22 février 2016

QUESTIONS D’ÉCHANTILLONNAGE EN RECHERCHE COMPRÉHENSIVE


Une démarche « scientifiquement valide » ne peut être définie dans l’absolu, en faisant abstraction des postulats et des cadres épistémologiques partagés par une communauté scientifique. Ainsi, une démarche scientifiquement valide en recherche compréhensive est celle qui étudie un objet à partir :
du point de vue de l’acteur; 
qui considère l’objet d’étude dans sa complexité; 
qui tente de donner sens à un phénomène;  
en tenant compte du jeu des interactions. 
On comprend alors que la fonction de la méthodologie n’est pas de dicter des règles absolues de savoir-faire, mais surtout d'aider le chercheur à réfléchir pour adapter ses méthodes, les modalités d’échantillonnage et la nature des données à l’objet étudié.
L’échantillon désigne une petite quantité d’une population qui permet d’étudier certains aspects généraux dans le cadre d’une recherche. L’idée de l’échantillon est intimement liée à l’idée de la transférabilité des connaissances produites dans le cadre de la recherche.
L’échantillonnage constitue, pour sa part, l’ensemble des décisions sous-jacentes au choix de l’échantillon
On peut distinguer deux actions – lesquelles sont intimement liées – par lesquelles un chercheur décide quand il échantillonne : l’action de sélectionner et l’action d’échantillonner comme tel.
Un échantillonnage scientifiquement valide?
·        Le processus d’échantillonnage peut être vu comme une opération par laquelle le chercheur décide d’abord de la pertinence de travailler sur un cas unique (acteur, lieu, événement) ou à partir de cas multiples.
·   Pour le choix du cas unique, les critères de la pertinence théorique, la qualité intrinsèque et l’exemplarité du cas, sa valeur heuristique, son intérêt social et son accessibilité.
·   Dans la situation de cas multiples, deux enjeux sont poursuivis : celui de la diversification et celui de la saturation
La constitution de l’échantillon peut être définie en tant qu’opération stratégique, évolutive. En ce cas, il y aura différents types d’échantillon en prenant pour critère de classification les moments de l’étude :
·  Un premier ensemble de types d’échantillons renvoie à ceux qui sont faits au début d’une étude. Les buts poursuivis par ces formes d’échantillon visent la recherche de représentativité des points de vue ou la volonté d'effectuer des comparaisons.
·  Le deuxième moment est celui de l’échantillonnage effectué pendant l’étude. Cette deuxième position renvoie à la volonté du chercheur de vérifier ses interprétations naissantes.
D’autres critères peuvent entrer en ligne de compte pour échantillonner :

- l’intention du chercheur face aux cas à étudier (recherche de cas extrême ou homogène) visant une comparaison;
- construction théorique qui rend opérationnel l’objet d’étude et justifie, théoriquement parlant, l’échantillon (ensemble de critères, de balises théoriques qui permettent d’étayer le choix);
- groupe de critères est d’ordre logistique (l’accessibilité, la facilité d'entrée, le calendrier, les échéances, la disponibilité, les coûts).

Au fond, tout échantillonnage tente de répondre aux questions suivantes :
-       Qui approcher ?
-       Quels sont les buts visés?
-       Quelles considérations sont à prendre en compte?
-       Quel est le cadre méthodologique?

Qui approcher :
Le caractère intentionnel du processus d’échantillonnage de la recherche compréhensive met le chercheur en position de vouloir approcher « l’acteur social compétent ». On peut par exemple choisir «l’acteur social compétent» sur la base de sa réputation.
Quels sont les buts visés :
Élaborer un échantillon est un travail stratégique. Si son échantillon est homogène, le chercheur pourra, lors de la discussion des résultats, dégager une compréhension riche pour un groupe donné d’individus…mais pour ce groupe là seulement. Si son échantillon est contrasté, la discussion impliquera nécessairement une comparaison.
Quelles sont les considérations à prendre en compte :
En recherche compréhensive la question du nombre ne se pose pas comme en recherche quantitative. Le nombre importe moins que la pertinence des participants et la qualité de la relation établie avec eux. On doit aussi prendre en compte la question des intervalles temps. Il peut s’avérer utile voire nécessaire d’échantillonner des moments de collecte de données. Enfin, il est parfois opportun d’échantillonner des types d'activités.
Le cadre méthodologique :
Dans le processus d’échantillonnage en recherche compréhensive, il est important que tenir compte du cadre méthodologique adopté. À titre d’exemple :
La théorie ancrée
On utilise ici la notion d’échantillonnage théorique. Il s’agit du processus de collecte de données en vue de la formulation d’une théorie. Le chercheur mène simultanément les opérations de collecte, de codification et d’analyse dans le but de décider de l’orientation à donner à la collecte des données et pour guider la formulation de la théorie émergente. Le mécanisme de comparaison constante est essentiel pour comprendre l’échantillonnage théorique. Le chercheur tente, par ce mécanisme, de recueillir des données auprès de groupes plus ou moins différents dans le but de vérifier ses hypothèses d’interprétation.
L’ethnométhodologie
L’ethnométhodologie porte attention aux mécanismes subtils, constitutifs des interactions entre les personnes. Ces mécanismes sont à l’oeuvre dans la vie quotidienne et ils font en sorte que le tissu social et culturel fonctionne ou est en rupture (lorsque les codes habituels de comportement et d’interaction sont perturbés). Au plan de l’échantillonnage, l’ethnométhodologie va donc chercher à observer des comportements, des actions, des interactions qui sont « dans le code », c’est-à-dire conformes aux attentes implicites de l’autre, compétent dans cette culture, ou « en rupture » avec les attentes habituelles. Le processus d’échantillonnage se fera ainsi à partir d’un certain répertoire de comportements suscitant des interactions ou à partir de l’expression de pratiques à l’intérieur desquelles on analyse l’incident critique, révélateur du code/ des codes.
L’ethnographie
L’objet de l’étude de l’ethnographie est la culture telle que certains groupes ou sous-groupes la vivent. On voit apparaître dans la définition de l’ethnographie deux contraintes en regard du processus d’échantillonnage. La première est celle d’accéder à un milieu où la culture que l’on cherche à étudier est présente. La seconde est celle de trouver un/ des « informateurs » au sens ethnographique du terme. La recherche des « informateurs » se ferait alors selon des critères de familiarité que la personne possède avec son groupe d'appartenance, de sa capacité de prendre une distance face à son propre milieu et de son désir de rendre cette connaissance intelligible pour un « étranger », le chercheur en l’occurrence.
La phénoménologie
L’objet d’étude de la phénoménologie est de dégager l’essence d’un phénomène tel que certains individus l’ont vécu. Il s’agit de révéler à la conscience (dans le sens d’intelligibilité) l’expérience vécue. La question qui s’avère centrale lors du processus d’échantillonnage est « comment puis-je m’assurer que les personnes choisies ont une expérience vécue du phénomène étudié? » et les questions associées peuvent être liées à la diversité de l’expérience (type, degré, contexte).


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