des transformations individuelles et collectives de compétences et de composantes identitaires mobilisées ou susceptibles d’être mobilisées dans des situations professionnelles. ». Beckers (2007) identifie les deux volets du développement professionnel : les compétences et l’identité professionnelle.
En ce qui concerne l’identité professionnelle, Dubar (1991), en distingue deux dimensions : l’identité pour autrui (basé sur l’attribution, sur ce que les autres disent de soi) et l’identité pour soi (compétences perçues et revendiquées).
Posture théorique
Le développement professionnel est analysé selon une approche heuristique, en s’appuyant sur le « développement professionnel perçu » par les enseignants et à partir de l’indicateur « sentiment d’efficacité professionnelle ». Pour ce faire, l’auteur s’appuie sur  la définition de Bandura (2003) quant au sentiment d’efficacité personnelle : « L’efficacité personnelle perçue concerne la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2003, p. 12 cité ici p. 164)  Ainsi, les compétences qu’un individu pense maîtriser (sa confiance en ses capacités) vont jouer un rôle quant à  l’engagement de l’individu dans une tâche, sa persévérance et sa performance (Galand et Vanlede, 2004).
L’indicateur est défini par Lazarsfeld (1965) comme étant un élément observable permettant d’appréhender les dimensions d’un concept. Marcel ajoute que l’indicateur doit être à la fois pertinent (capable d’opérationnaliser le passage du niveau conceptuel au niveau empirique) et valide (capacité d’induire le concept à partir de l’indicateur). 
L’auteur se situe dans une démarche heuristique afin de mieux comprendre le développement professionnel, et non dans une démarche évaluative : « Dans le cas d’une démarche heuristique, l’indicateur résulte de l’opérationnalisation d’un concept et a pour fonction d’enrichir ce concept tandis que, dans le cas d’une démarche évaluative, il est d’abord collecté pour apprécier ses écarts avec un attendu, attendu élaboré lors du processus de référentialisation. » (p. 163)
Concepts associés au développement professionnel
Le développement professionnel est lié au sentiment d’efficacité professionnelle : Le sentiment d’efficacité professionnelle constitue un indicateur du développement professionnel.
Éléments méthodologiques
Enquête par le biais de questionnaires en ligne auprès de nouveaux professeurs de l’enseignement agricole français (cinq ans ou moins d’ancienneté).  Ces professeurs devaient effectuer une auto-évaluation quant à leur sentiment d’efficacité professionnelle. L’analyse a été effectuée selon une approche quantitative. Pour chaque énoncé du questionnaire correspondant à différentes facettes du métier, les professeurs devaient indiquer s’ils maîtrisaient cette facette sans problème, assez bien, avec quelques difficultés ou beaucoup de difficultés. 144 réponses ont été recueillies (sur un total possible de 368).
Résultats
En général, les professeurs de l’enseignement agricole disposent de base solides et le volet enseignement est bien maîtrisé (plus de 85% de maîtrise sans problème ou assez bien) : planification, mise en œuvre d’activités, évaluation, relations pédagogiques, relations avec les collègues, utilisation du matériel pédagogique, etc.
Les dimensions suivantes reçoivent entre 80 à 85% de maîtrise sans problème ou assez bien : gestion des imprévus, gestion de la sécurité des élèves, évaluation formative, accueil des parents d’élèves en difficultés, participation à des groupes de travail, analyse des problèmes rencontrés dans son enseignement et analyse des difficultés des élèves, etc.
Pour les dimensions qui reçoivent entre 70 à 80% de maîtrise sans problème ou assez bien,  Marcel indique qu’il y a  des zones d’incertitude, notamment quant à : la planification de l’organisation pédagogique et de l’évaluation des séances, l’enseignement du respect des règles et des consignes de sécurité dans les zones à risque, la participation à certains types de travaux d’équipe, etc.
Les dimensions ayant entre 65% et 70% de maîtrise sans problème ou assez bien sont considérées comme des zones de fragilité : l’utilisation d’outils informatiques, la gestion du temps, la gestion des élèves (anticipation et prise en charge de la perturbation), la préparation ou la mise en œuvre de séances pluridisciplinaires, etc.
Enfin, les dimensions ayant moins de 65% de maîtrise sans problème ou assez bien sont considérées comme des difficultés. Ces difficultés se retrouvent principalement dans deux domaines : diagnostiquer les difficultés des élèves afin d’adapter son enseignement (tant lors de la préparation que lors de la mise en œuvre des séances) et le travail à plusieurs (encadrement des rapports de stage, dossiers ou mémoires, évaluation à plusieurs et relations de partenariat).
En général, la contribution de la formation initiale quant à la maîtrise du métier est perçue comme importante par les professeurs. Toutefois, en ce qui concerne la dimension « travailler ensemble » de la profession, on note une corrélation entre l’absence de maîtrise de cette dimension et la faible contribution perçue de la formation initiale.
« Quand les enseignants pensent qu’ils ne maîtrisent pas une facette de leur métier ils évaluent faiblement la contribution de la formation (ce qui est assez logique puisqu’elle n’a pas « réussi » à leur permettre de la maîtriser). En revanche, quand ils la maîtrisent, ils évaluent parfois positivement la contribution de la formation (ils la maîtrisent « grâce » à la formation), parfois de manière plus mesurée. » (p. 171)
Par ailleurs, les enseignants ayant reçue une formation continue pour l’une ou l’autre des facettes du métier, maîtrisent généralement mieux cette facette que les enseignants n’en ayant pas reçue. La participation à une formation continue s’avère donc une variable discriminante par rapport au développement professionnel perçu.
Références citées
  • Bandura, A. (2003). Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle. Bruxelles : de Boeck.
  • Barbier, J.-M., Chaix, M.-L., et Demailly, L. (1994). Recherche et développement professionnel, Recherche et formation, 17.
  • Beckers, J. (2007). Compétences et identité professionnelle. L’enseignement et autres métiers de l’interaction humaine. Bruxelles : De Boeck.
  • Dubar, C. (1991). La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Armand Colin.
  • Galand, B. et Vanlede, M. (2004). Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation. Quel rôle joue-t-il ? D’où vient-il ? Comment intervenir ? Les Cahiers de  Recherche en Éducation et Formation, 29.
  • Lazarsfeld, P. (1965). Des concepts aux indices empiriques. In. R. Boudon et P. Lazarsfeld, (Ed.), Le vocabulaire des sciences sociales. Concepts et indices, Paris : Mouton, 27-36.
  • Marcel, J.-F. (2008). Les « nouveaux » professeurs de l’enseignement agricole. La « professionnalisation perçue » des six dernières promotions recrutées par concours externe. Rapport d’étude commandité par la Direction générale de l’enseignement et de la recherche du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche à l’École nationale de formation agronomique de Toulouse. 

09 mai 2013

Développement professionnel en enseignement en Angleterre

Référence
Pedder, D., Opfer, V. D., McCormick, R. et Storey, A. (2010). Schools and Continuing Professional Development in England- State of the Nation’research study : policy context, aims and design, The Curriculum Journal, 21(4), p. 365-394.
 Cadre théorique du développement professionnel
Contexte politique quant au développement professionnel en Angleterre :
L’Agence de formation et de développement des écoles (TDA : Training and Development Agency for Schools) a joué un rôle clé quant à la réforme en Angleterre, notamment quant au plan stratégique de 5 ans du  Department for Children, Schools and Families débuté en 2004. Plus particulièrement, le rôle de la TDA était de s’assurer de la qualité du développement professionnel offert, d’offrir ses recommandations quant au développement professionnel et de coordonner certains programmes de développement.
Le TDA a fait la promotion en Angleterre d’un développement professionnel continu conçu de façon centralisée (direction centrale) mais délivré localement (gestion locale).  La première stratégie nationale quant au développement professionnel des enseignants a été lancée en 2001 (DfEE, 2001). Le développement professionnel continu est alors perçu comme un mécanisme essentiel afin de mettre en place les stratégies nationales quant à la littératie et à la numératie.
En 2005, le TDA établit un cadre de référence national quant aux standards professionnels liés à l’enseignement (Professional standards for teaching) (TDA 2007a) qui définit les standards, attentes et compétences que chaque enseignant en Angleterre doit tenter de développer selon les différents stades de la carrière.
Un objectif majeur des différents gouvernements qui se sont succédé en Angleterre a  alors été de faire en sorte que les enseignants agissent en conformité avec l’agenda de réforme national. « This centralised approach raises questions about whether teachers are to be trusted to manage their own affairs and whether prescribing pedagogies and demanding compliance with official expectations is the best way to enhance the quality of pupils’ learning, and the teaching and professional learning of teachers that support it. » (p. 368).
Ainsi, les auteurs soulignent que cet accent mis sur le développement de la conformité chez les enseignants a réduit les possibilités de développer des pratiques de développement professionnel efficaces. En effet, selon le TDA et d’autres recherches (Cordingley et al. 2005a, 2005b; Pedder et al. 2005; Bolam and Weindling 2006; CUREE 2008), le développement professionnel efficace est collaboratif, centré sur la classe et basé sur les résultats de la recherche. Ce type de développement implique donc de laisser une certaine indépendance professionnelle à l’enseignant et de valoriser le développement de sa pensée critique, ce qui n’est pas le cas lorsque les politiques gouvernementales sont trop contraignantes et visent trop la conformité, en voulant imposer un agenda de réforme et des standards professionnels prédéterminés.
Malgré le caractère contrôlant des politiques gouvernementales en place, certains auteurs y trouvent des aspects positifs. Par exemple, Hargreaves (1994), reconnaît l’importance d’avoir des politiques et des pratiques intégrées afin d’optimiser à la fois le développement  professionnel et institutionnel. En effet, selon lui, le développement professionnel des enseignants est fortement lié au développement institutionnel, les deux types de développement s’inter-influençant.
Éléments méthodologiques
Les données présentées dans cet article proviennent d’une étude sur le développement professionnel en Angleterre : « Schools and Continuing Professional Development in England : State of a Nation ».
Objectifs de l’étude :
La présente étude, financée par le TDA, vise à mieux comprendre les pratiques existantes en matière de développement professionnel en Angleterre et à mieux orienter le développement futur. Les auteurs cherchent également à mieux comprendre les politiques gouvernementales en place et visant à promouvoir le  développement professionnel des enseignants ainsi que les conditions organisationnelles dans les écoles qui soutiennent le développement professionnel collaboratif, centré sur la classe et basé sur la recherche (Imants 2002; Bolam et al. 2005; Pedder 2006; Pedder and MacBeath 2008; Vescio et al. 2008).
Trois principaux thèmes sont analysés :
1) Les bénéfices, le statut et l’efficacité du développement professionnel continu.
2) La planification et l’organisation du développement professionnel continu.
3) L’accès au développement professionnel continu.
Les données proviennent à la fois d’une recension des écrits portant sur le développement et l’apprentissage professionnel des enseignants, d’une recherche qualitative et d’un questionnaire distribué à des enseignants du primaire et du secondaire (échantillon au niveau national, en Angleterre).
Revue de littérature : Recension des écrits de 2004 à 2008 portant sur le développement et l’apprentissage professionnel des enseignants en regard des deux premiers thèmes à l’étude (bénéfices, statut et efficacité du développement professionnel et planification et organisation du développement professionnel). Les chercheurs ont effectué cette revue de littérature en plusieurs étapes : définition de critères de sélection, recherche à partir des critères de sélection identifiés, sélection des items à conserver pour la recension et recension comme telle (réalisation de « cartes » de recension et analyse de ces différentes entrées).
Recherche qualitative : Recherche effectuée auprès de douze écoles (neuf écoles primaires et trois écoles secondaires). Les écoles ont été sélectionnées afin de représenter différents types (grosseur, localisation, secteur, etc.). Les données issues de cette recherche sont en lien avec les trois thèmes identifiés et permettent d’avoir un portrait de différentes perceptions et actions quant au développement professionnel, en lien avec différents contextes scolaires. Un portrait de chacune des 12 écoles est dressé par les auteurs (je n’ai pas jugé pertinent de le résumer ici).
Les données ont été récoltées à la fois par le biais d’entrevues, de focus group et de discussions. Des documents liés aux écoles ont également permis de compléter les données. Chaque école a été visitée pendant une ou deux journées pendant laquelle (ou lesquelles) les enseignants ont été interviewés et une rencontre de focus group a été réalisée réunissant 4 à 8 membres et  suivie d’une discussion. En tout, 65 enseignants ont été interviewés et 64 enseignants ont participé aux focus groups.
Questionnaire : Le questionnaire a été distribué à des enseignants du primaire et du secondaire, afin de représenter un échantillon au niveau national (en Angleterre). Il y avait un questionnaire pour les enseignants et un pour les leaders (pour les head teachers et autres membres ayant des responsabilités en termes de leaderships). En tout, 388 écoles ont été sélectionnées pour cette étude (329 au primaire et 59 au secondaire). Le taux de réponse a été de 39% (56% des écoles  secondaires et 36% des écoles primaires). Quoique faible et non généralisable statistiquement, ce taux de réponse est comparable à celui d’autres études portant sur le développement professionnel. En tout, 1126 enseignants et 251 leaders ont répondu au questionnaire.
Le questionnaire visait à obtenir des données quantitatives et portait sur les dimensions suivantes du développement professionnel : le rôle des croyances des enseignants quant au choix  et à l’impact du développement professionnel; les valeurs et les pratiques des enseignants quant au développement professionnel; le contenu, la durée et la forme du développement professionnel; les conditions de l’école pour supporter le développement professionnel; les barrières individuelles et institutionnelles quant à l’accès à  des activités de développement professionnel efficaces.
Le questionnaire comportait 4 sections :
A) Pratiques et valeurs quant à l’apprentissage professionnel.
B) Développement professionnel continu.
C) Systèmes et pratiques organisationnelles.
D) Portrait des enseignants (informations démographiques).
Les chercheurs ont effectué une analyse typologique des données du questionnaire afin d’identifier différents groupes d’enseignants ayant des valeurs et des pratiques similaires quant à l’apprentissage professionnel (en lien avec la section A du questionnaire) et ils ont procédé à une analyse similaire pour les réponses de la section C afin d’identifier différents groupes d’écoles en lien avec les systèmes et pratiques organisationnelles.
Les chercheurs ont également mis en commun les données qualitatives obtenues par observation (recherche qualitative dans les écoles) et l’analyse des données quantitatives obtenues par le biais des questionnaires.
Résultats
Dans le cadre de leurs analyses, les chercheurs ont développé et testé un modèle conceptuel de l’apprentissage professionnel chez les enseignants. Ce modèle inclut trois différents types d’influences qui agissent sur les pratiques d’apprentissage et d’enseignement des enseignants :
1) Influences individuelles de l’enseignant : les expériences antérieures, l’orientation et les croyances quant à l’apprentissage et la façon dont ces croyances viennent influencer la pratique de classe.
2) Influences au niveau de l’école : le contexte de l’école, le soutien offert quant à l’apprentissage et à l’enseignement, les orientations et croyances collectives quant à l’apprentissage, les pratiques et normes collectives au sein de l’école et la capacité collective à réaliser des objectifs d’apprentissage en commun.
3) Influences des activités et des pratiques d’apprentissage auxquelles les enseignants prennent part.
Selon les auteurs, ces trois influences agissent l’une sur l’autre afin d’orienter les pratiques d’apprentissage et d’enseignement des enseignants. « To understand and explain why and how teachers learn, we must consider how a teacher’s individual learning orientation interacts with the school-level learning orientation and how both of these orientations together impact the activities (and features of activities) in which teachers participate. » (p. 389)
Références citées
  • Department for Education and Employment (DfEE). 2001. Learning and teaching: A strategy for professional development. London: DfEE.
  • Bolam, R., A. McMahon, L. Stoll, S. Thomas, and M. Wallace. 2005. Creating and sustaining effective professional learning communities. DfES Research Report RR637. University of Bristol. http://www.dfes.gov.uk/research/data/uploadfiles/ RR637.pdf.
  • Bolam, R., and D. Weindling. 2006. Synthesis of research and evaluation projects concerned with capacity-building through teachers’ professional development. London: General Teaching Council for England.
  • Cordingley, P., M. Bell, D. Evans, and A. Firth (CPD Review Group). 2005a. The impact of collaborative CPD on classroom teaching and learning. Review: What do teacher impact data tell us about collaborative CPD? London: EPPI-Centre.
  • Cordingley, P., M. Bell, S. Thomason, and A. Firth (CPD Review Group). 2005b. The impact of collaborative CPD on classroom teaching and learning. Review: How do collaborative and sustained CPD and sustained but not collaborative CPD affect teaching and learning? London: EPPI-Centre.
  • CUREE (Centre for the Use of Research and Evidence in Education). 2008. Qualitative study of school-level strategies for teachers’ CPD. London: General Teaching Council for England.
  • Hargreaves, D.H. 1994. The new professionalism: The synthesis of professional and institutional development. Teaching and Teacher Education 10, no. 4: 423–38.
  • Imants, J. 2002. Restructuring schools as a context for teacher learning. International Journal of Educational Research 37, no. 8: 715–32.
  • Opfer, V.D., and D. Pedder. In press. The lost promise of teacher professional development in England. European Journal of Teacher Education.
  • Opfer, V.D., D. Pedder, and Z. Lavicza. In press a. The role of teachers’ orientations to learning in professional learning and change: A national study of teachers in England. Teaching and Teacher Education. DOI: 10.1016/j.tate.2010.09.014
  • Opfer, V.D., D. Pedder, and Z. Lavicza. In press b. The influence of school orientation to learning on teachers’ professional learning change. School Effectiveness and School Improvement.
  • Pedder, D. 2006. Organisational conditions that foster successful classroom promotion of learning how to learn. Research Papers in Education 21, no. 2: 171–200.
  • Pedder, D., M. James, and J. MacBeath. 2005. How teachers value and practise professional learning. Research Papers in Education 20, no. 3: 209–43.
  • Pedder, D., and J. MacBeath. 2008. Organisational learning approaches to school leadership and management: Teachers’ values and perceptions of practice. School Effectiveness and School Improvement 19, no. 2: 207–24.
  • TDA (Training and Development Agency for Schools). 2007a. Professional standards for teaching from September 2007. London: TDA.
  • Vescio, V., D. Ross, and A. Adams. 2008. A review of research on the impact of professional learning communities on teaching practice and student learning. Teaching and Teacher Education 24, no. 1: 80–91.

07 mai 2013

Développement professionnel et planification

Référence :

Frost, J. A., Akmal, T. T., et Kingrey, J. U. (2010). Planning teacher professional development: the struggles and successes of an inter-organizational collaboration, Professional Development in Education, 36(4). 581-595.

Concepts associés au développement professionnel :

Le développement professionnel est associé au concept de collaboration :
La collaboration est souvent perçue comme un moyen de favoriser le développement professionnel des enseignants, notamment par le biais de communautés d’apprentissage afin d’aider les enseignants à améliorer leur pratique (McLaughlin et Talbert, 2001; Cobb et al., 2003, Nelson et Slavit, 2007).
La collaboration entre les organisations (par exemple entre les écoles et les universités) est également souvent encouragée, voir même exigée lors de l’octroi de certaines subventions pour le développement professionnel.
« By working together, partners with different connections and perspectives are seen as having the potential to accomplish goals- such as broad educational reform- that the individual people or institutions could not achieve alone.”(p. 582).Lorsque les deux parties s’apportent des bénéfices mutuels, la psychologie organisationnelle parle d’avantage collaboratif (collaborative advantage) (Kanter, 1994; Huxham, 1996; Huxham et Vangen, 2000). Par contre,  lorsque ce n’est pas le cas, la collaboration peut mener à l’inertie (collaborative inertia).
Cette inertie peut provenir de plusieurs causes :
-          Enseignants résistants ou lents à participer à l’apprentissage réflexif, puisqu’habitués à travailler de manière isolée.
-          Groupes qui contribuent volontairement ou non à faire en sorte que les enseignants n’examinent pas leur pratique et n’apportent pas de changements quant à leurs croyances
-          Difficulté à établir un objectif commun compatible avec les buts de chacune des organisations impliquées
-          Difficulté à établir une confiance mutuelle entre les organisations
Le développement professionnel est associé au concept de changement :
Selon Fullan et Miles (1992), il existe deux niveaux de changements : changements de premier ordre (superficiels) et changement  de second ordre (culturel et systémique). Le second type implique une réflexion profonde et peut engendrer des difficultés, comme cela a été le cas dans l’exemple présenté dans ce texte.

Éléments méthodologiques :

Dans le cadre de cette étude qualitative, les auteurs ont analysé l’expérience d’un groupe inter-organisationnel de développement professionnel en mathématiques. La psychologie organisationnelle a été utilisée afin d’analyser les défis rencontrés et l’évolution du groupe à travers le temps. Le groupe collaboratif réunissait 8 membres, soit des enseignants du secondaire et du post-secondaire, de River City, une ville du Nord-Ouest des États-Unis, ainsi que des représentants du district scolaire et de deux universités. L’objectif du groupe était d’apprendre comment mieux soutenir les élèves lors de la transition des cours de mathématiques de l’école secondaire vers les cours du post-secondaire. Les trois auteurs sont à la fois participants et chercheurs (observateurs) dans le cadre de ce groupe. Les données analysées comprennent : journal rétrospectif des trois auteurs, documents écrits reliés au projet et entrevue avec les autres membres du groupe à la fin de l’année.

Résultats :

Le groupe collaboratif s’est avéré une expérience positive mais il y a eu plusieurs difficultés rencontrées en cours de route.
Attentes quant au rôle :
Les efforts inter-organisationnels peuvent être affectés par l’ambigüité des rôles des différents acteurs. Notamment, trois des membres à l’origine du groupe croyaient qu’ils auraient un rôle de leaders à adopter et ont donc été surpris quant certains autres membres ont pris en charge ce rôle. Une autre participante souligne qu’elle aurait préféré agir seulement à titre d’observatrice au sein du groupe mais que sa direction l’a incitée à participer plus activement. Elle ne se sentait pas appuyée car elle manquait de temps pour jouer ce rôle et certains membres du groupe critiquaient son travail.
La littérature scientifique souligne qu’une des premières préoccupations lors de la formation d’un groupe collaboratif est le rôle que chacun des membres doit jouer (Schein, 2004). « According to organizational researchers, these types of confusion about roles can occur in situations in which members of a group hold overlapping or conflicting goals (Rizzo et al., 1970; Reese & Sontag, 2001), little group socialization has occurred (Reese & Sontag, 2001; Jaskyte, 2005) and members do not feel their strengths are valued (Jaskyte, 2005). »
Dans le présent groupe, les membres ont eu peu de temps avant la première session de travail pour discuter au préalable de leurs objectifs et de leurs rôles et développer une vision commune. Une telle ambigüité quant au rôle à jouer par les membres peut engendrer insatisfaction, manque de soutien et manque d’investissement au sein du groupe (Ilgen & Hollenbeck,1991; Yun et al., 2007), voire même la décision de quitter le groupe (Ilgen & Hollenbeck, 1991; Jehn, 1997). En outre, si les rôles sont ambigus, l’efficacité du groupe est compromise et des tensions se créent entre les membres. Les recherches sur l’investissement quant à l’emploi soulignent que l’individu est davantage porté à s’investir s’il a une certaine autonomie, qu’il comprend son rôle et qu’il est satisfait de son travail. Dans le cas du groupe collaboratif, certains membres ont été portés à se désinvestir. Par exemple, un des membres a arrêté d’assister aux sessions de travail), parce qu’il n’avait pas l’impression d’être utile pour le groupe.
Attentes quant au processus :
Au départ, les différents membres du groupe n’avaient pas la même vision quant au travail à réaliser. Par exemple, Kate (une des membres) voyaient le groupe comme un forum pour les enseignants afin de construire des relations d’apprentissage collaboratives et de miser sur le développement professionnel, alors que John (un autre membre), voulait que le groupe prenne de l’expansion et devienne un modèle de collaboration entre partenaires du secondaire, du collégial et de l’université. Ainsi, dans ce groupe collaboratif, les membres ont eu de la difficulté à établir un objectif commun, notamment en raison des différences entres les cultures organisationnelles, ce qui peut amener, selon la littérature scientifique, à une inertie collaborative (Huxham & Vangen, 2000; Reese & Sontag, 2001). Afin de surmonter cette difficulté, il est essentiel que les membres fassent un effort conjoint afin de comprendre, de reconnaître et de respecter les perspectives et la culture organisationnelle d’autrui, et d’intégrer ces différentes perceptions au sein d’une nouvelle perspective collaborative. Il s’agit de faire en sorte de développer un langage commun et une vision commune du travail à réaliser.
« If the group finds a way to value the varying skills and perspectives of the members, particularly through discussions that explore the different viewpoints, the diversity of the group can lead to more productive and original outcomes than that of groups with more homogeneity (Arnason & Schweiger, 1997). »
Résultats du groupe :
Au fil du temps, le groupe est parvenu à une meilleure cohésion. Même si des différences subsistent quant aux perceptions des membres rattachés au secondaire ou au collégial, on note une augmentation de la confiance mutuelle, une meilleure compréhension de la perspective d’autrui et une plus grande satisfaction des membres.  Néanmoins, John (un des participants), a une vision moins positive des résultats du groupe en indiquant que, même si c’est une première étape intéressante quant au développement de la collaboration inter-organisationnelle, il aurait souhaité que le groupe prenne de l’expansion et s’agrandisse, ce qui n’a pas été le cas.
Les chercheurs concluent en indiquant que les difficultés vécues par le groupe auraient pu être évitées si le groupe avait pris le temps au préalable d’explorer les différentes perspectives, de reconnaître les forces et de clarifier les rôles de chacun  (Rizzo et al., 1970; Jaskyte, 2005). Néanmoins, selon les recherches portant sur les difficultés d’effectuer des changements systémiques (Fullan et Miles, 1992) et sur l’importance de l’inertie collaborative (Huxham, 1996; Huxham & Vangen, 2000; Vangen & Huxham, 2003),  le processus aurait tout de même été difficile pour les enseignants. Il est donc important d’informer dès le départ les membres d’un groupe inter-organisationnel quant aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer et de leur offrir suffisamment de temps pour qu’ils puissent régler ces difficultés au fur et à mesure qu’elles apparaissent. En effet, la confiance et la vision commune sont des éléments qui se développent au fil du temps.
Ainsi, cette étude révèle l’importance de « planifier la planification », c’est-à-dire de prendre du temps, au début du processus, afin d’articuler les perspectives de chacun des membres et de développer une vision commune quant au travail à réaliser.

Références citées :

  • Arnason, A. C. & Schweiger, D. M. (1997) The effects of conflict on strategic decision making, effectiveness, and organizational performance, in: C. K. W. De Dreu & E. Van de Vliert (Eds) Using conflict in organizations (Thousand Oaks, CA, Sage), 101–115.
  • Cobb, P., McClain, K., Lamberg, T. dS. & Dean, C. (2003) Situating teachers’ instructional practices in the institutional setting of the school and district, Educational Researcher, 32(6), 13–24.
  • Fullan, M. & Miles, M. B. (1992) Getting reform right: What works and what doesn’t, Phi Delta Kappan, 73(10), 744–752.
  • Huxham, C. (1996) Advantage or inertia? Making collaboration work, in: R. Paton, G. Clark, G. Jones, J. Lewis & P. Quintas (Eds) The new management reader (New York, Routledge), 238–254.
  • Huxham, C. & Vangen, S. (2000) Ambiguity, complexity, and dynamics in the membership of collaboration, Human Relations, 53(6), 771–806.
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